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Regarder les enfants mourir
Par les miracles des médias audiovisuels, nous voyons des enfants mourir par milliers, par millions, depuis des décennies. Les enfants affamés aux ventres gonflés, ceux du Rwanda sous les machettes, ceux du Sud-Kivu, du Kurdistan irakien, de Syrie, ceux de l’exil rejetés sur nos plages, nous les avons vus piétinés, abandonnés, déchiquetés, enrôlés ou noyés. […]
Par les miracles des médias audiovisuels, nous voyons des enfants mourir par milliers, par millions, depuis des décennies. Les enfants affamés aux ventres gonflés, ceux du Rwanda sous les machettes, ceux du Sud-Kivu, du Kurdistan irakien, de Syrie, ceux de l’exil rejetés sur nos plages, nous les avons vus piétinés, abandonnés, déchiquetés, enrôlés ou noyés. Est-ce donc ce qui fait que nous sommes devenus apathiques ?
Aujourd’hui, alors que l’État d’Israël tue chaque jour, sans discrimination, femmes, enfants, vieillards, civils innocents, journalistes, travailleurs humanitaires, nous protestons mollement. Un embargo ? Une exclusion des réseaux internationaux, de l’Eurovision, des Jeux olympiques, même ? Que nenni !
Sur place, la situation est compliquée ? Bien entendu. L’attaque du 7 octobre fut atroce et la détention d’otages est criminelle ? Et comment ! Il y a des terroristes dans la bande de Gaza ? Évidemment !
Mais que ne comprenons-nous plus aux droits que nos sociétés ont imaginés pour ne plus se déchirer, pour penser que cela pourrait atténuer en quoi que ce soit les crimes de guerre et contre l’humanité qui sont commis là-bas ? Les droits fondamentaux et le droit humanitaire sont ce que leur nom indique : des fondements de notre rapport au monde, des tributs payés à notre humanité commune. Comment imaginer qu’ils puissent être conditionnés, que l’on puisse s’en dégager parce que ce serait l’autre qui aurait commencé ? Qu’on en finisse avec ces arguties !
Oui, un État peut dériver. N’importe quel État, d’ailleurs. Ce dont nous avons été capables dans le passé, ce qui se dessine ici, dans les discours de nos fascistes bien de chez nous, nous en donne une bonne idée. Et, précisément, lorsqu’un État dérive, et sa société avec lui, le droit international et les libertés fondamentales sont de maigres, certes, mais indispensables garde-fous. Et la communauté internationale porte la lourde responsabilité de rappeler à l’ordre et, notamment, de contraindre au respect des populations civiles.
Mais voilà, notre gouvernement fédéral est en affaires courantes, l’Europe a d’autres chats à fouetter, les uns et les autres se demandent comment instrumentaliser la situation… les États-Unis sont en pleine campagne électorale… et les enfants de Gaza meurent, sont mutilés, affamés, marqués à jamais par la terreur et le deuil.
L’heure n’est pas à déterminer si un génocide est en cours ou s’il ne s’agit « que » de crimes de guerre. Elle n’est pas davantage à décider si la solution à deux États s’impose, ou, au contraire, n’a pas de sens. Elle n’est pas non plus à démêler ce qui tint de la provocation, quand les bornes furent dépassées ni qui décida quelles exactions. Sous nos yeux, un peuple est rayé de la carte, massacré, littéralement. Ces crimes sont le fait d’une société qui s’abime dans cette violence, car personne, pas même le bourreau, ne peut sortir indemne d’une telle horreur. C’est l’humanité de tous, dans la région et bien au-delà, qui est défigurée. C’est aussi la nôtre qui est en jeu, nous qui proclamons partout que nous sommes humanistes, épris de Justice et de paix. La souillure n’épargne personne.
Comment les populations de Gaza se relèveront-elles de l’épreuve ? Et les populations israéliennes ? Et nous ?
Puisqu’aucune norme, aucun appel à la raison, aucune horreur des bourreaux face à ce qu’ils ont accompli ne semble pouvoir stopper les assassins, puisqu’il y va de la vie des Gazaouis, mais aussi de la dignité de tous, avons-nous d’autre choix que de contraindre ? Il nous faut étouffer l’État criminel, l’isoler, boycotter son économie et sa société, pousser à la chute le pouvoir en place.
Faudra-t-il que nous n’ayons plus le courage d’endurer le spectacle de la mort des enfants de Gaza pour que nous ayons celui d’enfin agir et de nous montrer dignes de nos prétentions humanistes ? Quand donc serons-nous dégoutés du sang dans lequel nos sociétés baignent ?