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Un plan pour la Wallonie
Au moment où l’on commémore ses vingt-cinq ans d’existence institutionnelle, la Wallonie peut certes encore justifier par son état actuel les préoccupations de développement économique, qui lui ont donné le jour. Face à un déclin relatif entamé bien auparavant, l’utilité de la Région ne fait plus aucun doute à posteriori. On en dira autant de la revendication […]
Au moment où l’on commémore ses vingt-cinq ans d’existence institutionnelle, la Wallonie peut certes encore justifier par son état actuel les préoccupations de développement économique, qui lui ont donné le jour. Face à un déclin relatif entamé bien auparavant, l’utilité de la Région ne fait plus aucun doute à posteriori. On en dira autant de la revendication d’autonomie à laquelle elle fait droit. Les visionnaires des années soixante, d’André Renard à François Persoons, avaient nourri de rêves sa phase de gestation, au moment même où se creusait l’écart fatal entre le sillon traditionnel de l’industrie lourde et les territoires avoisinants.
Or il est remarquable que cette conscience précoce, à laquelle la Région wallonne a donné corps et raison démocratique, soit toujours aussi peu partagée, et encore moins mobilisatrice, n’ayant effleuré l’opinion wallonne que dans les années soixante et septante. Est-ce pour cela que l’institution a été aussi peu convaincante dans ses réalisations ? On pourrait prétendre aussi l’inverse : que l’existence même de la Région correspondant à une phase particulièrement aigüe de son déclin, elle fut irrémédiablement confondue avec un cortège de restructurations et de fermetures. Toujours est-il qu’après un quart de siècle, on en est toujours à répéter l’acte initial.
De proche en proche, de contrats d’avenir en plan Marshall, on gagne en précision tactique et en emphase communicationnelle ce que l’on perd en utopie et en pouvoir symbolique. Comme si la crédibilité d’un rebond tenait tout entière dans la soumission à des standards de communication et à des modèles économiques, dont on entend exploiter des opportunités plutôt que d’y inscrire des projets. Le glorieux passé industriel et son modèle social fruit de luttes exemplaires n’habitent plus à cette adresse : ces références, implicites ou explicites, ont laissé place à des horizons de création de valeur et de compétitivité.
En creux, avec le plan Marshall, tout se passe comme si la Wallonie devait, pour naitre à elle-même, s’oublier et se concevoir comme une région comme les autres dont le seul héritage est celui d’un sinistre conçu comme un dommage de guerre. C’est ce qu’indique notamment l’adoption d’une dénomination publique que ses promoteurs n’ont pas choisie. Cette longue décantation culturelle ne peut être ignorée, mais son analyse ne doit pas se substituer à celle du contenu du plan, et des moyens et mesures qui s’y rapportent. Telle est la logique adoptée par les auteurs du présent dossier qui tentent d’évaluer l’ampleur et les choix du plan, tout en gardant le souci de son contexte historique proche ou lointain.
Ainsi Michel Capron resitue le plan Marshall dans la lignée des contrats d’avenir, tandis que Benoît Lechat le replace dans le contexte des relations belgo-belges avec la Flandre, creuset dans lequel s’est construite une part significative de l’identité wallonne. Les contours du plan lui-même sont analysés par Marcus Dejardin qui en explicite les options stratégiques et en relativise le poids spécifique. Cette optique trouve son complément dans la contribution de Bernard Van Asbrouck qui dresse l’état socioéconomique de l’environnement géo-économique européen de la Wallonie, ce qui permet tout à la fois d’en relever les spécificités et de les relier aux lignes directrices du plan.
Au-delà des critiques, notre dossier participe à l’unanime désir d’y croire que l’on trouve, plus ou moins teinté de scepticisme, dans la presse et parmi les acteurs socioéconomiques et politiques de la Région. Sans doute peut-on y lire la lassitude du passé évoqué plus haut. En effet, chacun sent qu’un vrai frisson de la croissance en Wallonie, au-delà des bienfaits qu’elle en tirerait et du bénéfice qu’en tirerait la majorité actuelle, est indispensable à une (re)naissance. La réussite du plan serait aussi comme le début d’une libération : celle d’une emprise oppressante de la tutelle publique sur l’avenir économique de la Région. Les incantations entrepreneuriales du plan renvoient à une faiblesse des acteurs privés ;leur émergence seule libèrerait le parti socialiste d’un rôle d’acteur universel à la fois au four et au moulin des septante-deux outils de développement régional, dont il a affublé la Wallonie.
Car, au-delà du plan, chacun aspire en effet à ce que la Wallonie devienne une Région comme une autre, répondant aux standards minimaux de gouvernance publique, ce qui implique que le destin du P.S. et sa rénovation cessent de se confondre avec celui de la Région. Tel est l’horizon gorbatchévien qu’ouvre la double présidence du providentiel Di Rupo. Et puisque le plan Marshall ne tient pas tout entier dans ses choix techniques ou dans son ampleur en regard du défi primal, mais aussi et surtout dans l’énergie que son crédit pourra réunir, il faut donc y croire.