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Réaction en chaine à Tihange
Mardi 20 novembre dernier, le centre de crise du ministère de l’Intérieur vient de lancer un exercice grandeur nature de simulation d’accident nucléaire à Tihange. Comme on a refusé à Greenpeace d’être « embedded » avec la presse parmi les différents acteurs de l’exercice, nous avons dû nous contenter d’envoyer quatre observateurs, tout à fait passifs et vaguement vêtus d’une veste […]
Mardi 20 novembre dernier, le centre de crise du ministère de l’Intérieur vient de lancer un exercice grandeur nature de simulation d’accident nucléaire à Tihange. Comme on a refusé à Greenpeace d’être « embedded » avec la presse parmi les différents acteurs de l’exercice, nous avons dû nous contenter d’envoyer quatre observateurs, tout à fait passifs et vaguement vêtus d’une veste Greenpeace. Pour nous, durs de durs, habitués à de vraies actions — toujours non violentes, mais parfois confrontatives — où on passe par-dessus les barrières, on monte sur les cheminées de Tihange ou de Doel ou on bloque un convoi de déchets nucléaires, autant dire que la journée s’annonce paisible et sans histoires.
Quelle surprise, du coup, quand vers 11 heures, notre service de presse interrompt une réunion de routine : « Belga vient d’annoncer que l’exercice était suspendu, car des activistes de Greenpeace ont pénétré à l’intérieur de la centrale ! » Sidérés par cette nouvelle, nous saisissons nos GSM pour appeler notre équipe sur place qui, comme nous, tombe des nues, tartines de midi à la main, non loin de l’hôtel de ville cher à Anne-Marie Lizin.
Pendant que notre service médias se bat avec toute la presse belge — allez francophone — qui ne cesse d’appeler, on décide de contacter le directeur du centre de crise : après de longues minutes d’attente, on me le passe et je me rends compte que je suis sur hautparleur : Moment vertigineux : j’imagine tout le QG de l’opération retenant son souffle pour entendre nos conditions et autres exigences ! Rien de cela, je précise juste que nos quatre collaborateurs mangent sagement leurs tartines à Huy et que non, vraiment, nous n’avons envoyé personne à l’intérieur de la centrale. Un peu sceptique dans un premier temps, mon interlocuteur finit par me croire.
Entretemps, la RTBF veut un démenti filmé, la radio a déjà appelé trois fois, Electrabel se déchaine contre nous sur Twitter, haha, nous ne nous laissons pas faire et nous installons aussitôt une « war room » pour riposter, la presse continue d’appeler… jusqu’à ce que, vers 14 heures 30, l’exercice reprenne officiellement.
Pas de Greenpeace à l’intérieur, donc, mais pas d’explication claire non plus… On évoque le fait que les autorités se seraient laissé abuser par des jeunes qu’eux-mêmes auraient sollicités pour participer à l’exercice. Le trouble est d’ailleurs à son comble puisque, parmi les journalistes qui ont assailli d’appels notre service de presse, se trouvent des étudiants de l’IHECS chargés de jouer le rôle de la presse et d’informer la population minute par minute d’un studio mis en place pour eux : les gars se prennent tellement au jeu qu’ils veulent aussi nous interviewer. La mise en abyme semble sans limite…
Jusqu’au moment où, en fin de journée, on me passe un appel du directeur du centre de crise. Aussitôt, je mets le hautparleur (!) pour l’entendre me dire qu’il a envoyé lui-même un démenti à Belga et qu’en conférence vidéo avec les gouverneurs de Liège, Namur et Luxembourg, il a pris la peine de préciser que Greenpeace n’était pour rien dans cette affaire. Le remerciant sincèrement de sa correction, je lui glisse discrètement : « Mais sait-on ce qui s’est passé finalement ? » Après un petit « hum » gêné de l’autre côté de la ligne, on me raconte que le directeur de la centrale, un peu nerveux apparemment, a aperçu des « personnes qui revêtaient des costumes de pompiers » et a cru qu’il s’agissait d’activistes de Greenpeace ! La police locale n’a pas infirmé, Belga s’est jeté sur le scoop et on a même été jusqu’à envoyer un hélico pour vérifier que plus aucun intrus n’était présent à l’intérieur de la centrale.
Chacun pourra conclure comme il veut sur les ratés risibles d’un exercice pour rire et ce qu’ils pourraient donner lors d’un vrai accident ou sur l’emballement tout aussi risible de la presse, amplifiée par cette twittosphère qui, comme un poulet sans tête, s’est emballée pour presque rien : le réel était, en tout cas, plus fort que la fiction ce jour-là.