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Le travail culturel en crise

Numéro 5 – 2020 - artistes crise culture précarité statut artiste par Renaud Maes

juillet 2020

« No culture no future ! »: ce cri d’alarme sert de slo­gan à une cam­pagne lan­cée le 5 mai par les fédé­ra­tions pro­fes­sion­nelles du sec­teur cultu­rel, qui a défer­lé sur les réseaux sociaux et a été lar­ge­ment com­men­tée dans les médias tra­di­tion­nels. Le 18 juin, en séance plé­nière de la Chambre, quatre par­tis fla­mands, le CD&V, l’OpenVLD, la N‑VA et le […]

Éditorial

« No culture no future ! »: ce cri d’alarme sert de slo­gan à une cam­pagne lan­cée le 5 mai par les fédé­ra­tions pro­fes­sion­nelles du sec­teur cultu­rel, qui a défer­lé sur les réseaux sociaux et a été lar­ge­ment com­men­tée dans les médias traditionnels.

Le 18 juin, en séance plé­nière de la Chambre, quatre par­tis fla­mands, le CD&V, l’OpenVLD, la N‑VA et le Vlaams Belang, ren­voyaient vers une pro­cé­dure longue des pro­po­si­tions de sou­tien en urgence aux tra­vailleurs cultu­rels dépo­sées par le PS, Éco­lo et Défi, sou­te­nus par les autres par­tis. Ce ren­voi est une manœuvre dila­toire tout à fait expli­cite et elle sonne comme une forme de réponse : no future, it is.

Com­ment une telle situa­tion peut-elle adve­nir ? Au-delà du cli­ché des « Fla­mands fas­cistes qui sont for­cé­ment contre la culture », abon­dam­ment relayé sur les réseaux sociaux, qui n’avance à rien et per­met juste à cer­tains édiles fran­co­phones de se construire bien faci­le­ment une ver­tu, il est indis­pen­sable de ques­tion­ner le rap­port que nous avons au « tra­vail cultu­rel » pour com­prendre ce qu’il advient dans cette crise.

L’image immé­diate qui nous vient, lorsqu’on évoque « la culture », c’est le pro­duit cultu­rel : un film, un mor­ceau de musique, un tableau, une pho­to, une sta­tue… Ce n’est qu’ensuite que se pose la ques­tion de l’origine dudit pro­duit, de la manière dont il a été conçu, du tra­vail qui a été néces­saire pour le pro­duire. Et cette dis­so­cia­tion du pro­duit cultu­rel du tra­vail de pro­duc­tion cultu­relle nous per­met fina­le­ment de croire que la culture serait de l’ordre du trans­cen­dant et, donc, ne pou­vant être mise à mal par une crise aus­si concrète qu’une pandémie.

L’œuvre et le travail

Cette dicho­to­mi­sa­tion est pro­fon­dé­ment ins­crite dans l’héritage chré­tien, elle trouve sa source dans la dis­tinc­tion clas­sique entre techne et epis­teme qui se décline dès le IXe siècle en labor et opus dei1, dont les règles monas­tiques pré­voient qu’il faut les équi­li­brer2 : le labor, le tra­vail dur, qui rap­pelle la condi­tion humaine, com­plète l’opus dei, le tra­vail intel­lec­tuel qui élève vers Dieu. Au cours du XIVe siècle, le tra­vail de trans­crip­tion, d’enluminure, de reliure… des manus­crits est assi­mi­lé au tra­vail litur­gique, si bien que pro­gres­si­ve­ment, tout tra­vail créa­tif finit par être com­pris dans la caté­go­rie opus3 — ce qui est d’autant plus facile que ce tra­vail pro­duit un objet, un opus. « L’ouvrage » est ce qui per­met de tou­cher Dieu et fina­le­ment les œuvres sont une forme d’incarnation divine4. Si l’on recon­nait le savoir-faire d’un « tra­vailleur cultu­rel », c’est par sa tech­nique qui trans­pa­rait dans l’objet qu’il pro­duit et non par sa créa­tion en elle-même, vu que ses idées (et donc ses thèmes) ne lui appar­tiennent pas, ils appar­tiennent à Dieu. L’artiste n’est qu’un arti­san qui a pour spé­ci­fi­ci­té de pou­voir pro­duire des objets qui touchent à la spi­ri­tua­li­té. On peut com­prendre dès lors qu’après l’invention de l’imprimerie, c’est avant tout la rému­né­ra­tion du tra­vail tech­nique de l’imprimeur qui sera une pré­oc­cu­pa­tion. L’auteur sera d’autant plus secon­daire que la thèse de Luther consi­dé­rant que comme les idées viennent de Dieu, elles doivent appar­te­nir à tout le monde et l’auteur ne peut être rému­né­ré pour elles, se répand dans toute l’Europe en même temps que ses écrits5.

L’émergence de la figure de l’auteur au cours du XVIIIe siècle, dans le but pre­mier de pou­voir tra­duire l’auteur en jus­tice puisqu’il devient « res­pon­sable de ses écrits6 » et sa trans­for­ma­tion en « auteur-entre­pre­neur » au cours du XIXe[Edel­man B., Le sacre de l’auteur, Le Seuil, 2004.]] ont per­mis d’affirmer un rôle spé­ci­fique de l’auteur par rap­port à l’œuvre. Mais ce rôle reste lié au « génie », au « talent », au « don et à la pas­sion » d’un indi­vi­du, notions qui dés­in­carnent le tra­vail d’écriture. La défense du droit d’auteur, qui est lié au pro­duit final, si elle a per­mis une auto­no­mi­sa­tion finan­cière majeure des auteurs au cours de ces deux siècles, a ren­for­cé encore l’invisibilisation du tra­vail en amont du produit.

En consé­quence, la ten­sion entre deux concep­tions de l’auteur7, l’auteur comme pro­prié­taire génial d’une œuvre, héri­tage de l’émancipation libé­rale, et l’auteur comme tra­vailleur, repré­sen­ta­tion ren­for­cée par la volon­té de refon­der les pra­tiques artis­tiques dans le cadre de la mon­tée en puis­sance du socia­lisme au début du XXe siècle, demeure aujourd’hui encore très vive, ce qui amène d’ailleurs de nom­breux mal­en­ten­dus lorsqu’il s’agit de trai­ter des réa­li­tés des tra­vailleurs cultu­rels, les­quelles sont sys­té­ma­ti­que­ment le résul­tat d’une hybri­da­tion des deux modèles. Ain­si, il n’est pas rare de lire des décla­ra­tions de poli­ti­ciens qui fan­tasment autour des droits d’auteur, refu­sant tout assou­plis­se­ment du soi-disant « sta­tut d’artiste » en agi­tant le risque (fic­tif) que des artistes « pro­fitent » en tant que travailleuses·eurs des lar­gesses du chô­mage en le cumu­lant avec les reve­nus immenses géné­rés par leur pro­prié­té intellectuelle.

De l’absence de redistribution au détournement du chômage

Il faut noter que le sec­teur cultu­rel repré­sente entre 3 et 5% du PIB belge (4,2% à l’échelle euro­péenne) et près de 5% du volume total d’emplois en Bel­gique (tous types confon­dus)8. Ce sec­teur pro­duit donc une part non négli­geable de richesses. Mais ce qui le carac­té­rise, c’est une hyper­con­cen­tra­tion de celles-ci entre un très petit nombre d’acteurs, qui sont sur­tout les pro­prié­taires des outils de la « logis­tique cultu­relle » (dis­tri­bu­teurs, dif­fu­seurs, gros pro­duc­teurs) ce qui en fait d’ailleurs les héri­tiers des impri­meurs-libraires du XVIIIe siècle. Plus on se rap­proche de « l’amont » de la consom­ma­tion du pro­duit cultu­rel, moins la valeur pro­duite est redis­tri­buée, plus les tra­vailleuses et tra­vailleurs sont pré­caires. Les créa­trices et créa­teurs sont ain­si celles et ceux qui béné­fi­cient le moins de la créa­tion de richesses, alors qu’iels sont le pre­mier maillon indis­pen­sable de la chaine de production.

Le « ruis­sè­le­ment » n’étant mani­fes­te­ment pas suf­fi­sant pour per­mettre la sur­vie des créa­teurs et créa­trices, les pou­voirs publics ont struc­tu­ré des aides qui ont pro­gres­si­ve­ment pris le pas sur le mécé­nat, au cours du XIXe et du XXe siècle. Or, en Bel­gique, depuis la com­mu­nau­ta­ri­sa­tion et les plans dras­tiques d’économie dont elle fut l’un des outils, le sec­teur cultu­rel a connu une fonte remar­quable de sa dota­tion publique. Ceci a mené, en 1999, à ce que les par­tis fran­co­phones incluent la ques­tion du « sta­tut d’artiste » dans leurs cam­pagnes élec­to­rales. L’accord de gou­ver­ne­ment fédé­ral « arc-en-ciel » a pré­vu la créa­tion d’un véri­table sta­tut et mis sur pied un groupe de tra­vail et une enquête, pilo­tée par le juriste André Nayer. En 2001, le géant a accou­ché d’une sou­ris sous forme d’une modi­fi­ca­tion de la légis­la­tion du chô­mage per­met­tant une « déro­ga­tion » pour les artistes limi­tant les obli­ga­tions de poin­tage et de recherche d’emploi, confir­mée dans la loi pro­gramme du 24 décembre 2002 qui éta­blit une « pré­somp­tion de sala­riat » et par là d’assujettissement des artistes au régime de la sécu­ri­té sociale des tra­vailleurs sala­riés. Cette déro­ga­tion a été par la suite conso­li­dée, le soi-disant « sta­tut » d’artiste à la belge étant donc une pos­si­bi­li­té d’éviter essen­tiel­le­ment la dégres­si­vi­té des allo­ca­tions durant les périodes de chô­mage, contre la démons­tra­tion d’une acti­vi­té artis­tique régulière.

La Com­mu­nau­té fran­çaise a tiré par­ti de ces modi­fi­ca­tions de la légis­la­tion fédé­rale en s’appuyant de manière crois­sante sur ce soi-disant « sta­tut ». Concrè­te­ment, ses bourses et prix ont pro­gres­si­ve­ment pris la forme de mon­tants n’intégrant pas les coti­sa­tions sociales et lar­ge­ment insuf­fi­sants pour cou­vrir l’entièreté du tra­vail de pro­duc­tion cultu­relle. De plus, mal­gré plu­sieurs enga­ge­ments pris en ce sens depuis 2004, aucun cadastre de l’emploi artis­tique n’a été réa­li­sé, si bien que l’impact réel des sub­sides des ins­ti­tu­tions sur l’emploi des artistes et sin­gu­liè­re­ment des créa­trices et créa­teurs est abso­lu­ment mécon­nu. Fina­le­ment, comme le pointent très jus­te­ment les autrices et auteurs de docu­men­taires qui ont témoi­gné dans le cadre de l’enquête « Un métier de nan­tis » menée par Pao­la Sté­venne au sein de la Scam, toutes les struc­tures de finan­ce­ment des créatrices·teurs (mais aus­si des inter­prètes) partent du prin­cipe que le chô­mage sert à cou­vrir des périodes de tra­vail : par exemple, les temps de repé­rage, d’imprégnation, d’écriture des dos­siers de can­di­da­tures, mais aus­si en aval de la pro­duc­tion, toute la pro­mo­tion des œuvres (confé­rences, dédi­caces, pro­jec­tions, etc.). En d’autres termes, la poli­tique cultu­relle de la Fédé­ra­tion Wal­lo­nie-Bruxelles se fonde sur un détour­ne­ment de la fonc­tion du chô­mage. Ce fai­sant, elle fra­gi­lise dra­ma­ti­que­ment les artistes qui se retrouvent for­cés à « frau­der », puisqu’iels tra­vaillent effec­ti­ve­ment durant des périodes où iels sont censé·e·s « cher­cher de l’emploi ».

Une situation de précarité croissante

Le ren­for­ce­ment du contrôle des chô­meurs dans le cadre du déploie­ment de l’état social actif a aus­si eu ses consé­quences sur les artistes « au sta­tut », qui sont de manière crois­sante som­més de se jus­ti­fier de leurs périodes d’inactivité. Ils sont de la sorte pris dans un jeu de dupe entre les niveaux de pou­voir, la com­mu­nau­té les for­çant à tra­vailler durant leurs jours de chô­mage et le fédé­ral consi­dé­rant ce tra­vail comme une infrac­tion à l’obligation de recherche active d’emploi. Plus encore, les « accom­pa­gna­teurs » char­gés du contrôle sont mani­fes­te­ment bien peu au fait du fonc­tion­ne­ment de l’activité cultu­relle : par exemple, de nombreux·ses comédien·ne·s témoignent de menaces de sanc­tion voire de sus­pen­sion du chô­mage pour n’avoir pas cher­ché un emploi « suf­fi­sam­ment acti­ve­ment » entre deux sai­sons théâ­trales, alors que par ailleurs iels étaient déjà assuré·e·s de pres­ta­tions pour plu­sieurs sai­sons futures.

Il faut ajou­ter à ce tableau le fait que, d’une part, l’allocation moyenne des artistes « au sta­tut » n’est que de 800 euros et que, d’autre part, de plus en plus d’institutions ont recours à des modes de paie­ment qui trans­forment du salaire en droit d’auteur pour évi­ter les coti­sa­tions patro­nales ou pro­fitent à outrance du « régime des petites indem­ni­tés », ini­tia­le­ment pen­sé pour défrayer des artistes dilet­tantes de pres­ta­tions occa­sion­nelles. Le résul­tat est une situa­tion de pré­ca­ri­té crois­sante de l’ensemble des tra­vailleurs et tra­vailleuses culturel·le·s (des artistes inter­prètes et créatrices·teurs, mais aus­si des technicien·ne·s), dans un sec­teur qui pour­tant demeure glo­ba­le­ment en crois­sance et pro­duit de plus en plus de richesses.

L’entrée en jeu des nou­velles pla­te­formes de dif­fu­sion numé­rique a aggra­vé encore la situa­tion, en ayant un impact direct, et néga­tif, sur les reve­nus tirés par les autrices et auteurs de la dif­fu­sion des œuvres : la puis­sance de ces mul­ti­na­tio­nales est, en effet, telle qu’il est extrê­me­ment dif­fi­cile pour les artistes de faire valoir leurs droits en se réfu­giant der­rière la légis­la­tion de leur pays. Ces macro-acteurs uti­lisent de plus leurs implan­ta­tions mul­tiples pour faire jouer une concur­rence des légis­la­tions natio­nales, maxi­mi­sant leurs pro­fits en har­mo­ni­sant vers le bas les reve­nus ver­sés aux artistes, aux autrices et auteurs, ain­si que les condi­tions de pro­duc­tion et d’exploitation des œuvres.

Pour une véritable politique du travail culturel

Dans ce contexte, la crise de la Covid-19 n’a été que le révé­la­teur de l’effritement du champ cultu­rel au tra­vers de la pré­ca­ri­sa­tion pro­gres­sive de ses travailleur·se·s, de la baisse des sub­ven­tions publiques et du ren­for­ce­ment de la concen­tra­tion des richesses sur quelques acteurs qui pos­sèdent essen­tiel­le­ment les moyens de dif­fu­sion. On a sim­ple­ment vu ce que les fêtes à paillettes, comme les Magritte du Ciné­ma, triste céré­mo­nie met­tant en vitrine des artistes chaque année plus pré­caires face à quelques « stars » char­gées de leur remettre les prix, le tout étant sur­tout l’occasion de réunir le gra­tin poli­tique et les grands patrons des indus­tries cultu­relles et l’exhibition des « grands artistes » lors des évè­ne­ments mon­dains cache d’ordinaire : un sec­teur cultu­rel en cours d’effondrement.

Dans ce cadre, le « plan de ges­tion de crise » consis­tant à aller en urgence cher­cher un peu plus de moyens via le bud­get du chô­mage parait fina­le­ment assez minable. Bien sûr, pour les tra­vailleuses et tra­vailleurs culturel·le·s concerné·e·s, ces mesures tem­po­raires appa­raissent comme une bouée de sau­ve­tage. Elles visent, d’une part, à per­mettre l’accès d’une série d’artistes qui ne sont pas (encore) au sta­tut à un chô­mage tem­po­raire et, d’autre part, à auto­ri­ser le cumul des droits d’auteur (qui ne dépassent pas 500 euros par an pour une très large majo­ri­té d’auteurs) et du chô­mage (rap­pe­lons-le, 800 euros en moyenne). Mais face à l’ampleur des besoins, on ne peut se conten­ter d’une réponse ponc­tuelle (et mini­male) à l’urgence.

Le défi est énorme et engage bien plus que le sec­teur cultu­rel : les artistes sont les cobayes d’un mode d’organisation du tra­vail qui, à terme, pour­rait concer­ner toutes les pro­fes­sions intel­lec­tuelles. À l’occasion de cette crise, les consé­quences de cette orga­ni­sa­tion en termes d’insécurité d’existence sont deve­nues com­plè­te­ment évi­dentes. Plus que jamais, ne pas agir avec force signi­fie nor­ma­li­ser cette orga­ni­sa­tion et ce fai­sant, ouvrir de nou­velles brèches dans la pro­tec­tion des travailleurs.

Mais pour qu’une action poli­tique puisse réel­le­ment être menée, il fau­dra for­cé­ment com­men­cer par recon­naitre le tra­vail cultu­rel dans sa spé­ci­fi­ci­té, ce qui signi­fie, d’une part, quit­ter le mythe des génies et de l’inspiration ins­tan­ta­née, des « talents hors normes », pour consi­dé­rer tout le « bri­co­lage » (les répé­ti­tions, les essais-erreurs, les heures de tra­vail tech­nique) et, d’autre part, arrê­ter de pen­ser pro­duit cultu­rel avant de pen­ser à la pro­duc­tion cultu­relle. Bien sûr, cela signi­fie démy­thi­fier quelque peu le tra­vail cultu­rel, lui faire quit­ter la sphère du divin pour le rame­ner à sa dimen­sion humaine… ce qui pour­rait contri­buer à le démocratiser.

L’enjeu de la démo­cra­ti­sa­tion du tra­vail cultu­rel, ou à tout le moins de la démo­cra­ti­sa­tion du rap­port créa­tif au tra­vail, dont le tra­vail cultu­rel est un exemple, n’est pas du tout ano­din. C’est ce que montre bien un argu­ment uti­li­sé par cer­tains poli­tiques pour consi­dé­rer que les artistes peuvent bien se sacri­fier : « iels font quand même ce qu’iels veulent » et cela, « c’est un luxe qui n’est pas don­né à tout le monde ». Cet argu­ment est reve­nu plu­sieurs fois notam­ment sur les pages Face­book de par­le­men­taires fla­mands oppo­sés à l’aide d’urgence aux artistes. Or on peut le lire à rebours : pour ces poli­tiques, la nor­ma­li­té serait donc de ne pas aimer son tra­vail, d’exécuter un tra­vail qui serait contraire à notre volon­té. Bref, le tra­vail cultu­rel les dérange sur­tout parce qu’il n’est pas assez alié­né. Ce qui se joue ici, c’est donc rien de moins que de défendre un pro­jet d’émancipation du tra­vail face à ceux qui veulent obte­nir son alié­na­tion complète.

  1. Notre pré­sen­ta­tion est ici très sché­ma­tique, il y a en réa­li­té un nombre bien plus impor­tant de caté­go­ries qui se spé­cia­lisent tout au long du Moyen-Âge.
  2. Knapp E., « Poe­tic Work And Scri­bal Labor », dans K. Robert­son et M. Uebel, The Middle Ages at Work, Prac­ti­cing Labor in Late Medie­val England, Pal­grave-McMil­lan, 2004, p. 209 – 228, p. 209 – 211.
  3. Lefranc G., His­toire du Tra­vail et des tra­vailleurs, Flam­ma­rion, 1957.
  4. Both­well J., P.J.P. Gold­berg & WM. Orm­rod (ed.), The Pro­blem of Labour in Four­teenth-Cen­tu­ry England, Boy­dell and Bre­wer, 2000.
  5. Wood­man­see M., « The Genius and the Copy­right : Eco­no­mic and Legal Condi­tions of the Emer­gence of the “Author”», dans Eigh­teenth-Cen­tu­ry Stu­dies, 17(4), 1984, p. 425 – 448.
  6. Fou­cault M., « Qu’est-ce qu’un auteur ? » (69), dans Dits et Écrits, t. I, Gal­li­mard, 2001, p. 817 – 849.
  7. Sapir G. et Gobille B., « Pro­prié­taires ou tra­vailleurs intel­lec­tuels ? Les écri­vains fran­çais en quête d’un sta­tut », Le Mou­ve­ment social, 214(1), 2006, p. 113 – 139.
  8. Voir notam­ment les ana­lyses de Jean-Gilles Lowie.

Renaud Maes


Auteur

Renaud Maes est docteur en Sciences (Physique, 2010) et docteur en Sciences sociales et politiques (Sciences du Travail, 2014) de l’université libre de Bruxelles (ULB). Il a rejoint le comité de rédaction en 2014 et, après avoir coordonné la rubrique « Le Mois » à partir de 2015, il était devenu rédacteur en chef de La Revue nouvelle de 2016 à 2022. Il est également professeur invité à l’université Saint-Louis (Bruxelles) et à l’ULB, et mène des travaux de recherche portant notamment sur l’action sociale de l’enseignement supérieur, la prostitution, le porno et les comportements sexuels, ainsi que sur le travail du corps. Depuis juillet 2019, il est président du comité belge de la Société civile des auteurs multimédia (Scam.be).