Skip to main content
logo
Lancer la vidéo

Un système politique mis à l’épreuve

Numéro 11 Novembre 2012 par Michel Molitor

novembre 2012

En démo­cra­tie, les élec­tions, même banales en appa­rence, consti­tuent tou­jours une sorte d’é­preuve. Dans le lan­gage cou­rant, l’é­preuve est une cir­cons­tance dans laquelle on juge les qua­li­tés ou la valeur d’une per­sonne, d’une chose ou d’un prin­cipe. Dans une ver­sion plus dra­ma­tique, l’é­preuve est le dan­ger ou le mal­heur qui mesure le cou­rage d’une personne […]

En démo­cra­tie, les élec­tions, même banales en appa­rence, consti­tuent tou­jours une sorte d’é­preuve. Dans le lan­gage cou­rant, l’é­preuve est une cir­cons­tance dans laquelle on juge les qua­li­tés ou la valeur d’une per­sonne, d’une chose ou d’un prin­cipe. Dans une ver­sion plus dra­ma­tique, l’é­preuve est le dan­ger ou le mal­heur qui mesure le cou­rage d’une per­sonne ou d’un groupe. Les élec­tions com­mu­nales d’oc­tobre 2012 n’ont pas déro­gé à ce prin­cipe. Leur dérou­le­ment, les résul­tats pro­duits, l’u­ti­li­sa­tion qu’en ont faite les divers acteurs poli­tiques com­portent de mul­tiples ensei­gne­ments. On choi­si­ra de se limi­ter à des élé­ments que le recul du temps aura mis en évi­dence et qui com­portent des ensei­gne­ments utiles ou impor­tants tant pour le débat poli­tique que pour le fonc­tion­ne­ment des institutions.

Tout le monde est content ?

Toute élec­tion révèle des évo­lu­tions dans des rap­ports de force ou la sen­si­bi­li­té du public à des thèmes, des pro­po­si­tions ou des choix mis en débat. Géné­ra­le­ment, les élec­tions com­mu­nales concernent sur­tout des enjeux locaux, même si, dans cer­taines cir­cons­tances, elles peuvent por­ter des signi­fi­ca­tions plus géné­rales. Ain­si, en 2006, dans le contexte des affaires à Char­le­roi et à Namur, le scru­tin avait-il la valeur d’un test inter­ro­geant la cré­di­bi­li­té et la légi­ti­mi­té de la pri­mau­té du PS en Wal­lo­nie. En 2012, c’est en Flandre que les élec­tions com­mu­nales étaient sus­cep­tibles de révé­ler des enjeux dépas­sant les rou­tines politiques.

Le soir des élec­tions, en Wal­lo­nie et à Bruxelles, chaque par­ti avait des motifs sub­jec­tifs de satis­fac­tion. La plu­part du temps en Wal­lo­nie et à Bruxelles, il s’a­gis­sait de vic­toires locales plus que de grands mou­ve­ments de fond. En Wal­lo­nie, chaque par­ti avait des gains ou des pertes, et les choses sem­blaient s’é­qui­li­brer, même si au total le MR émer­geait quelque peu. Avec un peu de dis­tance, il est appa­ru que ces élec­tions avaient mar­qué des mou­ve­ments plus sen­sibles : une pro­gres­sion géné­rale du MR qui aug­mente son nombre de bourg­mestre (101 contre 93 au PS) et de conseillers com­mu­naux (une crois­sance de 10,3%; il n’y a qu’É­co­lo qui fait mieux avec un pro­grès de 23%) là ou le PS et le CDH perdent des bourg­mestres1. Aux élec­tions pro­vin­ciales, le PS perd des voix par rap­port aux élec­tions légis­la­tives de 2010 (- 5,68%), mais reste le par­ti domi­nant en Wal­lo­nie avec 31,98% des voix. Le MR est un cha­len­geur en pro­grès (27,71% des voix et un pro­grès de 5,48% par rap­port à 2010). Le CDH est la troi­sième for­ma­tion wal­lonne avec 16,96% en pro­grès de 2,34% (tou­jours par rap­port à 2010); Éco­lo suit avec 13,17% et un qua­si sta­tu­quo. Les villes du sillon indus­triel consacrent tou­jours le PS ou des alliances contrô­lées par ce par­ti (avec des démen­tis locaux comme à Namur ou à Ver­viers). Dans les régions plus rurales ou les petites villes dominent les coa­li­tions. À Bruxelles, l’at­ten­tion a sur­tout été atti­rée par des ren­ver­se­ments d’al­liance qui ont par­fois été inter­pré­tés comme des dénis de démo­cra­tie2.

C’est en Flandre cepen­dant que le scru­tin a été le plus lourd d’en­sei­gne­ments mul­tiples. La vic­toire de la N‑VA à Anvers comme la confir­ma­tion de son implan­ta­tion dans de nom­breuses loca­li­tés sont évi­dem­ment des faits majeurs qui pèse­ront dans la vie poli­tique des mois et années à venir. Aux élec­tions pro­vin­ciales, la N‑VA s’af­firme comme le pre­mier par­ti fla­mand en termes de voix (28,6% contre 21,5% au CD&V). Son pro­grès par rap­port aux légis­la­tives (pour la Chambre) de 2010 est cepen­dant léger (+ 0,8%). Même si le CD&V reste le par­ti qui domine en termes d’im­plan­ta­tion locale (2136 conseillers com­mu­naux CD&V contre 1634 N‑VA), la pro­gres­sion de la N‑VA sur ce ter­rain la consacre comme un pré­ten­dant redou­table dans la posi­tion de Volks­par­tij, plus à droite et plus radi­cal. Comme l’ont sou­li­gné de nom­breux com­men­ta­teurs, en Flandre même, cette pro­gres­sion a des limites. Ain­si, la N‑VA n’a pas réus­si à prendre le pou­voir à Gand, qui était un autre de ses objec­tifs sym­bo­liques. Il n’empêche que, même si elle ne dépasse pas ses scores de 2010, elle confirme son poids dans le champ poli­tique fla­mand, au niveau com­mu­nal main­te­nant3. Il faut évi­dem­ment s’in­ter­ro­ger sur le res­sort de cette pro­gres­sion. Le thème du chan­ge­ment (« De kracht van de veran­de­ring ») a été la réfé­rence domi­nante. Il évoque les deux registres qui avaient fait la for­tune de la N‑VA en 2010 : la réfé­rence natio­na­liste et la résis­tance à un « gou­ver­ne­ment fis­cal » (domi­né par le PS) pré­da­teur des res­sources pro­duites par l’ef­fort des citoyens. Le suc­cès de la N‑VA, à Anvers notam­ment, est dû au trans­fert des voix du Vlaams Belang et de l’O­pen VLD (qui passe de 5 à 2 sièges). Comme on l’a écrit ici même, le res­sort pro­fond de la N‑VA est de se nour­rir du litige ali­men­té en Flandre par la conscience du besoin urgent de dis­po­ser d’une mai­trise com­plète de ses res­sources afin de faire face aux menaces que la crise ou les chan­ge­ments éco­no­miques en cours font peser sur le bien-être de la popu­la­tion4. Cet argu­ment a une force de plus en plus consi­dé­rable aujourd’­hui auprès des classes moyennes pré­ca­ri­sées par la crise. La force poli­tique de Bart De Wever a été de rap­pe­ler cette inter­pré­ta­tion pour ten­ter de pré­ci­pi­ter l’a­gen­da poli­tique du gou­ver­ne­ment fédéral.

Le jeu des interprétations

Dès la soi­rée du dimanche 14 octobre, le contraste était sen­sible entre Bart De Wever qui, sur un ton cas­sant, assi­gnait aux résul­tats obte­nus par la N‑VA une signi­fi­ca­tion poli­tique glo­bale (« Un tour­nant poli­tique ») et les com­men­taires léni­fiants d’E­lio Di Rupo qui insis­tait sur la por­tée stric­te­ment locale du scrutin.

Les péri­pé­ties qui ont donc accom­pa­gné la publi­ca­tion des résul­tats le dimanche14 et le lun­di 15octobre ont véri­fié (une nou­velle fois) que l’in­ter­pré­ta­tion qu’en don­naient les acteurs était plus impor­tante que les résul­tats eux-mêmes, notam­ment en rai­son de l’am­pli­fi­ca­tion don­née à ces inter­pré­ta­tions par les médias. Impo­ser une inter­pré­ta­tion est une stra­té­gie qui vise à condi­tion­ner les agen­das poli­tiques. Le cas de la N‑VA à Anvers est emblé­ma­tique. La vic­toire était atten­due. Tous les son­dages don­naient plus de 30% à la liste conduite par Bart De Wever. La seule ques­tion était de savoir si le score de la N‑VA serait supé­rieur à celui de la coa­li­tion consti­tuée autour de Patrick Jans­sens. Ce fut le cas puisque la N‑VA obte­nait 37,7% des voix et la liste SP.A‑CD&V, 28,6. Immé­dia­te­ment Bart De Wever donne le ton et, devant les médias, invite les res­pon­sables poli­tiques fran­co­phones à enga­ger sans attendre une négo­cia­tion sur une réforme de l’É­tat qui conduise au confé­dé­ra­lisme, ce qui n’é­tait de toute évi­dence pas l’en­jeu des élec­tions com­mu­nales. En outre, il reprend sa cri­tique d’un gou­ver­ne­ment taxa­teur illé­gi­time en Flandre puisque ne repo­sant pas sur une majo­ri­té de repré­sen­tants fla­mands au Par­le­ment fédé­ral. Les médias embraient sur ce dis­cours. Au même moment, à Mons, mal­gré la pres­sion des médias qui le poussent à répondre à Bart De Wever, Elio Di Rupo tente de cal­mer le jeu en insis­tant sur le carac­tère local des élec­tions. C’est une sorte de dédra­ma­ti­sa­tion, mais elle sonne un peu court. Deux jours plus tard, les médias du Nord et du Sud rela­ti­vi­se­ront les choses et insis­te­ront sur les pro­blé­ma­tiques locales (Molen­beek en Région bruxel­loise, les chan­ge­ments dans le pilo­tage de cer­taines com­munes en Flandre, les nou­velles coa­li­tions en Wal­lo­nie…) alors que, dans un autre contexte, le Pre­mier ministre lui-même, contri­bue­ra assez mal­adroi­te­ment à relan­cer la ques­tion du futur de l’É­tat en expli­quant à ses col­lègues lors du som­met euro­péen que la moi­tié de la repré­sen­ta­tion fla­mande au Par­le­ment fédé­ral était désor­mais indé­pen­dan­tiste. C’é­tait une autre manière, incons­ciente peut-être, de dire l’ur­gence. Le jeu de Bart De Wever a donc été de don­ner au scru­tin anver­sois (comme d’ailleurs à la pro­gres­sion géné­rale de la N‑VA en Flandre) une signi­fi­ca­tion spé­ci­fique sus­cep­tible de contraindre le gou­ver­ne­ment fédé­ral à modi­fier son agenda.

Il est évi­dem­ment dif­fi­cile de pré­tendre, quoi qu’en aient dit cer­tains, comme Luc Van Der Kelen avant les élec­tions, que l’é­lec­teur de la N‑VA savait très bien que son vote aurait une signi­fi­ca­tion qui dépas­se­rait l’en­jeu com­mu­nal. Mais la N‑VA avait don­né la cou­leur avec le thème géné­ral du chan­ge­ment (illus­tré par le slo­gan figu­rant sur les affiches N‑VA « De kracht van de veran­de­ring »)5. Le chan­ge­ment est une notion émi­nem­ment poly­sé­mique qui a ral­lié à la N‑VA, sur des motifs pro­ba­ble­ment dif­fé­rents, aus­si bien des élec­teurs anver­sois du Vlaamse Belang que de l’O­pen VLD, mais la N‑VA se joue de ces ambigüités.

Il n’empêche que la ques­tion posée au terme de ces élec­tions est bien celle de l’a­gen­da poli­tique des mois à venir. Du côté fla­mand les par­tis asso­ciés au gou­ver­ne­ment fédé­ral seront pro­ba­ble­ment ten­tés de négo­cier leur pré­sence au gou­ver­ne­ment Di Rupo et le vote au Par­le­ment des réformes opé­ra­tion­na­li­sant les accords acquis en 2011 lors de la for­ma­tion du gou­ver­ne­ment, en ayant dans leur ligne de mire la pro­gres­sion de la N‑VA et les élec­tions de 2014. D’i­ci là, il leur fau­dra engran­ger les pre­miers acquis des réformes à voter dans les mois qui viennent. D’i­ci là, il fau­dra éga­le­ment pro­cé­der aux éco­no­mies bud­gé­taires qu’im­posent les stra­té­gies euro­péennes d’aus­té­ri­té. Cet effort sera une nou­velle occa­sion offerte à la N‑VA pour déplo­rer le cout du bou­let wal­lon obé­rant la richesse labo­rieu­se­ment pro­duite en Flandre, et ceci d’au­tant plus que la catas­trophe indus­trielle de Ford à Genk inci­te­ra à don­ner la prio­ri­té aux pro­blèmes spé­ci­fiques de la Flandre. Les par­tis fla­mands asso­ciés au gou­ver­ne­ment pour­ront oppo­ser à cet argu­ment le rapa­trie­ment en Flandre d’une par­tie sub­stan­tielle des trans­ferts grâce au vote des réformes déci­dées, mais le temps man­que­ra pour en mesu­rer direc­te­ment les effets atten­dus. Ils devront démon­trer qu’ils consti­tuent une alter­na­tive cré­dible aux thèses de la N‑VA.

Pour­ront-ils convaincre en 2014 les élec­teurs fla­mands sur la seule base des réformes engran­gées (qui n’au­ront pas encore don­né leurs effets) et sans pou­voir éva­luer l’ef­fi­ca­ci­té du tra­vail local de la N‑VA (après dix-huit mois de man­dat com­mu­nal)? Le choix est redou­table : adop­ter dès aujourd’­hui une pos­ture radi­cale, quitte à mettre en péril le gou­ver­ne­ment fédé­ral et ouvrir la porte à une aven­ture poli­tique ris­quée. À l’in­verse, l’a­dop­tion d’une stra­té­gie offen­sive « de la res­pon­sa­bi­li­té », pour­rait contraindre la N‑VA à expli­ci­ter et rendre publics ses véri­tables objec­tifs de manière à mettre l’é­lec­teur de 2014 devant un choix clair et rai­son­nable : un État belge réfor­mé en pro­fon­deur ou une auto­no­mie proche d’une sorte d’in­dé­pen­dance. Le pro­blème est que, mis à part Groen et le SP.A, les diri­geants du CD&V comme de l’O­pen VLD n’ont pas de posi­tion très claire en la matière… On voit mal cepen­dant ce qui serait un autre choix, sauf à reve­nir sur les accords de 2011, don­nant ain­si rai­son au com­bat de la N‑VA et ouvrant l’a­ven­ture politique.

La réso­lu­tion des par­tis fla­mands asso­ciés au gou­ver­ne­ment de s’en tenir à l’a­gen­da déci­dé pour­rait être faci­li­tée par plu­sieurs fac­teurs, entre autres la volon­té mani­fes­tée par les par­tis en Wal­lo­nie et à Bruxelles de jouer plei­ne­ment le jeu de la nou­velle réforme de l’É­tat et la res­pon­sa­bi­li­té assu­mée devant la dimi­nu­tion des trans­ferts Nord-Sud. L’at­ti­tude des par­te­naires sociaux, orga­ni­sa­tions syn­di­cales et patro­nales (et notam­ment du Voka) pour­rait être éga­le­ment déter­mi­nante. Par la voix de son pré­sident, Charles Michel, le MR a déjà indi­qué sa sen­si­bi­li­té : la meilleure manière de répondre à la N‑VA est de réduire les dépenses publiques, de main­te­nir une pres­sion fis­cale à un niveau rai­son­nable, de favo­ri­ser la crois­sance éco­no­mique en Wal­lo­nie et à Bruxelles, ce qui est une manière assez rhé­to­rique de sur­fer sur l’é­vi­dence. Les autres par­tis fran­co­phones ne semblent pas avoir indi­qué d’autre orien­ta­tion que leur réso­lu­tion d’ap­pli­quer les enga­ge­ments pris en 2011 lors de la for­ma­tion du gou­ver­ne­ment. Cette loyau­té les dis­pense-t-elle d’en­vi­sa­ger toutes les hypo­thèses qui pour­raient résul­ter d’un éven­tuel rai­dis­se­ment des par­tis fla­mands du gou­ver­ne­ment indexés sur les cri­tiques de la N‑VA ? Com­bien de temps, le sys­tème poli­tique sera-t-il capable de résis­ter aux ques­tions qu’il n’est pas capable de poser clairement ?

Les débâcles indus­trielles de la fin du mois d’oc­tobre, au Nord comme au Sud, sont un nou­vel épi­sode des muta­tions éco­no­miques à l’œuvre depuis de longues années : l’in­ter­na­tio­na­li­sa­tion et le trans­fert des capa­ci­tés de pro­duc­tion, la domi­na­tion inso­lente des logiques finan­cières et le chan­ge­ment des modèles pro­duc­tifs, la trans­for­ma­tion des espaces éco­no­miques et des règles de la coopé­ra­tion. De plus en plus de voix expliquent qu’il faut recher­cher et trou­ver les che­mins d’autres modèles de déve­lop­pe­ment. Elles ajoutent que l’Eu­rope est l’es­pace de réfé­rence dont on mesure chaque jour la néces­si­té accrue. Mais il faut exis­ter en Europe ; nous l’ap­pre­nons chaque jour. L’Eu­rope des régions prô­née par cer­tains est une illu­sion tant que sub­sis­te­ront les grands États domi­nants, et ceux-ci ne sont pas près de se défaire, même si un cer­tain nombre de leurs pré­ro­ga­tives sont déjà trans­fé­rées à l’U­nion. En Bel­gique, l’at­tri­bu­tion de com­pé­tences accrues aux Régions et Com­mu­nau­tés par la sixième réforme de l’É­tat, à mettre en œuvre dans les mois qui viennent, est une nou­velle occa­sion de mettre les Régions devant leurs propres res­pon­sa­bi­li­tés. Ces moyens accrus pour des poli­tiques propres pour­raient les inci­ter aus­si à recher­cher et à acti­ver les coopé­ra­tions néces­saires : les ques­tions qui trouvent une solu­tion par une coopé­ra­tion entre Cour­trai et Lille ou Liège et Cologne, pour­raient aus­si être trai­tées entre Anvers, Genk et Liège. Ceci implique que l’on soit d’ac­cord sur le point d’ar­ri­vée des réformes. Ce n’est pas le cas de la N‑VA. Les autres par­tis, du Nord comme du Sud, mani­fes­te­ront-ils cette volonté ?

*****

Les élec­tions d’oc­tobre 2012 ont sou­mis le sys­tème poli­tique à une rude épreuve.

La pro­gres­sion de la N‑VA en Flandre est à la source d’une pres­sion consi­dé­rable sur le gou­ver­ne­ment fédé­ral, les par­tis qui le com­posent et, au-delà, le sys­tème poli­tique tout entier. Seront-ils capables de répondre aux exi­gences — on n’en dis­cute ici ni le fon­de­ment ni la légi­ti­mi­té — qui donnent sa force à la N‑VA, par d’autres voies qui main­tiennent les coopé­ra­tions néces­saires ? L’his­toire indique qu’il est des demandes sociales aux­quelles on peut répondre à l’in­té­rieur du péri­mètre des ins­ti­tu­tions ou du sys­tème poli­tique en place. Il en est d’autres qui impliquent le dépla­ce­ment des fron­tières internes au sys­tème ou sa modi­fi­ca­tion. L’é­preuve à laquelle est sou­mis le gou­ver­ne­ment fédé­ral, et avec lui le sys­tème poli­tique de la Bel­gique, est pré­ci­sé­ment de mesu­rer leur capa­ci­té à contrô­ler ces chan­ge­ments. Cette réponse implique de la part des divers acteurs poli­tiques de faire la preuve d’un cou­rage consi­dé­rable, lié, entre autres, à la capa­ci­té de regar­der au-delà des échéances de court terme, d’i­ma­gi­ner des réponses cré­dibles aux ques­tions posées dans une conjonc­ture par­ti­cu­liè­re­ment défa­vo­rable, de par­ta­ger mal­gré les dif­fé­rences légi­times un sens renou­ve­lé du bien commun.

  1. Sur la base de chiffres rap­por­tés le 23octobre2012 par La Libre Bel­gique.
  2. Voir dans ce même numé­ro la chro­nique consa­crée à la consti­tu­tion des coa­li­tions à la suite du scru­tin du 14 octobre 2012.
  3. Sa pré­sence est par­fois faci­li­tée par le choix d’ad­ver­saires poli­tiques de s’al­lier avec elle pour trans­for­mer des lea­deur­ships locaux. À Cour­trai, fief CD&V, le vice-Pre­mier ministre VLD, V.Van Qui­cken­borne, s’al­lie avec la N‑VA et le SP.A pour débou­lon­ner le CD&V S. De Clerck.
  4. « Crise poli­tique et mal­en­ten­dus », La Revue nou­velle, septembre2011.
  5. En 1974, le CVP avait construit sa stra­té­gie élec­to­rale autour d’une cam­pagne de mar­ke­ting qui lan­çait un « homme nou­veau,», le futur Pre­mier ministre, Leo Tin­de­mans, avec ce slo­gan : « Met deze man wordt het anders»…

Michel Molitor


Auteur

Sociologue. Michel Molitor est professeur émérite de l’UCLouvain. Il a été directeur de {La Revue nouvelle} de 1981 à 1993. Ses domaines d’enseignement et de recherches sont la sociologie des organisations, la sociologie des mouvements sociaux, les relations industrielles.