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Stèles, La Grande Famine en Chine, 1958 – 1961, de Yang Jisheng

Numéro 4 Avril 2013 par Bernard De Backer

avril 2013

Si l’on ignore de Lushan quel est le vrai visage C’est sim­ple­ment qu’on est soi-même au cœur de la mon­tagne. Su Shi, poète chi­nois (dynas­tie des Song, XIe siècle)  On pour­rait l’oublier, être ten­té de la pas­ser par pertes et pro­fits, tant le « trem­ble­ment du monde » sus­ci­té par l’éveil de la Chine acca­pare l’attention des […]

Si l’on ignore de Lushan quel est le vrai visage
C’est sim­ple­ment qu’on est soi-même au cœur de la montagne.
Su Shi, poète chi­nois (dynas­tie des Song, XIe siècle) 

On pour­rait l’oublier, être ten­té de la pas­ser par pertes et pro­fits, tant le « trem­ble­ment du monde » sus­ci­té par l’éveil de la Chine acca­pare l’attention des médias, des experts et des poli­tiques, voire des sino­logues eux-mêmes. On pour­rait aus­si se dire : « Encore une Grande Famine com­mu­niste. Après celles de l’Ukraine, du Kaza­khs­tan, du Cam­bodge, de la Corée du Nord… Oui, le bol­che­visme a été meur­trier. Res­tons-en là. Occu­pons-nous du pré­sent, de l’avenir et des vivants. » L’auteur du livre dont nous ren­dons compte1 n’a pas oublié, même s’il est membre du Par­ti com­mu­niste depuis 1964, a été jour­na­liste à l’agence Chine Nou­velle et s’occupe aus­si des vivants. Il avait dix-huit ans au moment du début de la famine, vingt-et-un lorsque celle-ci prit fin. Il sur­vé­cut, mais pas son père adop­tif, dont il ten­ta d’enrayer l’agonie et auquel une des quatre stèles du livre est dédiée. Les trois autres stèles le sont aux trente-six-mil­lions de Chi­nois morts de faim, selon l’auteur, « au sys­tème qui a pro­vo­qué cette catas­trophe » et, anti­ci­pa­ti­ve­ment, à lui-même, Yang Jisheng, au cas où il lui « arri­ve­rait mal­heur » à la sor­tie de son livre. La stèle est à ses yeux une « maté­ria­li­sa­tion de la mémoire » afin de com­battre l’«amnésie his­to­rique » for­cée par le pou­voir et dont « souffrent si sou­vent » les Chi­nois. Amné­sie qui ne concerne pas qu’eux, nous le savons. Sin­gu­liè­re­ment en Bel­gique, le pre­mier pays euro­péen à voir naitre un par­ti maoïste sur son sol et le der­nier à en conser­ver un.

La Route du paradis

Tel était le pre­mier titre, d’une iro­nie gla­ciale, mais bien adap­tée au sujet, que l’auteur avait choi­si pour son livre. Car telle est la route que Mao Zedong et les caciques du par­ti, sus­pen­dus à son auto­ri­té deve­nue gra­duel­le­ment impé­riale, croyaient prendre lorsqu’ils déci­dèrent de la « ligne géné­rale » lors du congrès de Cheng­du en 1958. Contrai­re­ment à l’édition chi­noise, qui décrit d’abord la famine dans le pre­mier tome et ana­lyse ensuite le contexte his­to­rique dans le second, la ver­sion fran­çaise suit un ordre inverse, le contexte étant moins connu des Occi­den­taux. La pre­mière par­tie du livre, Le Grand Bond en avant. Vers la col­lec­ti­vi­sa­tion à marche for­cée, est consa­crée aux pro­lé­go­mènes his­to­riques, idéo­lo­giques, poli­tiques ; la seconde, Les pro­vinces en proie à une famine sans pré­cé­dent, à la recen­sion minu­tieuse des effets du Grand Bond en avant dans les cam­pagnes ; la troi­sième, Les consé­quences démo­gra­phiques et poli­tiques de la famine, aux impacts ali­men­taires et démo­gra­phiques, ain­si qu’aux réac­tions du pou­voir et de la popu­la­tion face à la famine, qui sévit durant quatre années. Notons que cette par­tie consacre un cha­pitre aux « causes fon­da­men­tales de la Grande Famine » et à « son impact sur la poli­tique chi­noise » dans les années qui suivirent.

Depuis la fon­da­tion de la Répu­blique popu­laire de Chine, le 1er octobre 1949 — après la défaite du Kuo­min­tang qui se replia sur Tai­wan —, un des objec­tifs cen­traux du Par­ti com­mu­niste chi­nois (PCC), qui détient tous les leviers du pou­voir, est le pas­sage rapide de la socié­té chi­noise au com­mu­nisme, l’étape du socia­lisme devant être la plus brève pos­sible. À mi-che­min entre le pro­ces­sus sovié­tique qui connut deux révo­lu­tions (1917 et 1929) et le « Super Grand Bond en avant » des Khmers rouges (entre 1975 et 1978) qui vou­lurent « faire encore mieux et plus vite » que la Chine pour atteindre le nir­va­na com­mu­niste, le pou­voir maoïste mit son « ambi­tion du défi­ni­tif » (Mar­cel Gau­chet) en œuvre par pous­sées suc­ces­sives entre 1949 et la fin de la révo­lu­tion cultu­relle en 1976. Si Mao était au pou­voir en Chine pen­dant cette période (il pré­si­dait le PCC depuis 1943) et avait déjà diri­gé une petite par­tie du pays2 dans les années 1930, le Grand Timo­nier devait néan­moins conduire son vais­seau entre des cou­rants par­tiel­le­ment divergents.

L’objectif était clair : indus­tria­li­ser et armer rapi­de­ment le pays, déve­lop­per les zones urbaines, col­lec­ti­vi­ser l’agriculture et ponc­tion­ner les pay­sans pour nour­rir les ouvriers et les cita­dins, voire expor­ter des den­rées agri­coles pour faire ren­trer des devises et des biens d’équipement. L’équation était sem­blable à celle de la col­lec­ti­vi­sa­tion sovié­tique et les effets de cette poli­tique le furent éga­le­ment, sauf que la mise en œuvre chi­noise fut plus radi­cale. Elle impli­quait en effet une col­lec­ti­vi­sa­tion beau­coup plus pous­sée qu’en URSS, notam­ment par le biais des com­munes popu­laires, dont les can­tines col­lec­tives ôtèrent aux pay­sans jusqu’au droit de cui­si­ner chez eux, voire même d’y faire du feu. Cette impul­sion radi­cale venue du som­met de la pyra­mide du pou­voir s’effectuait à tra­vers une chaine de com­man­de­ment ver­ti­cal3 dans un cli­mat idéo­lo­gique exa­cer­bé (le « vent du com­mu­nisme », trans­for­mé en « typhon rouge »), par­fois d’une vio­lence inouïe, qui débou­cha sur une bru­ta­li­sa­tion extrême de la socié­té. La crainte des cadres locaux et des cadres inter­mé­diaires était telle que les sur­en­chères, d’un côté, et l’occultation des réa­li­tés par la mani­pu­la­tion des sta­tis­tiques ou la cen­sure de l’information, de l’autre, empê­chèrent un ajus­te­ment des pré­lè­ve­ments aux réa­li­tés des récoltes (déjà réduites par les erre­ments de la col­lec­ti­vi­sa­tion) dans nombre de pro­vinces et de régions.

À ce méca­nisme sys­té­mique, où les visées uto­piques du mes­sia­nisme com­mu­niste se conju­guèrent à la mili­ta­ri­sa­tion de sa mise en œuvre dans un cli­mat exal­té et mani­chéen, se joi­gnirent bien sou­vent la rapa­ci­té et la cruau­té de ceux qui pos­sé­daient une par­celle de pou­voir. Aux diverses consé­quences de la mal­nu­tri­tion et de la famine, à celles de la déstruc­tu­ra­tion des com­mu­nau­tés pay­sannes, de leurs champs et de leur habi­tat, s’ajoutèrent les séances d’autocritique, les dénon­cia­tions, les pas­sages à tabac et les tor­tures. Jusqu’à atteindre des consé­quences ultimes dans plu­sieurs régions : le can­ni­ba­lisme et le com­merce de la chair humaine, en lieu et place du Para­dis sur terre.

L’herbe sous le vent

La pre­mière par­tie du livre de Yang Jisheng détaille le déploie­ment chro­no­lo­gique, idéo­lo­gique, et poli­tique de la « ligne géné­rale de construc­tion du socia­lisme » qui devait conduire la Chine vers le com­mu­nisme. Il s’agissait de « viser la pre­mière place, en fai­sant davan­tage, plus vite, mieux et à moindre cout ». Et la pro­pa­gande cla­mait : « La grande vitesse est l’âme de la ligne géné­rale. » L’objectif est donc clai­re­ment de dépas­ser l’Union sovié­tique pour lui ravir la « pre­mière place ». Rap­pe­lons que Sta­line est mort en 1953 et que Khroucht­chev a pré­sen­té son « rap­port secret », cri­ti­quant Sta­line, en 1956. Le lea­deur sovié­tique inau­gure le « révi­sion­nisme » qui entrai­ne­ra une rup­ture avec le maoïsme, pré­ci­sé­ment durant la famine de 1958 – 1961. Le lea­deur­ship du mou­ve­ment com­mu­niste inter­na­tio­nal est en jeu, et Mao consi­dère que son pays, plus pauvre et plus arrié­ré que l’URSS, a l’avantage d’être « vide et blanc » et que l’on peut dès lors y implan­ter et y déve­lop­per le socia­lisme et le com­mu­nisme de manière accélérée.

Le tout sera accom­pa­gné d’une rhé­to­rique mili­ta­ro-poé­tique où les « dra­peaux » rouges faseyent dans divers « vents » révo­lu­tion­naires. D’où le carac­tère « futu­riste » (au sens du mou­ve­ment artis­tique conco­mi­tant de la nais­sance du fas­cisme ita­lien) de nom­breux slo­gans qui exaltent la volon­té, la vitesse, l’audace et l’action : « Fon­cer, viser haut », « Oser pen­ser, oser par­ler, oser agir », « Un jour égale vingt ans », « Extir­per les super­sti­tions, libé­rer la pen­sée », « Bon­dis­sons ! Bon­dis­sons ! Bon­dis­sons encore ! ». Vitesse et radi­ca­li­té du pro­ces­sus qui risquent d’être ampli­fiées à tra­vers la chaine de com­man­de­ment, car, comme le rap­pelle l’auteur en citant le vieux phi­lo­sophe confu­céen Men­cius : « Quand les supé­rieurs aiment quelque chose, les infé­rieurs l’affectionnent bien plus vive­ment encore ; la ver­tu de l’homme supé­rieur est comme le vent, celle de l’homme infé­rieur comme de l’herbe. L’herbe, si le vent vient à pas­ser sur elle, s’incline. »

Mao Zedong n’est cepen­dant pas sans ren­con­trer des réti­cences qui mettent en garde contre son « aven­tu­risme ». À plu­sieurs reprises, des diri­geants du PCC énoncent plus ou moins pru­dem­ment des « réserves » ou des cri­tiques plus franches à l’encontre de la poli­tique sui­vie, notam­ment l’héroïque Peng Dehuai4. Du début des années 1950 à la confé­rence de Lushan d’aout 1959, qui appuie défi­ni­ti­ve­ment la poli­tique du Grand Bond en avant et condamne la « clique anti-par­ti menée par Peng Dehuai » et les « ten­dances oppor­tu­nistes de droite », plu­sieurs revi­re­ments vien­dront pro­vi­soi­re­ment adou­cir ou réorien­ter la poli­tique de col­lec­ti­vi­sa­tion et de pres­su­ri­sa­tion des masses pay­sannes. Ce fut le cas lors du VIIIe congrès du PCC en sep­tembre 1956 qui désa­voua l’aventurisme de Mao, mais celui-ci reprit la main après le « mou­ve­ment des cent fleurs » et finit par faire triom­pher sa ligne, mal­gré de nou­velles cri­tiques contre le « vent de l’exagération ». Après sa vic­toire à la confé­rence de Lushan, l’année 1960 est décla­rée « année du Grand Bond en avant ». Le vent va souf­fler et se trans­for­mer en typhon, l’herbe s’inclinera de plus en plus profondément.

La cuillère à riz dans la main des dirigeants

Avant de pré­sen­ter la seconde par­tie de Stèles, il est néces­saire de reve­nir sur un autre aspect de ses cha­pitres ini­tiaux, celui consa­cré, non pas au dérou­lé chro­no­lo­gique du contexte idéo­lo­gique et poli­tique, mais à ce qui consti­tue, selon Yang Jisheng, le « socle orga­ni­sa­tion­nel de la famine » et la « base du régime tota­li­taire » (ce sont les termes de l’auteur): les com­munes popu­laires et les can­tines com­munes. Mao Zedong, écrit-il, a pous­sé la « col­lec­ti­vi­sa­tion de l’agriculture à son paroxysme ». Il ne s’agissait en effet pas de redis­tri­buer les terres aux pay­sans qui en étaient dépour­vus, afin qu’ils les exploitent indi­vi­duel­le­ment ou sous forme de coopé­ra­tive — comme lors de réformes agraires pré­cé­dentes (dans les ter­ri­toires sous contrôle com­mu­niste avant 1949) —, mais bien d’une « expro­pria­tion impi­toyable » de la pay­san­ne­rie. L’objectif était évi­dem­ment que l’État ait le contrôle éco­no­mique total de la pro­duc­tion agri­cole — dans un pays où il y avait encore cent-dix-mil­lions de fermes indé­pen­dantes —, mais aus­si le contrôle poli­tique des masses rurales. Ce pro­gramme s’est dérou­lé entre 1955 et 1958, le « choix » étant par­fois don­né aux vil­la­geois d’opter « pour le socia­lisme » ou « pour les capi­ta­listes et les Amé­ri­cains ». Pro­ces­sus de col­lec­ti­vi­sa­tion qui ne se pro­dui­sit pas sans heurts et oppo­si­tions, ce qui entrai­na des injonc­tions du PCC à « ren­for­cer l’éducation socia­liste de la popu­la­tion rurale » afin que les récal­ci­trants reviennent vers la construc­tion du socia­lisme après avoir été sou­mis à des « débats » sous forme de « luttes publiques ».

Yang Jisheng rap­pelle que le concept de « com­mune popu­laire », qui consti­tue un niveau d’intégration col­lec­tive supé­rieur au kol­khoze ou sov­khoze sovié­tique, fut intro­duit offi­ciel­le­ment dans tout le pays par un article publié en juillet 1958 dans le maga­zine Dra­peau rouge : « Une socié­té entiè­re­ment nou­velle, un homme entiè­re­ment nou­veau ». Mao était content, comme il le fit savoir lors d’une visite dans une com­mune popu­laire du Henan quelques mois plus tard : « C’est vrai­ment bien, les com­munes popu­laires. L’avantage, c’est qu’elles mêlent indus­trie, agri­cul­ture, com­merce, édu­ca­tion et milice, c’est plus com­mode à diri­ger ». La com­mune popu­laire, « voie royale du com­mu­nisme », est comme une cel­lule du grand corps révo­lu­tion­naire, inté­grant de mul­tiples acti­vi­tés pro­duc­tives ain­si que leur contrôle poli­tique et poli­cier, sans oublier celui de la « vie des gens ». La pro­prié­té des terres et des biens (ani­maux, outils agri­coles, avoirs divers) est trans­fé­rée à la com­mune, les pay­sans sont dépossédés.

Comme le sou­ligne l’auteur avec exemples à l’appui, les com­munes, outre l’intégration éco­no­mique et admi­nis­tra­tive, mettent en place une « mili­ta­ri­sa­tion de la vie quo­ti­dienne des masses » et une dépen­dance totale de celle-ci par le biais du sys­tème de la « four­ni­ture gra­tuite » (notam­ment des repas et des biens de pre­mière néces­si­té, dont pou­vaient dès lors être pri­vés les sujets récal­ci­trants). Le tra­vail y est orga­ni­sé de façon mili­taire, comme dans ce témoi­gnage rela­tif à une com­mune popu­laire du Henan : « Tout le monde se levait ensemble, pre­nait ses repas ensemble, le tout au son du clai­ron. Les mai­sons des vil­lages étaient répar­ties en casernes, les hommes étaient logés dans l’aile est, les femmes dans l’aile ouest, les vieux et les enfants dans une aile de “gar­ni­son”». Nous ne sommes pas très éloi­gnés du sys­tème mis en place par les Khmers rouges, d’autant que dans cer­tains cas, sou­ligne Yang Jisheng, « le modèle de vie fon­dée sur l’unité fami­liale a été trans­for­mé en un modèle fon­dé sur l’équipe de pro­duc­tion. L’objectif d’anéantir la famille était fina­le­ment atteint5. »

Les can­tines com­munes sont, en effet, dans les pré­misses de la famine qui s’annonce, d’une impor­tance toute par­ti­cu­lière. Elles sont opé­ra­tion­nelles entre l’été 1958 et l’été 1961. Leur implan­ta­tion est à situer, entre autres, dans le contexte d’une per­cep­tion de la famille comme obs­tacle à la réa­li­sa­tion du com­mu­nisme, ce que Mao avait affir­mé lors de la confé­rence de Cheng­du en mars1958 : « La famille est appa­rue dans la période finale du com­mu­nisme pri­mi­tif et elle doit être détruite : elle a eu un début, elle aura une fin […] à l’avenir, la famille va deve­nir quelque chose de non favo­rable au déve­lop­pe­ment des forces pro­duc­tives. » Pri­ver les familles pay­sannes de la mai­trise des repas, c’est bien enten­du com­men­cer à déman­te­ler l’organisation fami­liale et la notion même de « foyer », au sens maté­riel et humain du terme.

Mais c’est aus­si exer­cer un contrôle poli­tique de l’alimentation quo­ti­dienne par la dis­tri­bu­tion « gra­tuite » de la nour­ri­ture. Ce long pas­sage de Stèles mérite d’être cité en entier : « Le pro­ces­sus de mise en place de can­tines a consis­té à dépouiller les pay­sans. Leurs four­neaux ont été démon­tés, leurs usten­siles tels que poêles, cas­se­roles, bols, baguettes, tasses, leurs tables, bancs et tabou­rets réqui­si­tion­nés. Les céréales étaient ras­sem­blées dans les can­tines, tout comme le bois de chauf­fage, et les ani­maux domes­tiques et de bas­se­cour y étaient éle­vés. Même les légumes sau­vages cueillis par les pay­sans devaient être remis aux can­tines. Les che­mi­nées des fermes avaient ces­sé de fumer. » Fin 1958, 90% de la popu­la­tion rurale pre­nait ses repas dans quelque 3,4 mil­lions de can­tines. Les pay­sans avaient été obli­gés de « remettre leur cuillère à riz dans les mains des dirigeants ».

Entre le fouet du pouvoir et le leurre du Paradis

Si, dans un pre­mier temps, les can­tines com­munes don­nèrent lieu à d’invraisemblables gabe­gies et autres « bom­bances » par gas­pillage des réserves de nour­ri­ture, les masses pay­sannes durent vite déchan­ter. Car avec ce « fes­tin per­ma­nent » dans un cli­mat idéo­lo­gique exal­té qui lais­sait croire aux miracles — au sein de com­munes popu­laires où le lien immé­diat et indi­vi­duel entre tra­vail et pro­duc­tion était sérieu­se­ment dis­ten­du — les réserves furent vite épui­sées et la famine sur­vint au prin­temps 1959.

Le cœur du livre docu­mente et ana­lyse en détail — jusqu’à décrire avec minu­tie l’enchainement tra­gique des évè­ne­ments dans plu­sieurs vil­lages et com­munes — les mani­fes­ta­tions du fléau dans quatre pro­vinces (Henan, Gan­su, Sichuan et Anhui), avant de pas­ser plus suc­cinc­te­ment la situa­tion en revue dans dix autres pro­vinces. Ces cha­pitres, très fouillés, pour­ront appa­raitre répé­ti­tifs au lec­teur non chi­nois. Mais on ima­gine que l’illustration des années de famine par une mul­ti­tude d’exemples concrets (ce que l’auteur appelle les « inci­dents », sur­ve­nus dans telle ou telle région), dont plu­sieurs appuyés sur les témoi­gnages de témoins directs ren­con­trés par l’auteur (et lui-même), vise bien évi­dem­ment à étayer son pro­pos. On sup­pose par ailleurs que les lec­teurs chi­nois (de Hong­kong, de Tai­wan, de Sin­ga­pour et de la dia­spo­ra — ain­si que ceux ayant eu accès au livre par le net), dis­po­sant d’une ver­sion encore plus fouillée, sont plus sen­sibles que nous à la rela­tion des évè­ne­ments dans leur pro­vince, région d’origine ou de rési­dence. L’auteur a visi­ble­ment vou­lu publier le maxi­mum d’informations qu’il avait col­lec­tées au cours de plus de dix ans de recherches. Pré­ci­sons que ces cha­pitres décrivent des situa­tions dif­fi­ciles à sou­te­nir, car aux hor­reurs de la famine (nom­breuses mala­dies pro­vo­quées par la mal­nu­tri­tion, meurtres et can­ni­ba­lisme, déli­te­ment des liens sociaux, folie, perte de digni­té humaine, sui­cides, absence de sépul­ture) de mil­lions de pay­sans — par ailleurs assi­gnés à rési­dence dans leur vil­lage, tout comme en Ukraine —, s’ajoutent les vio­lences exer­cées par les cadres locaux, les « séances de cri­tique », les ven­geances, les tor­tures6 et les exécutions.

Car, comme nous l’avions résu­mé plus haut, les rai­sons de cette famine effroya­ble, qui tua près de qua­rante-mil­lions de pay­sans en trois ans, se situent, selon Yang Jisheng, au confluent de plu­sieurs chaines cau­sales dont les effets se cumulent impla­ca­ble­ment : la col­lec­ti­vi­sa­tion extrême et ses consé­quences néga­tives sur la pro­duc­tion agri­cole ; les quo­tas de réqui­si­tion gon­flés par des pro­jec­tions de récolte extra­va­gantes — mais aux­quelles inci­tait le régime par l’encouragement des « spout­niks » (pro­jets locaux de récolte aux ren­de­ments fara­mi­neux) —; la main­mise poli­tique des com­munes popu­laires sur l’alimentation par les biais des can­tines popu­laires (la « dic­ta­ture de la louche »); l’affectation d’une par­tie de la force de tra­vail pay­sanne à des tra­vaux col­lec­tifs tita­nesques (dont les bar­rages) et aux indus­tries sidé­rur­giques rurales impro­duc­tives ; la pres­sion des cadres locaux pous­sés dans le dos par des cadres inter­mé­diaires dans le contexte de la « ver­ti­cale du pou­voir» ; la mau­vaise remon­tée des infor­ma­tions vers le som­met ; et enfin, le cli­mat idéo­lo­gique rigide et exa­cer­bé, la chaine de com­man­de­ment impla­cable, qui pla­çaient les Chi­nois entre le « fouet du pou­voir et le leurre du para­dis ». La mali­gni­té humaine, la jouis­sance de la domi­na­tion, les ven­geances locales, le sou­ci d’être du bon côté du manche, vinrent se mêler de diverse façon aux causes sys­té­miques de la famine pour en accen­tuer les effets — même si des com­por­te­ments héroïques sont à plu­sieurs reprises décrits par l’auteur, à l’instar de Peng Dehuai face au Timonier.

Quant à Mao Zedong lui-même, en « posi­tion d’exception » au som­met d’une pyra­mide qui ne connait guère de contre­poids, il semble oscil­ler entre une déné­ga­tion des faits, qui lui sont en par­tie occul­tés, et un cynisme pate­lin. N’est-ce pas lui qui avait affir­mé en 1957 à Mos­cou : « Nous sommes prêts à sacri­fier trois-cents-mil­lions de Chi­nois à la révo­lu­tion mon­diale » ? Et une année plus tard en Chine, le 21 novembre 1958, en plein Grand Bond en avant, devant ses conseillers : « En tra­vaillant ain­si, avec tous ces pro­jets, la moi­tié des Chi­nois devront peut-être mou­rir. Si ce n’est pas la moi­tié, ce sera peut-être un tiers, ou un dixième — disons cin­quante-mil­lions de gens. » Tou­jours est-il que, pen­dant les années de famine, la Chine conti­nua d’exporter des pro­duits agri­coles afin de finan­cer son équi­pe­ment indus­triel et mili­taire, les zones urbaines furent plus favo­ri­sées que les zones rurales, leur poten­tiel de sédi­tion étant plus grand (il fal­lait « être strict avec les cam­pagnes pour pro­té­ger les grandes villes »). Celles-ci souf­frirent de pénu­ries, certes, mais pas de famine à large échelle comme dans les cam­pagnes, pour­tant à la source de la pro­duc­tion ali­men­taire. Comme en Union sovié­tique ou en Corée du Nord, on assis­ta à ce phé­no­mène sin­gu­lier d’un monde pay­san dis­pen­sa­teur de vivres, mais affa­mé, et de zones urbaines dépen­dantes, mais mieux appro­vi­sion­nées. Situa­tion inverse à celle que nous avons connue en Europe pen­dant les deux guerres.

Il fal­lut attendre fin 1960 pour que Mao et le comi­té cen­tral com­mencent à s’inquiéter de la situa­tion et tentent de voir un plus clair au-delà des « sta­tis­tiques » tron­quées qui leur remon­taient des pro­vinces. Le Grand Timo­nier récla­ma une « enquête » et divers res­pon­sables du par­ti, sous ses ordres, diri­gèrent des équipes char­gées d’étudier la situa­tion dans des régions gra­ve­ment tou­chées. Liu Shao­qi, Zhou Enlai, Zhu De et Deng Xiao­ping firent de même dans d’autres pro­vinces. Des mesures de « rec­ti­fi­ca­tion » furent ensuite prises, notam­ment le réta­blis­se­ment de lopins pri­vés, l’autorisation de mar­chés ruraux, la sup­pres­sion des can­tines, le trans­fert de popu­la­tions urbaines qui furent ren­voyées vers les champs. Cepen­dant, mal­gré les chan­ge­ments appor­tés qui finirent par sou­la­ger les cam­pagnes et mettre un terme à la famine mas­sive des pay­sans, le « vent du com­mu­nisme » conti­nua de souf­fler dans de nom­breux endroits. En effet, comme le sou­ligne le jour­na­liste Yang Jisheng, qui connait la machi­ne­rie idéo­lo­gique de l’intérieur, « L’idéal com­mu­niste était si beau qu’à tous les éche­lons les cadres res­taient sous son emprise. C’était le résul­tat du mal que s’étaient don­né les médias ; mais aus­si parce que la réa­li­sa­tion du com­mu­nisme était ins­crite dans les sta­tuts du par­ti com­mu­niste chi­nois. La fer­me­té de la foi qu’un cadre avait envers le com­mu­nisme était un cri­tère impor­tant pour l’évaluer. » Le fouet et le leurre allaient de pair. Ils n’avaient pas dit leur der­nier mot, comme on le ver­rait bien­tôt lors de la révo­lu­tion culturelle.

Le vrai visage de Lushan

Les der­niers cha­pitres de cet ouvrage volu­mi­neux tentent de dres­ser un bilan pré­cis des consé­quences sani­taires, démo­gra­phiques et poli­tiques de la catas­trophe, mais aus­si, in fine, d’analyser les « causes fon­da­men­tales » de la Grande Famine — au-delà des fac­teurs immé­diats que nous avons déjà men­tion­nés plus haut —, de « quit­ter la mon­tagne pour voir le vrai visage de Lushan7 », comme disait le poète. L’auteur consacre d’abord un cha­pitre entier à la ques­tion ali­men­taire en Chine, avant, pen­dant et après le Grand Bond en avant. Ceci le conduit à exa­mi­ner la poli­tique agri­cole sui­vie durant ces périodes, le volume de la pro­duc­tion céréa­lière au regard des évo­lu­tions démo­gra­phiques, les expor­ta­tions et sur­tout les réqui­si­tions opé­rées par l’État.

Ce sont les « taux exor­bi­tants » de ces pré­lè­ve­ments qui por­tèrent le coup fatal à la pay­san­ne­rie : « Début avril 1959 », écrit-il en citant les infor­ma­tions recueillies par les dépar­te­ments concer­nés du Comi­té cen­tral du PCC, « 25.170.000 de Chi­nois n’avaient plus rien à man­ger ». Mais nombre de pay­sans furent accu­sés de recel ou de « par­tages pri­vés », et, comme le disaient cer­tains cadres, « si vous n’avez pas le cœur à tuer, vous n’arriverez pas à réunir les céréales ».

Le même cha­pitre ana­lyse, avec l’aide du doc­teur Wang Mei­song — méde­cin spé­cia­liste des modi­fi­ca­tions phy­sio­lo­giques entrai­nées par des situa­tions extrêmes ayant lui-même tra­vaillé dans les cam­pagnes pen­dant la famine —, la « patho­phy­sio­lo­gie de l’inanition ». Plus froid et médi­cal que Vas­si­li Gross­man décri­vant les effets de la faim en Ukraine dans Tout passe, le méde­cin consul­té décrit les dif­fé­rentes phases d’inanition qui résultent de la pri­va­tion de nour­ri­ture, jusqu’au moment où la perte cor­po­relle devient irré­ver­sible et l’affamé incu­rable (c’était le cas du père adop­tif de Yang Jisheng).

En ce qui concerne l’impact démo­gra­phique total de la famine (décès non natu­rels et défi­cit des nais­sances), c’est au terme de l’examen de nom­breuses don­nées offi­cielles (pour l’ensemble du pays, mais éga­le­ment par pro­vince), de l’analyse d’évaluations effec­tuées par dif­fé­rents experts chi­nois (Ding Shu, Jin Hui, Wang Weiz­hi) et étran­gers (Judith Banis­ter, Gérard Calot et les don­nées de Jas­per Becker, auteur du livre pion­nier Hun­gry Ghosts : Mao’s Secret Famine), ain­si que d’une cor­res­pon­dance têtue avec Jiang Zheng­hua, ancien direc­teur du Bureau natio­nal des sta­tis­tiques, que Yang Jisheng livre sa conclu­sion. Le nombre de « morts non natu­relles8 » durant la période prise en compte est d’environ trente-six-mil­lions de per­sonnes et le nombre de « nais­sances non adve­nues » est de qua­rante-mil­lions. La perte démo­gra­phique est donc de l’ordre de sep­tante-six-mil­lions de personnes.

Il s’agit dès lors, à notre connais­sance, de la plus grande famine pro­vo­quée par des hommes en un laps de temps aus­si court, et dont le prin­ci­pal ins­ti­ga­teur trône tou­jours devant l’entrée de la Cité inter­dite à Pékin. Mais est-ce bien lui le cou­pable ? Peut-on se défaus­ser de la res­pon­sa­bi­li­té d’une telle masse de souf­frances phy­siques et men­tales en char­geant un seul homme de tous ces crimes, en par­tie par aveu­gle­ment idéo­lo­gique qua­si reli­gieux, en par­tie par volon­té de puis­sance ? C’est peu pro­bable, bien que très ten­tant9. L’ancien jour­na­liste com­mu­niste de l’agence Chine Nou­velle n’élude pas la ques­tion, et l’on reste éba­hi devant le tra­vail tita­nesque10 abat­tu par cet homme presque seul, sans sou­tien aca­dé­mique (mais peut-être aus­si grâce à cela), enquê­tant en cachette pen­dant près d’une ving­taine d’années, ris­quant sa liber­té et sa peau, accu­mu­lant les témoi­gnages et les chiffres, recons­ti­tuant des « inci­dents » ter­ri­fiants dans une dizaine de pro­vinces. Et qui, au bout des comptes qu’il a patiem­ment et labo­rieu­se­ment éta­blis, pose six ques­tions sur les ori­gines et le dérou­le­ment de la famine qui com­mencent toutes par « Pour­quoi ? ». Il y répond en une seule phrase qui ouvre le cha­pitre des causes fon­da­men­tales : « La réponse à ces ques­tions réside dans la nature du système. »

Son ana­lyse sobre et brève, qui ne s’embarrasse pas de jar­gon, nous semble tou­cher au cœur des choses. En effet, le fon­de­ment struc­tu­rel de la catas­trophe du « Grand Bond en avant » réside pour Yang Jisheng dans la « théo­cra­tie laïque » (c’est son expres­sion) que fut le maoïsme, car « le centre du pou­voir était éga­le­ment le centre de la véri­té ». Il n’y avait pas d’alternative. Si le régime du Grand Timo­nier emprunte à la tra­di­tion impé­riale la plus bru­tale, et cela de manière expli­cite — Mao se com­pa­rait au pre­mier empe­reur Qin Shi Huang­di (celui dont l’armée en terre cuite a été exhu­mée à Xi’an) —, il n’avait pas le Ciel comme man­dant, ni Confu­cius, Boud­dha ou les taoïstes comme dépo­si­taires de la véri­té au-des­sus, ou à côté de lui. Il était sup­po­sé incar­ner dans sa per­sonne, dans sa chair, sa parole ou ses écrits, la véri­té imma­nente de l’Histoire qui devait conduire son pays en Grande Har­mo­nie au terme d’un com­bat apocalyptique.

  1. Publi­ca­tion ori­gi­nale sous le titre Mubei. Zhong­guo Liu­shi Nian­dai Da Jihuang Jishi (« Pierres tom­bales. Une ana­lyse de la famine en Chine dans les années 1960 ») chez Cos­mos Books à Hong­kong en 2008. L’ouvrage en langue chi­noise, inter­dit en Chine, est com­po­sé de deux tomes et tota­lise 1200 pages. La ver­sion fran­çaise publiée aux édi­tions du Seuil en 2012 compte 660 pages.
  2. Après avoir croi­sé le fon­da­teur du PCC, Chen Duxiu, dans la conces­sion fran­çaise de Shan­ghai en 1920, il avait été pré­sident de la « Répu­blique sovié­tique chi­noise du Jiangxi » entre1931 et1934, avant la « Longue marche ». Sa lon­gé­vi­té poli­tique est excep­tion­nelle, assu­rée par des intrigues et des purges, avant et après son acces­sion au pou­voir à Pékin en 1949.
  3. Selon Yang Jisheng, « le sys­tème poli­tique est une com­bi­nai­son de “Marx et du pre­mier empe­reur Qin” [dixit Mao]. Par Marx il faut entendre ici Marx revu par Lénine et Sta­line. Il greffe le sys­tème des­po­tique hau­te­ment cen­tra­li­sé de l’Union sovié­tique sur celui fon­dé par Qin Shi Huang­di voi­ci deux mille ans ».
  4. D’origine très pauvre, com­pa­gnon d’armes et intime de Mao Zedong depuis 1927, (il ne l’appelait pas « Pré­sident », mais Lao Mao, « vieux Mao » — marque de fami­lia­ri­té — et refu­sait le culte de la per­son­na­li­té), Peng Dehuai était vice-Pre­mier ministre et ministre de la Défense au moment de la confé­rence de Lushan. Ayant consta­té les effets dévas­ta­teurs de la poli­tique sui­vie, il écri­vit une lettre cri­tique et per­son­nelle à Mao, que ce der­nier s’empressa de faire impri­mer et dis­tri­buer sous le titre « Prise de posi­tion écrite de Peng Dehuai ». Il fut démis de ses fonc­tions et mis en rési­dence sur­veillée. Après avoir été arrê­té lors de la révo­lu­tion cultu­relle en 1966, il ten­ta de sui­ci­der. Il mour­ra en 1974, pri­vé de soins sur ordre de Mao.
  5. L’URSS a connu une période simi­laire, ana­ly­sée notam­ment par Orlan­do Figes dans Les chu­cho­teurs. Vivre et sur­vivre sous Sta­line (Denoël, 2007). Voir le cha­pitre « Enfants de 1917 » et les exemples d’enfants dénon­çant et reniant leurs parents, notam­ment le culte de Pav­lik Moro­zov qui avait dénon­cé son père.
  6. Quelques exemples dans cette note bas de page pour ne pas heur­ter le lec­teur : « Expo­si­tion au froid ou pri­va­tion de nour­ri­ture […] arro­sage de tête à l’eau froide, arra­chage des che­veux, découpe des oreilles, per­çage des paumes avec des aiguilles de bam­bou, des gen­cives avec des aiguilles de pin, « allu­mage de la lan­terne céleste » [une per­sonne dénu­dée est enve­lop­pée dans du chanvre imbi­bé d’huile, sus­pen­due la tête en bas et bru­lée vive], enfon­ce­ment dans la bouche de tisons ardents, bru­lage des tétons, arra­chage des poils pubiens et enter­re­ment vivant » (Dis­trict de Guans­ghan, Henan, fin 1959).
  7. Lushan est une petite ville située en alti­tude, un lieu de vil­lé­gia­ture pen­dant la sai­son chaude. Son cadre idyl­lique est connu depuis des siècles en Chine, et c’est à Lushan que le « Grand Bond en avant » fut déci­dé, lors de la fameuse confé­rence épo­nyme qui vit triom­pher les thèses de Mao.
  8. Ce chiffre inclut, outre les per­sonnes décé­dées par pri­va­tion ali­men­taire consé­cu­tive à la famine, les autres décès induits dans ce contexte : sui­cides (très nom­breux), exé­cu­tions, tor­tures, mala­dies mor­telles consé­cu­tives à la mal­nu­tri­tion, etc.
  9. Ten­ta­tion à laquelle cédèrent peu ou prou Jung Chang et Jon Hal­li­day dans Mao. L’histoire incon­nue (Gal­li­mard, 2006), mais éga­le­ment, semble-t-il, le sino­logue néer­lan­dais Frank Diköt­ter, basé à Hong­kong et auteur de Mao’s Great Famine : The His­to­ry of China’s Most Devas­ta­ting Catas­trophe, 1958 – 1962. C’est du moins l’opinion défen­due par Ian John­son, dans « Chi­na : Worse Than You Ever Ima­gi­ned », The New York Review of Books, 22 novembre 2012. Il est piquant de noter que, selon Chang et Hal­li­day, le pré­nom de Mao (« Tsé-Toung » selon l’ancienne trans­crip­tion) signi­fie « qui brille sur l’Est ».
  10. Et nous ne par­lons ici que de la ver­sion fran­çaise qui ne fait pas la moi­tié de l’édition chinoise. 

Bernard De Backer


Auteur

sociologue et chercheur