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Une opposition structurante : Anderlecht versus Standard
S’il faut en croire les structuralistes, le monde du pensable est puissamment organisé par des oppositions fondamentales et fondatrices : le cru et le cuit, le chaud et le froid, le diable et le bon Dieu, les dionysiaques et les apolliniens, le yin et le yang, bordeaux et bourgogne, Coppi et Bartali ; pour ne rien dire […]
S’il faut en croire les structuralistes, le monde du pensable est puissamment organisé par des oppositions fondamentales et fondatrices : le cru et le cuit, le chaud et le froid, le diable et le bon Dieu, les dionysiaques et les apolliniens, le yin et le yang, bordeaux et bourgogne, Coppi et Bartali ; pour ne rien dire de Roux et Combaluzier, Moët et Chandon, Charybde et Scylla. Les mêmes structuralistes vous expliqueront que ces paires contrastées sont des modèles qui vous permettent de mieux comprendre l’univers : le grouillement apparemment sans ordre qui fait celui-ci se laissant docilement ordonner par celles-là.
Parmi toutes ces oppositions régulatrices, il en est une qui brille par sa puissance et son universalité. Elle s’était d’ailleurs déjà, frère lecteur, imposée à vous. Cette opposition, c’est : Standard vs Anderlecht.
Anderlecht n’est qu’élégance. Son joueur pose le regard sur le ballon, évalue la situation, et agit avec retenue. Le Standard est roufe-tot-djus. Son joueur se bat avec la balle, mord sur sa chique et fonce. Il travaille, lui. D’ailleurs, le premier est un actionnaire, qui gère son capital avec conscience. Le second est un prolétaire, qui n’a que ses jambes à vendre. Le premier lit les pages saumon du Figaro ; le second, la une bigarrée de La Meuse.
Anderlecht, c’est la science. Le Standard, le courage. C’est la ruse et la force. Ulysse vs Achille. L’Odyssée vs l’Iliade.
Les tenues des Anderlechois sont profilées comme des formule 1. Élargies à l’embouchure du col, elles épousent les formes des sprinteurs et ne laissent aucune prise aux tirages de maillot. Les tenues des Standardmen s’appellent encore des vareuses : épaisses et franches aux coudées, elles sont unitailles et refusent la coquetterie et l’illusion du muscle, au profit de l’identification collective. Les maillots d’Anderlecht résistent mal aux panses à bière. Les vareuses du Standard n’ont pas peur des taches.
Anderlecht est insolemment fier. Le Standard est fier de son insolence.
Anderlecht est froid. Le Standard est chaud. D’ailleurs, le stade de l’un est un parc ; celui de l’autre est un chaudron.
L’un est fait d’individualités, l’autre est une famille.
Si les maillots de leurs joueurs n’avaient pas les couleurs que l’on sait, le Standard serait maillot jaune, Anderlecht maillot vert.
Anderlecht célèbre un sacre, et sable le champagne. Le Standard fête un exploit, et fait péter la chope. L’Anderlechtois s’enorgueillit, le Standardman s’enivre.
Le rouge qui trahit est banni. Le mauve qui trahit est vendu.
Anderlecht est aristo. Le Standard est populo.
Le supporteur d’Anderlecht va au football comme on va à la Villa Lorraine : se réjouissant intelligemment, salivant avec distinction et retenue. Le supporteur du Standard y va comme on va chez Lequet : tonitruant, jubilant grassement en pensant aux sauces et à la mayonnaise. Le premier est laïque, le second est croyant. L’un a le sérieux du Nord, l’autre le cœur sur la Méditerranée.
L’un a des exigences et des ambitions ; l’autre cultive la complaisance et le fatalisme.
Le premier a un contrat avec son club. Il l’a signé avec un stylo Mont Blanc. Et la convention comporte une clause de révision quadriennale. Le second a un pacte. Il l’a garanti de son sang, ah mais. C’est un engagement éternel.
Anderlecht, c’est le club de la capitale, tandis que… Ah non, ça, ce n’est pas une opposition : le Standard, c’est aussi le club de la capitale. Même qu’elle est plus capitale que l’autre, parce qu’elle est plus ancienne, bien plus ancienne, dans son statut de capitale.
Anderlecht et Standard sont entre eux comme constance et fidélité.
Anderlecht est jouteur, le Standard lutteur. Anderlecht est pugnace, le Standard combatif. Anderlecht est accrocheur, le Standard bagarreur. Anderlecht est incandescent, le Standard ardent. Le Standard est flamboyant, Anderlecht étincelant. Le Standard est agressif, Anderlecht offensif. Le Standard est têtu, Anderlecht tenace. Le Standard aveuglant, Anderlecht lumineux.
L’orchestre d’Anderlecht fait de la musique de chambre au salon. Le Standard donne un sens plus pur aux shoots de la tribu.
Le Standard, c’est Aristote. Anderlecht, c’est Platon.