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Que se passe-t-il donc au Québec ?

Numéro 9 Septembre 2011 par Marcel Pepin

septembre 2011

Le mou­ve­ment sou­ve­rai­niste du Qué­bec vient de subir une grave défaite lors des der­nières élec­tions fédé­rales cana­diennes, aux mains d’un par­ti social-démo­crate. Ce vote du Qué­bec demeure « dis­tinct » du reste du Cana­da qui a per­mis l’é­lec­tion majo­ri­taire du Par­ti conser­va­teur, soli­de­ment cam­pé à droite. Assis­tons-nous à une véri­table recon­fi­gu­ra­tion des cou­rants poli­tiques au Qué­bec ? Le mou­ve­ment sou­ve­rai­niste sera-t-il dura­ble­ment affaibli ?

Le 2 mai der­nier, des élec­tions fédé­rales avaient lieu au Cana­da. Depuis vingt ans, le Qué­bec vote for­te­ment pour un par­ti natio­na­liste, le Bloc qué­bé­cois, qui a obte­nu, à chaque élec­tion au cours de cette période, une majo­ri­té des sièges du Qué­bec à la Chambre des com­munes du Cana­da. Le 2 mai der­nier, le vote natio­na­liste est tom­bé au plus bas des qua­rante der­nières années et le Bloc qué­bé­cois est pas­sé de 47 sièges (sur 75) à… 4.

Paral­lè­le­ment, le Qué­bec n’a jamais accor­dé d’appui signi­fi­ca­tif au Nou­veau Par­ti démo­cra­tique (npd), par­ti social démo­crate per­çu comme défen­seur d’un État cen­tral fort au détri­ment du pou­voir accor­dé aux dix pro­vinces. Avant les der­nières élec­tions, le npd déte­nait un siège au Qué­bec. Le 2 mai der­nier, le npd a obte­nu… 59 sièges sur les 75 de la province.

Que signi­fient ces résul­tats ? Le cou­rant natio­na­liste qué­bé­cois, vigou­reux depuis la révo­lu­tion tran­quille, est-il main­te­nant en perte de vitesse ? Ce dépla­ce­ment du vote qué­bé­cois vers la gauche est-il conjonc­tu­rel ou est-il là pour durer ?

Il est tôt pour répondre de façon défi­ni­tive à ces ques­tions, mais on peut tout de même ten­ter de com­prendre ce qui vient de se pas­ser et émettre cer­taines hypo­thèses sur ce que cela augure.

Évè­ne­ment mal­heu­reu­se­ment cer­tain, après les élec­tions du 2 mai, l’élection d’un gou­ver­ne­ment conser­va­teur majo­ri­taire. C’est la plus mau­vaise sur­prise de cette journée.

Petit retour en arrière

La mon­tée en force du mou­ve­ment natio­na­liste qué­bé­cois remonte aux années soixante. Le moment le plus mar­quant de cette époque a été la créa­tion du Par­ti qué­bé­cois (PQ) en 1968, ce par­ti ral­liant alors des élé­ments pro­gres­sistes et des élé­ments de droite par­ta­geant une vision, celle de la sou­ve­rai­ne­té du Qué­bec assor­tie d’une asso­cia­tion avec le reste du Canada.

Le PQ pré­sente des can­di­dats sur la scène pro­vin­ciale du Qué­bec seule­ment, la scène fédé­rale est alors tota­le­ment domi­née par le Par­ti libé­ral du Cana­da, de Pierre Tru­deau. Dès 1970, le PQ obtient près de 24% des voix, mais ne fait élire que 7 dépu­tés sur 108, sys­tème élec­to­ral oblige. Aux élec­tions sui­vantes, en 1973, le PQ passe à 30% des voix, mais à 6 dépu­tés. Enfin, en 1976, le PQ gagne les élec­tions en obte­nant un man­dat majo­ri­taire avec plus de 41% des voix et 71 dépu­tés élus à l’Assemblée natio­nale du Québec.

Le pre­mier réfé­ren­dum sur la sou­ve­rai­ne­té du Qué­bec est tenu en mai 1980, l’appui à la pro­po­si­tion de sou­ve­rai­ne­té-asso­cia­tion atteint 40,44% des voix exprimées.

Mal­gré cette défaite, le PQ est tout de même réélu en 1981 avec plus de 49% des voix. Au cours de la période 1981 – 1995, le PQ, par­fois défait, par­fois vic­to­rieux, obtient de 39% à près de 45% des voix.

À cette époque, deux évè­ne­ments clés sur­viennent au Cana­da dans les enjeux consti­tu­tion­nels. D’abord le rapa­trie­ment de la Consti­tu­tion cana­dienne en 1982 : le gou­ver­ne­ment de Pierre Tru­deau pro­cède au rapa­trie­ment et à des amen­de­ments consti­tu­tion­nels majeurs avec l’accord de neuf pro­vinces, sans l’accord du Québec.
À ce jour, en 2011, le Qué­bec n’a tou­jours pas enté­ri­né cette nou­velle Constitution.

Jusqu’à cette date, la Consti­tu­tion du Cana­da était une loi adop­tée par le Par­le­ment bri­tan­nique, l’Acte de l’Amérique du Nord bri­tan­nique de 1867. Le Cana­da avait, à tra­vers divers amen­de­ments à cette loi, gagné en auto­no­mie, mais il fal­lut attendre la loi de 1982 pour cou­per les der­niers liens juri­diques entre le Royaume-Uni et le Cana­da. Enfin, si on peut dire : la reine d’Angleterre est tou­jours la reine du Canada !

Cette nou­velle Consti­tu­tion cana­dienne inclut la Charte des droits et liber­tés qui a don­né une base nou­velle de contes­ta­tion des légis­la­tions lin­guis­tiques qué­bé­coises. Les dis­po­si­tions qué­bé­coises ont, par la suite, été affai­blies à plu­sieurs reprises. La Charte a contri­bué clai­re­ment à aug­men­ter la ten­sion entre les droits indi­vi­duels et col­lec­tifs, en faveur des pre­miers. La Charte pré­voit aus­si que toute inter­pré­ta­tion de ce docu­ment doit s’accorder avec l’objectif de pro­mou­voir le main­tien et la valo­ri­sa­tion du patri­moine mul­ti­cul­tu­rel des Canadiens.

En 1987, il y eut tout de même une ronde de négo­cia­tions consti­tu­tion­nelles où un accord a été trou­vé entre le gou­ver­ne­ment fédé­ral et toutes les pro­vinces, y com­pris le Qué­bec. Cet accord aurait per­mis de modi­fier la Consti­tu­tion, y recon­nais­sant le Qué­bec comme une « socié­té dis­tincte » au Cana­da et en accrois­sant les pou­voirs du Qué­bec en matière d’immigration. Cha­cune des légis­la­tures dis­po­sait de trois ans pour enté­ri­ner cet accord dit « accord du lac Meech ».

Nombre de forces se déchai­nèrent contre cet accord et, à la fin, en 1990, deux pro­vinces reti­rèrent leur adhé­sion à cet accord qui tom­ba à l’eau. Une deuxième ten­ta­tive d’amendement consti­tu­tion­nel en 1992 échoua aus­si. Le rejet de l’accord du lac Meech qui per­met­tait le retour du Qué­bec, la tête haute, dans le giron de la Consti­tu­tion cana­dienne, a consti­tué le ferment du deuxième réfé­ren­dum sur la sou­ve­rai­ne­té du Québec.

Ce réfé­ren­dum tenu en 1995, par le gou­ver­ne­ment du PQ, a vu plus de 93% des Qué­bé­cois se pré­sen­ter au vote et 49,48% des votants se sont pro­non­cés pour la sou­ve­rai­ne­té du Qué­bec. La ques­tion posée était : « Accep­tez-vous que le Qué­bec devienne sou­ve­rain, après avoir offert for­mel­le­ment au Cana­da un nou­veau par­te­na­riat éco­no­mique et politique ? »

Dans les suites du rejet de l’accord du lac Meech, dès 1991, des dépu­tés du Qué­bec à la Chambre des com­munes du Cana­da quit­tèrent leurs par­tis res­pec­tifs pour for­mer un nou­veau par­ti natio­na­liste appe­lé Bloc qué­bé­cois. L’objectif du Bloc qué­bé­cois est de faire la pro­mo­tion de la sou­ve­rai­ne­té du Qué­bec sur la scène fédé­rale. Pour plu­sieurs, dès le départ, le Bloc devait être une créa­ture à durée de vie limi­tée, puisqu’ils se pla­çaient dans la pers­pec­tive d’un nou­veau réfé­ren­dum sur la souveraineté.

Le Bloc qué­bé­cois existe tou­jours en 2011, il a obte­nu la majo­ri­té des sièges du Qué­bec à la Chambre des com­munes à Otta­wa à cha­cune des élec­tions jusqu’à celle, peut-être fati­dique, de 2011. Dans les six élec­tions, de 1993 à 2008, où le Bloc qué­bé­cois a rem­por­té la majo­ri­té des sièges, il a obte­nu entre 38 et 49% des voix. De son côté, sur la scène pro­vin­ciale, le PQ a obte­nu, entre 1994 et 2008, entre 28 et 45% des voix dans le cadre de cinq élec­tions. Son résul­tat le plus récent, en 2008, étant de 35%.

À ces résul­tats, il faut ajou­ter ceux d’un par­ti créé en 2006 et pré­sent aux deux élec­tions de 2007 et 2008. Qué­bec soli­daire, un par­ti de gauche, sou­ve­rai­niste, a obte­nu près de 4% des voix à ces deux élections.

C’est à par­tir de ces don­nées que les natio­na­listes qué­bé­cois, et la plu­part des obser­va­teurs, consi­dèrent que la sou­ve­rai­ne­té au Qué­bec reçoit un appui de plus ou moins 40% des élec­teurs, cette pro­por­tion évo­luant selon la conjonc­ture politique.

La dégrin­go­lade de l’appui au Bloc qué­bé­cois, avec 23% des voix, à l’élection fédé­rale de 2011 consti­tue donc une vraie sur­prise, l’appui le plus faible que l’électorat qué­bé­cois ait offert au mou­ve­ment sou­ve­rai­niste en plus de qua­rante ans. Beau­coup se demandent main­te­nant si le Bloc qué­bé­cois peut sur­vivre avec quatre dépu­tés sur une dépu­ta­tion totale de sep­tante-cinq pro­ve­nant du Québec.

Assis­tons-nous à un chan­ge­ment de para­digme ? Peut-il y avoir un retour­ne­ment de situa­tion et une remon­tée de cet appui ?

Nous croyons que plu­sieurs élé­ments qui influencent ces résul­tats sont struc­tu­rels et ten­dront à affai­blir dura­ble­ment l’appui à la cause sou­ve­rai­niste, d’autres pro­blé­ma­tiques peuvent évo­luer de façon plus posi­tive, cer­taines demeu­rant très sen­sibles dans la popu­la­tion fran­co­phone du Québec.

L’oppression nationale

Le mou­ve­ment sou­ve­rai­niste s’est construit dans un contexte d’oppression natio­nale, vécu comme tel par une part impor­tante de la popu­la­tion : place très faible des fran­co­phones dans les pou­voirs poli­tique et éco­no­mique, usage de l’anglais comme langue du tra­vail et, à Mont­réal, dans beau­coup de ser­vices, niveau d’éducation des fran­co­phones très faible, etc.

Ces réa­li­tés ont chan­gé pro­fon­dé­ment à plu­sieurs égards, les plus jeunes ne peuvent plus avoir la même vision de la place des fran­co­phones dans la vie du Qué­bec : 35% des jeunes femmes et près de 30% des jeunes hommes qui arrivent aujourd’hui sur le mar­ché du tra­vail sont uni­ver­si­taires, contre moins de 10% au milieu des années soixante. Une bour­geoi­sie qué­bé­coise fran­co­phone s’est aus­si déve­lop­pée au cours de ce demi-siècle, en bonne par­tie avec l’appui de l’État qué­bé­cois. Des mesures de pro­tec­tion et de valo­ri­sa­tion de la langue fran­çaise ont obte­nu des résul­tats impor­tants, dans l’éducation des immi­grants, dans les milieux de travail.

Plu­sieurs rap­pellent avec per­ti­nence que pour 7 mil­lions de fran­co­phones dans un océan de 325 mil­lions d’anglophones, rien n’est défi­ni­ti­ve­ment acquis. Les pro­grès réa­li­sés font cepen­dant qu’un jeune de vingt-cinq ans aujourd’hui ne peut avoir la même per­cep­tion que la géné­ra­tion précédente.

La ques­tion de la non-adhé­sion du Qué­bec à la Consti­tu­tion cana­dienne demeure une ques­tion actuelle qui, si elle revient au centre des pré­oc­cu­pa­tions poli­tiques, peut sou­le­ver toutes les pas­sions. Ce n’est pas sans rai­son que tout le monde au Cana­da a peur de tou­cher à la Consti­tu­tion. Cepen­dant le rapa­trie­ment uni­la­té­ral de la Consti­tu­tion en 1982 et l’échec de 1990 pour réin­té­grer le Qué­bec ne suf­fisent plus pour sti­mu­ler la pas­sion sou­ve­rai­niste et obte­nir l’adhésion des jeunes.

Cer­tains ténors répètent sou­vent que le mou­ve­ment sou­ve­rai­niste ne fait pas une pro­mo­tion suf­fi­sante du pro­jet de la sou­ve­rai­ne­té du Qué­bec. Ce n’est pas une expli­ca­tion suf­fi­sante : il n’y a plus une vision aus­si lar­ge­ment par­ta­gée qu’autrefois dans ce pro­jet de trans­for­ma­tion de la socié­té. Le Qué­bec n’est pas une excep­tion, il a chan­gé pro­fon­dé­ment depuis cin­quante ans, plus ouvert sur le monde, tra­ver­sé par des cou­rants de pen­sée et d’action mul­tiples, de l’écologie au fémi­nisme au cré­do dans le mar­ché, à la per­for­mance et à la res­pon­sa­bi­li­té individuelle.

La recon­nais­sance qu’ont les Qué­bé­cois de leur iden­ti­té col­lec­tive est forte, mais la tra­duc­tion poli­tique de cette iden­ti­té se frag­mente, se fragilise.

L’immigration

Depuis long­temps, le Qué­bec accueille plus de 40000 immi­grants par année, ce chiffre est pas­sé récem­ment à plus de 50000. Même s’il y a tou­jours une par­tie de cette immi­gra­tion au Qué­bec qui est en « tran­sit » vers d’autres régions du Cana­da ou vers les États-Unis, 320.000 per­sonnes sont demeu­rées en sol qué­bé­cois entre 1999 et 2008, 120.000 se sont ajou­tées depuis. La popu­la­tion née hors du Qué­bec repré­sente près de 12% des Québécois.

Cette popu­la­tion est natu­rel­le­ment moins encline à favo­ri­ser des chan­ge­ments poli­tiques pro­fonds dans sa socié­té d’accueil, cela est vrai même si les deux tiers des immi­grants parlent le fran­çais et même si la vision de la nation qué­bé­coise défen­due par les sou­ve­rai­nistes qué­bé­cois est une vision clai­re­ment inclusive. 

Chaque année qui passe exige, pour obte­nir une majo­ri­té en faveur de la sou­ve­rai­ne­té, un appui gran­dis­sant de la popu­la­tion fran­co­phone de souche, ce qui repré­sente un défi non négligeable.

Un mouvement souverainiste qui penche à droite et s’empêtre dans la stratégie

Le mou­ve­ment sou­ve­rai­niste souffre aus­si d’une frag­men­ta­tion en de mul­tiples cou­rants de ses adhé­rents. L’alliance gauche-droite en son sein ne tient plus : plu­sieurs anciens diri­geants ou ministres du PQ sont des avo­cats d’affaires, des hommes d’affaires, des uni­ver­si­taires qui campent plus à droite. Nombre d’entre eux ont déjà signé un mani­feste, dans lequel ils s’autoproclament « lucides » et s’attaquent à la « répu­blique du sta­tu­quo » en pro­po­sant, notam­ment, la hausse des frais de sco­la­ri­té et une plus grande place au sec­teur pri­vé dans l’économie.

Le PQ a clai­re­ment choi­si de se dépla­cer vers la droite pour ten­ter de ral­lier des élec­teurs qui lui échap­paient, ain­si une fac­tion du par­ti plus à gauche, SPQ libre (Syn­di­ca­listes et pro­gres­sistes pour un Qué­bec libre) vient d’être mis au pas par le congrès du par­ti sur pro­po­si­tion de la direc­tion. Une autre par­tie de la gauche sou­ve­rai­niste se retrouve dans Qué­bec solidaire.

Le Par­ti qué­bé­cois a fré­quem­ment été vic­time de puis­santes ten­sions internes autour de la « stra­té­gie » pour atteindre l’objectif de la sou­ve­rai­ne­té. Faire assez ou pas assez la pro­mo­tion de la sou­ve­rai­ne­té, tenir un réfé­ren­dum dès l’élection du par­ti ou attendre des condi­tions jugées « gagnantes », prendre le « beau risque » d’une nou­velle négo­cia­tion avec le Cana­da. Ces débats, qui en lassent plus d’un, prennent sou­vent le pas sur tout le reste, au détri­ment d’un pro­jet poli­tique clair sur les enjeux socioéconomiques.

Sortir d’un clivage politique

Les rap­ports Qué­bec-Cana­da ont occu­pé une place très forte dans les pré­oc­cu­pa­tions des fran­co­phones du Qué­bec au moment des dif­fé­rentes élec­tions fédé­rales. Cet axe a cepen­dant été confor­té depuis nombre d’années par l’absence d’autres choix. Un Par­ti conser­va­teur cam­pé très à droite et repré­sen­tant les inté­rêts pétro­liers de l’Ouest, un Par­ti libé­ral qui a per­mis, il y a peu, à nombre des siens de détour­ner les fonds publics, le Nou­veau Par­ti démo­cra­tique per­çu comme trop cen­tra­li­sa­teur, le Bloc qué­bé­cois demeu­rait le seul vote possible.

Cet équi­libre s’est rom­pu, tout à coup. Le npd, diri­gé depuis quelques années par Jack Lay­ton, un anglo­phone né à Mont­réal, est fina­le­ment appa­ru cré­dible. Parce que M. Lay­ton est mieux connu, parce que beau­coup ont vou­lu sor­tir de la seule équa­tion Qué­bec-Cana­da au moment de dépo­ser leur vote, parce que beau­coup, y com­pris des sou­ve­rai­nistes, ont choi­si de voter plu­tôt à gauche face au par­ti conser­va­teur, parce qu’encore plus d’électeurs du Par­ti libé­ral ont déser­té ce par­ti sans vou­loir voter conser­va­teur ou sou­ve­rai­niste. Une mul­ti­tude de fac­teurs ont tout à coup joué, tous dans le même sens, pour don­ner cette vic­toire du npd au Qué­bec. Même les régions les plus conser­va­trices du Qué­bec ont envoyé des dépu­tés npd à la Chambre des communes.

Quel avenir pour le mouvement souverainiste ?

On peut affir­mer main­te­nant que le mou­ve­ment sou­ve­rai­niste qué­bé­cois connait une crise pro­fonde. Au moment où ces lignes sont écrites, quatre dépu­tés, ténors du PQ, viennent de quit­ter les rangs du par­ti et siè­ge­ront comme indé­pen­dants, pour pro­tes­ter contre une prise de posi­tion de la direc­tion du par­ti. Le lea­deur­ship de la cheffe du PQ, Pau­line Marois, pour­tant soli­de­ment confor­té au congrès du prin­temps 2011, est gra­ve­ment atteint.

Il est trop tôt pour affir­mer que le vote sou­ve­rai­niste est dura­ble­ment affai­bli, mais cer­tains élé­ments pointent dans cette direc­tion. Le Bloc qué­bé­cois sera très dif­fi­cile à recom­po­ser et il sera bien com­pli­qué de convaincre les gens d’y reve­nir après la dége­lée qu’il vient de prendre. Les divi­sions du PQ sont récur­rentes. Qué­bec soli­daire gagne main­te­nant du ter­rain dans les son­dages, mais il sera bien inté­res­sant de voir si son dis­cours ne sera pas plus axé sur le socioé­co­no­mique que sur la ques­tion nationale.

Atten­tion à l’ours qui dort cepen­dant, une par­tie du Cana­da a la ten­ta­tion de la curée à la suite du vote de mai : appel d’un jour­nal toron­tois pour cou­per le finan­ce­ment des par­tis et ain­si ces­ser de finan­cer ces « traitres », un finan­cier de Mont­réal qui asso­cie les natio­na­listes qué­bé­cois aux nazis… Ces évè­ne­ments ne suf­fi­ront pas, mais l’éveil de la conscience natio­nale et le ral­lie­ment des gens autour de l’idée de la sou­ve­rai­ne­té peuvent cer­tai­ne­ment sur­ve­nir au détour d’un enjeu politique.

On peut parier que le vote à gauche ne sera pas fiable, l’électorat qué­bé­cois est deve­nu vola­til. C’est vrai pour les élec­tions qué­bé­coises comme fédé­rales. Le popu­lisme a gagné du ter­rain ces der­nières années et beau­coup sont ten­tés par tout ce qui per­met de sor­tir des cli­vages « traditionnels ».

En atten­dant, le Cana­da sera diri­gé par un gou­ver­ne­ment conser­va­teur majo­ri­taire, le gou­ver­ne­ment Har­per. Le même Har­per qui, mino­ri­taire, a renié la signa­ture du pro­to­cole de Kyo­to, a affai­bli la posi­tion du Cana­da sur la peine de mort, a voté contre un pro­jet de décla­ra­tion sur le droit des autoch­tones, a voté contre la recon­nais­sance du droit à l’eau comme un droit fon­da­men­tal, a affai­bli le sys­tème de contrôle des armes à feu…

Les pro­chaines années seront appa­rem­ment dif­fi­ciles pour les sou­ve­rai­nistes au Qué­bec, elles seront assu­ré­ment dif­fi­ciles pour les pro­gres­sistes au Qué­bec et au Canada.

12 juin 2011

Marcel Pepin


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