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Réhabilitation de l’agriculture : les écueils potentiels

Numéro 1 Janvier 2011 par Pierre Coopman

janvier 2011

La réha­bi­li­ta­tion de l’a­gri­cul­ture et du rôle des pay­sans est le der­nier grand virage en date des poli­tiques de coopé­ra­tion au déve­lop­pe­ment. Der­rière le consen­sus coexistent cepen­dant des visions dia­mé­tra­le­ment oppo­sées des voies et moyens de la reva­lo­ri­sa­tion de la petite pro­duc­tion agri­cole. Et le nou­veau para­digme autour de la rura­li­té n’est pas à l’a­bri de cer­tains écueils, les dyna­miques socio­lo­giques des cam­pagnes ayant un rythme et une com­plexi­té pas tou­jours com­pa­tibles avec le volon­ta­risme d’une cer­taine coopération.

Face aux crises ali­men­taires à répé­ti­tion, le chan­ge­ment cli­ma­tique et la perte de bio­di­ver­si­té, la néces­si­té du ren­for­ce­ment des com­mu­nau­tés pay­sannes locales, dans les pays du Sud, est de plus en plus lar­ge­ment admise. L’on assiste à un retour en force des para­digmes de la rura­li­té et de la pay­san­ne­rie, adop­tés par une palette d’acteurs diver­si­fiés de la coopé­ra­tion au déve­lop­pe­ment, de la Banque mon­diale 1 aux mou­ve­ments de résis­tance pay­sanne tels que la Via Cam­pe­si­na. Les lec­tures idéo­lo­giques de ces para­digmes sont évi­dem­ment dif­fé­rentes selon les acteurs : la Banque mon­diale n’étant, par exemple, pas contraire à l’agrobusiness et aux OGM, alors que la Via Cam­pe­si­na y est farou­che­ment opposée.

Se réfé­rer à l’agriculture et aux agri­cul­teurs comme solu­tions au mal-déve­lop­pe­ment est non seule­ment dans l’air du temps, mais éga­le­ment très judi­cieux. Ceux qui veulent le prou­ver citent volon­tiers l’International Assess­ment of Agri­cul­tu­ral Know­ledge, Sciences and Tech­no­lo­gy for Deve­lop­ment (ou rap­port IAA STD): quatre-cents scien­ti­fiques s’y sont pen­chés durant quatre ans sur les enjeux de l’agriculture et de l’alimentation. La direc­tion est clai­re­ment indi­quée : il s’agit de tendre vers une agri­cul­ture plus loca­li­sée et uti­li­sant plus effi­ca­ce­ment les res­sources locales, à faible inten­si­té d’intrants (engrais, pes­ti­cides), lut­tant contre l’érosion, inté­grant la lutte bio­lo­gique et la pol­li­ni­sa­tion, et favo­ri­sant la bio­di­ver­si­té agri­cole. Bref, un modèle mul­ti­fonc­tion­nel dans lequel l’agriculture bio­lo­gique et la pay­san­ne­rie occupent une place de choix.

La deuxième carac­té­ris­tique du tra­vail de ces experts réside dans la manière dont ils lient l’analyse des savoirs et tech­niques à une ana­lyse ins­ti­tu­tion­nelle. Selon eux, il n’est pas pos­sible de com­prendre la situa­tion actuelle sans prendre en consi­dé­ra­tion le rôle et les inter­ac­tions entre les orga­ni­sa­tions inter­na­tio­nales et régio­nales, les États, les entre­prises, les ins­ti­tu­tions de recherche et de for­ma­tion, et les orga­ni­sa­tions de la « socié­té civile ». « Les pro­grès tech­no­lo­giques ne sont envi­sa­geables que dans un contexte ins­ti­tu­tion­nel et orga­ni­sa­tion­nel », affirment les auteurs du rap­port. Les quatre-cents experts recom­mandent en consé­quence de favo­ri­ser le ren­for­ce­ment des orga­ni­sa­tions pay­sannes, de leur don­ner les moyens de par­ti­ci­per acti­ve­ment et effec­ti­ve­ment aux déci­sions qui les concernent, voire même de créer de nou­velles ins­ti­tu­tions capables de régu­ler l’agriculture mon­diale dans le sens d’une qua­druple lutte : contre la faim, contre les inéga­li­tés, contre les pol­lu­tions et contre le réchauf­fe­ment climatique.

Les entre­prises Mon­san­to et Syn­gen­ta se sont reti­rées du pro­gramme IAA STD. À la lec­ture du pro­jet de rap­port final de ce pro­gramme, les deux entre­prises, repré­sen­tées par Cro­pLife, se sont décla­rées « pré­oc­cu­pées par l’orientation qui était don­née au pro­jet et par le fait que leur contri­bu­tion n’était pas conve­na­ble­ment prise en compte ».

« Nouveau consensus »

Oli­vier de Schut­ter plaide sans relâche, dans le cadre de son man­dat de rap­por­teur spé­cial des Nations unies pour le droit à l’alimentation, en faveur des nou­veaux para­digmes de la rura­li­té et de la pay­san­ne­rie. Il explique qu’il est indis­pen­sable de réin­ves­tir dans l’agriculture : « Il y a un nou­veau consen­sus. L’attention por­tée à l’agriculture dans les poli­tiques de coopé­ra­tion au déve­lop­pe­ment avait dimi­nué au fil des années. Je crois que tout le monde s’entend aujourd’hui pour affir­mer qu’il faut inver­ser cette ten­dance. La ques­tion est de savoir com­ment les inves­tis­se­ments dans l’agriculture vont être orien­tés : vers les besoins de qui ? C’est une ques­tion très déli­cate parce qu’il y a un risque que cer­tains types d’investissements visent à favo­ri­ser ceux qui sont déjà les mieux équi­pés pour pro­duire davan­tage. Le risque existe aus­si que les petits pay­sans, défi­nis de manière un peu arbi­traire comme ceux qui cultivent moins de deux hec­tares pour leur sub­sis­tance, ne béné­fi­cient pas suf­fi­sam­ment de ces inves­tis­se­ments : ceux-ci ris­que­raient au contraire d’accentuer leur dépen­dance à cer­tains intrants cou­teux (pes­ti­cides, engrais, semences) et les condui­raient à l’endettement. Ce type d’investissements, fina­le­ment, récom­pen­se­rait une agri­cul­ture qui n’est sou­te­nable à moyen terme qu’avec une concen­tra­tion plus forte de pro­prié­tés ter­riennes. Sans par­ler des impacts envi­ron­ne­men­taux 2.

Étant don­né ce « nou­veau consen­sus », il paraît donc légi­time, dans les pays pauvres, que les États et les acteurs de la socié­té civile, dési­rant se posi­tion­ner favo­ra­ble­ment face aux bailleurs de fonds, réajustent leurs pro­grammes de déve­lop­pe­ment en s’alignant sur des para­digmes qui, sché­ma­ti­que­ment, lient la néces­saire lutte contre le chan­ge­ment cli­ma­tique au ren­for­ce­ment tout aus­si indis­pen­sable des paysans.

Pour contrer les effets pol­luants de la pro­duc­tion agri­cole indus­trielle, des voix conver­gentes s’expriment en faveur de la recherche d’une agri­cul­ture plus durable. Mais, là aus­si, les concepts varient consi­dé­ra­ble­ment entre les tenants de la pay­san­ne­rie et les pro­mo­teurs d’une agri­cul­ture éco­lo­gi­que­ment inten­sive, tels l’ingénieur et éco­no­miste fran­çais Michel Grif­fon ou encore Syl­vie Bru­nel, l’ancienne direc­trice de l’ON G fran­çaise Action contre la faim.

Même la Fon­da­tion Bill et Melin­da Gates met aujourd’hui l’accent sur le rôle poten­tiel de la petite pay­san­ne­rie. Les savoirs tra­di­tion­nels ne sont pas niés, « au contraire », mais ils doivent « être com­plé­tés » par « des tech­niques modernes qui per­met­tront d’améliorer les ren­de­ments ». C’est ain­si que si le site offi­ciel de l’Agra (l’Alliance pour la révo­lu­tion verte en Afrique, lan­cée par les Fon­da­tions Bill et Melin­da Gates et Rocke­fel­ler) fait régu­liè­re­ment réfé­rence à « de nou­velles varié­tés amé­lio­rées, plus résis­tantes », il se défend de vou­loir intro­duire les OGM en Afrique, « pour l’instant ». Au der­nier forum de Davos, Bill Gates décla­rait néan­moins que « dans trois ou quatre ans, l’approche trans­gé­nique devrait s’avérer la plus béné­fique ». Par delà les décla­ra­tions conve­nues sur la pay­san­ne­rie, l’on peut donc s’interroger sur les liens entre les œuvres déve­lop­pe­men­ta­listes de Bill Gates et les inté­rêts des géants de la bio­tech­no­lo­gie, Mon­san­to par­mi d’autres…

Écueils du « retour à l’agriculture »

Les para­digmes de la rura­li­té et de la pay­san­ne­rie sont à bien des égards per­ti­nents pour lut­ter contre la pau­vre­té, la faim et le chan­ge­ment cli­ma­tique. Mais cer­tains pro­grammes prô­nant le « retour vers l’agriculture » n’évitent pas les écueils. Par exemple : la cam­pagne lan­cée au Séné­gal par le pré­sident Wade, dans le cadre de son pro­gramme Reva, de « Retour vers l’agriculture ». Mal­gré le tapage média­tique et beau­coup d’efforts de com­mu­ni­ca­tion, le plan Reva n’a pas accro­ché les jeunes cita­dins. L’agrosociologue séné­ga­lais Jacques Faye s’interroge : « Le plan Reva est l’acronyme de “retour des émi­grés vers l’agriculture”. Cela signi­fie que pour pou­voir en béné­fi­cier, il fal­lait avoir ten­té l’aventure de l’émigration et se faire refou­ler, ou échouer. Cela faus­sait la donne. De plus, com­bien de jeunes cita­dins, qui n’ont jamais vu un ins­tru­ment ara­toire de leur vie, vont-ils être vrai­ment inté­res­sés par l’agriculture 3

En sub­stance, le déve­lop­pe­ment reste, selon Her­vé Dome­nach, à cer­taines condi­tions, la meilleure façon de répondre aux défis liés à la crois­sance démo­gra­phique : « Cela dépend de quel type de déve­lop­pe­ment l’on parle… Le déve­lop­pe­ment indus­triel et agro-indus­triel en cours n’est pas la voie à suivre. Par contre, si l’on parle du déve­lop­pe­ment de l’éducation et de la bonne gou­ver­nance, qui portent à la fois sur les capa­ci­tés d’analyse cri­tique et sur la satis­fac­tion des besoins vitaux, c’est une voie inté­res­sante. La solu­tion n’est pas dans la décrois­sance non plus, mais dans une meilleure crois­sance éco­no­mique, pla­ni­fiée, au ser­vice d’une gou­ver­nance envi­ron­ne­men­tale mon­diale. C’est le pro­duc­ti­visme sau­vage qui est la source de nos déséquilibres. »

Effets inattendus du développement rural

Les poli­tiques agri­coles des pays pauvres doivent donc se démar­quer du pro­duc­ti­visme prô­né par l’Organisation mon­diale du com­merce (OMC). En théo­rie, l’appui aux pay­san­ne­ries doit être envi­sa­gé de façon holis­tique dans un lien inté­gré entre grandes villes, villes inter­mé­diaires et cam­pagnes, et dans le cadre de poli­tiques agri­coles sous-régio­nales. En pra­tique, ce « déve­lop­pe­ment inté­gré » s’avère très complexe.

Une recherche sur les phé­no­mènes migra­toires au Bur­ki­na Faso, menée par Cris Beau­che­min, de l’Institut natio­nal des études démo­gra­phiques (Ined) à Paris et par Bru­no Schou­ma­ker, pro­fes­seur à l’université catho­lique de Lou­vain (UCL), révèle que, contrai­re­ment aux espoirs des auto­ri­tés bur­ki­na­bè, l’existence d’infrastructures comme des routes pra­ti­cables, agit comme un fac­teur accen­tuant le risque d’exode rural. Les auto­ri­tés croient que le désen­cla­ve­ment des zones rurales est une prio­ri­té afin de déve­lop­per des filières agri­coles locales inté­grées et ren­tables. Mais les routes mul­ti­plient aus­si par deux à trois fois la pro­ba­bi­li­té d’exode vers la capi­tale ou vers Bobo-Diou­las­so, estiment les deux cher­cheurs. Loin de fixer les popu­la­tions en zones rurales, les oppor­tu­ni­tés de reve­nus, le déve­lop­pe­ment de ser­vices (ensei­gne­ment, soins de san­té), et le désen­cla­ve­ment des ter­ri­toires ruraux ont ten­dance à favo­ri­ser le départ de popu­la­tions vers les villes. Seule la pré­sence de ser­vices com­mer­ciaux et de lieux de loi­sirs semble décou­ra­ger l’exode des ruraux. Dans un vil­lage dis­po­sant à la fois d’un vidéo-club, d’un mar­ché et d’un débit de bois­sons, la popu­la­tion est cinq fois moins ten­tée de par­tir que dans un vil­lage ne dis­po­sant pas de telles faci­li­tés, pointe l’étude de Beau­che­min et de Schou­ma­ker4.

Quant au déve­lop­pe­ment éco­no­mique à pro­pre­ment par­ler, ses effets sont plus nuan­cés. La pré­sence dans les villes secon­daires de grandes entre­prises non direc­te­ment liées à l’agriculture réduit de 50% la ten­ta­tion de se rendre dans l’une des deux grandes villes du pays. Les infra­struc­tures com­mer­ciales semblent jouer le même rôle dans les vil­lages : la pré­sence d’un mar­ché rend deux fois moins éle­vé le risque d’exode rural. Ces oppor­tu­ni­tés éco­no­miques fonc­tionnent dans les deux sens : l’installation d’une grande entre­prise encou­rage des mou­ve­ments de retour vers la ville secon­daire ou vers la cam­pagne — ce second mou­ve­ment est tou­te­fois moins fré­quent, vu que ce type d’investissement non agri­cole est rare­ment effec­tué en zone rurale… Mais les oppor­tu­ni­tés éco­no­miques dans les domaines réel­le­ment agri­coles (par la créa­tion d’unités de trans­for­ma­tion agri­cole, par exemple) ont un effet tout aus­si variable sur les flux migra­toires. Elles les réduisent aux abords et dans les villes secon­daires et les aug­mentent en zones rurales.

Ces­ser d’équiper les villages ?

Le risque est grand de consi­dé­rer dès lors qu’il faut ces­ser d’équiper les vil­lages, si l’objectif prio­ri­taire est de réduire l’exode rural et l’attraction des villes. Les cher­cheurs de l’UCL et de l’Ined cri­tiquent cet objec­tif : « Les centres de san­té et les routes sont béné­fiques pour les popu­la­tions rurales ; et le déve­lop­pe­ment rural ne peut pas être sim­ple­ment ins­tru­men­ta­li­sé pour rete­nir les popu­la­tions en zones rurales. » Ils invitent les res­pon­sables poli­tiques à consi­dé­rer le déve­lop­pe­ment comme un ensemble plus large avec plus d’éléments inter­dé­pen­dants. Et insistent sur le carac­tère « fixant » des inves­tis­se­ments publics dans des acti­vi­tés indus­trielles. A l’inverse, ils attirent l’attention sur les rai­sons pro­bables du récent ralen­tis­se­ment de l’accroissement des villes bur­ki­na­bè. Selon eux, l’augmentation du chô­mage et le peu d’attractivité de la qua­li­té de vie en ville com­men­ce­raient à décou­ra­ger les can­di­dats à l’exode rural, bien plus que le déve­lop­pe­ment de leur ter­ri­toire d’origine.

Plus fon­da­men­ta­le­ment, ce sont sans doute des pro­ces­sus poli­tiques endo­gènes de longue durée (faits d’avancées, mais aus­si de reflux), plus que des recettes concep­tuelles, qui per­met­tront aux pays pauvres de mieux appuyer leurs sec­teurs ruraux, pay­sans, mais éga­le­ment urbains. Plu­sieurs acteurs de la coopé­ra­tion au déve­lop­pe­ment consi­dèrent que les ren­for­ce­ments des syn­di­ca­lismes ruraux et pay­sans per­met­tront à ces pro­ces­sus d’exister. Le rai­son­ne­ment est sans doute exact, mais à condi­tion d’admettre que les ins­ti­tu­tions pay­sannes du Sud sont aujourd’hui très variées : bien struc­tu­rées dans cer­tains pays, elles paraissent encore embryon­naires quand elles tentent de se fédé­rer entre plu­sieurs pays d’une même région (par exemple, en Afrique de l’Ouest).

Dans d’autres contextes, les orga­ni­sa­tions pay­sannes ont per­du leur auto­no­mie face aux pou­voirs cen­traux ou doivent faire face à l’irruption de struc­tures syn­di­cales mon­tées de toutes pièces par les États (c’est ce qui se passe actuel­le­ment au Séné­gal avec la créa­tion d’un syn­di­cat pay­san « offi­ciel »). Les évo­lu­tions endo­gènes, on le voit, ne garan­tissent pas la réa­li­sa­tion à court ou à moyen terme des espoirs que la coopé­ra­tion au déve­lop­pe­ment fonde par­fois dans les idéaux ruraux et pay­sans. Le Fran­çais Jean-David Nau­det, expert des ques­tions d’aide publique au déve­lop­pe­ment, dirait sans doute à ce pro­pos qu’il faut trou­ver un équi­libre entre une coopé­ra­tion trop externe, trop tech­no­cra­tique et une coopé­ra­tion trop por­tée sur la mul­ti­pli­ca­tion des ini­tia­tives dif­fé­rentes et locales 5.

Les idéaux ruraux et pay­sans, au lieu de se lais­ser figer en modèles de déve­lop­pe­ment, ne devraient-ils pas plu­tôt être appe­lés à jouer le véri­table rôle géné­ra­le­ment voué aux uto­pies, celui de cata­ly­seur per­ma­nent des éner­gies, en vue de la recherche tou­jours inache­vée de soli­da­ri­tés nouvelles ?

  1. Banque mon­diale : Rap­port sur le déve­lop­pe­ment dans le monde 2008 : l’agriculture au ser­vice du développement.
  2. Défis Sud— n° 86, décembre 2008 : inter­view d’Olivier De Schut­ter, « La faim n’est pas une fata­li­té, l’alimentation est un droit »»
  3. Défis Sud, inter­ven­tion de Jacques Faye dans l’article : « Crois­sance et agri­cul­ture au Séné­gal. Mau­vaises réponses à l’augmentation démo­gra­phique. », n° 92, décembre 2009.?»]

    Le plan Reva, qui, offi­ciel­le­ment, n’a pas enrô­lé plus de cent-cin­quante jeunes agri­cul­teurs, a été écar­té au pro­fit de la Grande offen­sive agri­cole pour la nour­ri­ture et l’abondance (Goa­na). Mais ce nou­veau pro­gramme, qui a faci­li­té l’occupation (sou­vent nom­mée « acca­pa­re­ment ») de terres agri­coles par de riches inves­tis­seurs, natio­naux comme étran­gers, ne semble pas avoir réso­lu de manière défi­ni­tive la ques­tion de la sécu­ri­té ali­men­taire et du déve­lop­pe­ment durable au Sénégal.

    Des recherches tendent à mon­trer que l’attirance vers la ville est un fac­teur socio­lo­gique sur­dé­ter­mi­nant dans les pays du Sud. « La ten­dance à l’urbanisation crois­sante dans le monde reste la norme. Il s’agit de se deman­der si cela consti­tue une menace ou une oppor­tu­ni­té, à long terme ? », ana­lyse Her­vé Dome­nach, démo­graphe et direc­teur de recherches au labo­ra­toire popu­la­tion-envi­ron­ne­ment-déve­lop­pe­ment de l’IRD (Ins­ti­tut de recherche pour le déve­lop­pe­ment): « On tend vers une urba­ni­sa­tion mon­diale. En 2050, 70% de la popu­la­tion mon­diale vivront dans des villes selon les pro­jec­tions actuelles ! C’est clair : les feux de la rampe attirent plus que les clairs de lune en rase cam­pagne ! Il faut dépas­ser ces sché­mas d’exode rural et rien n’empêche d’envisager la crois­sance des villes selon d’autres modes et de trans­for­mer les rôles de cha­cun. De fait, la concen­tra­tion urbaine n’entraine pas auto­ma­ti­que­ment la pol­lu­tion, la dégra­da­tion des res­sources et la sur­pro­duc­tion de déchets, qui sont dus prin­ci­pa­le­ment à des modes de pro­duc­tion et de consom­ma­tion non durables et aux carences d’une bonne ges­tion urbaine. Para­doxa­le­ment, concen­trant la moi­tié de la popu­la­tion du globe sur moins de 3% de la sur­face émer­gée, les villes sont aus­si sus­cep­tibles d’offrir de bonnes pers­pec­tives de dura­bi­li­té à long terme[[Défis Sud, entre­tien avec Her­vé Dome­nach, n° 92, décembre 2009..»

  4. Cris Beau­che­min et Bru­no Schou­ma­ker, « Migra­tion toci­ties in Bur­ki­na Faso : Does the Level of Deve­lop­ment in Sen­ding. Areas Mat­ter ? », World Deve­lop­ment, Vol. 33, n° 7, p. 1129 – 1152, 2005, Elsevier. 
  5. Défis Sud, entre­tien avec Jean-David Nau­det, éva­lua­teur à l’Agence fran­çaise de déve­lop­pe­ment, n° 87, mars 2009.

Pierre Coopman


Auteur

Pierre Coopman a étudié le journalisme à l'ULB et la langue arabe à la KUL, au Liban et au Maroc. Pour La Revue nouvelle, depuis 2003, il a écrit des articles concernant le monde arabe, la Syrie et le Liban . Depuis 1997, il est le rédacteur en chef de la revue Défis Sud publiée par l'ONG belge SOS Faim. À ce titre, il a également publié des articles dans La Revue nouvelle sur la coopération au développement et l'agriculture en Afrique et en Amérique latine.