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Préparer l’alternance

Numéro 10 Octobre 2005 par Théo Hachez

octobre 2005

En Wal­lo­nie et à Bruxelles, les temps sont durs à gauche. Quelle ana­lyse, quelle atti­tude, quel enga­ge­ment, quelle stra­té­gie pour ceux qui par­tagent la convic­tion que jus­tice sociale et éman­ci­pa­tion ne tombent pas natu­rel­le­ment du ciel de l’é­co­no­mie, qu’elles sont donc des prio­ri­tés poli­tiques conjointes qui ne peuvent être pour­sui­vies que grâce à des ins­ti­tu­tions régu­la­trices sou­te­nues par […]

En Wal­lo­nie et à Bruxelles, les temps sont durs à gauche. Quelle ana­lyse, quelle atti­tude, quel enga­ge­ment, quelle stra­té­gie pour ceux qui par­tagent la convic­tion que jus­tice sociale et éman­ci­pa­tion ne tombent pas natu­rel­le­ment du ciel de l’é­co­no­mie, qu’elles sont donc des prio­ri­tés poli­tiques conjointes qui ne peuvent être pour­sui­vies que grâce à des ins­ti­tu­tions régu­la­trices sou­te­nues par un rap­port de force organisé ?

D’un côté, il y a les enjeux de l’heure qui incitent à ser­rer les rangs : refi­nan­ce­ment de la sécu­ri­té sociale, rap­port de force avec une Flandre en quête d’au­to­no­mie, ato­nie du déve­lop­pe­ment wal­lon et bruxel­lois. Le tout nap­pé d’un marasme ram­pant dans les deux régions qui fait craindre son exploi­ta­tion par l’ex­trême droite. De l’autre, la rage de se trou­ver otage d’un par­ti socia­liste qui, tout en s’en pré­ten­dant le repré­sen­tant exclu­sif et authen­tique, bafoue les valeurs de la gauche et les valeurs démo­cra­tiques les plus élémentaires.

Vu la gra­vi­té réelle et sym­bo­lique des faits récents en cause, nous nous juge­rions pour­tant cou­pables de ne pas expri­mer les états d’âme exces­sifs que nous ins­pire la mise au jour publique des scan­dales récents. Cepen­dant, il n’y a au fond rien de nou­veau que nous ne sachions depuis longtemps1 : ces affaires pré­sentes et celles à venir ne relèvent pas du fait divers, elles sont l’in­dice d’un sys­tème. C’est du reste ce que la direc­tion du par­ti socia­liste recon­nait elle-même en reven­di­quant la lourde charge de sa réno­va­tion qu’elle pré­tend pour­suivre depuis plus de six ans déjà.

Depuis lors, le débat, au P.S. comme chez ses par­te­naires, se concen­trait sur une alter­na­tive : l’am­bi­tion qu’af­fiche la pré­si­dence d’E­lio Di Rupo est-elle cré­dible ? Sauf à pen­ser, comme Lau­rette Onke­linx, que la réno­va­tion est un pro­ces­sus per­ma­nent, le temps, l’ac­cu­mu­la­tion des inci­dents et leur ges­tion par le par­ti se sont char­gés de tran­cher aux yeux de tous. Et, du même coup, la ques­tion sub­si­diaire du sou­tien à lui apporter.

Après un quart de siècle de règne qua­si conti­nu du P.S. sur la Wal­lo­nie, le para­dis socia­liste ne se fait pas seule­ment attendre, il recule, et on ne nous demande que l’é­ter­ni­té pour qu’en soient réunies les condi­tions préa­lables. Pre­nons donc la mesure d’une situa­tion où le pou­voir s’a­voue lui-même obs­tacle de son ambi­tion, où toute la Wal­lo­nie devrait pour se sau­ver sou­te­nir le pré­sident Di Rupo dans la tâche de réno­ver son par­ti contre lui-même. Et admet­tons que si la sor­tie du déclin passe obli­ga­toi­re­ment, pour la socié­té fran­co­phone de ce pays, par la réha­bi­li­ta­tion du P.S., ce ne serait donc que pour le mal­heur des francophones.

Du coup la ques­tion se déplace. Y a‑t-il une force suf­fi­sante à gauche ou un pro­jet concer­té à droite qui puisse four­nir une voie alter­na­tive ? Pour le moment, non. Il est alors à craindre que tout l’es­pace poli­tique ne soit lais­sé à une extrême droite (fût-elle la plus bête du monde chez nous) à laquelle les socia­listes s’empressent d’as­si­mi­ler, pour la dis­cré­di­ter, toute cri­tique sys­té­ma­tique qui leur est adressée.

Aus­si bien, aujourd’­hui, face au risque de dis­cré­dit que porte en elle toute com­plai­sance for­cée, ce ne sont pas seule­ment des convic­tions révul­sées par des pra­tiques scan­da­leuses qui font espé­rer une alter­nance démo­cra­tique, mais aus­si la logique et le sens des res­pon­sa­bi­li­tés. À gauche aus­si, il est désor­mais urgent de la pré­pa­rer, sous peine d’en lais­ser l’en­tier béné­fice à des adver­saires (de droite) ou à des enne­mis (d’ex­trême droite). Au reste, l’op­po­si­tion n’est-elle pas seule à pou­voir appor­ter au P.S. ce qu’il dit appe­ler de ses vœux, à savoir sa propre réno­va­tion ? Et que serait la démo­cra­tie sans l’al­ter­na­tive qui rend pos­sible l’alternance ?

Théo Hachez


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