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Une année européenne inespérée
La construction de l’Europe politique a‑t‑elle absorbé trop d’énergies ou a‑t‑elle été trop peu investie par des responsables frileux ? Est-elle en retard sur les enjeux ou en avance sur les consciences encore cloisonnées des citoyens qu’elle agrège ? Fallait-il l’élargir avant de l’approfondir ? Tous ces débats sont aujourd’hui dépassés par les faits : l’année 2004 comptera comme […]
La construction de l’Europe politique a‑t-elle absorbé trop d’énergies ou a‑t-elle été trop peu investie par des responsables frileux ? Est-elle en retard sur les enjeux ou en avance sur les consciences encore cloisonnées des citoyens qu’elle agrège ? Fallait-il l’élargir avant de l’approfondir ? Tous ces débats sont aujourd’hui dépassés par les faits : l’année 2004 comptera comme une étape décisive dans les manuels d’histoire.
Au cours de ce printemps, les évènements significatifs vont se multiplier et leur conjonction renforcera leur portée. Le 1er mai, le processus d’adhésion de dix nouveaux pays sera arrivé à son terme. Avec eux, c’est l’Europe centrale qui fait son entrée officielle dans une donne transformée qui sanctionne leur libération de l’emprise soviétique.
Un bon mois plus tard, la commémoration du débarquement de juin 44 rappellera une autre libération. Pour la première fois, le chancelier allemand participera à la cérémonie. Cette présence inédite consolidera, en le parachevant, le socle symbolique sur lequel s’est édifiée la première Europe politique, tant il est vrai que les deux guerres mondiales de la première moitié du XXe siècle ont hanté les consciences et déterminé les volontés des fondateurs.
Cette conjonction est un signe : ce n’est pas dans un oubli consensuel des repères historiques, pas même dans des espoirs consuméristes de croissance infinie que les deux Europes trouveront une voie commune, mais bien dans la reconnaissance mutuelle de leur expérience historique. Même lorsqu’ils induisent des différences de sensibilité, ces héritages ne doivent pas être occultés, mais respectés comme des ressources.
Considéré, il y a trois ans à peine, comme une dangereuse chimère par nombre d’Européens soi-disant convaincus, le projet d’une Constitution connaitra dans les mois qui viennent son achèvement. Les oppositions de principe des uns, le manque de courage des autres, les discussions difficiles de la Convention ont déjà été surmontés. Et aujourd’hui, on doit bien constater que les derniers obstacles de taille sont levés : le déchirement sur l’Irak et les freins que constituaient les gouvernements espagnols et polonais sont en passe de prendre une valeur pédagogique, notamment pour Silvio Berlusconi. Reste à organiser une procédure et un calendrier pour les ratifications, en tenant compte des contingences nationales.
Vers un paysage politique continental
Dans un tel contexte, l’élection, à l’échelon du continent, d’une nouvelle assemblée parlementaire devrait constituer une occasion propice pour que progresse, dans la conscience des citoyens-électeurs, l’idée que des choix politiques fondamentaux s’opèrent à ce niveau de pouvoir qu’est l’Union européenne. Entre le désintérêt et la désaffection du politique à l’échelon national et le messianisme éthéré et souvent inconsistant de l’altermondialisme, un levier pertinent se présente dont il serait malheureux de ne pas se saisir pour se mesurer au réel. On ne peut se contenter de regretter le caractère très imparfait de la future Constitution, notamment dans les domaines économiques et sociaux. Quand le début du match est sifflé, il n’est plus temps de se plaindre que le terrain est trop lourd et que la pluie tombe encore.
Dans une démocratie, la Constitution ne peut, à elle seule, tenir lieu de projet politique. Elle délimite un terrain et fixe les règles dans lesquels se meuvent les acteurs ; elle prévoit aussi sa propre évolution. Quels que soient ses manques ou ses silences prévisibles, ce n’est sans doute pas du texte de cette future Constitution que viendra la difficulté pour l’électeur du 13 juin, mais plutôt de la lisibilité et de la cohérence des offres qui lui seront faites. La faiblesse des partis européens, leurs contradictions internes et leur imprévisibilité ne les mettent pas en mesure de surmonter la perplexité de citoyens confrontés à de nouveaux enjeux. Le paysage politique européen exige une mise en ordre qui prenne en compte l’existence de cette Constitution et le caractère obsolète des débats qu’elle tranche pour mettre en lumière ceux qu’elle ouvre.