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Victime ou délinquant ?

Numéro 7 – 2020 - criminalité prostitution par Sophie André

novembre 2020

Quelles seraient les grilles de lecture criminologiques adaptées pour penser le phénomène prostitutionnel ? Au travers d’une analyse quantitative, cet article montre le caractère inadapté des classifications catégorielles et, singulièrement, des distinctions binaires entre “victimes” et “délinquantes”. Finalement, l’enjeu est, pour les chercheurs, d’adopter des outils adaptés à la complexité pour pouvoir en rendre compte.

Dossier

Étudier la thématique prostitutionnelle relève souvent d’un défi important au niveau scientifique, tant les débats entourant le phénomène se révèlent polarisants et mettent à l’épreuve de manière quasi systématique le positionnement, l’éthique du chercheur et la sacrosainte neutralité axiologique à laquelle ce dernier tente, ou non, de se conformer. Chercher à décrire, comprendre, expliquer et théoriser sur la prostitution exige un engagement particulier du chercheur, en raison de la rigidité des cadres de pensée qui enferment, trop souvent, tant le phénomène prostitutionnel que les individus qui s’y adonnent, dans un ensemble de présupposés et stéréotypes. Cet engagement doit, par conséquent, également amener à remettre en cause une série de lieux communs dans le domaine des connaissances associées au phénomène étudié.

C’est pourquoi, nous nous proposons, à partir d’une analyse des données policières portant sur les personnes identifiées comme exerçant une activité prostitutionnelle publique (outdoor ouindoor) au sein de la Ville de Liège1, d’interroger la double figure emblématique (et stigmatisante) de victime et déviante (voire délinquante2) attribuée à la personne exerçant une activité de prostitution. Plus précisément, l’objectif consiste à tenter un double dépassement, conjoncturel et conceptuel, de cette figure antagoniste. Il s’agit, en effet, d’abord, d’élargir la prise en considération de ces deux attributs opposés en ne s’arrêtant pas à l’exercice de la prostitution (élément conjoncturel au regard du parcours de vie de l’individu), mais, au contraire, en embrassant l’ensemble des parcours de vie singuliers des personnes prostituées. Il importe, ensuite, de questionner cette catégorisation binaire de victime et délinquant, notamment à travers l’exploration de la notion du victim-offender overlap qui décrit, précisément, la juxtaposition des expériences de victimisation et de délinquance dans la vie d’un même individu.

L’angle d’analyse proposé tente également de faire écho à deux revendications constantes des acteurs en lien avec le phénomène prostitutionnel : le refus des personnes exerçant une activité de prostitution d’être catégorisées de manière inhérente comme victimes, d’une part, et la prise en compte des diverses formes de prostitution en tant que réalités distinctes, d’autre part.

De quelques présupposés et observations vis-à-vis de la double figure de victime et de délinquante attribuée à la personne prostituée

Si la personne qui s’adonne à une activité de prostitution a, depuis la création de notre pays, été assimilée à la déviance (sanitaire et morale), le tournant du XXe siècle lui assigne un nouvel attribut : celui de victime. Comme Chaumont (2008) le rappelle, sous l’influence du mouvement féministe anglo-saxon mené par Butler — et, ensuite, soutenu par la Société publique de moralité belge —, le lien entre prostitution et traite des êtres humains devient consubstantiel à l’entre-deux siècles et se concrétise juridiquement par la ratification, par la Belgique, en 1965, de la Convention des Nations unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution par autrui.

Alors que l’attribut de victime devient inhérent, d’un point de vue légal et politique, à tout individu se livrant à la prostitution (en raison de l’exploitation dont il est l’objet), la recherche scientifique tarde à s’intéresser à l’objectivation empirique de cette qualification. Il faut attendre, notamment, l’impulsion d’un mouvement féministe radical dans la sphère scientifique pour combler partiellement ce vide. Les résultats issus des études ainsi menées s’amoncèlent alors pour révéler les violences physiques ou sexuelles dont sont majoritairement l’objet les femmes s’adonnant à la prostitution. Celles-ci, caractérisées par des expériences multiples de victimisation, se voient désignées comme « survivantes » (Farley et al., 2003).

En dépit de la remise en cause, partielle ou totale, des conclusions issues de ces recherches en raison de leur orientation idéologique et des biais liés au recours à une population spécifique, non représentative (« les survivantes »), à des formes de prostitution particulières (majoritairement de rue), et à des cadres méthodologiques et analytiques flous (Weitzer, 2005), la présence chez les personnes prostituées d’évènements de victimisation au cours de leur trajectoire de vie (Pasko et Chesney-Lind, 2016 ; Wilson et Butler, 2014) ou dans le cadre de l’exercice de leur activité prostitutionnelle (Finn et al., 2015 ; O’Doherty, 2011) demeure un élément largement identifié et en partie démontré.

Paradoxalement, alors que certains se sont donc intéressés aux trajectoires de vie des personnes prostituées au niveau de leurs expériences de victimisation, très peu se sont penchés sur leurs potentielles expériences de délinquance hors prostitution3. L’étude des comportements au sein de cette population reste ainsi très généralement limitée à un type spécifique de criminalité liée aux stupéfiants. Si la consommation, l’achat ou la vente, mais aussi les conflits violents liés à ces comportements ont été pointés comme constitutifs d’un risque de victimisation (encore) plus important pour la personne qui se prostitue (Katsulis et al., 2015), Finn et al. (2015) rappellent que la drogue est également le premier motif d’arrestation des personnes prostituées en raison, notamment, d’une consommation importante dans certaines formes d’exercice de l’activité (Decorte et al., 2011).

D’autres ont pour leur part suggéré qu’il existait une association plus structurelle entre délinquance et prostitution. Gilfus et al. (1992) se sont, par exemple, intéressés au parcours de vie de délinquantes dont, parmi les vingt femmes interrogées, dix-sept rapportaient s’être déjà prostituées. Ces femmes avaient en commun une enfance marquée par la violence et leur entrée dans la délinquance (essentiellement prostitution, vol à l’étalage, infraction en matière de stupéfiants) fut interprétée comme une stratégie de survie. Cette appréhension de la délinquance propose de concevoir cette fois, dans une perspective linéaire, le comportement délinquant comme conséquence de victimisations multiples.

Ce dernier point peut être associé à une série de modèles théoriques d’étiologie criminelle qui s’appuient sur une relation causale entre victimisation et délinquance, et qui identifient la première comme un catalyseur majeur d’entrée dans une trajectoire criminelle. Le développement de cette relation peut se retrouver de manière plus détaillée dans les études féministes ayant utilisé la « Feminist Pathways Approach », laquelle propose un modèle causal dynamique de type « une chose A mène à une chose B » pour expliquer l’entrée dans une voie délinquante.

À titre illustratif, Belknap et al. (1997) présentent le cas d’une victime d’inceste qui fugue, se retrouve sans ressources pour survivre, finit par recourir à la prostitution, consomme de la drogue, commence à dealer, etc., cet enchainement ayant par ailleurs été démontré à de nombreuses reprises (Chesney-Lind et Pasko, 2013). Parmi les formes de victimisation identifiées comme déclencheurs de ces trajectoires « déviantes », les violences physiques ou sexuelles au cours de l’enfance constituent des facteurs de risque substantiels (Gunnison et McCartan, 2005). Cette association, dans sa forme la plus pure, reflète en réalité la théorie de l’abusé-abuseur qui postule que la personne victime de violence sexuelle a plus de risques de devenir une délinquante/déviante sexuelle, notamment en s’adonnant à la prostitution (Freund et Kuban, 1994). Or, l’association causale entre ces deux types d’expériences occulte la complexité de leur relation et leur potentielle coexistence dans le parcours de vie d’un individu.

De ceux qui ne sont ni exclusivement victimes, ni exclusivement délinquants ou le concept d’overlap

La concomitance, au sein du parcours de vie, des expériences de victimisation et de délinquance, si elle est considérée comme l’association la plus constante dans l’explication du crime n’a toutefois pas suscité d’intérêt soutenu au sein de la communauté scientifique. Au contraire des recherches privilégiant des approches se focalisant soit sur l’étude des victimes, soit sur celle des auteurs, les théories explicatives sur ces parcours entrecroisés voire superposés demeurent rares (Jennings et al., 2012) et l’attention accordée à la corrélation entre les faits de victimisation et de délinquance est relativement récente (Cops et Pleysier, 2016).

La connaissance de ce concept demeure dès lors parsemée de nombreux manques, tant du point de vue de ses développements théoriques que des observations empiriques nécessaires à leur validation. Alors qu’un nombre grandissant d’études s’intéresse à cette juxtaposition des trajectoires au sein de populations jusqu’alors négligées par la recherche scientifique — par exemple les jeunes et les adolescents (Cops et Pleysier, 2016), les femmes restent, elles, relativement absentes dans ce domaine de recherche et, lorsqu’elles sont prises en considération, le type de faits déterminant la population étudiée est généralement limité à des phénomènes criminels spécifiques tels que la violence conjugale (Muftić et Deljkić, 2012).

De l’analyse des données policières sur les femmes se prostituant au sein de la Ville de Liège

Au regard de ces éléments, la présente contribution vise à réduire l’angle mort laissé par la recherche en matière d’étude du parcours de vie d’une population spécifique. L’objectif est donc d’analyser conjointement la victimisation et la délinquance (en dehors de l’activité prostitutionnelle4) des personnes qui se livrent à une activité de prostitution sur le territoire de la Ville de Liège. Les résultats exposés visent à répondre à deux questions : premièrement, dans quelle mesure les personnes exerçant une activité prostitutionnelle répondent-elles aux catégorisations traditionnelles de victime et de délinquant ? Deuxièmement, est-il possible d’observer une distinction entre les personnes considérées selon la forme de prostitution exercée (indoor/outdoor)?

Les données utilisées dans le cadre de cette étude sont issues de bases de données provenant de deux sections distinctes de la police de Liège : les mœurs et la Task Force Zonale5. Quelque 297 personnes prostituées, exclusivement de sexe féminin, ont pu être répertoriées. À partir de cette liste, un screening a été réalisé au sein de la base de données centralisant tous les faits infractionnels, portés à la connaissance de la police depuis 1996. La compilation des résultats a permis de recenser, pour chaque personne de notre échantillon, des données à la fois de victimisation et de délinquance (hors faits relatifs à l’exercice d’une activité prostitutionnelle)6. Notons dès à présent que si ces données permettent d’obtenir des informations difficilement accessibles, elles ne sont pas exemptes de limites : temporelle d’abord, puisque la base de données centralisée ne reprend que les faits à partir de 1996, alors qu’une partie des personnes composant notre échantillon pourrait être concernée par des faits antérieurs ; méthodologiques ensuite, puisqu’il s’agit de faits détectés par la police (alors que l’on sait l’importance que peut prendre le chiffre noir7) et sur la seule zone de police de Liège (ne rendant dès lors pas compte des faits détectés sur l’ensemble du territoire national ni à l’étranger); conceptuelle enfin, car il s’agit bien de faits pour lesquels les personnes ont été identifiées comme victime ou auteur, sans qu’il y ait nécessairement eu de condamnation judiciaire.

Le choix de se référer aux données policières de la Ville de Liège s’explique par un certain nombre de particularismes qui en font un terrain d’étude privilégié. Liège a, en effet, la spécificité de concentrer une des activités de prostitution les plus importantes du pays. La prostitution y revêt, par ailleurs, plusieurs formes visibles, exclusivement féminines, à savoir une prostitution de rue ou intérieure (bars à champagne et salons de massage)8.

La moyenne d’âge des femmes composant notre échantillon (N = 297) s’élève à 36,4 ans (S.D. = 8,58 ; min = 20 ; max = 65). La majorité d’entre elles est d’origine belge (59,9%) puis européenne (24,9%). Sur la période étudiée (de 1996 à 2018), 63,3% des femmes ont été identifiées comme victime d’au moins un fait et 69,1% suspectées en tant qu’auteure. Le total des faits de victimisation identifiés s’élève à 925 faits et à 2.195 pour les faits infractionnels9.

Parmi la population étudiée, la prévalence des personnes correspondant à la catégorie de « victimisation exclusive » s’élève à 10,4%. À l’inverse, 16,2% de notre échantillon est identifié comme appartenant au groupe de « délinquance exclusive ». Ainsi, seul un quart (26,6%) des individus composant l’échantillon correspond à la catégorisation binaire de victime ou délinquant, laquelle échoue donc à appréhender la situation de près de trois individus sur quatre. Les personnes cumulant à la fois le statut de présumée victime et de présumée délinquante (overlap) représentent plus de la moitié de notre échantillon (52,9%), alors que 20,5% des personnes ne correspondent à aucune de ces catégories, ce qui semble indiquer qu’une personne sur cinq n’a jamais été recensée comme victime ou auteur pour des faits ayant mené à une intervention policière (autre que celle potentiellement liée à son activité prostitutionnelle).

Si l’on s’intéresse maintenant à la lecture des types de faits ainsi identifiés en fonction de la forme de prostitution exercée, il est possible d’observer un ensemble de différences significatives. En se concentrant d’abord sur la répartition de nos deux populations (indoor/outdoor), en fonction des types de faits répertoriés, un premier constat s’impose : les personnes en situation d’overlap représentent 78,5% du groupe outdoor et 38,4% du groupeindoor. Inversement, la proportion de personnes qui n’est impliquée dans aucune intervention policière est d’une femme sur dix au niveau outdoor contre une femme sur quatre au niveauindoor.

Par ailleurs, concernant les faits infractionnels, sur les 304 faits relatifs aux 59,5% de la population de femmes exerçant enindoor (délinquance exclusive et overlap), plus de la moitié sont liés à des infractions administratives ou des troubles à l’ordre public (respectivement 32,9% et 19,7%). Sur les 1891 faits liés aux 86% de la population outdoor présumée impliquée dans des faits infractionnels, plus de la moitié sont liés à des infractions en matière de vol et de stupéfiant (respectivement 28,2% et 23,8%). En analysant ces résultats à l’aide du test non paramétrique de Mann-Whitney10, il est possible de souligner que les différences observables entre les deux groupes (indoor/outdoor), selon le type de faits infractionnels considéré, sont statistiquement significatives et associée à une taille d’effet importante, en matière de vol, de stupéfiant, d’atteinte à la propriété et d’armes à feu. L’analyse des différences observables entre ces deux populations pour l’ensemble des faits infractionnels recensés confirme ces résultats avec une différence significative et un effet très important du type de prostitution pratiqué sur la quantité de faits associés aux individus. Les personnes exerçant outdoor sont à ce titre présumées auteures d’un nombre de faits sensiblement plus important12, bien qu’à nouveau, elles soient plus présentes encore pour les personnes exerçant en outdoor (60% des faits de victimisation enregistrés).

Par ailleurs, l’effet des variables sociodémographiques telles que l’âge et la nationalité a été contrôlé à l’aide d’une série de corrélations partielles. Les résultats de ces analyses confirment que ces deux variables n’exercent qu’une influence réduite sur la relation observée entre les formes de prostitution et l’ampleur des expériences de délinquance et de victimisation13. Il est à cet égard possible de souligner, à nouveau, une relation significative entre le fait d’exercer outdoor et une quantité plus importante d’expériences de victimisation et de délinquance.

Les données recueillies permettent, enfin, de mettre en évidence une relation significative extrêmement forte entre les faits de victimisation et de délinquance, qui indique qu’au plus une personne est associée à un nombre important de faits dont elle est la présumée victime, au plus elle est associée à un nombre important de faits dont elle est la présumée auteure15. Il est toutefois nécessaire d’apporter une nuance importante selon la forme de prostitution considérée. Les personnes exerçant enindoor sont, en effet, impliquées dans des trajectoires de délinquance majoritairement pour des infractions « bégnines », relatives à des manquements administratifs et à des troubles à l’ordre public. En outre, la fréquence de ces infractions est faible puisqu’elle ne concerne, pour la majorité, qu’un fait ou deux sur les vingt dernières années, ce qui signifie que leur attribut de « délinquantes » est extrêmement relatif tout comme l’overlap constaté.

Par ailleurs, bien que ces résultats doivent être envisagés dans leurs limites méthodologiques, ces éléments tendent à démontrer la distinction importante qu’il y a lieu d’opérer entre les parcours des personnes impliquées dans des formes différentes d’activité prostitutionnelle. Comme de nombreux auteurs et intervenants (directs et indirects) l’ont soutenu à de multiples reprises, les résultats appuient l’existence de deux réalités distinctes entre la prostitutionindoor et outdoor, mais également le lien entre prostitution outdoor et juxtaposition des trajectoires de victimisation et de délinquance.

La prévalence de cet enchevêtrement au sein de cette dernière population amène à s’interroger sur le sens de celui-ci et notamment ce qu’il révèle du milieu (tant physique, culturel que social) dans lequel évolue les personnes pratiquant une activité de prostitution de rue. Questionner ce milieu à l’aune de la présence d’une telle multitude de faits à la fois de victimisation et de délinquance permet d’envisager la violence caractéristique du parcours de vie global propre à cette population. À ce titre, le lien que nous avons essayé de démontrer entre la fréquence de victimisation et la fréquence de délinquance est révélateur de l’interaction entre des trajectoires traditionnellement opposées, qui reflète elle-même la complexité des parcours de vie des personnes étudiées.

Nier celle-ci par un recours exclusif à des catégorisations socialement construites et aux savoirs qui en sont issus constitue une entrave majeure, non seulement à la bonne compréhension de toute « problématique » — entendue ici comme un phénomène identifié comme « problème » par les décideurs politiques —, mais aussi, par ricochet, à la création des solutions qui pourraient lui être apportées. À rebours de cette tentation simplificatrice, il convient dès lors d’interroger et de remettre en question, encore et toujours, les préjugés et les stéréotypes qui façonnent jusqu’à la manière de construire nos recherches scientifiques. C’est à ce prix seulement que pourra être restaurée la complexité consubstantielle de l’objet étudié, condition préalable à toute action politique consciente et adaptée. L’engagement du chercheur en prise avec une population « problématique », avant d’être idéologique, doit dès lors consister à pénétrer et à restituer cette complexité. Vouloir étudier ce type de population doit inévitablement, et peut-être davantage encore en criminologie, amener le chercheur à s’engager dans cette complexité.

Bibliographie
 — André S. (2017), « Ceci n’est pas de l’abolitionnisme. Le régime juridique de la prostitution : un surréalisme à la belge ? », Revue de la faculté de droit de l’université de Liège, 3, 473 – 494.
 — André S. (2020), La Prostitution dans la Cité : enjeux juridiques et sociaux, Limal, Anthémis
 — Belknap J., Holsinger K. et Dunn M. (1997), « Understanding incarcerated girls : The results of a focus group study », The Prison Journal, 77(4), 381 – 404.
 — Chaumont J.M. (2008), « La construction sociologique de la réalité. L’évolution du statut de vérité de la proposition “la réglementation des prostitutions est la cause de la traite des femmes et des enfants” (1880 – 1948) », Recherches sociologiques et anthropologiques, 39 (1), 87 – 100.
 — Chesney-Lind M. et Pasko L. (Eds.) (2013), The female offender : Girls, women, and crime, Thousand Oaks, CA, Sage Publications.
 — Cops D. et Pleysier S. (2016), « Jeunes délinquants et jeunes victimes : quels liens ? », Justice & Sécurité, 6, 1 – 13.
 — Decorte T., Stoffels I., Leuridan E. et al. (2011), Middelengebruik onder sekswerkers in België : een kwantitatieve en kwalitatieve studie in vijf sectoren van de seksindustrie, Gent, Academia press.
 — Farley M., Cotton A., Lynne J., Zumbeck S., Spiwak F., Reyes M. E. et al. (2003), « Prostitution and trafficking in nine countries : An update on violence and posttraumatic stress disorder », dans Farley M. (Ed.), Prostitution, trafficking, and traumatic stress (p. 33 – 74), Binghamton, NY, Haworth Maltreatment & Trauma Press.
 — Finn M., Muftić L. et Marsh E. (2015), « Exploring the Overlap between Victimization and Offending among Women in Sex Work », Victims & Offenders, 10(1), 74 – 94.
 — Freund K. et Kuban M. (1994), « The basis of the abused abuser theory of pedophilia : A further elaboration on an earlier study », Archives of Sexual Behavior, 23, 553 – 563.
 — Gilfus M. E. (1992), « From victims to survivors to offenders : Women’s routes of entry and immersion into street crime », Women and Criminal Justice, 4(1), 63 – 89.
 — Gunnison E. et McCartan L. (2005), « Female Persisters in Criminal Offending : A Theoretical Examination of Predictors », Women and Criminal Justice, vol. 16, 43 – 65.
 — Jennings W. G., Piquero A. R. et Reingle J. M. (2012), « On the overlap between victimization and offending : A review of the literature », Aggression and Violent Behavior, 17(1), 16 – 26.
 — Katsulis Y., Durfee A., Lopez V. et Robillard A. (2015), « Predictors of Workplace Violence Among Female Sex Workers in Tijuana, Mexico », Violence Against Women, 21(5), 571 – 597.
 — Muftić L. et Deljkić I. (2012), « Exploring the overlap between offending and victimization within intimate partner violence in Bosnia and Herzegovina », International Criminal Justice Review, 22(2), 192 – 211.
 — O’Doherty T. (2011), « Victimization in Off-Street Sex Industry Work », Violence Against Women, 17(7), 944 – 963.
 — Pasko L. et Chesney-Lind M. (2016), « Running the Gauntlet : Understanding Commercial Sexual Exploitation and the Pathways Perspective to Female Offending », Journal of Developmental and Life-Course Criminology, 2(3), 275 – 295.
 — Weitzer R. (2005), « Flawed Theory and Method in Studies of Prostitution », Violence Against Women, 11, 934 – 949.
 — Wilson B. et Butler L. (2014), « Running a gauntlet : a review of victimization and violence in the pre-entry, post-entry, and peri-/post-exit periods of commercial sexual exploitation », Psychological Trauma : Theory, Research, Practice, and Policy, 6, 494 – 504.

  1. Ces données ont été récoltées et une première fois analysées en 2018 par L. Borleteau dans le cadre de son travail de fin d’études en vue de l’obtention du master en criminologie au sein de la Faculté de Droit, Science politique et Criminologie de l’université de Liège. Le cadre théorique et les analyses exposés dans cette contribution résultent pour leur part d’un travail de l’auteure.
  2. Par « délinquance », nous entendons la commission de faits infractionnels. L’usage de cette terminologie se veut générique et s’applique à tout comportement sanctionné par une norme juridique.
  3. Il est important de rappeler que la prostitution (non contrainte) n’est pas une activité illégale en Belgique, mais que la plupart des moyens pour l’exercer le sont (en matière de sollicitation et de publicité notamment). Seule la prostitution de rue est interdite, mais elle ne donne, en pratique, lieu à aucune poursuite de la part du parquet et est donc de facto tolérée Néanmoins, une part importante de pouvoir en matière de contrôle et de règlementation de la prostitution est laissée à l’autorité communale, qui peut l’exercer de manière plus ou moins répressive (pour plus de détails sur le sujet voir notamment André S., 2017 ; 2020). 

    À notre connaissance, seule l’étude de Finn et al. (2015) s’y intéresse directement en investiguant la question de l’overlap victim-offender chez les personnes exerçant une activité de prostitution.

  4. Bien que la prostitution ne soit pas illégale, le fait que la plupart des moyens pour l’exercer le soient peut conduire une personne à être sanctionnée en raison de cette activité (on pense notamment aux infractions de racolage, tenue de maison de débauche, publicité, etc.).
  5. La Task Force Zonale est une section propre à la zone de police de Liège et constitue un service de proximité spécialisé dans la lutte contre les nuisances urbaines.
  6. L’ensemble de ces faits furent classés selon 13 catégories d’infractions telles que présentées dans le tableau de synthèse de résultats.

    Les données collectées ont été, dans un premier temps, compilées afin de dresser la liste de toutes les personnes identifiées comme exerçant une activité de prostitution sur le territoire liégeois à la suite des contrôles de police effectués entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2018.

  7. Les données policières composent ce qu’on appelle la « criminalité apparente » (infractions connues, mais non nécessairement poursuivies), qui ne coïncide pas avec la « criminalité réelle » (ensemble des infractions commises). L’écart entre les deux constitue le chiffre noir.
  8. Le reste de la prostitution, « invisible », reflète des formes de prostitution « privées » (appartement, hôtel, etc.).
  9. Voir le tableau de synthèse pour des résultats plus détaillés.
  10. Ce test compare les données de chaque individu faisant partie du groupeindoor à celles relatives au groupe outdoor et permet de déterminer s’il existe une différence statistiquement significative entre le nombre de faits infractionnels enregistrés en fonction du groupe d’appartenance.
  11. De manière plus approfondie, il est, en effet, possible de constater à l’aide du test U de Mann-Whitney que la comparaison par paire du nombre de faits infractionnels associé à chaque individu du groupe outdoor (n1 = 107) avec chaque individu du groupeindoor (n2 = 190) révèle que sur les 20.330 combinaisons possibles (n1 x n2), les individus du groupe outdoor ont, dans 83,5% des cas, un nombre plus élevé de faits infractionnels qui leur sont associés (U = 16981 ; p < 0,001 ; rb = 0,67).[/efn_note]. Pour chacun des groupes, la majorité des faits de victimisation a trait au vol ou à l’atteinte à l’intégrité physique, bien que les proportions soient inversées entre ces deux groupes. Ainsi, sur les 53,1% de personnes exerçantindoor qui ont été identifiées comme victimes (victimisation exclusive et overlap) on constate que les faits de victimisation sont pour 35,3% des vols et 22,6% des atteintes à l’intégrité physique. Sur les 81,3% identifiées comme victimes au sein de la population outdoor cette fois, les vols constituent 26,1% de l’ensemble des faits de victimisation et les atteintes à l’intégrité physique 37,2%. Bien que ces résultats laissent à penser une certaine similarité dans la répartition des faits, il existe une différence significative entre les deux groupes pour ces types d’infractions, indiquant que les personnes exerçant en outdoor sont victimes, de manière significative, d’un plus grand nombre de ce type de faits. Ce dernier constat est, par ailleurs, généralisable à la différence observable pour la totalité des faits de victimisation. En se rapportant aux différentes formes de victimisation identifiées, il est en outre possible de souligner un effet important de la forme de prostitution envisagée sur le nombre d’atteintes à l’intégrité physique où, à nouveau, les personnes exerçant en outdoor sont de manière plus importante victimes de tels faits. Notons qu’au sein de la populationindoor, les formes de victimisation contre la personne (relative à l’intégrité physique, morale, sexuelle et à la traite des êtres humains) restent importantes (44,8% des faits de victimisation) surtout au regard d’un taux de signalement faible pour ce type de faits11À titre illustratif, la Direction générale Sécurité et Prévention (IBZ) estime un taux de signalement aux autorités de 10% en matière de violence sexuelle.

    À considérer en tenant compte de l’étendue de la période analysée.

  12. Pour les résultats détaillés des analyses de corrélation, voir « Tableau de corrélations » en infra.
  13. r = 0,659 ; p < 0,001.[/efn_note].

    L’inopérance d’une catégorisation binaire et la prégnance de l’overlap

    La synthèse des résultats présentés met en exergue un ensemble d’éléments fondamentaux dans l’appréhension des personnes qui exercent une activité prostitutionnelle. Premièrement, les analyses effectuées démontrent l’inadéquation des catégories traditionnellement mobilisées pour caractériser les individus. Comme cette contribution tente de le mettre en lumière, près de trois personnes sur quatre de l’échantillon étudié ne correspondent pas à ce type de catégorisation. Les analyses menées soulignent par contre l’importance de l’entremêlement des trajectoires dans le passé des personnes identifiées comme exerçant une activité de prostitution sur le territoire liégeois. Ce résultat est d’autant plus probant qu’il se base sur des faits détectés sur le seul territoire liégeois, lesquels ne sont révélateurs que d’une part des faits réellement expérimentés14En raison de la nature des données analysées qui ne reflètent que la « criminalité apparente » et de la limitation territoriale de celles-ci à la zone de police de Liège.

Sophie André


Auteur

Sophie André est criminologue, chargée de cours (ULiège) Elle a consacré son mémoire de master à la pénologie, soit à la réflexion sur le sens de la peine. Un premier contrat de recherche oriente ses travaux vers la “délinquance environnementale”, de la petite incivilité (dépôt d’immondices par des particuliers dans les bois, par exemple) jusqu’à des formes de criminalité plus graves, quand des déchets toxiques sont déversés dans les cours d’eau, par exemple. Sophie André décide ensuite d’entamer un doctorat sur la problématique de la prostitution qu’elle envisage sous un triple point de vue, historique, légal et sociétal. Parallèlement, elle suit un certificat en victimologie et mène plusieurs recherches sur la criminalité organisée ou sur la mortalité par arme à feu.
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