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Soyez 2.0 !

Numéro 10 Octobre 2012 par Anathème

décembre 2014

Vous avez récem­ment acquis un ordi­na­teur de bureau ? Quelle rin­gar­dise, il fal­lait choi­sir un por­table ! Et une tablette… Vous avez fiè­re­ment pro­po­sé à votre neveu, au diner de famille, dimanche pas­sé, de lui envoyer par mail les pho­tos que vous pre­niez ? Quel impair ! Une adresse élec­tro­nique, pour lui, c’est ce truc qui sert à s’identifier sur Facebook®… […]

Vous avez récem­ment acquis un ordi­na­teur de bureau ? Quelle rin­gar­dise, il fal­lait choi­sir un por­table ! Et une tablette…

Vous avez fiè­re­ment pro­po­sé à votre neveu, au diner de famille, dimanche pas­sé, de lui envoyer par mail les pho­tos que vous pre­niez ? Quel impair ! Une adresse élec­tro­nique, pour lui, c’est ce truc qui sert à s’identifier sur Face­book®… Les pho­tos passent par Pica­sa®, Fli­ckr® ou Ins­ta­gram®, les vidéos par YouTube®.

Vous envi­sa­gez de créer un blog consa­cré à votre pas­sion pour la recons­ti­tu­tion en allu­mettes des grands monu­ments du Bra­bant wal­lon ? Mais dans quel pays vivez-vous ? Plus per­sonne ne crée de blog, vous devez pré­sen­ter vos créa­tions sur Face­book® et dia­lo­guer avec les per­sonnes par­ta­geant votre pas­sion via Twitter®.

Résu­mons : vous n’êtes pas bran­ché « Web 2.0 ». C’est tra­gique, mais pas incu­rable, nous sommes là pour vous aider.

Pro­cé­dons cepen­dant par étapes, il est inutile de vous ins­crire d’emblée à l’ensemble des réseaux sociaux dis­po­nible. Mieux vaut vous fami­lia­ri­ser avec un seul au départ. Après, vous pour­rez envi­sa­ger de mul­ti­plier les ins­crip­tions en sachant que, de toute façon, tous ces sites seront, un jour ou l’autre, rache­tés par Google® ou Facebook®.

Vous êtes, je le devine à vos lec­tures, plu­tôt un intel­lec­tuel, impré­gné d’une culture du débat d’idées et plu­tôt rétif à l’idée de par­ta­ger vos pho­tos de famille ou des vidéos de cha­tons gaf­feurs en ligne. Puis-je donc vous sug­gé­rer de choi­sir Twit­ter® pour faire vos pre­miers pas ? Réseau éli­tiste, moins cou­ru que Face­book®, mais tel­le­ment plus smart, il vous ouvre la porte du micro­blog­ging. En gros, vous pou­vez échan­ger, par le biais d’abonnements — pas obli­ga­toi­re­ment réci­proques — des mes­sages de cent-qua­rante carac­tères conte­nant vos courtes pen­sées les plus pro­fondes, des liens vers des sites, des pho­tos et même des vidéos. Atten­tion, tout ce que vous y direz sera public, lisible par tous, même par ceux qui ne sont pas vos abon­nés, via n’importe quel navi­ga­teur, sauf à opter pour un compte privé.

Vous faites vos pre­miers pas, il convient d’éviter de se prendre les pieds dans le tapis. Voi­ci donc quelques conseils.

S’identifier. Choi­sis­sez soi­gneu­se­ment votre pseu­do. Si vous optez pour @BernardDupont, tout le monde sau­ra qui vous êtes. Ce n’est pas tou­jours sou­hai­table. Si vous pré­fé­rez @Linconnu, per­sonne ne sau­ra qui vous êtes. Ce n’est pas néces­sai­re­ment mieux.

Com­prendre. Consul­tez un des nom­breux sites qui vous expliquent ce que sont un rt, un dm, un DMfail, un FF, un fol­low back et un hash­tag. Entre autres. Il fau­dra aus­si com­prendre ce que signi­fient #omg, #wtf ou #osef. Vous n’aurez ain­si pas l’air idiot en annon­çant « On s’en fiche, mais je fais suivre » et vous écri­rez plu­tôt « C’est #wtf, mais je rt ». Au pas­sage, notez que plus per­sonne ne lolle et qu’il serait pire encore d’être #ptdr ou de #rofler à tout bout de champ. Vous êtes un intel­lec­tuel. Tenez votre rang, que diable !

Suivre et être sui­vi. Sui­vez les tweets de qui­dams ou de célé­bri­tés en fonc­tion de vos gouts, mais sur­tout de leur nombre de fol­lo­wers, témoin de leur puis­sance sur Twit­ter®. Ret­wee­tez-les abon­dam­ment, gra­ti­fiez-les de #ff1 en fin de semaine, peut-être dai­gne­ront-ils s’abonner à vous et leurs éven­tuels #ffback feront votre pro­mo­tion. Car à quoi bon avoir tant de bonnes idées si c’est pour les gar­der pour vous ? Il vous faut conqué­rir des abon­nés et à cette fin, il convient de vous faire
remarquer.

Débattre. Si la renom­mée vous semble lente à venir, rien de tel qu’un #epic #tweet­clash2 avec une célé­bri­té locale (si tant est que la loca­li­té ait un sens sur l’Internet) et des débats nour­ris. Vos twit­tos et, plus impor­tant, ceux de votre inter­lo­cu­teur, vous sui­vront sans rien dire, assis­tant à vos échanges et s’abonnant à vous s’ils appré­cient votre habi­le­té. Quelques com­parses feront la claque en vous ret­wee­tant. Vous sui­vrez bien enten­du vos pro­grès par le biais de votre indice Klout® qui mesu­re­ra votre influence sur Twit­ter et d’autres médias sociaux.

Prendre publi­que­ment posi­tion. Il faut débattre et émettre des consi­dé­ra­tions diverses en public ; or, rien ne serait pire pour votre e‑réputation qu’un #fail en public. Il faut à tout prix évi­ter le faux-pas et se gar­der du ridi­cule. Pas de panique, quelques règles simples sont à
observer.

En pre­mier lieu, ne vous inquié­tez pas, sur Twit­ter, tout le monde parle de n’importe quoi, et nom­breux sont ceux qui expriment des opi­nions tran­chées sur des sujets aux­quels ils ne com­prennent rien. Vous ne déno­te­rez donc pas.

En deuxième lieu, une bonne manière de démar­rer est de twee­ter un lien vers un blog quel­conque (il en reste) ou un site de jour­nal (intel­lo et exo­tique si pos­sible), assor­ti d’un com­men­taire stan­dard tel que « incroyable ! », « ça ne peut pas durer ». Il est recom­man­dé d’assaisonner de quelques hash­tags3 à la mode : #DSK a fait fureur, #nogov, #never­gov aus­si, mais ils sont pas­sés de mode. Il suf­fit d’être vigi­lant pour sai­sir celui qui fait recette.

En troi­sième lieu, si vous êtes inter­pel­lé par quelqu’un qui, de toute évi­dence, est bien plus com­pé­tent que vous sur le sujet, ne vous lais­sez pas démon­ter. Nul besoin d’argumenter lon­gue­ment (de toute façon, vous n’avez que #140car). Vous pou­vez vous conten­ter de fus­ti­ger votre inter­lo­cu­teur pour son usage de la langue de bois, son refus d’ouvrir les yeux, son allé­geance à telle ou telle doc­trine, sa bien-pen­sance ou son inac­tion alors que le pro­blème s’aggrave. Qu’importe le fon­de­ment de ce qu’il vous dit, pour­vu que vous puis­siez affir­mer en public qu’il est à côté de la plaque. Car, sur le web 2.0, la véri­té n’existe pas, seul compte le plé­bis­cite. Inutile d’argumenter, conten­tez-vous de prê­cher pour les convain­cus qui suivent la conver­sa­tion sans y inter­ve­nir, qui comptent les coups et ret­weetent vos bons mots… Vous ferez le plein de fol­lo­wers sans avoir pour cela dû four­nir le moindre argument.

Vous me direz que dis­qua­li­fier l’adversaire, ça res­semble fort à la tech­nique de votre oncle Mar­cel quand il vous explique que « le pro­blème, ce sont ces étran­gers » et vous traite de gau­chiste aveu­glé par son idéa­lisme ? Vous n’avez pas tort ; et si votre ton­ton Mar­cel en est capable, pour­quoi pas vous ? Vous aus­si, pou­vez deve­nir un twit­to influent !

  1. Un #ff est un fol­low fri­day, la recom­man­da­tion d’un compte Twit­ter® à sa tl (sa time­line ou fil, l’ensemble de ses abon­nés) afin de les inci­ter à le suivre. A tra­di­tion­nel­le­ment lieu le vendredi.
  2. Enten­dez « un affron­te­ment mémorable ».
  3. Un hash­tag est un mot clé, indi­qué par un dièse. Il faci­lite les recherches dans le flux géné­ral de tweets.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.