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Quand les banquiers hypothèquent l’avenir
Dans la perspective du sommet du G20 du 2 avril, le secrétaire général du FMI avait annoncé que les recettes identifiées six mois plus tôt à Washington (15 novembre) péchaient par manque d’efficacité pour deux raisons. La première avait trait à la faible coordination des réponses apportées par les pays. La deuxième tenait aux résistances des banques à apurer […]
Dans la perspective du sommet du G20 du 2 avril, le secrétaire général du FMI avait annoncé que les recettes identifiées six mois plus tôt à Washington (15 novembre) péchaient par manque d’efficacité pour deux raisons. La première avait trait à la faible coordination des réponses apportées par les pays. La deuxième tenait aux résistances des banques à apurer leur comptabilité et à faire preuve de transparence en en expurgeant les actifs toxiques. Quelques jours plus tard, malgré l’incertitude liée à l’exercice, l’institution de Washington1 se hasardait quand même à évaluer les pertes de valeur à la somme astronomique de 4.054 milliards de dollars dont deux tiers concernaient les seules banques (le reste se répartissant entre assureurs, fonds de pension et autres fonds d’investissement).
Les banques américaines auraient déjà parcouru la moitié du chemin en réalisant 48% de moins-values (sur un montant total de 2.093 milliards) tandis que les banques de la zone euro avaient fourni 17% et les banques anglaises passaient par pertes et profits 35% de l’effort global.
Il faut signaler à cet égard que le retard européen s’explique par le fait que, contrairement à ce qui a été fait aux États-Unis, le stress test (test de résistance) européen évaluant les capacités de son système bancaire à traverser la tempête n’est pas encore opérationnel et que les résultats ne seront pas divulgués pour chaque banque individuellement, ce qui réduit la pression pesant sur elles.
Tant que toute la clarté n’aura pas été faite, la méfiance entre les acteurs bancaires et financiers subsistera, ce qui enrayera le bon fonctionnement du marché du crédit. Cela se ressent sur l’économie réelle car cela implique un durcissement des conditions de financement, tant pour les entreprises et les ménages que… pour les banques elles-mêmes. Or, l’accès au crédit à un coût raisonnable est fondamental à la croissance.
Ce n’est donc pas un hasard si au début de la crise (automne 2008), les perspectives de croissance pour 2009 étaient pires pour les États-Unis (épicentre de la crise) que pour la zone euro (respectivement : – 0,7% et – 0,5%), mais que la situation économique s’était beaucoup plus dégradée dans la zone euro (– 2,0% contre « seulement » – 1,6% aux États-Unis) en janvier et que la reprise y était différée (chiffres 2010 : États-Unis : 1,6%; zone euro : 0,2%).
D’autre part, comme la chute des cours boursiers des banques a pour effet d’abaisser leur ratio de fonds propres (déterminé comme le ratio entre leur capital et le total des actifs), le FMI n’excluait pas la nécessité de procéder à de nouvelles recapitalisations pour les maintenir au-dessus de la ligne de flottaison. D’un point de vue macroéconomique, une baisse de ce ratio d’un point de pourcent ampute le PIB réel de 1,5% car les banques, plus pointilleuses, sont moins disposées à faire du crédit (ce qui réduit le total des actifs).
La crise plombe non seulement la croissance du PIB, mais aussi la croissance potentielle du PIB qui est la croissance théorique du PIB si le stock de capital et les travailleurs étaient utilisés à leur maximum. Ainsi, la Banque nationale de Belgique estimait que la croissance potentielle était tombée de 1,8% du PIB en 2006 – 2008 à environ 1% en 2009 – 20102, la baisse s’expliquant par de moindres gains de productivité et un taux de chômage de longue durée plus élevé (parce que les demandeurs d’emploi, en particulier les jeunes, ont moins d’opportunités de décrocher un emploi ; que les entreprises qui se trouvent avec des stocks considérables sur les bras ou en surcapacité ne procèdent plus à des investissements de remplacement ou de modernisation, faute de perspective encourageante du point de vue de leurs carnets de commande ou en raison des difficultés à accéder au crédit ; les ménages épargnent davantage par crainte de l’avenir et donc consomment moins, créant de ce fait moins d’activité, ce qui exacerbe les phénomènes précédents).
Cette digression technique n’est pas sans conséquence sur la soutenabilité des finances publiques dans le contexte imminent du vieillissement démographique. En effet, une étude de l’Union européenne3 indiquait récemment que la crise alourdissait la facture du choc démographique (calculé d’ici à 2060) de 1,8% du PIB pour la zone euro et de 3,6% pour la Belgique dont le coût total s’élèverait à 10,5% (soit les 6,9% estimés hors crise auxquels on ajoute les 3,6%).
Or, il n’y a pas de mystère pour garantir une maîtrise des finances publiques face à un tel challenge. Soit il faut augmenter les recettes en augmentant les impôts et les diverses taxes et en renforçant la lutte contre la fraude fiscale. Soit il faut couper dans les dépenses pour rééquilibrer la balance. Le courant de pensée idéologique restant malgré tout le libéralisme économique quoi qu’on en dise (voir le débat sur une rerégulation par l’État), c’est plutôt la deuxième option qui sera retenue. Concrètement, cela signifie une accélération des réformes structurelles (c’est d’ailleurs le message du Conseil européen de mars), autrement dit : des conditions plus restrictives pour accéder aux allocations de chômage, plus d’ardeur pour relever l’âge de départ à la retraite (comme convenu par le Conseil européen de Barcelone en 2002), un encouragement des pensions privées (contrebalancé néanmoins par une volonté de la Commission européenne de mieux protéger les petits épargnants et les travailleurs cotisants en légiférant) et un affaiblissement des services publics dont le flou juridique qui les entoure en fait des proies faciles à libéraliser.
Par conséquent et alors que beaucoup voyaient dans la crise le fossoyeur du néolibéralisme et le signe avant-coureur du retour de l’État dont le rôle avait été ramené à la portion congrue ces trois dernières décennies, il semblerait bien que cela ne soit pas aussi clair, le pouvoir public en tant que régulateur étant escorté dans l’oubli après avoir colmaté les brèches du système capitaliste.
- FMI, Global Financial Stability Report, avril 2009.
- BNB, Projections économiques, juin 2009.
- Commission européenne, 2009 Ageing Report, avril 2009.