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Scrutin européen : la défaite social-démocrate

Numéro 07/8 Juillet-Août 2009 par Lechat Benoît

juillet 2009

Le 8 juin, la social-démo­­cra­­tie euro­péenne s’est réveillée avec une méchante gueule de bois. Les élec­tions euro­péennes ont fait fondre le groupe du PSE de trente-cinq dépu­tés (voir gra­phique). À la dif­fé­rence du PPE et des Verts, grands vain­queurs du scru­tin, les sociaux-démo­­crates n’ont pas convain­cu une par­tie impor­tante de leurs anciens élec­teurs que leur réponse à la […]

Le Mois

Le 8 juin, la social-démo­cra­tie euro­péenne s’est réveillée avec une méchante gueule de bois. Les élec­tions euro­péennes ont fait fondre le groupe du PSE de trente-cinq dépu­tés (voir gra­phique). À la dif­fé­rence du PPE et des Verts, grands vain­queurs du scru­tin, les sociaux-démo­crates n’ont pas convain­cu une par­tie impor­tante de leurs anciens élec­teurs que leur réponse à la crise était la bonne. À moins que celle-ci ne soit pas encore réel­le­ment per­çue dans toute son ampli­tude et que les votes des Euro­péens aient été davan­tage dic­tés par d’autres consi­dé­ra­tions comme l’insécurité, l’immigration ou l’environnement, comme le laissent entendre les résul­tats des euro­ba­ro­mètres publiés avant le scrutin…

Quoi qu’il en soit, dans les deux pays cen­traux que sont la France et l’Allemagne, le PSE a enre­gis­tré une défaite sans pré­cé­dent ou presque. Avec 16,8%, les socia­listes fran­çais paient autant leurs divi­sions que leur absence de mes­sage fort par rap­port à l’Europe comme par rap­port à la crise. En Alle­magne, le SPD réédite, lui, à 20,08% le très mau­vais score de 2004 quand, en coa­li­tion avec les Verts, il menait les réformes « Harz IV » très ins­pi­rées de la phi­lo­so­phie de l’État social actif. Son virage à gauche accé­lé­ré depuis le déclen­che­ment de la crise qui com­mence à frap­per for­te­ment le cœur de l’activité indus­trielle alle­mande ne semble pas lui réus­sir. Une enquête effec­tuée à la sor­tie des urnes citée par la chaîne de télé­vi­sion ARD indique que seul un ouvrier alle­mand sur cinq est allé voter pour lui le 7 juin. La CDU de la chan­ce­lière Mer­kel est par­ve­nue, elle, à convaincre 35% d’entre eux. La même ana­lyse rap­porte que près de 40% des élec­teurs du SPD éprouvent un cer­tain malaise à pro­pos des sou­tiens publics pré­co­ni­sés par le par­ti pour les entre­prises mises en dif­fi­cul­té par la crise. Quant à l’extrême gauche, elle ne béné­fi­cie pas de ce recul et elle régresse même de quatre sièges (trente-quatre au total) dans l’ensemble de l’Europe, même si en RFA les anciens com­mu­nistes de Die Linke pro­gressent par rap­port à leurs résul­tats de 2004.

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Nouvelles germinations vertes

Avec le PPE, les Verts sont les autres grands vain­queurs, leur groupe pas­sant de qua­rante à cin­quante-trois dépu­tés, si on y intègre les régio­na­listes. La nou­velle baisse du taux glo­bal de par­ti­ci­pa­tion de 2,6% par rap­port au scru­tin de 2004 (à 43,5%) semble leur béné­fi­cier, dans la mesure où les élec­teurs verts sont répu­tés avoir un enga­ge­ment euro­péen plus impor­tant. On voit ain­si que les éco­lo­gistes conti­nuent de rela­ti­ve­ment mieux se com­por­ter aux élec­tions euro­péennes que dans les scru­tins natio­naux, régio­naux, voire locaux qui ont été orga­ni­sés le 7 juin. Dans un cer­tain nombre de grandes villes euro­péennes, leurs scores sont très impor­tants. Ils dépassent régu­liè­re­ment les socia­listes, voire les chré­tiens-démo­crates, fran­chis­sant sou­vent la barre des 20%, et même une fois ou l’autre, celle des 30% dans les quar­tiers les plus cen­traux des grandes agglo­mé­ra­tions de Suède, Bel­gique, Pays-Bas, Alle­magne et en France. En France, Daniel Cohn-Ben­dit aura réus­si au-delà de toutes ses espé­rances son pari de rele­ver l’écologie poli­tique qui avait tant souf­fert des déchi­re­ments des Verts, en par­ve­nant à arra­cher qua­torze sièges, à éga­li­té avec le PS et loin devant le Modem de Fran­çois Bay­rou qui a com­mis l’erreur de concen­trer sa cam­pagne sur des enjeux fran­co-fran­çais. Les pro­chaines élec­tions régio­nales de 2010 ver­ront dans quelle mesure le résul­tat d’Europe Éco­lo­gie sera ou non confir­mé, mais pour l’écologie poli­tique fran­çaise, il s’agit qua­si­ment d’une résurrection.

Barroso, souffle au cœur de l’Europe

Le para­doxe du suc­cès des Verts est qu’il n’est pas cer­tain que leur tra­vail soit plus facile au Par­le­ment euro­péen au cours de la légis­la­ture qui s’ouvre. Le recul du PSE les prive d’alliés habi­tuels dans une série de dos­siers cru­ciaux, qu’ils s’agissent de l’environnement ou du social. Ils devront sans doute élar­gir le cercle de leurs recherches pour for­ger des alliances ponc­tuelles sur la recon­ver­sion éco­lo­gique comme sur leurs prio­ri­tés sociales. Quant à la social-démo­cra­tie euro­péenne, elle doit s’interroger sur sa réorien­ta­tion. Après s’être long­temps com­pro­mise dans l’application de solu­tions de type libé­ral, elle ne peut se conten­ter d’un retour nos­tal­gique aux ori­gines du com­pro­mis for­diste et aux heures fastes des États-pro­vi­dence des Trente glo­rieuses. La relance de l’économie par la consom­ma­tion, le sou­tien à des sec­teurs hau­te­ment consom­ma­teurs d’énergies fos­siles ne semblent plus consti­tuer une pers­pec­tive réel­le­ment mobi­li­sa­trice, d’autant plus que sur ce plan les par­tis de droite semblent plus cré­dibles pour l’électorat tra­di­tion­nel social-démo­crate. Quoi qu’il en soit, c’est un euphé­misme de dire que le pro­jet d’une Europe plus forte, capable d’imposer une réponse com­mune à la crise n’est pas sor­ti véri­ta­ble­ment ren­for­cé du scru­tin. En témoigne la recon­duc­tion de l’insipide Bar­ro­so sou­te­nu incon­di­tion­nel­le­ment par le PPE vain­queur. Pour­tant, depuis sa dési­gna­tion en 2004, il a sur­tout brillé par son inca­pa­ci­té à mobi­li­ser les ins­ti­tu­tions euro­péennes et par son refus de faire pièce aux replis natio­naux encou­ra­gés par la plu­part des diri­geants euro­péens, comme par ses propres com­mis­saires. Une par­tie du suc­cès des Verts est sans doute impu­table à la cam­pagne « Stop Bar­ro­so » qu’ils ont ani­mée contre celui qui incarne tel­le­ment bien le souffle au cœur dont souffre aujourd’hui le pro­jet euro­péen. À la fin juin, sa dési­gna­tion est tem­po­rai­re­ment sus­pen­due, mais c’est sans doute une manière de mieux s’assurer de son entière sou­mis­sion aux gou­ver­ne­ments nationaux.

Lechat Benoît


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