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Un vote de second choix aux régionales à Bruxelles ?
Les ennemis de la démocratie ont déjà à moitié gagné quand ils parviennent à imposer un choix négatif à ses partisans les plus déterminés : le pluralisme est rétréci quand il est contraint de se placer sur le seul terrain défensif. Et le premier objectif de l’extrême droite est atteint : jouer le rôle de la vedette par rapport à laquelle […]

Les ennemis de la démocratie ont déjà à moitié gagné quand ils parviennent à imposer un choix négatif à ses partisans les plus déterminés : le pluralisme est rétréci quand il est contraint de se placer sur le seul terrain défensif. Et le premier objectif de l’extrême droite est atteint : jouer le rôle de la vedette par rapport à laquelle tout le monde doit se prononcer. Malheureusement cette demi-victoire doit parfois être concédée dans l’urgence. Ainsi, le vote pour Chirac au second tour, en 2002, était effectivement une priorité. Au fond, la seule lâcheté toujours condamnable vis-à-vis de l’extrême droite, c’est l’abstention qui entraine mécaniquement une surestimation mathématique de son poids électoral. Et force est de constater qu’au second tour des présidentielles, s’il fallait voter, il n’y avait pas le choix.
Cependant, on doit bien constater que les bénéficiaires de ce type de vote indispensable n’en font généralement pas un usage modeste qui tiendrait compte des vraies préférences de ceux qui l’émettent : c’est ce que montre à l’évidence l’exemple français avec le retournement électoral des régionales de 2004. En serait-il autrement à Bruxelles ? Par exemple, voter pour les partis « démocratiques » flamands qui les soutiennent peu ou prou, est-ce que cela attendrirait les bourgmestres du Brabant flamand en campagne pour la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Halle-Vilvorde ?
Mais sommes-nous pour les régionales bruxelloises de 2004 dans le cas de figure exceptionnel des présidentielles françaises de 2002 ? Chez nous la question n’est pas inédite : en 1999 déjà, Louis Tobback invitait les électeurs francophones à faire barrage au Blok de cette façon. Et sans doute a‑t-il été écouté à l’époque par certains d’entre eux. Sans que le problème de fond soit réglé : dans le système bruxellois, avec un peu plus de 5 % des voix, une liste peut théoriquement bloquer les institutions régionales. Le risque chez nous n’est donc pas comme en France l’accession de l’extrême droite à une position dans le pouvoir exécutif (la présidence !). Pour tout dire, les conceptions du Vlaams Blok ne triompheront pas à Bruxelles comme elles auraient pu triompher à Paris.
Il est vrai que si les nationalistes flamands obtenaient la majorité dans leur groupe linguistique, cela dérangerait en effet la vie institutionnelle de la Région. Et que cela forcerait les politiques à faire preuve d’imagination. Au vu du passé, on les en croit capables. Au reste, pour une fois prévoyants, beaucoup ont déjà avancé des solutions pour lever un tel blocage s’il surgissait. Mais aucun parti flamand n’a accepté d’en discuter… avant les élections, exactement comme s’ils spéculaient sur la capacité de nuisance du Blok pour mieux monnayer leur concours à la solution future qu’il faudra bien trouver avec eux. Cette attitude pour le moins ambigüe ne plaide évidemment pas pour un vote de « second choix » en leur faveur.
À l’inverse, on peut avancer que ce vote forcé pour les autres listes flamandes est une pommade qui maintiendra la plaie à vif. Ce qui écorne la vie démocratique dans la capitale de la Belgique, c’est le système des listes unilingues qui rend difficilement praticables les garanties légitimes accordées à la minorité flamande. C’est dans cette faille que se glissent les 5 % d’électeurs probables du Vlaams Blok ; c’est ce défaut qu’exploitent les mécontents francophones irresponsables. Tandis que les politiques prétendent le promouvoir, que la société l’applique vaille que vaille, le système institutionnel n’inscrit pas le bilinguisme dans sa pratique. La seule réponse valable à apporter à la capacité de nuisance du V.B. est donc de le changer. Le vote utile doit être clairement porté du côté des listes qui entendent mettre fin à ce système ou tout au moins qui proposent des alternatives pour neutraliser ses effets pervers. Au reste, la vitalité culturelle de la ville dépend largement de l’abandon progressif d’une vision bi-communautaire qui étouffe l’expression de sa diversité : c’est ce que soutient à juste titre le récent « Manifesto » lancé par des intellectuels flamands bruxellois.
En résumé, ce n’est pas la démocratie qui est menacée à Bruxelles, c’est un défaut du système institutionnel. S’il est vrai que les deux ne sont pas totalement distincts, la première ne se confond pas totalement avec le second. Et voter « utile » pour une liste flamande revient d’abord à céder au chantage d’un très petit nombre d’électeurs. Et, au vu de l’attitude intransigeante des partis flamands, si par bonheur une telle tactique mettait en échec le Blok, rien ne serait fait pour qu’en 2009, il ne faille recommencer à sacrifier son vote.