Skip to main content
logo
Lancer la vidéo

Un plan pour la Wallonie

Numéro 11 Novembre 2005 par La rédaction

novembre 2005

Au moment où l’on com­mé­more ses vingt-cinq ans d’exis­tence ins­ti­tu­tion­nelle, la Wal­lo­nie peut certes encore jus­ti­fier par son état actuel les pré­oc­cu­pa­tions de déve­lop­pe­ment éco­no­mique, qui lui ont don­né le jour. Face à un déclin rela­tif enta­mé bien aupa­ra­vant, l’u­ti­li­té de la Région ne fait plus aucun doute à pos­te­rio­ri. On en dira autant de la revendication […]

Au moment où l’on com­mé­more ses vingt-cinq ans d’exis­tence ins­ti­tu­tion­nelle, la Wal­lo­nie peut certes encore jus­ti­fier par son état actuel les pré­oc­cu­pa­tions de déve­lop­pe­ment éco­no­mique, qui lui ont don­né le jour. Face à un déclin rela­tif enta­mé bien aupa­ra­vant, l’u­ti­li­té de la Région ne fait plus aucun doute à pos­te­rio­ri. On en dira autant de la reven­di­ca­tion d’au­to­no­mie à laquelle elle fait droit. Les vision­naires des années soixante, d’An­dré Renard à Fran­çois Per­soons, avaient nour­ri de rêves sa phase de ges­ta­tion, au moment même où se creu­sait l’é­cart fatal entre le sillon tra­di­tion­nel de l’in­dus­trie lourde et les ter­ri­toires avoisinants. 

Or il est remar­quable que cette conscience pré­coce, à laquelle la Région wal­lonne a don­né corps et rai­son démo­cra­tique, soit tou­jours aus­si peu par­ta­gée, et encore moins mobi­li­sa­trice, n’ayant effleu­ré l’o­pi­nion wal­lonne que dans les années soixante et sep­tante. Est-ce pour cela que l’ins­ti­tu­tion a été aus­si peu convain­cante dans ses réa­li­sa­tions ? On pour­rait pré­tendre aus­si l’in­verse : que l’exis­tence même de la Région cor­res­pon­dant à une phase par­ti­cu­liè­re­ment aigüe de son déclin, elle fut irré­mé­dia­ble­ment confon­due avec un cor­tège de restruc­tu­ra­tions et de fer­me­tures. Tou­jours est-il qu’a­près un quart de siècle, on en est tou­jours à répé­ter l’acte initial. 

De proche en proche, de contrats d’a­ve­nir en plan Mar­shall, on gagne en pré­ci­sion tac­tique et en emphase com­mu­ni­ca­tion­nelle ce que l’on perd en uto­pie et en pou­voir sym­bo­lique. Comme si la cré­di­bi­li­té d’un rebond tenait tout entière dans la sou­mis­sion à des stan­dards de com­mu­ni­ca­tion et à des modèles éco­no­miques, dont on entend exploi­ter des oppor­tu­ni­tés plu­tôt que d’y ins­crire des pro­jets. Le glo­rieux pas­sé indus­triel et son modèle social fruit de luttes exem­plaires n’ha­bitent plus à cette adresse : ces réfé­rences, impli­cites ou expli­cites, ont lais­sé place à des hori­zons de créa­tion de valeur et de compétitivité.
En creux, avec le plan Mar­shall, tout se passe comme si la Wal­lo­nie devait, pour naitre à elle-même, s’ou­blier et se conce­voir comme une région comme les autres dont le seul héri­tage est celui d’un sinistre conçu comme un dom­mage de guerre. C’est ce qu’in­dique notam­ment l’a­dop­tion d’une déno­mi­na­tion publique que ses pro­mo­teurs n’ont pas choi­sie. Cette longue décan­ta­tion cultu­relle ne peut être igno­rée, mais son ana­lyse ne doit pas se sub­sti­tuer à celle du conte­nu du plan, et des moyens et mesures qui s’y rap­portent. Telle est la logique adop­tée par les auteurs du pré­sent dos­sier qui tentent d’é­va­luer l’am­pleur et les choix du plan, tout en gar­dant le sou­ci de son contexte his­to­rique proche ou lointain.

Ain­si Michel Capron resi­tue le plan Mar­shall dans la lignée des contrats d’a­ve­nir, tan­dis que Benoît Lechat le replace dans le contexte des rela­tions bel­go-belges avec la Flandre, creu­set dans lequel s’est construite une part signi­fi­ca­tive de l’i­den­ti­té wal­lonne. Les contours du plan lui-même sont ana­ly­sés par Mar­cus Dejar­din qui en expli­cite les options stra­té­giques et en rela­ti­vise le poids spé­ci­fique. Cette optique trouve son com­plé­ment dans la contri­bu­tion de Ber­nard Van Asbrouck qui dresse l’é­tat socioé­co­no­mique de l’en­vi­ron­ne­ment géo-éco­no­mique euro­péen de la Wal­lo­nie, ce qui per­met tout à la fois d’en rele­ver les spé­ci­fi­ci­tés et de les relier aux lignes direc­trices du plan. 

Au-delà des cri­tiques, notre dos­sier par­ti­cipe à l’u­na­nime désir d’y croire que l’on trouve, plus ou moins tein­té de scep­ti­cisme, dans la presse et par­mi les acteurs socioé­co­no­miques et poli­tiques de la Région. Sans doute peut-on y lire la las­si­tude du pas­sé évo­qué plus haut. En effet, cha­cun sent qu’un vrai fris­son de la crois­sance en Wal­lo­nie, au-delà des bien­faits qu’elle en tire­rait et du béné­fice qu’en tire­rait la majo­ri­té actuelle, est indis­pen­sable à une (re)naissance. La réus­site du plan serait aus­si comme le début d’une libé­ra­tion : celle d’une emprise oppres­sante de la tutelle publique sur l’a­ve­nir éco­no­mique de la Région. Les incan­ta­tions entre­pre­neu­riales du plan ren­voient à une fai­blesse des acteurs pri­vés ;leur émer­gence seule libè­re­rait le par­ti socia­liste d’un rôle d’ac­teur uni­ver­sel à la fois au four et au mou­lin des sep­tante-deux outils de déve­lop­pe­ment régio­nal, dont il a affu­blé la Wallonie. 

Car, au-delà du plan, cha­cun aspire en effet à ce que la Wal­lo­nie devienne une Région comme une autre, répon­dant aux stan­dards mini­maux de gou­ver­nance publique, ce qui implique que le des­tin du P.S. et sa réno­va­tion cessent de se confondre avec celui de la Région. Tel est l’ho­ri­zon gor­bat­ché­vien qu’ouvre la double pré­si­dence du pro­vi­den­tiel Di Rupo. Et puisque le plan Mar­shall ne tient pas tout entier dans ses choix tech­niques ou dans son ampleur en regard du défi pri­mal, mais aus­si et sur­tout dans l’éner­gie que son cré­dit pour­ra réunir, il faut donc y croire.

La rédaction


Auteur