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PS : baisse tendancielle ou conjoncturelle ?

Numéro 05/6 Mai-Juin 2009 par Pierre Verjans

mai 2009

Après la pré­si­dence de Phi­lippe Bus­quin et l’échec élec­to­ral de 1999, Elio Di Rupo devint pré­sident, et cet air de renou­veau illus­tré par le lan­ce­ment des Ate­liers du pro­grès per­mit au par­ti de retrou­ver en Wal­lo­nie un score de 30,5% des suf­frages par rap­port aux élec­teurs ins­crits lors des élec­tions pro­vin­ciales de 2000, contre 23,8% […]

Après la pré­si­dence de Phi­lippe Bus­quin1 et l’échec élec­to­ral de 1999, Elio Di Rupo devint pré­sident, et cet air de renou­veau illus­tré par le lan­ce­ment des Ate­liers du pro­grès per­mit au par­ti de retrou­ver en Wal­lo­nie un score de 30,5% des suf­frages par rap­port aux élec­teurs ins­crits lors des élec­tions pro­vin­ciales de 2000, contre 23,8% aux élec­tions légis­la­tives de 1999. Il fut consi­dé­ré comme celui qui réus­sit à neu­tra­li­ser en quelque sorte les éco­lo­gistes en signant avec eux des « conver­gences à gauche » — après l’échec de Jos­pin au pre­mier tour des pré­si­den­tielles en 2002 et la leçon que le PS wal­lon en avait tirée qu’il pou­vait se faire dépas­ser sur sa gauche — qui firent croire, en 2003 et 2004, qu’il avait fait ren­trer dans l’électorat socia­liste une par­tie de ceux qui l’avaient quitté.

Com­por­te­ment des élec­teurs wal­lons depuis 1991
Ch. 1991 Prov. 1994 Ch. 1995 Ch. 1999 Prov. 2000 Ch. 2003 RW 2004 Prov. 2006 Ch. 2007
PS 32,6% 29,8% 27,9% 23,8% 30,5% 30,4% 30,8% 27,3% 24,8%
MR (ex-PRL) 16,6% 17,4% 19,8% 20,2% 20,1% 23,7% 20,3% 23,1% 26,2%
CDH (ex-PSC) 19,0% 19,6% 18,7% 13,7% 16,1% 12,8% 14,7% 16,0% 13,2%
Éco­lo 12,4% 8,2% 8,6% 14,9% 12,2% 6,2% 7,1% 10,4% 10,7%
Divers par­tis d’ex­trême droite 1,3% 6,0% 5,1% 4,4% 2,4% 5,3% 7,3% 4,7% 5,3%
Autres par­tis 2,0% 2,8% 2,8% 4,5% 4,0% 5,1% 3,3% 2,8% 3,7%
“non-votants” 16,2% 16,2% 17,1% 18,5% 14,9% 16,4% 16,4% 15,6% 15,3%

Source : minis­tère fédé­ral de l’Intérieur et cal­culs propres

Les pour­cen­tages sont cal­cu­lés sur le total des élec­teurs inscrits.
Légende :

  • Ch. = résul­tats des élec­tions à la Chambre des Représentants
  • Prov. = résul­tats des élec­tions provinciales
  • RW = résul­tats des élec­tions régionales

Le tableau illustre cette remon­tée du Par­ti socia­liste. On voit que le vote de 1999 est un vote sanc­tion non seule­ment pour les par­tis au pou­voir, mais aus­si, d’une cer­taine manière, pour l’ensemble du sys­tème poli­tique puisque les absents au vote sont plus nom­breux que pour tous les autres scru­tins. Une remarque métho­do­lo­gique s’impose ici : presque tous les pour­cen­tages cal­cu­lés dans cet article sont basés sur l’ensemble des élec­teurs ins­crits et non, comme le plus sou­vent, sur les votes valables. Ce type de cal­cul nous per­met de com­pa­rer non la repré­sen­ta­tion par­le­men­taire des par­tis, mais le com­por­te­ment des élec­teurs qui sont par­ti­cu­liè­re­ment visibles dans la ligne des « non-votants » qui tota­lise les votes blancs et nuls et les élec­teurs ins­crits absents au vote. Cette mesure des abs­ten­tions et des votes non comp­ta­bi­li­sés per­met d’observer leur varia­tion dans le temps. Une autre par­ti­cu­la­ri­té de ce tableau consiste à com­pa­rer des élec­tions de niveau dif­fé­rent, le vote pour la Chambre des Repré­sen­tants, le vote pour les élec­tions régio­nales wal­lonnes et le vote pour les pro­vinces. Cela offre l’avantage de voir le com­por­te­ment élec­to­ral en conti­nui­té. Le désa­van­tage consiste à mélan­ger des scru­tins aux enjeux divers et où le com­por­te­ment des élec­teurs peut varier en fonc­tion non seule­ment du choix par­ti­san, mais aus­si des majo­ri­tés en place, des per­son­na­li­tés qui ont occu­pé le pou­voir, de la qua­li­té des oppo­sants à ce niveau de pou­voir, etc. On objec­te­ra à ces cri­tiques que les son­dages d’intention de vote, sou­vent pré­cis quand ils sont métho­do­lo­gi­que­ment rigou­reux, ne demandent pas à quel niveau de pou­voir le vote s’adresse et que la plu­part des élec­teurs font peu de dif­fé­rence entre les divers enjeux, glo­ba­li­sant leur opi­nion poli­tique à un moment don­né. Quoi qu’il en soit, les varia­tions des résul­tats des divers par­tis wal­lons sont ain­si plus lisibles dans le temps et, pour ce qui concerne le Par­ti socia­liste, le tableau montre que le redres­se­ment était déjà à l’œuvre en octobre 2000, soit bien avant les « conver­gences à gauche ». Les trans­ferts mini­maux entre par­tis montrent que le PS gagne 7,3% et le CDH 2,4%. La baisse la plus forte se situe chez les « non-votants » : 3,6%, puis chez Éco­lo 2,7% et les divers par­tis d’extrême droite 2%. Comme la plu­part des obser­va­teurs ne tiennent pas compte des élec­tions pro­vin­ciales, ils n’avaient pas vu ce rat­tra­page du PS et cette baisse d’Écolo en 2000. On voit d’ailleurs que, si les conver­gences à gauche avaient expli­qué une perte d’électeurs pour Éco­lo, ce n’aurait été en aucun cas en faveur du PS mais, comme la perte du PSC-CDH, en faveur de toutes les autres atti­tudes poli­tiques, y com­pris le non-vote.

Dans les années 2000, le Par­ti socia­liste a été pré­sent au gou­ver­ne­ment tant fédé­ral que régio­nal wal­lon et bruxel­lois. Le résul­tat de 2007, proche de celui de 1999, appa­raît comme une vic­toire du MR sur le PS. Les mul­tiples affaires judi­ciaires liées à la ges­tion locale appa­raissent à de nom­breux obser­va­teurs comme une expli­ca­tion plau­sible de la chute du PS. Signi­fi­ca­ti­ve­ment, le meilleur résul­tat est celui du début de la période. À l’inverse, le meilleur résul­tat du MR se situe lors de la der­nière élection.

La mon­tée conti­nue du par­ti libé­ral le fait pas­ser du sta­tut de troi­sième par­ti à celui de pre­mier, tan­dis que la place de deuxième est per­due par le PSC dès 1995. Les élec­tions pro­vin­ciales, jointes aux élec­tions com­mu­nales depuis 1994, donnent de meilleurs résul­tats au CDH pro­ba­ble­ment grâce à l’implantation com­mu­nale plus forte de l’ancien PSC. Les élec­tions com­mu­nales per­met­traient au par­ti de retrou­ver des résul­tats pro­vin­ciaux plus éle­vés qu’aux scru­tins régio­naux et nationaux.

À l’intérieur du PS, des expli­ca­tions dif­fé­rentes à la chute de 2007 furent émises : d’une part, la rela­tion consi­dé­rée comme mépri­sante entre les tech­no­crates du bou­le­vard de l’Empereur et les mili­tants de la base2, mais aus­si, le pro­blème de la dis­pa­ri­tion de la géné­ra­tion d’ouvriers qui com­po­saient le gros des troupes socia­listes en Wal­lo­nie. Dans un cas, le redres­se­ment est défi­ni comme pos­sible, dans l’autre, il s’agit de la fin d’une ère poli­tique et du rem­pla­ce­ment des par­tis de masse par les par­tis « attrape-tout ».

  1. Mabille X., « Le Par­ti socia­liste : évo­lu­tion 1978 – 2005 », Cour­rier heb­do­ma­daire du Crisp, n° 1867 – 1868, 2005.
  2. Bol­land M., bourg­mestre de Blé­gny, « Le Water­loo socia­liste : il n’y a pas que Char­le­roi, nom d’un chien ! », Le Soir, 15 juin 2007 ; Luc Del­fosse, Inter­view de Guy Spi­taels, « Elio, tu dois choi­sir ! », Le Soir, 14 juin 2007.

Pierre Verjans


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