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Sidérurgie. Les stratégies en présence

Numéro 07/8 Juillet-Août 2013 par Michel Capron

juillet 2013

La sidé­rur­gie wal­lonne ne sui­vra pas, à bref délai, la voie des char­bon­nages. Elle a ces­sé d’être un pôle de crois­sance faute d’un plan glo­bal de recon­ver­sion, acti­ve­ment mené et four­nis­sant des débou­chés en aval, dans la trans­for­ma­tion de l’acier ou dans les tech­niques de pointe. Inté­grée dans des groupes plu­ri­na­tio­naux, elle échap­pe­ra de plus en plus au contrôle aus­si bien des tra­vailleurs que des pou­voirs publics, ces der­niers s’étant faits — dès le départ et mal­gré les appa­rences — les com­plices bien­veillants de groupes finan­ciers sans le sou­tien des­quels leur propre faillite poli­tique devien­drait éclatante.

Le 5 mars 1977 et le 23 novembre 1978 feront pro­ba­ble­ment date dans la poli­tique sidé­rur­gique belge. Notre pro­pos n’est pas de reprendre ici le détail tech­nique des mesures sociales, éco­no­miques, indus­trielles et finan­cières pro­po­sées à la suite des déci­sions éma­nant de la pre­mière Confé­rence natio­nale de la sidé­rur­gie1. Nous vou­drions plu­tôt ten­ter d’évaluer les stra­té­gies et poli­tiques mises en œuvre par les dif­fé­rents acteurs en pré­sence : hol­dings et patro­nat pri­vés, pou­voirs publics, Com­mis­sion de la CEE, orga­ni­sa­tions syn­di­cales et — moins direc­te­ment — par­tis poli­tiques. Le scé­na­rio qui s’est dérou­lé sous nos yeux depuis vingt mois mérite en effet d’être ana­ly­sé parce que révé­la­teur — une fois de plus — de la manière dont l’argent de la col­lec­ti­vi­té est détour­né pour finan­cer, non pas un plan public pour la sidé­rur­gie, mais la sau­ve­garde des inté­rêts patro­naux belges et étran­gers dans le secteur.

De multiples enjeux

Une pre­mière approche des enjeux de la restruc­tu­ra­tion de la sidé­rur­gie bel­go-luxem­bour­geoise est four­nie par les objec­tifs et recom­man­da­tions de l’étude com­man­dée au consul­tant McKin­sey par les pou­voirs publics à la suite de la Confé­rence natio­nale du 5 mars 19772. Il s’agit avant tout d’étudier les stra­té­gies pos­sibles en vue du réta­blis­se­ment de la com­pé­ti­ti­vi­té inter­na­tio­nale et de la via­bi­li­té à tong terme de la sidé­rur­gie de l’Union éco­no­mique bel­go-luxem­bour­geoise3 (UEBL) compte tenu de l’évolution de la conjonc­ture mon­diale, du niveau d’emploi et des équi­libres régio­naux en Bel­gique. Il res­sort du rap­port McKin­sey qu’il faut, au mini­mum, un accrois­se­ment annuel moyen de pro­duc­ti­vi­té de l’ordre de 4 à 5%, à obte­nir par une réduc­tion des charges d’exploitation — en par­ti­cu­lier sala­riales —, par la fer­me­ture des ins­tal­la­tions vétustes et le trans­fert de leurs pro­duc­tions vers des outils plus modernes et par une coor­di­na­tion natio­nale des inves­tis­se­ments excluant tout nou­vel accrois­se­ment des capa­ci­tés. Le prix à payer ? Une perte de 6.800 emplois d’ici 1980 et quelque 26 mil­liards [644.521.780 euros] à avan­cer par les pou­voirs publics pour l’indispensable ratio­na­li­sa­tion. Si la conjonc­ture ne se modi­fie pas d’ici 1983, il fau­dra 33 mil­liards [818.047.620 euros] et un nombre indé­ter­mi­né de pertes d’emploi sup­plé­men­taires… Voi­là pour McKin­sey, qui se garde bien de fou­ler les ter­rains minés que sont la recon­ver­sion, la modi­fi­ca­tion des struc­tures indus­trielles et finan­cières du sec­teur, ain­si que la mise en place d’organes de contrôle.

Les enjeux, on le voit, sont mul­tiples : pour les uns, la com­pé­ti­ti­vi­té, la pro­duc­ti­vi­té, les « assai­nis­se­ments » finan­ciers et tech­niques ; pour les autres, l’emploi et la recon­ver­sion ; pour les uns et les autres l’avenir wal­lon (et fla­mand), natio­nal et inter­na­tio­nal de la sidérurgie.

Les groupes financiers : restructurer, contrôler, se faire subsidier

Tout au long du pro­ces­sus, on peut carac­té­ri­ser l’attitude patro­nale comme menée par le sou­ci de mini­mi­ser les pertes, voire de main­te­nir des avan­tages acquis, notam­ment dans le chef des groupes finan­ciers. Plu­sieurs moyens sont uti­li­sés. D’une part, la sépa­ra­tion entre les acti­vi­tés finan­cières regrou­pées dans un hol­ding (et des sous-hol­dings) et les acti­vi­tés indus­trielles propres à des socié­tés sidé­rur­giques juri­di­que­ment dis­tinctes. C’est le cas de Cobe­pa et de la Finan­cière du Ruau, de la Com­pa­gnie Bruxelles-Lam­bert, de l’Union finan­cière Boël, de la Géné­rale. Simul­ta­né­ment, les groupes tendent à limi­ter for­te­ment leur enga­ge­ment dans la sidé­rur­gie4. Par ailleurs, par le jeu de la sépa­ra­tion pré­ci­tée, les groupes finan­ciers retirent des pro­fits non négli­geables de la situa­tion d’endettement des socié­tés sidé­rur­giques. C’est ain­si qu’en 1977, les charges finan­cières payées aux banques filiales des hol­dings atteignent quelques mil­liards, sub­si­diés à 90% par les pou­voirs publics et non réin­ves­tis dans des pro­jets de diver­si­fi­ca­tion indus­trielle sur les lieux des rationalisations.

Un autre aspect de la stra­té­gie des groupes finan­ciers, c’est la ten­dance à la consti­tu­tion d’unités de pro­duc­tion à dimen­sion euro­péenne5. Cette « mul­ti­na­tio­na­li­sa­tion » a reçu une pre­mière concré­ti­sa­tion dans les accords dits d’Hanzinelle6 orga­ni­sant des « syner­gies » ou coopé­ra­tions étroites entre trois pôles sidé­rur­giques : Arbed-le Tri­angle de Char­le­roi (y com­pris Cocke­rill-Mar­chienne) et Sid­mar ; Cocke­rill, avec des exten­sions pos­sibles vers la sidé­rur­gie ger­ma­no-hol­lan­daise7 ; les « indé­pen­dants », c’est-à-dire Cla­becq, Boël et Fabrique de Fer. Ces accords visent en fait, non seule­ment à assai­nir la concur­rence entre entre­prises et groupes sidé­rur­giques8 (puisqu’ils pré­voient la répar­ti­tion des dif­fé­rents types de pro­duc­tion), mais éga­le­ment à pou­voir béné­fi­cier des moyens finan­ciers de la Com­mis­sion de la CEE, qui encou­rage ces restruc­tu­ra­tions dans une pers­pec­tive euro­péenne, ain­si qu’à évi­ter l’inconvénient d’un contrôle public homo­gène sur l’ensemble de la sidé­rur­gie wallonne.

Troi­sième axe de la stra­té­gie patro­nale : obte­nir un assai­nis­se­ment finan­cier tout en limi­tant les prises de par­ti­ci­pa­tion publiques et en gar­dant le contrôle des déci­sions impor­tantes (entre autres quant aux inves­tis­se­ments). Fin 1977, en effet, le mon­tant des dettes à moyen et long terme des entre­prises sidé­rur­giques était de l’ordre de 66 mil­liards [16.360.937 euros] [dont 35 mil­liards (867.625.473 euros) envers des orga­nismes de cré­dit publics] pour 42 mil­liards [1.041.150.568 euros] de fonds propres. Quant aux cré­dits publics (essen­tiel­le­ment sous forme de cré­dits de sou­dure), ils attei­gnaient 7,5 mil­liards [185.919.744 euros] pour les neuf pre­miers mois de 1978. Il deve­nait donc urgent pour le patro­nat d’opérer un redres­se­ment durable de la struc­ture finan­cière des entre­prises sidé­rur­giques, opé­ra­tion impos­sible sans la par­ti­ci­pa­tion des pou­voirs publics9 et l’aide de la CECA10. Néan­moins, il ne s’agit pas que les pou­voirs publics contrôlent effec­ti­ve­ment le sec­teur sidé­rur­gique, d’où les opé­ra­tions de rééva­lua­tion de l’immobilisé des socié­tés sidé­rur­giques11, et de prise de contrôle du futur Comi­té natio­nal de pla­ni­fi­ca­tion et de contrôle12. Par le biais de cet organe qui devrait assu­rer la poli­tique d’investissements et de restruc­tu­ra­tion de la sidé­rur­gie, les groupes pri­vés en vien­dront à contrô­ler la poli­tique des pou­voirs publics dans le sec­teur13 ! Quant au volet social du plan Claes (pré­pen­sion, dimi­nu­tion du temps de tra­vail), ce que le patro­nat a dû céder, il se pro­met bien de le récu­pé­rer puisqu’il a réus­si, comme nous le ver­rons plus loin, à lier les orga­ni­sa­tions syn­di­cales par un accord de productivité.

Ajou­tons, pour com­plé­ter le tableau au niveau patro­nal, quelques remarques à pro­pos de la stra­té­gie propre à l’Arbed. Dans son Rap­port 197714, ce groupe fait men­tion de la consti­tu­tion, en décembre 1977, du hol­ding Arbed-Finanz Deut­schland, sa filiale à 100% à laquelle il fait apport de 97% du capi­tal d’Eschweiler Berg­werks­ve­rein. Par cette opé­ra­tion, l’Arbed sépare les capi­taux affec­tés à la restruc­tu­ra­tion de la sidé­rur­gie sar­roise (Arbed-Finanz) de ceux mis en œuvre au Luxem­bourg. Par dif­fé­rentes opé­ra­tions finan­cières, le groupe Arbed s’est assu­ré une posi­tion domi­nante dans la sidé­rur­gie de la Sarre15. Quant aux inter­ven­tions des pou­voirs publics belges, Arbed estime qu’elles ne le concernent que par le biais de Sid­mar, où les pou­voirs publics sont consi­dé­rés comme un « action­naire de droit com­mun », acqué­rant par voie d’achat 20 à 25% de titres Sid­mar sur les­quels Arbed dis­pose d’un droit d’option16.

Les pouvoirs publics : financer sans contrôler

La poli­tique des pou­voirs publics dans le sec­teur sidé­rur­gique a été adé­qua­te­ment défi­nie par W. Claes dans une inter­view accor­dée à La Libre Bel­gique : il s’agit de mettre en œuvre une solu­tion d’économie mixte, asso­ciant sec­teur public et sec­teur pri­vé tant dans la restruc­tu­ra­tion que dans la recon­ver­sion. En effet, recon­nait W. Claes : «… le sec­teur public n’est pas prêt et ne dis­pose pas des moyens suf­fi­sants pour prendre seul la direc­tion des opé­ra­tions et le relais du sec­teur pri­vé17. » S’appuyant sur les conclu­sions du rap­port McKin­sey — et une fois réglées les moda­li­tés du volet social de la restruc­tu­ra­tion — W.Claes pro­po­se­ra un plan qui, s’inspirant de la lettre de plu­sieurs reven­di­ca­tions syn­di­cales, en altère fon­da­men­ta­le­ment le sens. Les pou­voirs publics prennent des par­ti­ci­pa­tions dans les entre­prises sidé­rur­giques, mais, même là où ils sont majo­ri­taires par rap­port aux action­naires pri­vés stables (Cocke­rill, Tri­angle), il y aura pari­té dans les conseils d’administration dont le pré­sident sera issu du sec­teur pri­vé18. Or l’influence des pou­voirs publics est, dès le départ, bat­tue en brèche par les accords d’Hanzinelle, c’est-à-dire par la mul­ti­na­tio­na­li­sa­tion des prin­ci­pales entre­prises sidé­rur­giques. Para­doxa­le­ment, les seules entre­prises belges (Boël, Fabrique de Fer et, dans une moindre mesure, Cla­becq) sont pré­ci­sé­ment celles où les pou­voirs publics n’interviennent pas (Boël, Fabrique de Fer) ou n’ont pas encore défi­ni leur degré d’intervention (Cla­becq).

Quant à la struc­ture de contrôle, le Comi­té natio­nal de pla­ni­fi­ca­tion et de contrôle, au lieu de coor­don­ner la poli­tique des pou­voirs publics dans les dif­fé­rents bas­sins sidé­rur­giques, sa com­po­si­tion indique que la sec­tion déci­sive, la pla­ni­fi­ca­tion, sera sous la coupe des groupes pri­vés qui y feront prendre les déci­sions de ratio­na­li­sa­tion et d’investissements qui les inté­ressent19. On est loin du sta­tut public et du contrôle des pou­voirs publics et des tra­vailleurs reven­di­qués à tout le moins par la FGTB. Au plan de la recon­ver­sion, les pou­voirs publics ont éla­bo­ré un sys­tème de droits de tirage de recon­ver­sion (DTR) basés sur le Fonds de réno­va­tion indus­trielle et le volet régio­nal du Fonds d’expansion éco­no­mique20. Les hol­dings devraient inves­tir 10 mil­liards [247.892.992 euros] dans la recon­ver­sion : on ne voit rien venir en l’absence, paraît-il, de pro­jets valables… En outre, lors de la négo­cia­tion du 23 novembre 1978, l’incidence du com­mu­nau­taire est venue encore alour­dir le dos­sier puisque l’on a fina­le­ment adop­té — essen­tiel­le­ment sous la pres­sion de la Volk­su­nie, mais avec l’accord au moins tacite du CVP — le prin­cipe de l’équivalence des aides à la recon­ver­sion à accor­der à la sidé­rur­gie en Wal­lo­nie, au tex­tile et à la construc­tion navale en Flandre.

Fina­le­ment, les pou­voirs publics ont lais­sé trai­ner en lon­gueur un dos­sier épi­neux et vital pour l’économie wal­lonne pour sou­dain pré­ci­pi­ter les « solu­tions » au plus grand béné­fice des entre­prises sidé­rur­giques (qui avaient tout inté­rêt à un épi­logue rapide, les banques deve­nant réti­centes à ouvrir de nou­velles lignes de cré­dit). VDB y peau­fine son image de marque d’homme de parole ; W.Claes offre le visage ras­su­rant du par­fait tech­no­crate social-démo­crate… et les orga­ni­sa­tions syn­di­cales, pié­gées une fois de plus faute de rap­port de forces et de contre-plan struc­tu­ré, poussent des sou­pirs… de sou­la­ge­ment. Est-ce à dire que tout est réglé ? Loin s’en faut : il reste à dis­cu­ter des moda­li­tés de la prise de par­ti­ci­pa­tion publique dans les entre­prises et notam­ment du prix à payer ; il reste le litige Tri­angle-Cocke­rill à pro­pos du rachat de Mar­chienne ; il reste l’énorme pro­blème de la recon­ver­sion où l’on n’est nulle part ; il reste enfin à obte­nir le sou­tien finan­cier de la Com­mis­sion de la CEE ain­si que sa garan­tie pour l’avenir du Tri­angle et de Sid­mar dans le cadre de leur inté­gra­tion à l’Arbed. Ce der­nier point sera sans doute le plus facile à résoudre, du fait de la coopé­ra­tion constante qui a exis­té jusqu’à pré­sent entre les pou­voirs publics et le com­mis­saire Étienne Davignon.

L’étoile du vicomte Davi­gnon, membre de l’aile Cepic du PSC, ne cesse de mon­ter au hit­pa­rade poli­tique : auteur d’un plan euro­péen avec prix mini­ma et quo­tas à l’importation, il offre — moyens de finan­ce­ment à l’appui21 — au patro­nat sidé­rur­gique ouest-euro­péen la seule planche de salut qui lui reste, à savoir une pla­ni­fi­ca­tion des restruc­tu­ra­tions et des hausses de pro­duc­ti­vi­té moyen­nant des licen­cie­ments mas­sifs afin de rega­gner en com­pé­ti­ti­vi­té face aux Japo­nais, aux Amé­ri­cains et aux sidé­rur­gies du tiers monde. La solu­tion passe par des restruc­tu­ra­tions à l’échelle natio­nale, liées le cas échéant à des regrou­pe­ments inter­na­tio­naux pour satis­faire à des cri­tères de capa­ci­té et de diver­si­té de pro­duc­tion, d’assise finan­cière, de per­for­mances de l’outil, voire de com­mer­cia­li­sa­tion. Une fois consti­tué, ce front ouest-euro­péen du patro­nat sidé­rur­gique pour­ra d’autant plus faci­le­ment impo­ser ses pro­jets à une classe ouvrière hélas trop divi­sée. Le vicomte Davi­gnon joue à fond cette carte euro­péenne : après les pou­voirs publics belges, la France a lan­cé — bien plus bru­ta­le­ment que chez nous — son Plan acier en impo­sant au patro­nat un plan capi­ta­liste de restruc­tu­ra­tion dans le Nord et en Lorraine.

Les partis politiques et le virus communautaire en sidérurgie

Nous ne nous attar­de­rons pas sur les posi­tions du PSC, du PS et du FDF en matière de restruc­tu­ra­tion sidé­rur­gique, dans la mesure où elles ne marquent pas de diver­gences fon­da­men­tales avec la poli­tique sui­vie par les pou­voirs publics en la matière. La posi­tion du Ras­sem­ble­ment wal­lon mérite qu’on s’y arrête, dans la mesure où il a repris à son compte un ensemble de pro­po­si­tions for­mu­lées par Y. de Was­seige22 qui, faute de relais syn­di­cal adé­quat, ne ren­con­trèrent qu’assez peu d’écho. L’axe en est un pro­jet de sidé­rur­gie wal­lonne arti­cu­lé à trois niveaux : des socié­tés de bas­sin à carac­tère pri­vé, pour l’exploitation ; une socié­té wal­lonne de sidé­rur­gie pour les ques­tions de com­mer­cia­li­sa­tion, d’investissements et de ges­tion, avec pari­té SDRW-groupes pri­vés ; un Conseil per­ma­nent de la sidé­rur­gie belge, tri­par­tite, pour les rela­tions avec la CEE. Cette pro­po­si­tion aurait l’avantage, à notre point de vue, de per­mettre la consti­tu­tion d’un front des tra­vailleurs wal­lons de la sidé­rur­gie, à condi­tion de vaincre les riva­li­tés entre tra­vailleurs des dif­fé­rents bas­sins… Condi­tion qui n’est que très impar­fai­te­ment rem­plie dans la réa­li­té. Par ailleurs, la solu­tion mixte pro­po­sée ne nous paraît ni syn­di­ca­le­ment ni poli­ti­que­ment satis­fai­sante, étant don­né la lati­tude lais­sée aux groupes pri­vés de tirer les mar­rons du feu à leur seul pro­fit. Pour sa part, le PCB a éla­bo­ré une pro­po­si­tion de loi de mise sous sta­tut public de la sidé­rur­gie23 qui a le mérite de mettre l’accent sur la néces­si­té d’une poli­tique glo­bale de l’acier et de mesures visant à enle­ver aux groupes pri­vés les leviers de com­mande pour les trans­fé­rer aux mains des pou­voirs publics24.

Quant au virus com­mu­nau­taire, ce n’est pas d’hier qu’il inves­tit la sidé­rur­gie puisqu’une bonne par­tie des dif­fi­cul­tés de la sidé­rur­gie wal­lonne est due — outre ses fai­blesses struc­tu­relles et la poli­tique de dés­in­ves­tis­se­ment des groupes finan­ciers25 — à la créa­tion de Sid­mar dans les années 1960. Quelques exemples récents sont cepen­dant signi­fi­ca­tifs : les réac­tions des tra­vailleurs d’ALZ-Genk face au conflit à Cocke­rill-Cher­tal (juin 1977); le refus de l’ACV régio­nale de voir Sid­mar faire les frais de solu­tions au pro­fit de la sidé­rur­gie wal­lonne (novembre 1977); le pré­ac­cord sur le volet social signé à Sid­mar en front com­mun le 22 juin 1978, dis­so­ciant les sidé­rur­gistes fla­mands de la grève « natio­nale» ; l’exigence de « com­pen­sa­tions » équi­va­lentes pour la Flandre en cas d’investissements dans la sidé­rur­gie wal­lonne for­mu­lée par le patro­nat fla­mand (le VEV) et la VU, exi­gence en bonne par­tie ren­con­trée lors de l’accord du 23 novembre. On assiste ain­si à un début de régio­na­li­sa­tion du trai­te­ment des pro­blèmes socioé­co­no­miques, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle ne fait que com­pli­quer la lutte pour l’emploi des syn­di­ca­listes et des tra­vailleurs wallons.

Les organisations syndicales : une stratégie inopérante

Une ana­lyse appro­fon­die de la stra­té­gie des orga­ni­sa­tions syn­di­cales par rap­port à la restruc­tu­ra­tion de la sidé­rur­gie bel­go-luxem­bour­geoise néces­si­te­rait à elle seule tout un article. Nous nous conten­te­rons d’esquisser ici quelques réflexions ten­dant à indi­quer les rai­sons de l’inefficacité de leur stra­té­gie des vingt der­niers mois face à la ques­tion, deve­nue cru­ciale, de la sidé­rur­gie. On peut carac­té­ri­ser cette stra­té­gie comme mor­ce­lée par des cli­vages sous-régio­naux (les bas­sins), lin­guis­tiques (Flandre-Wal­lo­nie), idéo­lo­giques et tac­tiques (failles dans le front com­mun et diver­gences sur les formes de lutte) et enfin poli­tiques (la recon­ver­sion, les condi­tions de sur­vie de la sidérurgie).

Nous ne revien­drons pas sur le conte­nu des posi­tions tant de la FGTB que de la CSC26, sinon pour remar­quer que, bien qu’ayant fait l’objet de congrès offi­ciels des orga­ni­sa­tions concer­nées, elles se sont dégra­dées au fil des mois et au gré des confé­rences et tables rondes jusqu’à fonc­tion­ner plus comme des slo­gans for­mels que comme des objec­tifs mobi­li­sa­teurs. Si cer­taines reven­di­ca­tions syn­di­cales ont été au moins par­tiel­le­ment satis­faites, en ce qui concerne la pré­pen­sion et la dimi­nu­tion de la durée du tra­vail, le prix payé fut très lourd puisque c’était ni plus ni moins que l’adhésion à l’objectif patro­nal et gou­ver­ne­men­tal de hausse de la pro­duc­ti­vi­té27. Trop sou­vent, les orga­ni­sa­tions syn­di­cales ont accep­té de négo­cier en se trou­vant devant des faits accom­plis : ayant décla­ré ne pas se sen­tir liées par les conclu­sions du rap­port Mckin­sey, elles en ont tout de même accep­té la mou­ture pré­sen­tée dans le plan Claes ; elles ont rati­fié en pra­tique les accords d’Hanzinelle ; elles ont sous­crit à l’accord du 23 novembre qui, s’il offre des garan­ties tan­gibles au patro­nat et aux hol­dings, ne pré­sente rien de pré­cis au niveau recon­ver­sion… C’est là le maigre bilan d’une poli­tique pure­ment atten­tiste et défen­sive : au lieu de choi­sir eux-mêmes le champ de l’affrontement en déter­mi­nant de manière auto­nome les prio­ri­tés du mou­ve­ment ouvrier pour la sidé­rur­gie et la recon­ver­sion, et en impo­sant des dis­cus­sions sur ces sujets, les diri­geants des orga­ni­sa­tions syn­di­cales ont lais­sé se déve­lop­per McKin­sey, les plans Davi­gnon et Claes, pour finir par être accu­lés à se mou­voir sur le ter­rain déter­mi­né par l’adversaire.

La stra­té­gie syn­di­cale est mar­quée par l’appartenance tenace à divers bas­sins sidé­rur­giques ou sous-régions : cela s’est vu sur le plan des riva­li­tés entre Liège où R. Gil­lon pré­co­ni­sait une sidé­rur­gie par bas­sin et Char­le­roi où É. Davis­ter défen­dait l’idée d’un contrôle natio­nal ; à Char­le­roi il y a eu des tiraille­ments entre tra­vailleurs des diverses entre­prises ; que dire de l’attachement de ceux de chez Boël à leur usine, sans par­ler des mythes Char­lier à Liège et Frère à Char­le­roi ? On en est arri­vé, comme nous le men­tion­nions plus haut, à la conclu­sion d’un accord au niveau du bas­sin caro­lo­ré­gien entre A. Frère et les syn­di­ca­listes Davis­ter et Cam­ma­ra­ta. Et n’oublions tout de même pas que si les sidé­rur­gistes d’Athus ont été bat­tus, en sep­tembre 1977, mal­gré leur cou­rage et leur lutte âpre et longue28, ce n’est pas seule­ment parce que les sidé­rur­gistes de Rodange les ont lâchés, mais aus­si parce que rien n’a bou­gé dans les autres bas­sins belges. Plus lar­ge­ment, si le patro­nat de l’Arbed au Luxem­bourg, de la MMRA à Athus, de Saci­lor-Sol­lac et d’Usiner à Longwy et Thion­ville a déjà pu mener à bien des mil­liers de licen­cie­ments, c’est parce que les orga­ni­sa­tions syn­di­cales ont été inca­pables de lui oppo­ser un front uni des tra­vailleurs belges, luxem­bour­geois et français.

Quant au cli­vage Flandre-Wal­lo­nie, les exemples cités plus haut indiquent qu’en des périodes de crise, comme celle que tra­verse la sidé­rur­gie, un atta­che­ment natio­na­liste étroit peut l’emporter sur une appar­te­nance de classe.

En ce qui concerne les cli­vages idéo­lo­giques et tac­tiques, il nous appa­rait que, d’une part, les sidé­rur­gistes CSC, tout en reven­di­quant un contrôle des pou­voirs publics et des tra­vailleurs, n’ont jamais ni pré­sen­té de contre­plan29 ni reje­té radi­ca­le­ment toute solu­tion d’économie mixte ni défi­ni les moda­li­tés pré­cises d’un contrôle démo­cra­tique et effi­cace face aux manœuvres des groupes finan­ciers. Leur mérite est d’avoir ten­té de se battre, même avec des forces réduites et sans la FGTB : la mani­fes­ta­tion du 20 mai 1978 et plu­sieurs actions plus dures mises en œuvre par les employés à Char­le­roi peuvent en témoi­gner. Leur erreur tac­tique est de ne pas avoir ripos­té natio­na­le­ment dès le conflit d’Athus ou dès la pre­mière perte d’emploi en 1978 (ils ont atten­du le « pre­mier licen­cie­ment », mais le patro­nat a jusqu’à pré­sent dimi­nué mas­si­ve­ment l’emploi par les sys­tèmes de pré­pen­sion et de départs volon­taires non com­pen­sés). Pour leur part, s’ils dis­po­saient d’un plan de mise sous sta­tut public plus éla­bo­ré, les diri­geants de la Cen­trale des métal­lur­gistes de Bel­gique (CMB) et du Set­ca se sont lais­sés — consciem­ment ou non — mani­pu­ler par le duo Claes-Davi­gnon sur les points essen­tiels sans se sou­cier outre mesure de mobi­li­ser acti­ve­ment les sidé­rur­gistes, excep­tion faite de mani­fes­ta­tions de rue et d’arrêts de tra­vail sans len­de­main. Les diri­geants wal­lons de la FGTB donnent l’impression de s’être fait ber­ner et d’avoir accep­té, sans trop renâ­cler, des mil­liers de pertes d’emploi et une for­mule d’économie mixte consa­crant la socia­li­sa­tion des pertes en sidé­rur­gie sur le dos de la col­lec­ti­vi­té et à l’avantage des groupes financiers.

Fon­da­men­ta­le­ment, c’est la volon­té poli­tique, la volon­té d’opposer un contre-pou­voir des tra­vailleurs au pou­voir du patro­nat, des groupes finan­ciers, du gou­ver­ne­ment et de la CEE qui a fait le plus cruel­le­ment défaut au mou­ve­ment syn­di­cal dans les enjeux liés au mode de sur­vie de la sidé­rur­gie wal­lonne et à la recon­ver­sion indus­trielle de la Wal­lo­nie. Parce qu’une telle volon­té poli­tique sup­po­sait un débat démo­cra­tique et une infor­ma­tion large par­mi les tra­vailleurs, une pra­tique au jour le jour du contrôle ouvrier, des modes d’action plus per­cu­tants et des pers­pec­tives poli­tiques net­te­ment anti­ca­pi­ta­listes comme la natio­na­li­sa­tion sans condi­tions des entre­prises sidé­rur­giques et des avoirs des groupes finan­ciers qui les contrôlent. Toutes choses que des années de pra­tiques bureau­cra­tiques et de répres­sion à l’encontre de mili­tants com­bat­tifs ont ren­dues impos­sibles à l’heure actuelle, en tout cas dans les cen­trales ouvrières de la sidé­rur­gie, tant à la FGTB qu’à la CSC.

  1. Les aspects tech­niques du pro­ces­sus de restruc­tu­ra­tion de la sidé­rur­gie bel­go-luxem­bour­geoise ont été repris dans des quo­ti­diens tels La Cité ou Le Dra­peau rouge et régu­liè­re­ment sui­vis par des heb­do­ma­daires comme Com­bat ou La Gauche. Rap­pe­lons les prin­ci­paux évè­ne­ments : 5 mars 1977 : pre­mière Confé­rence natio­nale de la sidé­rur­gie ; 5 sep­tembre 1977 : déman­tè­le­ment de la divi­sion Athus de la MMRA ; avril1978 : accords d’Hanzinelle et rap­port McKin­sey ; 20 mai 1978 : Table ronde de la sidé­rur­gie ; 22 – 28 juin 1978 : grève géné­rale en sidé­rur­gie et accord sur le volet « social » du plan Claes ; 8 octobre 1978 : note de W. Claes au gou­ver­ne­ment sur la restruc­tu­ra­tion indus­trielle et finan­cière ; 23 novembre 1978 : accord tri­par­tite sur les prin­cipes de la restructuration.
  2. Cf. la note de syn­thèse de McKin­sey, Un pro­gramme de redres­se­ment pour la sidé­rur­gie bel­go-luxem­bour­geoise, avril 1978. Une appré­cia­tion cri­tique du rap­port McKin­sey est four­nie par Noir­ret P., « Com­ment on restruc­ture la sidé­rur­gie wal­lonne », La Revue nou­velle, juillet-aout 1978, et de Was­seige Y.: « Plai­doyer pour une sidé­rur­gie wal­lonne », Wal­lo­nie 78, n°6.
  3. Quelques réfé­rences utiles pour com­prendre la struc­ture, les carac­té­ris­tiques et les pro­blèmes spé­ci­fiques de la sidé­rur­gie de l’UEBL : Ghy­mers C., « Struc­ture de la sidé­rur­gie belge », Bul­le­tin de l’IRES, n°32, février 1976 ; Gou­di­ma C., L’industrie sidé­rur­gique bel­go-luxem­bour­geoise, Daf­sa Bel­gique, 1976 ; Bies­mans Fr., Joins M., Op’teinde G., « Un exemple de la crise du capi­ta­lisme : le cas de la sidé­rur­gie », Contra­dic­tions, n°9, 1976 ; Ins­tal­lé M., « Évo­lu­tion de la sidé­rur­gie et pers­pec­tives d’avenir », Wal­lo­nie 77, n°1 ; Debra J., « La sidé­rur­gie wal­lonne face au défi inter­na­tio­nal », La Revue nou­velle, avril 1977 ; GEM, SOS Sidé­rur­gie, Fon­da­tion Jac­que­motte, 1978 ; Joye P., « La crise sidé­rur­gique », Cahiers mar­xistes, jan­vier 1978.
  4. C’est ain­si que Cobe­pa (hol­ding belge du groupe fran­çais Pari­bas) tra­vaille avec des sous-hol­dings régio­naux et sec­to­riels. C’est le cas de la Finan­cière du Ruau pour la sidé­rur­gie. Depuis 1973, où il repré­sen­tait 13,8% des actifs de Cobe­pa, l’engagement du groupe comme tel en sidé­rur­gie a décru très rapi­de­ment : 7,7% des actifs en 1976 et seule­ment 1,9% début 1978. Le groupe ne pos­sède, en propre, aucune action sidé­rur­gique. Cf. « Cobe­pa, un hol­ding pas comme les autres », Trends Ten­dances, 8 juin 1978.
  5. Quant à la stra­té­gie du capi­tal finan­cier au niveau inter­na­tio­nal, voir : « Le rôle du capi­tal finan­cier dans l’internationalisation de l’économie : l’exemple de la sidé­rur­gie », Contra­dic­tions, n°17, octobre 1978.
  6. Ces accords conclus entre diri­geants de Cocke­rill, Arbed-Sid­mar et le Tri­angle ont mis Boël et, dans une moindre mesure, Cla­becq devant un fait accom­pli. Le ministre des Affaires éco­no­miques W. Claes et É. Davi­gnon, membre de la Com­mis­sion de la CEE char­gé des affaires indus­trielles, ont par­ti­ci­pé aux négo­cia­tions et ava­li­sé les accords. Ceux-ci, déjà admis le 20 mai 1978, ont été offi­ciel­le­ment recon­nus lors de la réunion tri­par­tite du 23 novembre 1978.
  7. Cocke­rill s’est liée au groupe ger­ma­no-hol­lan­dais Estel, entre autres pour la réa­li­sa­tion de son nou­veau train à fil du Val-Saint-Lam­bert. Estel se réserve néan­moins la pos­si­bi­li­té de revoir ses enga­ge­ments en cas d’entrée dans Cocke­rill d’un action­naire majo­ri­taire qui ne lui agrée pas (La Cité, 28 juillet 1978). Cela expli­que­rait en par­tie les ten­ta­tives de rééva­lua­tion des actifs de Cockerill.
  8. Chaque groupe reste cepen­dant sur ses gardes. A. Frère, par exemple, pour­rait craindre que le Trian­gle ne soit dou­ble­ment coin­cé : par l’Arbed lui enle­vant les pro­duits longs et par Cocke­rill obte­nant en Wal­lo­nie un qua­si-mono­pole en pro­duits plats, d’où blo­cage de l’expansion de Car­lam et de la créa­tion de Car­froid. Cela pour­rait expli­quer l’accord conclu le 29 juin 1978 entre A. Frère et les diri­geants syn­di­caux de Char­le­roi pour défendre l’avenir du bassin.
  9. Cette par­ti­ci­pa­tion publique, dont le prin­cipe a été accep­té le 23 novembre 1978, mais dont les moda­li­tés res­tent à dis­cu­ter, se pré­sente sous un double aspect : trans­for­ma­tion des charges finan­cières affé­rentes aux dettes en obli­ga­tions conver­tibles par­ti­ci­pantes en faveur des pou­voirs publics [cout pour ceux-ci : 4,2 mil­liards (104.115.056 euros) par an d’ici 1983]; par­ti­ci­pa­tion publique au capi­tal des socié­tés sidé­rur­giques : 20% chez Sid­mar, 60% de la part actuel­le­ment déte­nue par les grands groupes pri­vés (ou action­naires pri­vés stables, APS) chez Cocke­rill et dans le Tri­angle. Pour le détail de l’accord du 23 novembre, cf. Com­bat du 30 novembre 1978 et La Gauche (même date).
  10. Le plan Claes pré­voit la créa­tion d’une Socié­té de finan­ce­ment per­met­tant aux APS et aux pou­voirs publics belges le recours au mar­ché euro­péen des capi­taux, avec garan­tie de la CECA.
  11. Cocke­rill avait mani­fes­té ses inten­tions à cet égard en juin der­nier, dans le but d’accroitre la valeur intrin­sèque de cha­cune de ses actions et donc de rendre plus oné­reuse pour les pou­voirs publics leur entrée dans la socié­té. Cocke­rill et Hai­naut-Sambre viennent de remettre ça : convo­ca­tion d’assemblées extra­or­di­naires pour le 21 décembre 1978 avec à l’ordre du jour « une rées­ti­ma­tion éven­tuelle d’éléments du bilan clos au 31 décembre 1977 et la mise en réserve de la plus-value cor­res­pon­dante » (Écho de la Bourse, 30 novembre 1978). Cocke­rill esti­mait que cette rééva­lua­tion ferait pas­ser son immo­bi­li­sé de 33 à 60 mil­liards [818.046.875 à 1.487.357.955 euros].
  12. La sec­tion « pla­ni­fi­ca­tion » qui pren­dra en fait les déci­sions stra­té­giques com­prend des repré­sen­tants des entre­prises (selon le rap­port public-pri­vé), du Grou­pe­ment des hauts-four­neaux et des pou­voirs publics (Affaires éco­no­miques et Finances, avec droit de véto). La sec­tion « contrôle » com­porte, outre les par­ties pré­ci­tées, les orga­ni­sa­tions syn­di­cales qui auront droit d’information et de sug­ges­tion : sin­gu­lière déna­tu­ra­tion de la notion de contrôle !
  13. Cf. Schoon­broodt J., « Sidé­rur­gie : la réforme inver­sée », La Revue nou­velle, novembre 1978.
  14. Age­fi, 4 – 7 mai 1978.
  15. Arbed a acquis près de 100% du capi­tal du pre­mier pro­duc­teur sar­rois Stahl­werke Röchling-Bur­bach, qui acquiert la presque tota­li­té du capi­tal de Neun­kir­chen Eisen­werk, deuxième entre­prise sar­roise déte­nant 32% du capi­tal des Acié­ries de Dilling (où le groupe fran­çais Marine-Wen­del est majo­ri­taire). Arbed détient éga­le­ment 25,09% du capi­tal de la MMRA. À l’issue de ces opé­ra­tions, la com­po­si­tion du capi­tal d’Arbed était la sui­vante : la Géné­rale détient 13,3%, Empain-Schnei­der 13,1%, la famille Röchling 5,1%. Eisen- und Hüt­ten­werke AG 2,26%: 63,9% sont dis­per­sés dans le public. Notons que M. Davi­gnon détient aus­si quelques petits inté­rêts dans l’Arbed…
  16. Il s’agit des titres cédés il y a deux ans par Cocke­rill à l’Arbed, mais que ce der­nier groupe ne lui a jamais payés. L’État devrait donc rache­ter ces titres à Cocke­rill. Rai­son de plus, pour ce der­nier, de rééva­luer ses actifs (Le Soir, 30 novembre 1978).
  17. La Libre Bel­gique, 23 novembre 1977.
  18. Un exemple fran­çais récent illustre bien le carac­tère illu­soire de l’influence des pou­voirs publics en cas d’économie mixte. Le conseil d’administration de la socié­té Manu­france à St-Etienne a déci­dé le licen­cie­ment de la moi­tié du per­son­nel, soit 1.300 tra­vailleurs, par 3 voix (le pri­vé) contre 3 (le public), grâce à la voix pré­pon­dé­rante de son PDG Gadot-Clet. Or, les pou­voirs publics, en l’occurrence la ville de Saint-Etienne (à majo­ri­té com­mu­niste), sont le prin­ci­pal action­naire de Manu­france (29% contre 21,3% aux grands action­naires pri­vés). Cf. Le Monde, 30 novembre 1978.
  19. Ce n’est pas le droit de véto des pou­voirs publics qui doit faire illu­sion. W.Claes recon­nais­sait récem­ment à Char­le­roi avoir dû céder devant le chan­tage au désen­ga­ge­ment de la part des hol­dings (La Nou­velle Gazette, 30 novembre 1978).
  20. Par nou­vel emploi créé (pour com­pen­ser les pertes d’emploi entre 1976 et 1980), il y aura un DTR de 500.000 francs [12.394,65 euros], auquel viennent s’ajouter 2,5 mil­lions [61.973 euros] béné­fi­ciant d’aides publiques. Vu la com­mu­nau­ta­ri­sa­tion du pro­blème et compte tenu des pertes d’emploi pas­sées et pré­vues, il en cou­te­ra au bud­get natio­nal 15 mil­liards [371.839.488 euros] pour le tex­tile, 6,5 mil­liards [161.130.445 euros] pour la sidé­rur­gie et 0,6 mil­liard [14.873.579 euros] pour la construc­tion navale. Ajoutons‑y une charge annuelle de restruc­tu­ra­tion pour les pou­voirs publics de 4,2 mil­liards [104.115.056 euros] en sidé­rur­gie, 1 mil­liard [24.789.299 euros] dans le tex­tile et 0,2 mil­liard [4.957.860 euros] en construc­tion navale, et l’on peut se faire une petite idée du cout de l’opération vue sous son angle com­mu­nau­taire (Le Soir, 24 novembre 1978).
  21. Pour la période 1979 – 1983, le mon­tant des cré­dits CECA à la Bel­gique serait de l’ordre de 20 mil­liards de francs belges [495.785.985 euros].
  22. de Was­seige Y., Ave­nir de la sidé­rur­gie wal­lonne, février 1978. Voir aus­si de Was­seige, op. cit. L’auteur rejette une solu­tion natio­nale qui béné­fi­cie­rait à Sid­mar au détri­ment des entre­prises wal­lonnes, ain­si que la solu­tion inter­na­tio­nale pré­ju­di­ciable, elle aus­si, à la Wal­lo­nie (absence de recon­ver­sion, déman­tè­le­ment d’Athus sous l’influence conju­guée de la CEE et d’Arbed).
  23. Le texte en est repris dans les Cahiers mar­xistes, juin 1978. Les ana­lyses du PCB sont par ailleurs lar­ge­ment expli­ci­tées dans « SOS Sidé­rur­gie » (voir note 3).
  24. Nous avons expli­qué ailleurs nos diver­gences avec les pro­po­si­tions du PCB : cf. La Gauche, n°15, 13 avril 1978. Sur la néces­si­té d’un plan pour la sidé­rur­gie, voir les réflexions per­ti­nentes de Moërs J., « Des mesures d’airain pour l’acier », La Revue nou­velle, avril 1977.
  25. Sur ce der­nier point, voir Qué­vit M., Les causes du déclin wal­lon, éd. Vie Ouvrière, 1978. Cet ouvrage est à lire pour mieux com­prendre les constantes de la poli­tique éco­no­mique régio­nale du pou­voir cen­tral qui ont joué au détri­ment de la Wallonie.
  26. Sur la Confé­rence natio­nale CMB-Set­ca du 21 octobre 1977, voir Com­bat du 26 octobre 1977 et le Bul­le­tin de la Fon­da­tion André Renard, n°82 – 83, sep­tembre-octobre 1977. Pour le Congrès des sidé­rur­gistes wal­lons de la CSC du 9mars 1978, voir La Cité du 10 mars 1978 et Au Tra­vail du 17 mars 1978.
  27. «… en contre­par­tie de la réduc­tion de la durée du tra­vail, les orga­ni­sa­tions et délé­ga­tions syn­di­cales s’engagent à col­la­bo­rer acti­ve­ment à l’accroissement de la pro­duc­ti­vi­té notam­ment par l’amélioration du cli­mat social, la lutte contre l’absentéisme et le res­pect effec­tif des pres­ta­tions de huit heures » (nous sou­li­gnons): extraits de l’accord sur le volet social (Jour­nal et Indé­pen­dance, 28 juin 1978).
  28. Voir à ce sujet Lewin R. et Joye P., « Le com­bat des sidé­rur­gistes d’Athus », Cahiers mar­xistes, novembre 1977, et La Gauche, n°29 à 35, aout-sep­tembre 1977.
  29. Com­ment se fait-il que la CCMB (Cen­trale chré­tienne des métal­lur­gistes) ait boy­cot­té un plan pour la sidé­rur­gie exis­tant au sein de la Fon­da­tion poli­tique du MOC et empê­ché ses mili­tants d’en prendre connaissance ?

Michel Capron


Auteur

Michel Capron était économiste et professeur émérite de la Faculté ouverte de politique économique et sociale ([FOPES) à l'Université catholique de Louvain.