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“Violence dans les médias”

Numéro 9 Septembre 2006 par Barbara Fernandez Garcia

septembre 2006

Le concept de vio­lence est ambi­gu et com­plexe, explique Cathe­rine Bert. L’acte violent peut être défi­ni comme celui qui « se pro­dui­sant avec force, ren­verse des obs­tacles, com­bat ou détruit des résis­tances », et la vio­lence comme « l’emploi illé­gi­time ou du moins illé­gal de la force ». Elle se carac­té­rise par une perte de sens. Néan­moins, la culture […]

Le concept de vio­lence est ambi­gu et com­plexe, explique Cathe­rine Bert. L’acte violent peut être défi­ni comme celui qui « se pro­dui­sant avec force, ren­verse des obs­tacles, com­bat ou détruit des résis­tances », et la vio­lence comme « l’emploi illé­gi­time ou du moins illé­gal de la force ». Elle se carac­té­rise par une perte de sens. Néan­moins, la culture média­tique pré­sente la vio­lence comme « l’arme de jus­tice qui met l’a­gres­seur hors d’é­tat de nuire ».
Les médias audio­vi­suels, comme la télé­vi­sion, le ciné­ma et les jeux vidéo, peuvent dif­fu­ser une vio­lence très sug­ges­tive qui implique émo­tion­nel­le­ment le spec­ta­teur, affirme Bar­rie Gun­ter. Cette influence peut être directe, au sens qu’elle peut encou­ra­ger à repro­duire, par un effet de mimé­tisme, les actes de vio­lence vus à l’é­cran, à les jus­ti­fier et à réagir bru­ta­le­ment face à une situa­tion de frus­tra­tion. Elle peut aus­si être indi­recte en ren­dant le spec­ta­teur moins sen­sible aux scènes de vio­lence et moins prêt à réagir à la vio­lence des autres. Des études empi­riques, qui ont leurs limites, en témoignent. En revanche, Fesh­bach et Sin­ger, par exemple, démontrent en 1971 que « regar­der la vio­lence peut aider à pur­ger les pul­sions vio­lentes des spectateurs ».

Les effets sur le spec­ta­teur ne sont pas que le résul­tat du vision­nage des images, explique Serge Tis­se­ron : l’in­tri­ca­tion des images vio­lentes et de nom­breux autres fac­teurs, comme l’en­vi­ron­ne­ment du spec­ta­teur, déter­mine ses réac­tions pos­sibles : agres­si­vi­té… ou au contraire, sen­ti­ment de menace et besoin d’une sécu­ri­té ren­for­cée. Le trai­te­ment média­tique de la vio­lence et des désordres publics peut créer des mou­ve­ments en faveur des poli­tiques et des pra­tiques orien­tées vers l’ordre, où la répres­sion est l’ins­tru­ment pri­vi­lé­gié : au Cana­da, montre Céline Bel­lot, le trai­te­ment média­tique du désordre public occa­sion­né par la visi­bi­li­té des per­sonnes iti­né­rantes a contri­bué à légi­ti­mer les inter­ven­tions répres­sives du gou­ver­ne­ment actuel.

L’é­tude sur la vio­lence média­tique, au-delà du simple recen­se­ment des scènes vio­lentes, de leur fré­quence ou de leur quan­ti­té, écrivent Concep­ción Fernán­dez, Rober­to Domín­guez et Juan Car­los Revil­la, doit inclure aus­si le type de vio­lence, son mode de pré­sen­ta­tion, ses impli­ca­tions, le moment où elle est pré­sen­tée, le mes­sage qu’elle véhi­cule et com­ment le spec­ta­teur la reçoit et la per­çoit (légi­time ou illé­gi­time). La stra­té­gie de légi­ti­ma­tion des pro­grammes audio­vi­suels consiste à construire et à mettre en scène des acteurs, des effets et des consé­quences, avec une inter­pré­ta­tion, une pré­ten­tion ou une pré­dis­po­si­tion visant à l’ac­cep­ta­tion ou au rejet de la vio­lence, en fai­sant écho au fonc­tion­ne­ment des ins­ti­tu­tions, aux codes juri­diques et/ou aux valeurs sociales en cours.

Les vio­lences sym­bo­liques, face à celles de conte­nu, sont dif­fi­ciles à cer­ner, ana­lyse Gérard Imbert. Elles se cir­cons­crivent à des émis­sions télé­vi­suelles de diver­tis­se­ment (talk shows, émis­sion de vidéos d’a­ma­teurs, débats people, jeux-concours). Vidées de leur but inten­tion­nel, elles ont néan­moins une inci­dence sur les consciences, une influence sur les sen­si­bi­li­tés et un ques­tion­ne­ment de l’in­té­gri­té même du sujet.

Les socio­logues de l’é­du­ca­tion et de la jeu­nesse insistent sur la socia­bi­li­sa­tion offerte par les jeux vidéo à tra­vers leurs pra­tiques ludiques. Les médias, par contre, offrent un trai­te­ment sen­sa­tion­na­liste, réduit à une « pra­tique enfan­tine, vide de sens, impro­duc­tive, mais sur­tout “vio­lente“ ». Hugues Drae­lants et Didier Frip­piat expliquent que « la peur des effets des nou­veaux médias prend tou­jours nais­sance dans une inquié­tude rela­tive à une perte de pou­voir, lorsque la menace plane sur l’ordre éta­bli ». Ain­si, les jeux vidéo et Inter­net sont aujourd’­hui au centre des pré­oc­cu­pa­tions, avec des vic­times qu’il faut pro­té­ger : les enfants et ado­les­cents, même si aujourd’­hui leur uti­li­sa­tion ne se limite pas à ce groupe.
Face à l’im­pact des images média­tiques vio­lentes, les États euro­péens ont adop­té des poli­tiques de régu­la­tion. Monique Dagnaud­monre montre la situa­tion d’é­qui­libre instable des sys­tèmes de régu­la­tion euro­péens, divi­sés entre l’ob­jec­tif de pro­tec­tion des mineurs et les inté­rêts des groupes de com­mu­ni­ca­tion. Les dis­po­si­tifs adop­tés pour régu­ler le conte­nu des médias vont de l’au­to­ré­gu­la­tion à la co-régu­la­tion, aux dis­po­si­tions légis­la­tives des sys­tèmes de signa­lé­tique ou encore aux sys­tèmes de cryptage.

Barbara Fernandez Garcia


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