La montre

Il est temps de par­tir. Des courses à faire. Ou un cou­sin à visi­ter ? Peut-être les deux. Ou un ami au café. 

Allez, je suis parti ! 

Tiens, où sont les clés de la voiture ? 

Ou, peut-être, le télé­phone sonne-t-il au moment de sor­tir ? Une conver­sa­tion qui s’engage et se pro­longe ? Ou peut-être est-ce une erreur ? Non, je ne veux pas chan­ger de plan tari­faire, ça ne m’intéresse pas. 

L’horloge du four retarde-t-elle ? Ou est-elle à l’avance ? Com­ment savoir si l’on part à temps ? 

Il vaut mieux par­tir trop tôt, je déteste faire attendre

Ou au contraire, le quart d’heure aca­dé­mique est-il fait pour s’en servir ? 

Je déteste attendre. 

Tiens, une noti­fi­ca­tion Face­book, encore cet imbé­cile de Julien qui fait des com­men­taires ineptes sous mes photos ! 

Pas la peine de lui répondre. 

Et puis non ! Tant pis si je suis en retard, cette fois, je vais te dire ma façon de penser. 

La lumière est-elle bien éteinte dans le salon ? 

C’est un grand mys­tère que celui des chiens qui demandent de l’eau au moment où on sort de la maison. 

Encore un peu et j’oubliais mon portefeuille. 

Comme disait ma mère : « quand on n’a pas de tête, il faut des jambes », je suis bon pour retour­ner le cher­cher à la maison. 

C’est comme ça qu’on se met en retard. Heu­reu­se­ment, il reste de la marge. 

Les voi­sins qui sortent sys­té­ma­ti­que­ment quand ils nous voient nous diri­ger vers la voi­ture sont déci­dé­ment des plaies. Je vais finir par être à la bourre ! 

Il fau­dra por­ter la voi­ture à l’entretien.

J’appelle main­te­nant, ça ne prend que cinq minutes… 

Tant pis, il sera encore temps de le faire demain. 

La route, les virages bien connus, la des­cente, la montre sur le tableau de bord… 

Juste à temps, tout va bien. 

La mort n’aime pas qu’on manque ses rendez-vous.

Christophe Mincke

Auteur

Christophe Mincke est codirecteur de La Revue nouvelle, directeur du département de criminologie de l’Institut national de criminalistique et de criminologie et professeur à l’Université Saint-Louis à Bruxelles. Il a étudié le droit et la sociologie et s’est intéressé, à titre scientifique, au ministère public, à la médiation pénale et, aujourd’hui, à la mobilité et à ses rapports avec la prison. Au travers de ses travaux récents, il interroge notre rapport collectif au changement et la frénésie de notre époque.

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