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Waterloo, comme si vous y étiez !

Numéro 4 - 2015 par Roland Baumann

juin 2015

Acces­sible au public depuis le 22 mai, le Mémo­rial 1815 à Mont-Saint-Jean est un centre d’interprétation his­to­rique dont la scé­no­gra­phie plonge le visi­teur dans l’univers de la bataille tout en lui four­nis­sant les clés d’une com­pré­hen­sion de ce tour­nant de l’histoire moderne. L’imaginaire sol­li­ci­té par ce nou­veau lieu de mémoire carac­té­rise aus­si le Pano­ra­ma de la bataille de Water­loo et les nom­breux dio­ra­mas repré­sen­tant en minia­ture les moments légen­daires du 18 juin 1815.

Dossier

L’inauguration du Mémo­rial 1815 marque la réa­li­sa­tion du long pro­jet de reva­lo­ri­sa­tion du site du hameau du Lion, conçu par les archi­tectes du Bureau d’engineering et d’architecture indus­trielle (BEAI), et entrai­nant notam­ment l’élimination d’une série d’édifices hété­ro­clites jadis des­ti­nés à l’accueil du tou­risme mémo­riel sur le site du champ de bataille et la sup­pres­sion du tra­fic auto­mo­bile dans le hameau. Le par­king, dépla­cé hors site, est mas­qué par une bande boi­sée. L’ancien hôtel du Musée, tota­le­ment réno­vé, accueille la bras­se­rie et des salles de confé­rences. Le mémo­rial est une struc­ture de béton et d’acier, entiè­re­ment enter­rée pour conser­ver une vue déga­gée sur la plaine. Lon­geant la rampe d’accès au mémo­rial, un « mur de la Mémoire » en pierre bleue sur lequel se déroule une frise en acier repre­nant les noms de tous les régi­ments du 18 juin 1815. La façade de verre et la toi­ture-jar­din contri­buent à fondre le bâti­ment dans le paysage.

Le mémo­rial pro­pose au visi­teur « 1815 mètres car­rés de par­cours immer­sifs dans une scé­no­gra­phie nar­ra­tive, arti­cu­lée autour de l’expérience de la bataille, dans de larges espaces », avec un audio­guide mul­ti­lingue four­ni à tout visi­teur et des dizaines de mul­ti­mé­dias dis­sé­mi­nés sur un par­cours illus­tré d’objets spec­ta­cu­laires et de décors qui incitent le visi­teur à revivre la bataille. Comme l’explique Jacques Bodelle, res­pon­sable de Eo Desi­gn Part­ners, une des sept socié­tés for­mant l’association « La Belle Alliance », char­gée en 2013 de la réa­li­sa­tion de la scé­no­gra­phie, le par­cours s’articule autour du Show en 4D : le film de quinze minutes, réa­li­sé par Gérard Cor­biau, bour­ré d’effets spé­ciaux, avec une excel­lente bande son, et qui, pro­je­té en 3D sur un grand écran semi-cylin­drique à 180 degrés, offre au visi­teur une expé­rience mul­ti­sen­so­rielle unique, lui mon­trant en taille réelle de grandes scènes de la bataille, comme s’il se trou­vait au cœur de l’action.

Le « pré-show » retrace la route de Water­loo et donne les clés de lec­ture de l’évènement, res­ti­tuant le contexte his­to­rique indis­pen­sable à la vision du film. Le visi­teur découvre com­ment la révo­lu­tion fran­çaise mobi­lise les puis­sances de l’Ancien Régime dans une série de coa­li­tions euro­péennes, aux­quelles s’opposent les armées révo­lu­tion­naires, puis l’Empire de Napo­léon. La pre­mière salle montre sur une presse d’époque, dotée d’effets mul­ti­mé­dias, l’impression des pam­phlets qui dif­fusent la pen­sée des Lumières. Aux murs, des cadres au décor d’époque pré­sentent en ani­ma­tions mul­ti­mé­dias la décla­ra­tion des droits de l’homme et le calen­drier révo­lu­tion­naire. Plus loin, une réplique de guillo­tine repré­sente au moyen d’effets mul­ti­mé­dias l’exécution de Louis XVI, puis celles de révo­lu­tion­naires. Les têtes tombent ! Dans la salle sui­vante, pareils aux pions d’un jeu d’échec éche­lon­nés en pers­pec­tive, appa­raissent en médaillon les adver­saires de Napo­léon, lui-même repré­sen­té sur son trône impé­rial. Sur les côtés, des cartes des­sinent les fron­tières de l’Empire et des tam­bours dis­si­mulent des postes mul­ti­mé­dias uti­li­sés par les visi­teurs dans leur par­cours « ludique ». Des « vitrines » inter­ac­tives révèlent au visi­teur de grandes inven­tions asso­ciées à l’Empire de Napo­léon, telle la bet­te­rave à sucre. Enfin, une gale­rie de « tableaux vivants », repro­duc­tions haute défi­ni­tion de pein­tures anciennes, ani­mées avec sub­ti­li­té, évoque les huit coa­li­tions que doit suc­ces­si­ve­ment affron­ter Napo­léon avant Water­loo : ain­si, il neige sur le tableau peint en 1866 par Janua­ry Sucho­dols­ki de Napo­léon tra­ver­sant la Béré­zi­na.

Pro­gres­sant sur une grande rampe, entre les longues vitrines où se suc­cèdent les man­ne­quins por­tant les uni­formes des armées qui vont s’affronter à Water­loo, le visi­teur suit les troupes en marche vers Mont-Saint-Jean. Dans une salle laté­rale, il s’initie aux tac­tiques et stra­té­gies napo­léo­niennes, au lan­gage des tam­bours et des uni­formes, ain­si qu’au fonc­tion­ne­ment de l’intendance, évo­qués notam­ment à l’aide de figu­rines de métal. Une ingé­nieuse table des opé­ra­tions montre la concen­tra­tion des armées. Regar­dant de sa lunette à réa­li­té aug­men­tée le visi­teur découvre les troupes en mou­ve­ment. En haut de la rampe, il par­vient au bivouac de la nuit du 17 juin. Une grande fresque ani­mée par les pro­jec­tions mul­ti­mé­dias évoque le cam­pe­ment avec ses feux, sous la pluie et les éclairs de l’orage déchai­né. Suit l’entrée dans la salle à gra­dins pour la vision du film à l’aide de lunettes 3D.

Le « show » se ter­mine, la nuit tombe et quit­tant le champ de bataille, le visi­teur décou­vri­ra en « post-show » le sort des com­bat­tants et des bles­sés, ain­si que les consé­quences de la bataille sur la géo­gra­phie de l’Europe. Il voit un corps de che­val, fou­droyé, sur­mon­té de cette cita­tion de Wel­ling­ton « Croyez-moi, rien, sinon une bataille per­due, n’est aus­si triste qu’une bataille gagnée ». Aus­si le sque­lette d’un jeune sol­dat hano­vrien retrou­vé en 2012 sur le champ de bataille. Pour­sui­vant son ascen­sion, il découvre le sort des bles­sés. Sur l’autre côté de la rampe, une ligne du temps ponc­tuée d’images d’époque retrace le dérou­le­ment de la bataille. Des salles, à la fois ludiques et péda­go­giques, invitent à « tirer les leçons » de l’histoire de la bataille. Une mont­gol­fière révèle la bataille vue du ciel, au fond de la nacelle, sur un écran avec rétro­pro­jec­tion. Une longue table recons­ti­tue le ban­quet annuel des vain­queurs en Angle­terre, des tablettes per­mettent d’en lire le menu. On découvre ce que sont deve­nus les pro­ta­go­nistes de la bataille. Sur un écran défilent les por­traits de vété­rans pho­to­gra­phiés dans les années 1850. Pro­ve­nant du musée de l’Armée, des objets divers, reliques mili­taires retrou­vées sur le site après 1815 et pro­ve­nant de la célèbre col­lec­tion d’Edward Cot­ton sont expo­sés, accu­mu­lés dans une vitrine. Une autre table mul­ti­mé­dia montre les dif­fé­rents monu­ments éri­gés sur le champ de bataille. La visite se ter­mine par la vision de deux films, avec notam­ment une série d’interviews d’historiens com­men­tant briè­ve­ment l’importance his­to­rique de la bataille.

J. Bodelle sou­ligne qu’au départ la qua­si-absence de col­lec­tion consti­tuait un défi majeur pour le scé­no­graphe : « À part un canon anglais et le sque­lette du sol­dat hano­vrien retrou­vé sur le site, on dis­po­sait de fort peu d’objets d’époque. Des arti­sans anglais et fran­çais ont confec­tion­né qua­rante-six uni­formes d’époque, d’autres ont réa­li­sé les man­ne­quins de che­vaux. Nous avons reçu en dépôt la col­lec­tion de l’ancien musée de cire avec quelques objets et des armes, ce qui a per­mis de mettre en scène la recons­ti­tu­tion du QG de Napo­léon la veille de la bataille. Le musée de l’Armée nous a aus­si prê­té des objets et a contri­bué à la réa­li­sa­tion de l’exposition par son exper­tise his­to­rique, notam­ment en matière d’uniformes. »

La scé­no­gra­phie voit le triomphe du mul­ti­mé­dia en par­ti­cu­lier dans les volets ludiques du par­cours, comme le pré­cise J. Bodelle : « Au départ de la visite, dans le hall d’accueil, on choi­sit “son armée” et un des huit sol­dats qui inter­viennent à cer­tains moments du par­cours et de la bataille. Des postes mul­ti­mé­dias ins­tal­lés dans des tam­bours per­mettent au visi­teur de jouer, de répondre à des ques­tion­naires, de sélec­tion­ner les œuvres qui le marquent le plus et qu’il “met dans son panier”. En répon­dant cor­rec­te­ment aux ques­tions, il marque des points. En fin de par­cours, une der­nière série de bornes lui per­mettent de voir son score, faire un petit film et se l’envoyer par cour­riel, avec le pro­fil de sa visite, bref tout ce qu’il a aimé dans le mémo­rial. Cette scé­no­gra­phie très ludique, gui­dée par l’interactivité et le mul­ti­mé­dia, per­met aus­si une lec­ture gra­phique tra­di­tion­nelle de l’exposition avec des pan­neaux en quatre langues riches en infor­ma­tions historiques. »

L’imagerie illusionniste et légendaire du Panorama

Un tun­nel relie le nou­veau mémo­rial au Pano­ra­ma de 1912. Vaste toile peinte accro­chée à l’intérieur d’une rotonde et que le spec­ta­teur découvre à par­tir d’une pla­te­forme éri­gée au centre de l’édifice, le pano­ra­ma est un phé­no­mène de socié­té au XIXe siècle. Sa popu­la­ri­té aug­mente pro­di­gieu­se­ment lors des grandes expo­si­tions uni­ver­selles, mais l’avènement du ciné­ma­to­graphe entrai­ne­ra son déclin. Dans son étude du pano­ra­ma de Louis Dumou­lin, ins­crit tout comme le champ de bataille sur la liste indi­ca­tive de la Bel­gique à l’Unesco en 2008, Isa­belle Leroy1 note que la bataille de Water­loo a été le sujet d’une dizaine de pano­ra­mas peints de 1816 à 1912. Offrant à leur public une immer­sion dans l’histoire, les pano­ra­mas de batailles « glo­ri­fiant le cou­rage des com­bat­tants, jouant sur la corde sen­sible des sen­ti­ments patrio­tiques et des émo­tions » ont par­ti­ci­pé à la construc­tion natio­nale. Napo­léon avait déjà le pro­jet de faire éri­ger sur les Champs Ély­sées sept rotondes de pano­ra­mas glo­ri­fiant les batailles de la Révo­lu­tion et de l’Empire.

En 1818, à Bruxelles, un pano­ra­ma de la bataille de Water­loo exploi­té par le mar­chand d’art hol­lan­dais Evert Maas­kamp est mon­tré sur l’actuelle place des Mar­tyrs. Pre­mière toile pro­duite par une socié­té belge et inau­gu­ré en mars 1880 dans la rotonde construite sur le bou­le­vard du Hai­naut (actuel bou­le­vard Lemon­nier), le pano­ra­ma de Water­loo du peintre bruxel­lois Charles Cas­tel­la­ni met en scène la bra­voure fran­çaise dans la charge de la cava­le­rie et l’attaque de la garde impé­riale. L’œuvre peinte par Charles Ver­lat et ses élèves de l’Académie, qu’inaugure en juin 1881 la socié­té du Grand Pano­ra­ma natio­nal d’Anvers, pri­vi­lé­gie de même la charge des cava­liers fran­çais sur les car­rés de l’infanterie alliée. Peintre offi­ciel de la marine fran­çaise, puis du minis­tère des Colo­nies, Louis Dumou­lin a beau­coup voya­gé. À l’exposition uni­ver­selle de Paris en 1900, son pano­ra­ma « Le Tour du monde » est très appré­cié de Léo­pold II. En 1910, à l’approche du cen­te­naire de la bataille, ce peintre colo­nial fait approu­ver son pro­jet de construc­tion d’un pano­ra­ma au pied de la butte du Lion.

La construc­tion du pano­ra­ma, exploi­té par la SA Pano­ra­ma de la bataille de Water­loo, consti­tuée en février 1911, sus­ci­ta des polé­miques et fut une des causes du vote de la loi de pro­tec­tion du site en 1914. S’inscrivant dans la tra­di­tion de la grande pein­ture mili­taire fran­çaise de la fin du XIXe, l’énorme toile, réa­li­sée en dix mois par Dumou­lin et ses col­la­bo­ra­teurs, met en valeur l’héroïsme de l’armée impé­riale dans un moment légen­daire de la bataille. L’action prin­ci­pale se foca­lise à nou­veau sur les grandes charges de la cava­le­rie fran­çaise et l’épisode dra­ma­tique du che­min creux « inven­té » par Vic­tor Hugo. Au loin­tain, la ferme d’Hougoumont en feu évoque le début de la bataille et les fumées accom­pa­gnant l’arrivée de l’avant-garde prus­sienne annoncent la défaite fran­çaise. Le faux ter­rain ins­tal­lé entre la pla­te­forme et le cane­vas de la toile, avec ses figures décou­pées, ses man­ne­quins de cui­ras­siers et de che­vaux gisant au sol, témoigne de la scé­no­gra­phie spec­ta­cu­laire carac­té­ri­sant les pano­ra­mas his­to­riques après 1830. Œuvre d’art « com­mer­ciale », des­ti­née au grand public, le pano­ra­ma de Louis Dumou­lin s’impose par sa qua­li­té artis­tique, son sujet légen­daire et son remar­quable état de conser­va­tion. Aujourd’hui encore il ne cesse d’inspirer toute l’imagerie de la bataille.

L’imaginaire en miniature, dioramas de Waterloo

J’ai évo­qué récem­ment la grande maquette du champ de bataille réa­li­sée dans les années 1830 par William Siborne, ain­si que les dio­ra­mas de Jean-Pierre Leclercq mon­trés il y a peu au Grand Cur­tius à Liège2. La période napo­léo­nienne reste popu­laire par­mi les col­lec­tion­neurs de figu­rines mili­taires et les ama­teurs de war­games, ces jeux de la guerre sur table faits à l’aide de sol­dats minia­tures. Water­loo a tou­jours été un sujet favo­ri des ama­teurs de dio­ra­mas. Qu’ils soient ins­pi­rés par la lit­té­ra­ture et la pein­ture de batailles du XIXe siècle, nés du sou­ci de mieux visua­li­ser les mou­ve­ments des corps d’armées, ou du désir de rejouer l’histoire de la bataille en figu­rines, les dio­ra­mas repré­sen­tant la bataille de Water­loo occupent une place de choix dans l’imaginaire de la guerre en minia­ture. De nom­breux dio­ra­mas sont visibles sur inter­net, docu­men­tés en pho­to­gra­phies et aus­si en courts-métrages. Cer­tains de ces dio­ra­mas ne sont en effet pas des­ti­nés exclu­si­ve­ment à l’admiration des socié­tés de minia­tu­ristes mili­taires ou réser­vés aux plai­sirs ludiques des war­ga­mers, mais sont uti­li­sés à des fins péda­go­giques, ou mon­trés dans dif­fé­rents contextes d’expositions, et en par­ti­cu­lier à l’occasion du bicen­te­naire. Pré­sen­tons briè­ve­ment quelques dio­ra­mas signi­fi­ca­tifs, éla­bo­rés à l’aide de figu­rines en métal ou de petits sol­dats en plastique.

Diplo­mate, membre de la mis­sion amé­ri­caine au quar­tier géné­ral de l’Otan, David Kay expo­sait son dio­ra­ma de la bataille de Water­loo lors d’une expo­si­tion tem­po­raire au musée Wel­ling­ton fin 2010. Clou de l’exposition, cette maquette de 3,6 sur 1,7 mètres com­por­tant quelque sept-mille figu­rines repré­sen­tait le champ de bataille vers 17h30-18h30. Comme le pré­ci­sait son auteur, cette maquette fidèle à la réa­li­té his­to­rique, sans être pour autant une repré­sen­ta­tion à l’échelle du champ de bataille et de l’ensemble des com­bat­tants en pré­sence, pré­sen­tait l’intérêt his­to­rique évident d’aider le visi­teur à mieux visua­li­ser le dérou­le­ment des com­bats et les mou­ve­ments des troupes dans la jour­née du 18 juin. Remon­tant à la fin de ses études uni­ver­si­taires, la pas­sion de figu­ri­niste de David Kay ne se limi­tait pas à l’Empire napo­léo­nien, mais s’étendait à la révo­lu­tion amé­ri­caine et sur­tout à la guerre de Séces­sion, l’incitant à recréer en dio­ra­mas les grandes batailles de ce conflit.

Natif de Cologne, André Rudolph est l’auteur d’un énorme dio­ra­ma de 8 mètres sur 4 comp­tant quinze-mille figu­rines en plomb au for­mat 25 mil­li­mètres (un pouce anglais). « Comme je tra­vaille en jour­née et ne puis m’y consa­crer qu’en soi­rée il m’a fal­lu huit ans pour mou­ler et peindre tous les sol­dats de plomb de ce dio­ra­ma de Water­loo. Le dio­ra­ma montre trois grandes phases de la bataille : l’attaque de la cava­le­rie fran­çaise contre les car­rés de l’infanterie anglaise, les com­bats autour de la Haie Sainte, ain­si que l’attaque de l’infanterie de la garde impé­riale contre les lignes alliées et l’arrivée de l’armée prus­sienne sur le flanc droit de l’armée de Napo­léon. Je tra­vaille à l’attaque d’Hougoumont qui comp­te­ra trois-mille-cinq-cents figu­rines et sera bien­tôt terminée. »

Le dio­ra­ma expo­sé au Speel­goed­mu­seum de Malines3, entré au musée le 9 juillet 1985, a été offert à l’institution par une famille de Bor­ge­rhout, qui l’avait réa­li­sé en neuf ans, y inves­tis­sant quelque huit-mille heures de tra­vail, comme le pré­cise Marc Wel­lens, conser­va­teur du musée, auteur d’une des­crip­tion détaillée de cette œuvre réa­li­sée avec des figu­rines en plas­tique Air­fix à l’échelle 1/72. Une énorme table de 7,7 mètres sur 1,8 avec huit-mille figu­rines, fan­tas­sins et cava­liers, peintes minu­tieu­se­ment. La gamme Water­loo des petits sol­dats com­mer­cia­li­sés par Air­fix ne cor­res­pon­dant qu’à une petite par­tie des dif­fé­rents corps de troupes par­ti­ci­pant à la bataille, les maquet­tistes ont adap­té ou trans­for­mé de nom­breuses autres figu­rines Air­fix, par exemple de la révo­lu­tion amé­ri­caine. Struc­tu­ré par la topo­gra­phie du champ de bataille, ce dio­ra­ma repré­sente les prin­ci­pales actions de la bataille : ain­si l’assaut d’Hougoumont est sui­vi par l’attaque de la Haie Sainte et les charges de cava­le­rie du maré­chal Ney (avec le che­min creux), tan­dis qu’à l’autre bout de la table, Fran­çais et Prus­siens s’affrontent dans les rues de Plan­ce­noit. La maquette de la Haie Sainte vient d’une boite Air­fix com­mer­cia­li­sée en 1972. Par­mi les uni­tés alliées, on remarque une bat­te­rie de fusées Congreve, bri­co­lée par les auteurs du dio­ra­ma. La charge de la cava­le­rie fran­çaise s’inspire du pano­ra­ma de Dumou­lin, avec les dra­gons et les gre­na­diers à che­val de la garde, le car­ré dans lequel se réfu­gie Wel­ling­ton avec son état-major, le prince d’Orange. Un peu plus loin, évo­quant la célèbre toile de Lady But­ler Scot­land Fore­ver ! (1881), le dio­ra­ma repré­sente la charge de la cava­le­rie lourde bri­tan­nique contre l’infanterie de Drouet d’Erlon !

Musée régi­men­taire bri­tan­nique fon­dé en 1989, à la mémoire des Rifles et de l’infanterie légère, le Royal Green Jackets Museum4 de Win­ches­ter, expose un dio­ra­ma de 25 mètres car­rés avec plus de trente-mille figu­rines Air­fix, réa­li­sé à l’origine dans les années 1970 pour un maga­sin de modèles réduits à Bath. Ce dio­ra­ma « oublié » vient d’être l’objet d’une impor­tante res­tau­ra­tion. On y voit suc­ces­si­ve­ment la défense d’Hougoumont, les charges de la cava­le­rie fran­çaise, la King’s Ger­man Legion à la Haie Sainte, puis l’attaque du corps de D’Erlon et la charge des Scots Greys, ain­si que l’arrivée de Blü­cher sur le champ de bataille tan­dis que la garde impé­riale monte à l’assaut. Ce dio­ra­ma com­porte de nom­breuses petites vignettes tirées du quo­ti­dien, telles ce sol­dat anglais uri­nant contre un arbre, ou ce jar­di­nier d’Hougoumont défen­dant son pota­ger des dépré­da­tions de la sol­da­tesque. L’exposition met en valeur le rôle majeur joué dans les guerres napo­léo­niennes par les Rifles armés de la redou­table cara­bine Baker. Le récit de l’exposition, tout comme celui du Mémo­rial 1815, com­mence à la révo­lu­tion fran­çaise et retrace « La route de Water­loo », assi­gnant un rôle clé au grand dio­ra­ma dans la repré­sen­ta­tion de la bataille.

Air­fix annonce la sor­tie pour début juin d’un cof­fret cadeau Water­loo 1815 – 2015. Le texte de pré­sen­ta­tion cite le hui­tième duc de Wel­ling­ton, Arthur Vale­rian Wel­les­ley, décé­dé le 31 décembre 2014, à nonante-neuf ans, et qui avait évo­qué peu avant sa dis­pa­ri­tion l’importance du bicen­te­naire : « On me demande sou­vent si on ne devrait pas, en ces jours d’unité euro­péenne, oublier Water­loo et les batailles du pas­sé. Ma réponse c’est que l’histoire ne peut être oubliée, qu’il faut rendre hom­mage à la bra­voure de ces mil­liers d’hommes qui ont com­bat­tu et sont morts en quelques heures le 18 juin 1815, et se sou­ve­nir que leur bra­voure et leur sacri­fice ont appor­té la paix à l’Europe pen­dant cin­quante ans. » Notons, en ce temps de com­mé­mo­ra­tions et du devoir de mémoire, que la firme fut fon­dée en 1939 par Nicho­las Kove (Klein). Réfu­gié juif hon­grois, il avait fait la Pre­mière Guerre mon­diale dans la cava­le­rie aus­tro-hon­groise, puis par­ti­ci­pé au gou­ver­ne­ment com­mu­niste de Béla Kun en 1919.

  1. Isa­belle Leroy, Le pano­ra­ma de la bataille de Water­loo. Témoin excep­tion­nel de la saga des pano­ra­mas, édi­tions Luc Pire & Com­mis­sion royale des Monu­ments, Sites et Fouilles, 2009.
  2. Roland Bau­mann, « Repré­sen­ter Water­loo », La Revue nou­velle, n° 2/2015, p. 19 – 22.
  3. Marc Wel­lens, « Water­loo : 8007 sol­daatjes 170 jaar later 72 maal klei­ner » in ‘t Tro­jaanse Hob­bel­paard. Jaar­boek van het Stu­die­cen­trum voor Speel­goed en Volks­kunde V.Z.W., jg. II, 1986, p. 153 tot 174.
  4. Expo­si­tion With the Rifles to Water­loo, jusqu’au 30 sep­tembre 2015.

Roland Baumann


Auteur

Roland Baumann est historien d’art et ethnologue, professeur à l’Institut de radioélectricité et de cinématographie (Inraci), assistant à l’Université libre de Bruxelles (ULB).