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Suspicion et criminalisation des chômeurs

Numéro 1 - 2015 par Thierry Amougou

janvier 2015

L’adoption par des gou­ver­ne­ments de gauche de mesures qui ciblent par­ti­cu­liè­re­ment les sans-emplois signe la faillite idéo­lo­gique et poli­tique de la gauche euro­péenne et, plus lar­ge­ment, de la social-démo­cra­tie. Mal­gré la crise des cré­dits hypo­thé­caires et ses effets désas­treux, le néo­li­bé­ra­lisme ren­force son triomphe idéo­lo­gique et son emprise sur les poli­tiques éco­no­miques du monde occi­den­tal parce que la cri­mi­na­li­sa­tion des chô­meurs et des pauvres est une résur­gence contem­po­raine d’une vieille idée de la pen­sée libé­rale du XVIIIe siècle.

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Alors que c’est la pen­sée éco­no­mique libé­rale que l’on trouve à l’origine de la crise des cré­dits hypo­thé­caires dont les répliques se font tou­jours sen­tir dans de nom­breux pays et grands ensembles, notam­ment via une crois­sance en berne et un chô­mage au zénith, le para­doxe conjonc­tu­rel du moment peut se résu­mer au fait que c’est de nou­veau la pen­sée éco­no­mique libé­rale qui mène la danse au sein de nom­breux gou­ver­ne­ments européens.

Le fait que cer­tains gou­ver­ne­ments soient de gauche comme en France ou de centre droit comme en Bel­gique ne semble rien chan­ger au trai­te­ment réser­vé aux chô­meurs. L’assurance chô­mage, défi­ci­taire compte tenu de l’explosion du nombre de chô­meurs, est deve­nue la cible de plu­sieurs réformes et pro­po­si­tions. En Bel­gique par exemple, les chô­meurs devront effec­tuer des tra­vaux d’intérêt géné­ral, prin­ci­pale annonce de la Sué­doise, nou­veau gou­ver­ne­ment belge de centre droit, à l’encontre des sans-emplois.

Dans une conjonc­ture éco­no­mique morose pro­dui­sant dif­fi­cul­tés finan­cières et souf­frances psy­cho­lo­giques pour les chô­meurs, ces mesures font cer­tai­ne­ment bon­dir plu­sieurs Euro­péens sur­pris que leur sta­tut très sou­vent peu enviable soit qua­si­ment cri­mi­na­li­sé tant on sait que les tra­vaux d’intérêt géné­ral cor­res­pondent par­fois à une sanc­tion pénale, et que des soup­çons de tri­che­rie et de désin­vol­ture dans la recherche d’un emploi ne sont pas absents des pro­po­si­tions de réfor­mer l’assurance chô­mage. Celle-ci est pour­tant un sta­bi­li­sa­teur auto­ma­tique, c’est-à-dire un ins­tru­ment éco­no­mique dont les recettes aug­mentent avec la masse sala­riale en période de pros­pé­ri­té et dont les défi­cits en période éco­no­mique dif­fi­cile per­mettent de sou­te­nir la demande des sans-emplois via leur consom­ma­tion, ce qui autre­ment serait impos­sible et ren­for­ce­rait la déprime éco­no­mique ambiante. Qui plus est, l’atonie de la crois­sance euro­péenne semble entre­te­nue par une très faible demande, étant don­né que la poli­tique de l’argent bon mar­ché menée par Mario Dra­ghi à la BCE n’arrive pas à relan­cer l’économie européenne.

Au commencement était la philosophie politique

En effet, avant l’avènement et le triomphe de l’économie poli­tique au XVIIIe siècle, la pau­vre­té fut sur­tout ana­ly­sée par la phi­lo­so­phie poli­tique. En 1697, le phi­lo­sophe John Locke pré­sen­ta un rap­port au minis­tère du Com­merce et des Colo­nies en réponse à la ques­tion « Com­ment mettre les pauvres au tra­vail, selon quelles méthodes et quels moyens ? ». Les pro­po­si­tions de Locke ont pour noms, droit à l’assistance, tra­vail for­cé et mai­son de cor­rec­tion. Sur­tout il ne peut y avoir de cha­ri­té avant d’avoir été obli­gé de tra­vailler. Dans Le Dis­cours sur l’origine et les fon­de­ments de l’inégalité par­mi les hommes (1755), Jean-Jacques Rous­seau va mettre un bémol aux recom­man­da­tions de John Locke en sou­te­nant qu’en dehors des inéga­li­tés natu­relles contre les­quelles on ne peut pas grand-chose, les inéga­li­tés sociales, car construites, doivent avoir un des­tin poli­tique. Selon lui, l’apparition de la pro­prié­té pri­vée, cause pre­mière des inéga­li­tés sociales, est aus­si le moment où l’homme bas­cule dans la vie poli­tique avec la nais­sance d’une socié­té civile. C’est à celle-ci de résoudre ce pro­blème via le contrat social.

Moralisme et naturalisme libéral : Smith et Malthus

L’économie poli­tique va ensuite domi­ner cette ques­tion. Elle ne cher­che­ra plus quel pro­gramme poli­tique mettre en place pour résoudre le pro­blème des pauvres, mais quelle est la mesure pal­lia­tive com­pa­tible avec le bon fonc­tion­ne­ment des lois natu­relles de l’économie. De ce fait, dans La théo­rie des sen­ti­ments moraux (1759), Adam Smith pense comme Man­de­ville que « La richesse consiste dans une mul­ti­tude de pauvres au tra­vail », même for­cé. Par la suite, Tho­mas Robert Mal­thus publia en 1798 son Essai sur le prin­cipe de la popu­la­tion en tant qu’il affecte l’amélioration future de la socié­té. Sa conclu­sion est que l’inégalité dans la crois­sance démo­gra­phique et la crois­sance éco­no­mique, la pre­mière étant supé­rieure à la seconde, s’explique fina­le­ment par le fait que nour­rir les pauvres coute cher et fait bais­ser la crois­sance éco­no­mique autant que la hausse du prix des res­sources qu’entraine la pres­sion de la popu­la­tion pauvre sur les res­sources dis­po­nibles, mais limi­tées : la redis­tri­bu­tion en faveur des pauvres accen­tue donc le pro­blème sans le résoudre car, le lit du pauvre étant fécond, la repro­duc­tion bio­lo­gique exu­bé­rante qui en résulte est réac­ti­vée et main­te­nue à flot par les aides sociales.

David Ricardo ou le conservatisme via un libéralisme décomplexé

David Ricar­do, homme d’affaires avant d’élaborer l’économie poli­tique, sera encore plus insen­sible envers la souf­france des pauvres. Il pro­po­sa une abo­li­tion pur et simple des poor laws qui venaient en aide aux indi­gents, chô­meurs et dému­nis : « Aucun pro­jet d’amendement des lois sur les pauvres ne mérite la moindre atten­tion s’il ne vise, à terme, leur abolition. ».

En s’adossant aux tra­vaux de Mal­thus, Ricar­do sou­tient que les aides aux pauvres aug­mentent leur taux de fécon­di­té car ces aides, accor­dées au pro­ra­ta du nombre d’enfants en charge, incitent à en faire de plus en plus, ce qui appau­vrit la socié­té car l’aide épouse cette ten­dance haus­sière per­ma­nente. Il en résulte deux consé­quences qui appau­vrissent les tra­vailleurs. Pre­miè­re­ment, les aides aux tra­vailleurs entrainent une baisse du salaire natu­rel en deçà du niveau néces­saire à la sub­sis­tance parce que les patrons savent que les pauvres (tra­vailleurs) sont aidés. D’où un salaire qui ne joue plus son rôle régu­la­teur du mar­ché du tra­vail par confron­ta­tion d’une offre et d’une demande de tra­vail. Deuxiè­me­ment, la hausse du taux de fécon­di­té que les aides induisent chez les pauvres aug­mente l’offre de tra­vail des ménages, ce qui entraine une ten­dance bais­sière sup­plé­men­taire sur les salaires. Ces deux dyna­miques mènent à l’appauvrissement des sala­riés. Ricar­do ne fait donc pas de recom­man­da­tion morale.

Dans Prin­cipes de l’économie poli­tique et de l’impôt publié en 1817, Ricar­do ne nie pas la réa­li­té de l’inégalité de rému­né­ra­tion entre tra­vailleurs, ren­tiers et capi­ta­listes, mais recon­nait sa néces­si­té pour le bon fonc­tion­ne­ment des lois éco­no­miques natu­relles du mar­ché car cette inéga­li­té pro­fite fina­le­ment à tous. Il défi­nit ce qu’il faut faire, mieux, ce qu’il ne faut pas faire pour ne pas contra­rier les lois éco­no­miques natu­relles. Si nous confron­tons cette ana­lyse ricar­dienne au point de vue de Rous­seau sur les inéga­li­tés, il appa­rait que Ricar­do ne dis­tingue pas inéga­li­tés natu­relles et inéga­li­tés construites. Dans le cadre de sa réflexion, il dis­tingue deux types de pauvres : les sala­riés et les indi­gents. Les pre­miers sont les pre­mières vic­times des poor laws et deviennent, si ces lois ne sont pas abo­lies, des indi­gents poten­tiels. Il faut donc abo­lir les lois d’aides aux pauvres afin que les capi­ta­listes élèvent le salaire natu­rel et amé­liorent la vie des sala­riés1. In fine, Ricar­do ne voit aucune solu­tion pour les indi­gents. Il les consi­dère comme consti­tuant le niveau de pau­vre­té incom­pres­sible dans toute socié­té étant don­né qu’aucune poli­tique éco­no­mique ne peut en venir à bout sans faillir au prin­cipe de non-contra­dic­tion des lois éco­no­miques natu­relles. Le des­tin éco­no­mique des pauvres rem­place donc leur des­tin poli­tique. Il se joue chez Ricar­do dans un mar­ché du tra­vail qui, parce que non contra­rié par des aides aux pauvres et aux indi­gents, per­met aux tra­vailleurs de per­ce­voir des salaires natu­rels plus éle­vés. D’où sa fidé­li­té à une éco­no­mie poli­tique qui non seule­ment réduit le pro­blème des inéga­li­tés à celui de la pau­vre­té maté­rielle, mais aus­si fait de l’économie for­melle la valeur suprême à laquelle la socié­té doit se sou­mettre même s’il faut pour cela sacri­fier les indi­gents en les lais­sant mourir.

L’hétérodoxie, la révolution, la réforme et l’interventionnisme : Walras, Marx et Keynes

Les hété­ro­doxes vont ensuite prendre le relai en élar­gis­sant le débat vers la ques­tion des inéga­li­tés. Pour Karl Marx, seule la cri­tique ne peut venir à bout du capi­ta­lisme, sys­tème que Ricar­do lui-même recon­nait tendre vers un état sta­tion­naire sans annu­la­tion des inéga­li­tés entre ren­tiers, sala­riés et capi­ta­listes : « Les phi­lo­sophes n’ont fait qu’interpréter le monde de dif­fé­rentes manières, ce qui importe c’est de le trans­for­mer », dit Karl Marx dans L’idéologie alle­mande. Dans une Angle­terre, labo­ra­toire gran­deur nature des désastres humains et sociaux du capi­ta­lisme exa­cer­bé de la deuxième révo­lu­tion indus­trielle, Marx montre que l’exploitation conti­nue des tra­vailleurs par les capi­ta­listes moti­vés vis­cé­ra­le­ment par l’augmentation de la plus-value, est consub­stan­tielle au mode de pro­duc­tion capi­ta­liste dont la prin­ci­pale carac­té­ris­tique est « la pro­duc­tion de plus-value (qui implique la conser­va­tion de la valeur avan­cée au début)». Il en résulte non seule­ment une exploi­ta­tion du pro­lé­ta­riat (la puis­sance de tra­vail) par le capi­tal, mais aus­si une exploi­ta­tion de la socié­té tout entière par les capi­ta­listes qui rému­nèrent le tra­vail social2 en des­sous de sa valeur objec­ti­vée, les mar­chan­dises et ser­vices qui font l’objet de tran­sac­tions. Même si cer­tains résul­tats de Marx sont très proches de ceux de Ricar­do (le tra­vail comme fon­de­ment de la valeur) et de Smith (la recom­po­si­tion du mode de pro­duc­tion capi­ta­liste par exten­sion per­ma­nente des mar­chés), il semble plus proche de l’analyse de Jean-Jacques Rous­seau en ce sens que c’est la socié­té, res­pon­sable des inéga­li­tés entre capi­tal et pro­lé­ta­riat, qui doit aus­si trou­ver les voies et moyens de les combattre.

L’originalité de regard de Léon Wal­ras tient au fait que quoique fai­sant œuvre de science, comme Ricar­do et Marx, il conçoit l’économie poli­tique comme une dis­ci­pline dont l’objet est la richesse sociale. Il la conçoit aus­si de façon com­po­site : l’échange qui est une affaire de science pure basée sur les mathé­ma­tiques, la pro­duc­tion régu­lée par le prin­cipe d’efficience et la répar­ti­tion qui dépend de la jus­tice. Ces trois dimen­sions sont res­pec­ti­ve­ment étayées dans Les élé­ments d’économie poli­tique pure (1874), les Études d’économie poli­tique appli­quée (1898) et les Études d’économie sociale (1896). Cette décom­po­si­tion per­met à Wal­ras de lais­ser la place à l’intervention socié­tale dans la vie éco­no­mique afin de cor­ri­ger les inéga­li­tés via la jus­tice, ce que ne pou­vaient faire ni Marx trop ambi­tieux ni Ricar­do impuis­sant devant la pré­séance des lois éco­no­miques natu­relles sur les poor laws.

Le libé­ra­lisme éco­no­mique modé­ré de John May­nard Keynes va, quant à lui, se pré­oc­cu­per beau­coup plus du chô­mage dont les sta­tis­tiques vont au-delà des 20% au len­de­main de la crise de 1929 : les pauvres ne sont plus les tra­vailleurs par rap­port aux ren­tiers et aux capi­ta­listes, mais désor­mais les chô­meurs. Le chô­mage de masse indui­sant une pau­vre­té de masse par hausse du nombre de chô­meurs, et le rap­port sala­rial étant le prin­ci­pal fac­teur de sécu­ri­sa­tion dans les socié­tés modernes, Keynes va essayer de pro­po­ser un para­digme de sor­tie des désar­rois inhé­rents à la grande dépres­sion : désar­roi social (déla­bre­ment patri­mo­nial), désar­roi dis­ci­pli­naire (on ne croit plus en la science éco­no­mique), désar­roi poli­tique (les hommes poli­tiques sont trai­tés d’incapables) et désar­roi socié­tal (le capi­ta­lisme est mis en doute par une crise qui semble annon­cer le triomphe du rai­son­ne­ment mar­xiste). La Théo­rie géné­rale de l’emploi, de l’intérêt et de la mon­naie qu’il publie en 1936 est à la fois une cri­tique des lois éco­no­miques natu­relles, une méthode d’analyse et une prise de posi­tion poli­tique : que l’on demande aux chô­meurs de creu­ser des trous et de les rebou­cher afin qu’ils soient payés et puissent consom­mer pour faire tour­ner l’économie. Frie­drich Von Hayek, ultra­li­bé­ral fut contre, non seule­ment les pres­crip­tions key­né­siennes qui pour lui annon­çaient le com­mu­nisme, mais éga­le­ment les syn­di­cats accu­sés d’empêcher un jeu libre des offres et des demandes de tra­vail au sein du mar­ché du tra­vail tout en met­tant le pou­voir poli­tique dans la rue.

Quelques hétérodoxes contemporains

De nos jours, Amar­tya Sen qui a obser­vé la pau­vre­té en Inde insiste beau­coup sur le fait que ce sont les contraintes néga­tives sur les droits et les capa­ci­tés d’accès des per­sonnes qui empêchent un fonc­tion­ne­ment cor­rect des mar­chés et excluent ain­si les popu­la­tions les plus pauvres de l’accès à la nour­ri­ture via l’échange quand, dans Le prix de l’inégalité (2012) Joseph Sti­glitz met en avant le cout des inéga­li­tés sous formes de crises éco­no­miques, de faillites, de crises poli­tiques et d’anomie socié­tale comme celles induites par les révo­lu­tions arabes. En 2012, Abhi­jit Baner­jee et Esther Duflo publient Repen­ser la pau­vre­té. Ils sou­tiennent contre Jef­frey Sachs3 (il faut aug­men­ter l’aide au déve­lop­pe­ment), contre William Eas­ter­ly4 (il faut sup­pri­mer l’aide au déve­lop­pe­ment) et contre Dam­bi­sa Moyo5 (l’aide au déve­lop­pe­ment est inutile et rava­geuse) que la lutte contre la pau­vre­té peut être un suc­cès si on iden­ti­fie pré­ci­sé­ment les pro­blèmes qui la causent et la meilleure façon d’utiliser l’aide au développement.

Dans la même veine, mais avec un point focal sur les inéga­li­tés de patri­moines, Le capi­tal au XXIe siècle, ouvrage majeur que publie Tho­mas Piket­ty en 2013, montre, en dehors des spé­ci­fi­ci­tés sur la tra­jec­toire des inéga­li­tés liées à la per­son­na­li­té his­to­rique des pays, et hor­mis des points posi­tifs sur la conver­gence des reve­nus annuels par tête et des connais­sances entre les pays du Nord, que la thèse de la conver­gence défen­due depuis 1950 par la courbe en U ren­ver­sé de Kuz­nets ne se véri­fie pas dans les pays et glo­ba­le­ment. Avec un taux de crois­sance plus faible que le ren­de­ment du capi­tal, les inéga­li­tés s’acheminent au Nord vers un niveau plus pro­fond qu’au XXe siècle car le capi­ta­lisme actuel com­bine les inéga­li­tés arbi­traires du patri­moine et les inéga­li­tés de reve­nus basées sur une fausse méri­to­cra­tie sui­vant laquelle les plus per­for­mants sont mieux rému­né­rés par le mar­ché du tra­vail. En consé­quence, les pauvres et les pré­caires deviennent res­pon­sables de leur situa­tion car il dépend d’eux, d’après la pen­sée néo­li­bé­rale, de deve­nir pro­duc­tifs et de gagner plus.

Il faut mieux contrô­ler les chô­meurs, les chô­meurs sont des tri­cheurs, les chô­meurs coutent cher à la col­lec­ti­vi­té, il faut que les gens paient pour avoir la vraie valeur des choses, les sans-emplois pré­fèrent un chô­mage de confort au tra­vail, les pauvres consomment ce qu’ils gagnent et seuls les riches inves­tissent ce qu’ils gagnent, sont quelques-unes des idées inoxy­dables héri­tées de cette tra­jec­toire de la pen­sée éco­no­mique libé­rale sur les pauvres. Il en résulte un cli­mat de méfiance et de sus­pi­cions envers les plus vul­né­rables de nos socié­tés en les soup­çon­nant d’être de mau­vais citoyens là où seul le chef d’entreprise devient le citoyen modèle car c’est lui qui seul crée­rait la richesse quand les chô­meurs la consom­me­raient uni­que­ment. Plu­sieurs gou­ver­ne­ments euro­péens se situent dans cette filia­tion intel­lec­tuelle et donnent rai­son à John May­nard Keynes qui disait : « Les idées des éco­no­mistes et des phi­lo­sophes poli­tiques, qu’elles soient cor­rectes ou non, sont plus puis­santes que ce que l’on pense géné­ra­le­ment. En réa­li­té, elles dirigent le monde ou peu s’en faut. Les hommes d’action, qui pensent être dénués d’influence intel­lec­tuelle, sont en géné­ral les esclaves de quelque éco­no­miste défunt. »

  1. Par­lant de l’état de nature, celui de Ricar­do, compte tenu du res­pect indé­fec­tible qu’il sou­haite des lois éco­no­miques natu­relles, serait plu­tôt de type hob­be­sien où l’homme est un loup pour l’homme et non de type rousseauiste.
  2. Pour Marx, la valeur de la mar­chan­dise est une réa­li­té pure­ment sociale et le tra­vail qui en consti­tue le fon­de­ment, « un feu vivant qui trans­forme la matière ».
  3. 2005, The end of pover­ty : Eco­no­mic pos­si­bi­li­ties for our time, Pen­guin Press.
  4. 2009, Le far­deau de l’homme blanc : l’échec des poli­tiques occi­den­tales d’aide aux pays pauvres, trad. de P. Her­sant et S. Klei­mann-Lafon, édi­tions M. Haller.
  5. 2009, L’aide fatale : les ravages d’une aide inutile et de nou­velles solu­tions pour l’Afrique, trad. De A. Zavriew, J.‑Cl. Lattès.

Thierry Amougou


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