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Repenser la Belgique : les « ReBel » académiques continuent

Numéro 2 Février 2010 - Communautaire Fédéralisme (Belgique) partis politiques par Paul Grosjean

février 2010

Je n’en suis pas, mais cela m’intéresse ; j’y suis donc retour­né est si judi­cieu­se­ment adap­tée aux besoins du débat ins­ti­tu­tion­nel belge qu’il vaut la peine d’en par­ler pour elle-même, même si on ne peut, faute de connais­sances pré­cises, res­ti­tuer la qua­li­té, le conte­nu, la per­ti­nence et la cour­toi­sie des débats. Cette fois-ci, Re-Bel consa­crait un […]

Je n’en suis pas, mais cela m’intéresse ; j’y suis donc retour­né1 est si judi­cieu­se­ment adap­tée aux besoins du débat ins­ti­tu­tion­nel belge qu’il vaut la peine d’en par­ler pour elle-même, même si on ne peut, faute de connais­sances pré­cises, res­ti­tuer la qua­li­té, le conte­nu, la per­ti­nence et la cour­toi­sie des débats.

Cette fois-ci, Re-Bel consa­crait un après-midi à deux thèmes bien dis­tincts : le finan­ce­ment des enti­tés fédé­rées dans un État fédé­ral ; le fonc­tion­ne­ment élec­to­ral de la démo­cra­tie fédérale.

Améliorer la façon dont les composantes fédérées sont financées ?

Le débat s’appuie sur deux docu­ments, dis­po­nibles à l’avance sur le site de ReBel, l’un est four­ni par trois éco­no­mistes du Cen­trum voor Eco­no­mische Stu­diën de la KUL2, l’autre par une équipe du Centre de recherches en éco­no­mie régio­nale et poli­tique éco­no­mique des facul­tés de Namur3 avec Robert Des­champs comme pre­mier auteur. Les deux docu­ments consi­dèrent que la loi spé­ciale de finan­ce­ment des Com­mu­nau­tés et des Régions de 1989 (com­plé­tée en 2001) demande à être adap­tée pour per­mettre dif­fé­rentes amé­lio­ra­tions, notam­ment une meilleure res­pon­sa­bi­li­sa­tion, clai­re­ment per­çue, de la ponc­tion et de l’affectation des res­sources à chaque niveau.

Ce n’est pas mon ambi­tion de faire ici une ana­lyse com­pa­ra­tive des avan­tages et des incon­vé­nients de cha­cune des deux approches. À la suite du débat de ce 17 décembre, les deux groupes et Re-Bel vont sor­tir en février 2010 un livre élec­tro­nique sur la ques­tion. Mais une impres­sion qui se dégage, sou­li­gnée par le pro­fes­seur de Grauwe en conclu­sion du débat, est que les dif­fé­rences ne portent pas tel­le­ment sur le diag­nos­tic des manques main­te­nant bien per­çus de la loi de finan­ce­ment de 1989 – 2001, ni sur les objec­tifs que devrait atteindre le sys­tème de finan­ce­ment dans une optique fédé­rale, bien accep­tée de part et d’autre, mais sur la façon de faire, par­ti­cu­liè­re­ment sur deux points : la com­pen­sa­tion, si néces­saire, pour l’inégalité de reve­nus entre Régions et le défi­cit fis­cal de Bruxelles. Bien cer­ner en toute rigueur intel­lec­tuelle le fond du pro­blème pour per­mettre de voir sur quoi il faut fina­le­ment prendre des déci­sions poli­tiques, c’est là le but de Re-Bel. On a bien avan­cé dans cette voie.

Pour l’auditeur atten­tif et très modé­ré­ment culti­vé en ces matières que je crois être, un grand éton­ne­ment me res­tait cepen­dant après ce débat. C’est parce qu’il fal­lait bien répondre à une ques­tion venant du public que le panel d’experts a abor­dé la ques­tion de la taxa­tion par­tielle du reve­nu pro­fes­sion­nel par la Région où le reve­nu est créé. La légi­ti­mi­té fis­cale de ce mode de taxa­tion se base sur le besoin de la Région pro­duc­trice du reve­nu de sup­por­ter les couts publics que cette pro­duc­tion du reve­nu entraine. Aucun des deux docu­ments n’en par­lait. Or je crois qu’on attend de Re-Bel et des aca­dé­miques qui y œuvrent, d’oser par­ler de sujets poli­ti­que­ment incor­rects aujourd’hui, s’ils s’avèrent per­ti­nents, et de faire avan­cer les idées de telle sorte qu’elles entrent pro­gres­si­ve­ment dans le « poli­ti­que­ment faisable ».

Une autre chose qui man­quait dans ce débat à pro­pos des finances publiques, en contraste par rap­port à cer­tains expo­sés de la jour­née du 30 avril et à celui qui allait suivre cet après-midi-là, c’est un tour d’horizon des pra­tiques de finances publiques fédé­rales dans d’autres pays. Sommes-nous vrai­ment les seuls au monde à avoir des pro­blèmes de ce type ? N’y a‑t-il pas des idées à aller prendre ailleurs ? Com­ment font les Suisses ? Ou les Cana­diens ? Ou les Aus­tra­liens ? Les réfé­rences et cita­tions des deux docu­ments dis­cu­tés le 17 décembre sont (qua­si) exclu­si­ve­ment bel­go-belges. Nos « uni­vers — sitaires » en finances publiques sont-ils encore « universels » ?

Améliorer la façon dont les leadeurs fédéraux sont élus ?

En termes simples, c’est du « dis­trict élec­to­ral fédé­ral » qu’on a débat­tu ensuite, encore une fois sur la base d’un livre élec­tro­nique remar­quable, dis­po­nible à l’avance sur le site Re-Bel4. Celui-ci part de la pro­po­si­tion du groupe Pavia5, for­mu­lée pour la pre­mière fois en février 2007, et montre que la crise poli­tique belge qui a fait suite aux élec­tions de 2007 ren­force le besoin d’une réforme élec­to­rale de ce type.

La thèse prin­ci­pale (« lead piece ») est celle de Kris Des­chou­wer et Phi­lippe van Pari­js, les auteurs de la pro­po­si­tion « Pavia ». Le Par­le­ment fédé­ral, tou­jours com­po­sé de cent-cin­quante élus, com­pren­drait quinze repré­sen­tants élus sur les listes des par­tis régio­naux par l’ensemble du corps élec­to­ral belge. Laurent de Briey, poli­to­logue de Namur (FUNDP) pour­suit le même objec­tif, mais consi­dère que le résul­tat serait plus effi­ca­ce­ment atteint, et à moindres frais, par le « vote mul­tiple pro­por­tion­nel » (MVP).

Dans les deux sys­tèmes (Pavia et MVP) chaque élec­teur reçoit deux bul­le­tins de vote et, dans cha­cun des deux, le pre­mier bul­le­tin est émis pour un can­di­dat de sa cir­cons­crip­tion locale. Pour Pavia, le second vote est émis en faveur d’un can­di­dat par­mi ceux qui se pré­sentent aus­si dans la cir­cons­crip­tion fédé­rale unique. Dans le MVP tel qu’adapté au cas belge, le second vote est émis pour un par­ti de l’autre Région et les votes « trans­ré­gio­naux » sont ensuite répar­tis pro­por­tion­nel­le­ment dans l’autre Région. Il n’y a pas de dis­trict fédé­ral unique, mais chaque citoyen d’une région peut ain­si voter pour une ten­dance (sinon pour une per­sonne) dans l’autre Région.

Ce débat est com­plé­té par deux regards exté­rieurs d’académiques amé­ri­cains6, emplis de sym­pa­thie pour le creu­set poli­tique d’avenir que consti­tue la Bel­gique tou­jours vivante. Cha­cun d’eux par­tage l’objectif d’une repré­sen­ta­tion fédé­rale qui assure les objec­tifs pour­sui­vis par le groupe Pavia, mais sont cri­tiques par rap­port à la pos­si­bi­li­té du sys­tème Pavia d’atteindre ses objec­tifs. Enfin le pro­fes­seur Bart Mad­dens du Centre de poli­ti­co­lo­gie de la KUL, lui, ne par­tage pas les objec­tifs au niveau fédé­ral et ne consi­dère donc pas qu’il soit jus­ti­fié de modi­fier le sys­tème élec­to­ral pour amé­lio­rer son fonc­tion­ne­ment à ce niveau. Enfin, pour finir, la réponse des deux auteurs prin­ci­paux à leurs com­men­ta­teurs et cri­tiques est remar­qua­ble­ment com­plète et bien argumentée.

Per­son­nel­le­ment je n’ai, ici aus­si, que la com­pé­tence d’un citoyen inté­res­sé. De plus, je souffre d’une pro­pen­sion, de moins en moins jus­ti­fiée au fil du temps, à croire que la démons­tra­tion ration­nelle finit par entrai­ner l’adhésion de tous. Même si la pro­po­si­tion Pavia me paraît la plus solide intel­lec­tuel­le­ment, il y a encore du che­min à faire pour qu’elle soit suf­fi­sam­ment par­ta­gée et force les élus actuels à la mettre en place alors qu’elle ne les favo­ri­se­ra certes pas tous.

Après cette seconde jour­née, je reste convain­cu que Re-Bel, ses débats, son mode opé­ra­toire, son site Inter­net et ses livres élec­tro­niques sont une démarche nou­velle à très haut poten­tiel pour pro­gres­ser vers une coha­bi­ta­tion har­mo­nieuse et juste entre tous les occu­pants de ces quelque 30.000 kilo­mètres car­rés connus sous le nom de « Bel­gique ». Et si cet objec­tif vous inté­resse, blo­quez dès aujourd’hui les dates des deux pro­chaines jour­nées « Re-Bel » les 3 juin et 16 décembre pro­chains7.

31 jan­vier 2010

  1. Voir La Revue nou­velle de sep­tembre 2009 : « Repen­ser la Bel­gique : des aca­dé­miques se “ReBel” lent ! »]. Les aca­dé­miques, qui avaient com­men­cé la confron­ta­tion de leurs idées sur la Bel­gique ins­ti­tu­tion­nelle le 30 avril, se sont retrou­vés le 17 décembre pour pour­suivre le tra­vail. La démarche de Re-Bel[[L’initiative « Re-Bel : Rethin­king Belgium’s Ins­ti­tu­tions in an Euro­pean context », est le fruit de la col­la­bo­ra­tion de quelques aca­dé­miques belges, tant du Nord que du Sud, et par­ti­cu­liè­re­ment des pro­fes­seurs Phi­lippe van Pari­js (UCL) et Paul De Grauwe (KUL), sou­te­nue par la Fon­da­tion uni­ver­si­taire. Elle vise à « repen­ser en pro­fon­deur, d’une façon ouverte, rigou­reuse et non par­ti­sane, les ins­ti­tu­tions fédé­rales de l’État belge — ou de toute autre confi­gu­ra­tion poli­tique qui pour­rait s’y sub­sti­tuer —, compte tenu d’un contexte euro­péen en pleine évo­lu­tion ». Elle vise à four­nir « un envi­ron­ne­ment intel­lec­tuel fécond où puissent ger­mer et se déve­lop­per des idées nou­velles et des ini­tia­tives pro­met­teuses » d’abord pour per­mettre l’évolution de la Bel­gique, mais aus­si avec une visée sur la gou­ver­nance euro­péenne. On n’y parle que le « latin des uni­ver­si­taires d’aujourd’hui », à savoir l’anglais. Les débats sont pré­pa­rés ou font l’objet d’e‑books, remar­quables jusqu’à pré­sent, dis­po­nibles sur le site de Re-Bel.
  2. Dirk Here­mans, Theo Pee­ters, Anne­lore van Hecke — CES, KUL Leuven.
  3. CERPE.
  4. E‑Book 4 : Elec­to­ral Engi­nee­ring for a Stal­led Fede­ra­tion – A Coun­try Wide Elec­to­ral Dis­trict for Belgium’s Fede­ral Par­lia­ment.
  5. À l’initiative des pro­fes­seurs Kris Des­chou­wer (VUB) et Phi­lippe van Pari­js (UCL), le groupe Pavia réunit des per­son­na­li­tés poli­tiques et aca­dé­miques, auteurs, en février 2007, d’une pro­po­si­tion détaillée pour l’établissement d’un can­ton élec­to­ral fédé­ral cou­vrant toute la Bel­gique, voir éga­le­ment, La Revue nou­velle, « Une Bel­gique décom­plexée », avril 2007.
  6. Donald L. Horo­witz, pro­fes­seur de droit et de sciences poli­tiques à la Duke Uni­ver­si­ty, et Bren­dan O’Leary, pro­fes­seur de sciences poli­tiques à l’université de Pensylvanie.
  7. Cha­cune abor­de­ra deux thèmes : le 3 juin : (1) Fédé­ra­lisme et social wel­fare state et (2) Les sys­tèmes édu­ca­tifs au Nord et au Sud ; le 16 décembre : (1) L’extrême droite et l’État fédé­ral et (2) La diver­si­té lin­guis­tique : com­ment la trai­ter dans l’enseignement ?

Paul Grosjean


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