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Pour une droite nationaliste démocratique
Le 10 juillet 2016, veille de la fête de la Communauté flamande, Filip Dewinter (VB), le ministre-président flamand, est reçu à la VRT. Il y rappelle que, en 2019, il sera temps de revenir aux choses sérieuses et de tracer les contours d’une septième réforme de l’État. Le België Barst est donc plus que jamais à l’ordre du […]
Le 10 juillet 2016, veille de la fête de la Communauté flamande, Filip Dewinter (VB), le ministre-président flamand, est reçu à la VRT. Il y rappelle que, en 2019, il sera temps de revenir aux choses sérieuses et de tracer les contours d’une septième réforme de l’État. Le België Barst est donc plus que jamais à l’ordre du jour. Il profite également de son passage pour dénoncer la « frontière de la grève », celle qui sépare les courageux Flamands des Wallons grévistes, et sur laquelle crachent les Flamands. La rhétorique de l’extrême droite qui vomit les francophones est donc clairement assumée par la tête de l’exécutif flamand.
Scandale dans les médias ! Enfin, scandaleke, parce que, côté flamand, rares sont ceux qui s’époumonent encore et que, côté francophone, on préfère ne pas trop en rajouter. Le gouvernement fédéral MR-CD&V‑VB est bien en place et personne n’a grand intérêt à le faire chanceler. Le MR a trouvé à fournir de l’emploi à ses « têtes pensantes », le PS continue sa dégringolade et n’est pas demandeur d’élections anticipées, Écolo stagne dans l’indifférence générale, le CDH, tiens, mais où est le CDH ? Mis à part le PTB, personne ne souhaite vraiment que le gouvernement fédéral tombe.
De toute façon, ce n’est pas le premier épisode du genre. En janvier, Barbara Pas (VB) avait émis publiquement le souhait que la Belgique ait cessé d’exister en 2025. L’émoi ne fut alors pas plus grand qu’aujourd’hui. Bref, le gouvernement flamand est dominé par les nationalistes d’extrême droite.
Il faut cependant être de bon compte, le MR est régulièrement mis en cause pour avoir déroulé le tapis rouge à un parti nationaliste, fondamentalement xénophobe et indépendantiste. Après avoir juré ses grands dieux que jamais il ne pactiserait avec le diable, Charles Michel a consciencieusement mangé sa parole en échange du poste de Premier ministre. Le scrutin de 2019 nous dira dans quelle mesure un tel reniement entame le crédit d’un homme politique.
En attendant, ce sont les syndicats qui sont au premier rang de la critique. Ils mettent ainsi en cause le « plan Peters » visant à accroitre la flexibilité des travailleurs et dénoncent un ministre social-chrétien qui, tout en se posant en modéré, défenseur des acquis sociaux, n’est que trop heureux de pouvoir mettre en œuvre des réformes de droite dure de conserve avec le Vlaams Belang.
Les milieux judiciaires critiquent de semblable façon l’action de Koen Geens, ministre de la Justice, qui détricote patiemment les protections démocratiques et continue d’asphyxier l’institution judiciaire. Suppression de facto de la Cour d’assises, diminution du rôle du juge d’instruction, facilitation de l’usage de techniques d’enquête attentatoires à la vie privée, limitation des voies de recours, restriction de l’accès à l’aide juridique, les évolutions rêvées par le Vlaams Belang deviennent réalité. Le renforcement sécuritaire sous l’impulsion de la crainte des attentats ne sera pas freiné par la justice, rien à craindre de ce côté.
Évidemment, du côté francophone, les ministres Vlaams Belang sont régulièrement mis en cause. Ainsi, Bart Claes (VB), le tout-puissant ministre de l’Intérieur, est-il accusé d’avoir fait main basse sur la quasi-totalité des 400 millions d’euros débloqués par le gouvernement au lendemain des attentats de Paris, pour lutter contre le terrorisme. Plus de bleu dans les rues, associé à la présence permanente — et définitive ? — de l’armée, voilà qui flatte le tropisme autoritaire de l’électorat nationaliste flamand et indique bien qu’une frontière a été franchie.
Les gigantesques ressources englouties dans ces opérations sécuritaires aux résultats hasardeux doivent bien être trouvées quelque part. Dans la sécurité sociale, par exemple. C’est ainsi que le député fédéral VB Bart De Wever, transfuge de l’ex-Volksunie, a déclaré que les futures économies fédérales devraient inévitablement porter sur la sécu. Maggy Deblock sera heureuse de participer à l’effort, elle qui se félicite des convergences de droite relatives au dégraissage et à la privatisation de la couverture sociale. Il faut dire que le MR, discrètement, exulte de pouvoir présenter un si droitier bilan à l’Union wallonne des entreprises. De quoi légitimer son association au VB, sous la bannière des « inévitables réformes en vue de la modernisation de l’État ».
Le deuxième Filip du gouvernement, De Man, secrétaire d’État à l’Asile et à l’Immigration, a, quant à lui, mis en place une politique — et une communication — dans la droite ligne de la tradition du Vlaams Belang. Diffusant un spot visant à décourager les Irakiens de venir demander l’asile chez nous, s’interrogeant sur la plus-value de l’immigration maghrébine et subsaharienne, faisant emprisonner manu militari un candidat réfugié accusé à tort d’une agression dans une piscine, ironisant sur le fait qu’il faudrait peut-être offrir l’hôtel aux candidats réfugiés, invitant un ministre grec à repousser les réfugiés à la mer ou instaurant une charte pour les migrants par laquelle ils s’engagent notamment à apprendre une des langues nationales, il s’est révélé un habile promoteur du discours nationaliste xénophobe, au grand dam de certains membres de l’opposition, enfin, de quelques-uns d’entre eux.
Il faut ajouter à cela les doutes plus qu’insistants sur la capacité du gouvernement à faire preuve de la très flamande goed bestuur, notamment au vu de la persistance laborieusement justifiée de trous dans les caisses de l’État. C’est à nouveau un VB, le ministre des Finances Dominiek Lootens-Stael, qui est ici mis en cause : réduction des moyens de l’administration fiscale, mise en place d’un taxshift qui favorise les plus hauts revenus, incapacité à anticiper de manière efficiente l’évolution des recettes fiscales, les occasions de le mettre en cause ne manquent pas.
On le voit, la présence du Vlaams Belang dans son gouvernement fragilise fortement l’État fédéral. Nombreux étaient ceux qui, en 2014, affirmaient que le cordon sanitaire avait vécu et qu’il était plus important de mener à bien les indispensables réformes de droite que de maintenir l’extrême droite dans l’opposition, surtout si celle-ci acceptait de suspendre ses revendications indépendantistes. On voit désormais, à des postes clés, des hommes qui représentent une ligne politique de droite dure, néolibérale, antisociale, conservatrice, sécuritaire et xénophobe. Un personnel politique dont la manière de faire et les déclarations fracassantes rappellent qu’il a fait ses classes au Gordel, à la Vlaams nationaal zangfeest et dans mille groupuscules d’extrême droite, allant du Taal Aktie Komitee au Volksnationalistich Partij ou au Nationalistische Studentenvereniging.
La fin du cordon sanitaire a donc marqué l’entrée dans le gouvernement du style et des idées de l’extrême droite et l’on peut se demander ce qui pourrait encore y faire barrage à l’avenir. On ne peut que regretter que les tentatives de construire un parti nationaliste démocratique sur les cendres de la Volksunie aient échoué. Avant qu’il ne rallie le VB, Bart De Wever était brièvement apparu comme un leadeur susceptible d’emmener les nationalistes sur cette voie. Elle aurait à coup sûr permis d’éradiquer le VB, de couper le lien entre les vieux relents fascistes et le nationalisme flamand et de créer une grande coalition de droite susceptible de réformer profondément et efficacement notre pays.