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Une démocratie au chômage

Numéro 2 Février 2012 par Vanessa De Greef

février 2012

Il n’y a pas de sai­son de chasse lors­qu’il s’a­git des chô­meurs. Désor­mais, même les caté­go­ries jus­qu’à pré­sent pro­té­gées, comme les per­sonnes souf­frant de pro­blé­ma­tiques d’ordre men­tal ou psy­chia­trique, tombent sous le feu nour­ri des sanc­tions, sus­pects idéaux et vic­times col­la­té­rales d’une crise éco­no­mique… et démocratique.

Démocratie, mon amour ou comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la crise

John Pit­seys

La crise éco­no­mique ne met pas seule­ment en ques­tion les fon­de­ments du libé­ra­lisme éco­no­mique : elle est à la fois la cause et la consé­quence de la mise sous défen­sive du libé­ra­lisme politique.

En quoi en est-elle la cause ? L’affirmation selon laquelle « la crise éco­no­mique pro­cède d’une crise démo­cra­tique » est deve­nue un lieu com­mun poin­tant à la fois l’absence de contrôle public des banques ou des agences de nota­tion, ain­si que le dépas­se­ment pro­gres­sif des ins­ti­tu­tions éta­tiques ou inter­éta­tiques. Cette crise démo­cra­tique com­porte néan­moins deux autres dimen­sions moins sou­li­gnées. Pre­miè­re­ment, la démo­cra­tie libé­rale place l’entreprise hors du champ démo­cra­tique, comme si celle-ci n’était rien de plus que la somme des parts de pro­prié­té qui la com­posent. La crise de 2008 a mon­tré que l’entreprise devait aus­si être trai­tée comme une ins­ti­tu­tion sociale à part entière. La défi­ni­tion et la pour­suite de son objet social doivent donc faire l’objet d’une ges­tion col­lec­tive et la ges­tion des exter­na­li­tés — couts éco­no­miques, sociaux et envi­ron­ne­men­taux qu’elle pro­duit, mais dont elle ne subit pas tou­jours les consé­quences — doit faire l’objet d’une ges­tion et d’un contrôle publics. Deuxiè­me­ment, nos régimes repré­sen­ta­tifs entre­tiennent l’illusion volon­taire que la légi­ti­mi­té d’une déci­sion ne s’examine que par les membres exis­tants, hic et nunc, de la com­mu­nau­té poli­tique. Or, qu’il s’agisse de la ques­tion de la dette ou de la dif­fi­cul­té d’adopter les trai­tés euro­péens, la crise actuelle nous réap­prend qu’une déci­sion prise aujourd’hui lie éga­le­ment la com­mu­nau­té future par les effets qu’elle pro­duit, mais aus­si par le cadre ins­ti­tu­tion­nel et la marge de négo­cia­tion que celui-ci laisse. La légi­ti­mi­té d’un régime démo­cra­tique ne dépend-elle pas de la pos­si­bi­li­té pour les citoyens de se défaire des déci­sions prises par la géné­ra­tion précédente ?

Et en quoi en est-elle la consé­quence ? La crise éco­no­mique pré­sente la double contrainte sui­vante : les poli­tiques mises en place au niveau natio­nal semblent inef­fi­caces, mais les ini­tia­tives qui seraient prises au niveau inter­na­tio­nal appa­raissent illégitimes.

Dans ce contexte, deux ten­ta­tions se pré­sentent alors.

La pre­mière consiste à faire diver­sion, les gou­ver­ne­ments affi­chant leur volon­ta­risme dans des domaines où l’État conserve quelques pré­ro­ga­tives réga­liennes : l’étranger est refou­lé, le cri­mi­nel est tra­qué, la police est dans la rue… L’État détourne l’attention sur son impuis­sance per­çue en matière éco­no­mique en atti­rant l’attention sur des sphères où son action semble plus lisible.

La seconde consiste à neu­tra­li­ser le débat poli­tique. La crise pro­cé­dant à la fois d’une fata­li­té à laquelle aucun gou­ver­ne­ment ne sau­rait résis­ter et d’un mal­heu­reux acci­dent de par­cours du sys­tème éco­no­mique, ni les poli­tiques mises en œuvre ni les idées qui les fondent ne sau­raient être mises en cause. En revanche, les solu­tions à la crise pro­po­sées par ces mêmes gou­ver­ne­ments sont à la fois objec­tives, de bon sens et sans alter­na­tive pos­sible : elles consistent à repro­duire, mais cette fois de manière cor­recte, les mêmes pro­cé­dures qui pré­va­laient jusqu’en octobre 2008. Dans ce cadre, l’idéal démo­cra­tique est réduit à un dia­logue épi­so­dique entre le gou­ver­ne­ment et les grands corps inter­mé­diaires de la socié­té. Et la légi­ti­mi­té du pou­voir résulte moins de la capa­ci­té des membres de la com­mu­nau­té poli­tique à expri­mer leurs pré­fé­rences, que de la capa­ci­té du gou­ver­ne­ment à pro­duire les déci­sions répon­dant aux meilleurs inté­rêts de la population.

Ces deux ten­ta­tions pré­sentent des visages dif­fé­rents : ceux du popu­liste et du tech­no­crate. Elles se rejoignent néan­moins dans leur manière de consi­dé­rer le débat col­lec­tif comme inutile, voire comme un fac­teur d’instabilité tant pour le gou­ver­ne­ment que pour les acteurs finan­ciers, d’évacuer la com­plexi­té du réel au pro­fit d’un fac­teur d’explication unique et de consi­dé­rer le citoyen comme un élé­ment pas­sif, flou et agré­geable. Ces ten­ta­tions entrainent en outre des consé­quences simi­laires. La méfiance et le dés­in­té­rêt du citoyen tout d’abord, puisque l’action poli­tique lui est d’emblée pré­sen­tée comme inutile : tant l’État dis­ci­pli­naire que la « voie dorée » bud­gé­taire montrent à la fois une reprise en main de l’État sur le citoyen et son aveu d’impuissance devant la crise. Une remise en ques­tion plus fon­da­men­tale de la démo­cra­tie comme idéal social ensuite. La démo­cra­tie est désor­mais per­çue comme un régime inapte à résor­ber les injus­tices, que même les repré­sen­tants ne prennent pas au sérieux. Soit un tel régime n’est plus sup­po­sé être une « vraie démo­cra­tie », capable de répondre aux « vrais » pro­blèmes des « vrais » gens — et on voit relan­cée, comme dans les années trente, la vieille ritour­nelle selon laquelle nos démo­cra­ties libé­rales ne sont après tout que des démo­cra­ties de façade. Soit on est ten­té de déduire que les régimes démo­cra­tiques ne sont pas ou plus adap­tés aux défis d’aujourd’hui, et qu’il s’agit dès lors d’envisager d’autres régimes poli­tiques, plus ration­nels, plus cohé­rents, plus rassurants.

Que reti­rer de cette rela­tion double entre crise éco­no­mique et démo­cra­tique ? Celle-ci pré­sente le béné­fice intel­lec­tuel de nous obli­ger à sor­tir d’un modèle conce­vant l’économie comme un ensemble de règles qua­si phy­siques, et à refu­ser la conta­mi­na­tion de ce modèle au champ social et poli­tique. Elle nous oblige à ques­tion­ner l’idée que la socié­té démo­cra­tique serait un acquis irré­ver­sible. Elle ali­mente la réflexion sur le poli­tique, notam­ment : com­ment pas­ser du dis­cours sur la res­pon­sa­bi­li­té sociale des entre­prises à celui sur la démo­cra­ti­sa­tion de l’espace éco­no­mique ? Com­ment conce­voir une démo­cra­tie au niveau euro­péen, quels qu’en soient les aspects désa­gréables à court terme en matière de droits sociaux ? Enfin, elle nous oblige à revoir le regard que nous por­tons sur les droits humains. D’une part, la crise actuelle rap­pelle que si les droits humains ne sont pas seule­ment une ruse du capi­ta­lisme, ils ne sau­raient pré­sen­ter une alter­na­tive suf­fi­sante pour recons­truire ce qu’est un régime légi­time ou une socié­té juste. D’autre part, elle montre, par la gra­vi­té de son impact social et démo­cra­tique, que le res­pect des droits humains n’est pas seule­ment une variable d’ajustement du capi­ta­lisme —, mais au contraire le mar­queur de ses effets pervers.

Chasse au chômage ou chasse aux chômeurs ?

Sébas­tien Robeet

Cet article a pour but de faire le point sur les réformes en cours de l’assurance-chômage, dans une pers­pec­tive cri­tique et argu­men­tée du chan­ge­ment de para­digme à l’œuvre dans le débat sur l’État social actif, depuis la réforme de 2003 – 2004. Cette réforme, por­tée notam­ment par Frank Van­den­broucke, a eu pour enjeu de chan­ger en pro­fon­deur la logique de l’assurance-chômage. Elle signe la fin de l’exclusion des coha­bi­tants pour chô­mage de longue durée (ex-art. 80) ain­si que la sup­pres­sion du poin­tage communal.

Une nou­velle logique vient rem­pla­cer ces deux pro­ces­sus. Un déve­lop­pe­ment impor­tant de l’accompagnement se met en place, par le ren­for­ce­ment d’une logique à l’œuvre au sein des ser­vices publics de l’emploi (ser­vice public de l’emploi : Acti­ris, Forem, VDAB), qui est pas­sée d’une logique d’intermédiation entre les deman­deurs et les offreurs d’emploi dans le cadre d’un chô­mage fric­tion­nel à une logique struc­tu­relle d’accompagnement des deman­deurs d’emploi dans la défi­ni­tion de leurs attentes et de leurs capacités.

À côté de cette logique d’accompagnement se met en place l’activation du com­por­te­ment de recherche ain­si que la sys­té­ma­ti­sa­tion de l’échange d’informations entre les ser­vices publics de l’emploi et l’Onem.

L’activation du com­por­te­ment de recherche (ACR) a fait cou­ler énor­mé­ment d’encre. On peut reprendre ici les prin­ci­pales cri­tiques qui lui sont adres­sées. Il signi­fie tout d’abord un ren­ver­se­ment de la charge de la preuve. Le chô­meur est pré­su­mé res­pon­sable de sa situa­tion et doit se jus­ti­fier en per­ma­nence afin de pou­voir conti­nuer à béné­fi­cier des allo­ca­tions. Or, lorsque l’emploi est per­du invo­lon­tai­re­ment et que l’on se retrouve au chô­mage, il appa­rait tout de même très péna­li­sant d’exclure des chô­meurs qui ne cher­che­raient pas un emploi… qui est lui-même très théorique.

Par ailleurs, on passe ain­si d’un prin­cipe assu­ran­tiel à un prin­cipe condi­tion­nel. Le prin­cipe d’assurance implique que le risque — la perte d’un emploi — est cou­vert par une indem­ni­sa­tion — l’octroi effec­tif des allo­ca­tions de chô­mage — tant que la per­sonne ne ren­contre pas une offre d’emploi conve­nable. La nou­velle logique mise en œuvre prend en compte des prin­cipes moraux tels que le mérite ou l’effort de recherche comme condi­tion à l’octroi de l’allocation. Ce méca­nisme a, dans la réa­li­té, fait explo­ser le nombre de sanc­tions directes et indi­rectes. Son effi­ca­ci­té est donc éga­le­ment mise en cause dans la volon­té de remise au tra­vail. Et dans un contexte de chô­mage struc­tu­rel, son inef­fi­ca­ci­té est évi­dente. Il s’agit alors pure­ment et sim­ple­ment d’un report bud­gé­taire sur les bud­gets d’assistance déve­lop­pés au sein des CPAS.

L’analyse du creu­se­ment des inéga­li­tés peut être faite ex post, à l’aune des faits. Les plus fra­giles sont plus lour­de­ment et plus fré­quem­ment sanc­tion­nés, alors que ceux dis­po­sant d’un capi­tal cultu­rel ou éco­no­mique arrivent à pas­ser entre les mailles du filet. Un chiffre per­met de se faire une idée de la popu­la­tion sanc­tion­née : moins de 10% des sanc­tions font l’objet d’un recours. Loin d’accréditer l’idée que la sanc­tion est jus­ti­fiée, cela met plu­tôt en lumière l’incapacité de ces per­sonnes à se prendre en main et à se défendre…

Les logiques mises à l’œuvre dans les pro­jets de réforme de l’État et dans le pro­gramme gou­ver­ne­men­tal risquent d’accentuer encore lour­de­ment ces ten­dances. Ain­si, le trans­fert de com­pé­tences pré­vu dans cette réforme accorde la règle­men­ta­tion de la dis­po­ni­bi­li­té au fédé­ral, mais tout le reste est trans­fé­ré aux Régions (sui­vi, sanc­tions, dis­penses de dis­po­ni­bi­li­té). Cette pers­pec­tive risque d’amener rapi­de­ment à une défé­dé­ra­li­sa­tion com­plète de l’assurance-chômage. Un sys­tème fédé­ral ne peut être main­te­nu que si les règles sont appli­quées de la même manière partout.

En outre, les ser­vices publics de l’emploi se trans­for­me­ront alors en mini-Onem régio­naux, avec toutes les com­pé­tences liées à l’emploi. Outre le fait que s’organise net­te­ment un déman­tè­le­ment de la sécu­ri­té sociale, la réunion des fonc­tions de contrôle et d’accompagnement dans les mêmes mains va à l’encontre d’un mou­ve­ment long de déve­lop­pe­ment de l’accompagnement qui met le deman­deur d’emploi et son conseiller dans une rela­tion de confiance.

Enfin, l’extension de l’activation à tous les deman­deurs d’emploi, même non béné­fi­ciaires d’allocations, cou­plée à une dégres­si­vi­té accrue des allo­ca­tions, rend le pro­jet de l’État social actif trans­pa­rent. Ce sont bien les chô­meurs qui sont consi­dé­rés comme res­pon­sables de leur situa­tion. Or, cette res­pon­sa­bi­li­sa­tion indi­vi­duelle risque d’avoir deux effets néfastes : d’un côté, faire bas­cu­ler une part impor­tante de la popu­la­tion de la pré­ca­ri­té à la pau­vre­té, via une nou­velle explo­sion de sanc­tions et de l’autre, aug­men­ter l’insécurité que vivent les chô­meurs afin de les contraindre à accep­ter des emplois de plus en plus pré­caires et mal rému­né­rés, engen­drant modé­ra­tion sala­riale et pré­ca­ri­sa­tion géné­ra­li­sée de l’emploi.

Les chômeurs « mmpp » : à la poubelle les armées de réserve du capitalisme ?

You­ri Caels, Yves-Luc Conreur et Vanes­sa De Greef

Les « per­sonnes souf­frant de pro­blé­ma­tiques d’ordre médi­cal, men­tal, psy­chique et/ou psy­chia­trique » (MMPP) sont ame­nées à deve­nir une nou­velle caté­go­rie offi­cielle de chô­meurs en Bel­gique. Quel est l’objectif de cette caté­go­rie ? S’agit-il de déve­lop­per un ser­vice public d’emploi plus per­for­mant auprès de publics spé­ci­fiques ou d’éloigner davan­tage les tra­vailleurs consi­dé­rés comme improductifs ?

Catégoriser les chômeurs pour mieux les accompagner ?

À la suite de la réforme de la pro­cé­dure d’activation des chô­meurs en 2004, il a été consta­té que les prin­ci­pales vic­times de celle-ci sont des per­sonnes « qui sont déjà en marge du sys­tème et conjuguent un très faible par­cours sco­laire, des pro­blèmes impor­tants de socia­li­sa­tion, de dépen­dance et, fré­quem­ment, de troubles men­taux1 ». En réponse à ce pro­blème, une réforme du plan d’accompagnement des deman­deurs d’emploi pilo­tée par la ministre de l’Emploi, Joëlle Mil­quet, pro­pose d’apporter un accom­pa­gne­ment spé­ci­fique aux deman­deurs d’emploi qui sont les plus éloi­gnés du tra­vail. On y trouve les « non-orien­tables », les « MMPP » et ceux qui en sont éloi­gnés pour une autre rai­son. Si l’on fait par­tie de l’une de ces caté­go­ries (après un scree­ning), la pro­cé­dure d’activation devrait être sus­pen­due pen­dant dix-huit mois maxi­mum. Sans accord de coopé­ra­tion au niveau fédé­ral, chaque ministre régio­nal trans­pose la réforme à sa manière. Der­niè­re­ment, un bat­tage média­tique a eu lieu autour de l’avant-projet de décret du ministre régio­nal wal­lon de l’Emploi et de la For­ma­tion, André Antoine, qui ins­taure, entre autres, la caté­go­rie des MMPP. Mais qui sont-ils ?

Être ou ne pas être un MMPP

Si l’intention ini­tiale d’accompagner un public spé­ci­fique est louable, qu’en est-il en pra­tique ? Com­ment repé­rer une per­sonne « MMPP » d’une per­sonne qui ne l’est pas ? Ne sommes-nous pas tous ame­nés à ren­con­trer un jour un pro­blème d’ordre médi­cal, men­tal, psy­chique et psy­chia­trique ? Et sur la base de quels cri­tères et avec quelles com­pé­tences le conseiller va-t-il diag­nos­ti­quer la per­sonne ? Sera-t-il pos­sible de sor­tir de cette caté­go­rie ? Nom­breux sont les acteurs de ter­rain qui sont per­plexes sur la pos­si­bi­li­té de poser un tel diagnostic.

Actuel­le­ment, comme l’évoque la psy­chiatre Fré­dé­rique Van Leu­ven, « le risque est grand que la case “MMPP” devienne en réa­li­té la caté­go­rie four­re­tout où pla­cer des per­sonnes aty­piques, un peu en dehors de la norme sociale2 ». La notion de MMPP manque ter­ri­ble­ment de pré­ci­sion et est créa­trice d’insécurité juri­dique. Et la per­sonne éti­que­tée ain­si est-elle mieux accom­pa­gnée pour autant ?

Que faire d’un MMPP ?

Va-t-on assis­ter à une « armée de conseillers3 » — expres­sion uti­li­sée par le ministre Antoine — pour s’occuper des armées de réserve du capi­ta­lisme ? Les acteurs de ter­rain sont scep­tiques et évoquent la double dis­cri­mi­na­tion de ces per­sonnes, « d’une part par leur éloi­gne­ment du mar­ché de l’emploi et d’autre part, par l’impossibilité d’atteindre un objec­tif de mise à l’emploi rapide4 ». En outre, quel type de sui­vi appor­te­ra le conseiller ? S’agit-il d’imposer à la per­sonne une obli­ga­tion de se médi­ca­li­ser pen­dant deux ans ? Et pour­quoi caté­go­ri­ser quelqu’un comme MMPP si son trouble ne néces­site pas une inca­pa­ci­té de tra­vail ? La per­sonne éti­que­tée ain­si ne risque-t-elle pas de déployer des pro­blèmes men­taux plus signi­fi­ca­tifs ou de deve­nir plus mar­gi­na­li­sée ? Par ailleurs, le pro­ces­sus d’exclusion d’un réel accom­pa­gne­ment de remise à l’emploi de ces per­sonnes ira-t-il jusqu’au bout ? En effet, nous assis­tons aux tiraille­ments d’une classe poli­tique et éco­no­mique par­ta­gée : entre le fait d’abandonner une armée de réserve du chô­mage consi­dé­rée comme impro­duc­tive et le fait d’accepter d’élargir le nombre de chô­meurs qui « échappent au sui­vi » et ce, même si les emplois manquent. Quoi qu’il en soit, nous consta­tons que les poli­tiques déve­lop­pées pri­vi­lé­gient la voie de la médi­ca­li­sa­tion d’une ques­tion sociale et font l’impasse d’une réflexion en pro­fon­deur sur les liens entre tra­vail et san­té men­tale d’une part et chô­mage et san­té men­tale d’autre part.

  1. Cic­cia L., « Caté­go­ri­sa­tion des chô­meurs : de la seg­men­ta­tion vers la ségré­ga­tion ? », SAW‑B, avril 2011.
  2. Van Leu­ven Fr., « MMPP : médi­ca­li­ser le chô­mage pour mieux exclure », dis­po­nible sur le site du sémi­naire de psy­chia­trie des hôpi­taux Iris Sud.
  3. Van­de­meu­le­broecke M., « Antoine veut ras­su­rer les CPAS », Le Soir, 12 jan­vier 2011.
  4. Febisp, « En Wal­lo­nie, l’employabilité pas­se­ra par une caté­go­ri­sa­tion à des­sein “social”», dans L’insertion, dos­sier « Employa­bi­li­té et seg­men­ta­tion au ser­vice des deman­deurs d’emploi ? », n°87, p. 15. 

Vanessa De Greef


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