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Pour une droite nationaliste démocratique

Numéro 8 - 2016 par Anathème

décembre 2016

Le 10 juillet 2016, veille de la fête de la Com­mu­nau­té fla­mande, Filip Dewin­ter (VB), le ministre-pré­­sident fla­mand, est reçu à la VRT. Il y rap­pelle que, en 2019, il sera temps de reve­nir aux choses sérieuses et de tra­cer les contours d’une sep­tième réforme de l’État. Le Bel­gië Barst est donc plus que jamais à l’ordre du […]

Billet d’humeur

Le 10 juillet 2016, veille de la fête de la Com­mu­nau­té fla­mande, Filip Dewin­ter (VB), le ministre-pré­sident fla­mand, est reçu à la VRT. Il y rap­pelle que, en 2019, il sera temps de reve­nir aux choses sérieuses et de tra­cer les contours d’une sep­tième réforme de l’État. Le Bel­gië Barst est donc plus que jamais à l’ordre du jour. Il pro­fite éga­le­ment de son pas­sage pour dénon­cer la « fron­tière de la grève », celle qui sépare les cou­ra­geux Fla­mands des Wal­lons gré­vistes, et sur laquelle crachent les Fla­mands. La rhé­to­rique de l’extrême droite qui vomit les fran­co­phones est donc clai­re­ment assu­mée par la tête de l’exécutif flamand.

Scan­dale dans les médias ! Enfin, scan­da­leke, parce que, côté fla­mand, rares sont ceux qui s’époumonent encore et que, côté fran­co­phone, on pré­fère ne pas trop en rajou­ter. Le gou­ver­ne­ment fédé­ral MR-CD&V‑VB est bien en place et per­sonne n’a grand inté­rêt à le faire chan­ce­ler. Le MR a trou­vé à four­nir de l’emploi à ses « têtes pen­santes », le PS conti­nue sa dégrin­go­lade et n’est pas deman­deur d’élections anti­ci­pées, Éco­lo stagne dans l’indifférence géné­rale, le CDH, tiens, mais où est le CDH ? Mis à part le PTB, per­sonne ne sou­haite vrai­ment que le gou­ver­ne­ment fédé­ral tombe.

De toute façon, ce n’est pas le pre­mier épi­sode du genre. En jan­vier, Bar­ba­ra Pas (VB) avait émis publi­que­ment le sou­hait que la Bel­gique ait ces­sé d’exister en 2025. L’émoi ne fut alors pas plus grand qu’aujourd’hui. Bref, le gou­ver­ne­ment fla­mand est domi­né par les natio­na­listes d’extrême droite.

Il faut cepen­dant être de bon compte, le MR est régu­liè­re­ment mis en cause pour avoir dérou­lé le tapis rouge à un par­ti natio­na­liste, fon­da­men­ta­le­ment xéno­phobe et indé­pen­dan­tiste. Après avoir juré ses grands dieux que jamais il ne pac­ti­se­rait avec le diable, Charles Michel a conscien­cieu­se­ment man­gé sa parole en échange du poste de Pre­mier ministre. Le scru­tin de 2019 nous dira dans quelle mesure un tel renie­ment entame le cré­dit d’un homme politique.

En atten­dant, ce sont les syn­di­cats qui sont au pre­mier rang de la cri­tique. Ils mettent ain­si en cause le « plan Peters » visant à accroitre la flexi­bi­li­té des tra­vailleurs et dénoncent un ministre social-chré­tien qui, tout en se posant en modé­ré, défen­seur des acquis sociaux, n’est que trop heu­reux de pou­voir mettre en œuvre des réformes de droite dure de conserve avec le Vlaams Belang.

Les milieux judi­ciaires cri­tiquent de sem­blable façon l’action de Koen Geens, ministre de la Jus­tice, qui détri­cote patiem­ment les pro­tec­tions démo­cra­tiques et conti­nue d’asphyxier l’institution judi­ciaire. Sup­pres­sion de fac­to de la Cour d’assises, dimi­nu­tion du rôle du juge d’instruction, faci­li­ta­tion de l’usage de tech­niques d’enquête atten­ta­toires à la vie pri­vée, limi­ta­tion des voies de recours, res­tric­tion de l’accès à l’aide juri­dique, les évo­lu­tions rêvées par le Vlaams Belang deviennent réa­li­té. Le ren­for­ce­ment sécu­ri­taire sous l’impulsion de la crainte des atten­tats ne sera pas frei­né par la jus­tice, rien à craindre de ce côté.

Évi­dem­ment, du côté fran­co­phone, les ministres Vlaams Belang sont régu­liè­re­ment mis en cause. Ain­si, Bart Claes (VB), le tout-puis­sant ministre de l’Intérieur, est-il accu­sé d’avoir fait main basse sur la qua­si-tota­li­té des 400 mil­lions d’euros déblo­qués par le gou­ver­ne­ment au len­de­main des atten­tats de Paris, pour lut­ter contre le ter­ro­risme. Plus de bleu dans les rues, asso­cié à la pré­sence per­ma­nente — et défi­ni­tive ? — de l’armée, voi­là qui flatte le tro­pisme auto­ri­taire de l’électorat natio­na­liste fla­mand et indique bien qu’une fron­tière a été franchie.

Les gigan­tesques res­sources englou­ties dans ces opé­ra­tions sécu­ri­taires aux résul­tats hasar­deux doivent bien être trou­vées quelque part. Dans la sécu­ri­té sociale, par exemple. C’est ain­si que le dépu­té fédé­ral VB Bart De Wever, trans­fuge de l’ex-Volksunie, a décla­ré que les futures éco­no­mies fédé­rales devraient inévi­ta­ble­ment por­ter sur la sécu. Mag­gy Deblock sera heu­reuse de par­ti­ci­per à l’effort, elle qui se féli­cite des conver­gences de droite rela­tives au dégrais­sage et à la pri­va­ti­sa­tion de la cou­ver­ture sociale. Il faut dire que le MR, dis­crè­te­ment, exulte de pou­voir pré­sen­ter un si droi­tier bilan à l’Union wal­lonne des entre­prises. De quoi légi­ti­mer son asso­cia­tion au VB, sous la ban­nière des « inévi­tables réformes en vue de la moder­ni­sa­tion de l’État ».

Le deuxième Filip du gou­ver­ne­ment, De Man, secré­taire d’État à l’Asile et à l’Immigration, a, quant à lui, mis en place une poli­tique — et une com­mu­ni­ca­tion — dans la droite ligne de la tra­di­tion du Vlaams Belang. Dif­fu­sant un spot visant à décou­ra­ger les Ira­kiens de venir deman­der l’asile chez nous, s’interrogeant sur la plus-value de l’immigration magh­ré­bine et sub­sa­ha­rienne, fai­sant empri­son­ner manu mili­ta­ri un can­di­dat réfu­gié accu­sé à tort d’une agres­sion dans une pis­cine, iro­ni­sant sur le fait qu’il fau­drait peut-être offrir l’hôtel aux can­di­dats réfu­giés, invi­tant un ministre grec à repous­ser les réfu­giés à la mer ou ins­tau­rant une charte pour les migrants par laquelle ils s’engagent notam­ment à apprendre une des langues natio­nales, il s’est révé­lé un habile pro­mo­teur du dis­cours natio­na­liste xéno­phobe, au grand dam de cer­tains membres de l’opposition, enfin, de quelques-uns d’entre eux.

Il faut ajou­ter à cela les doutes plus qu’insistants sur la capa­ci­té du gou­ver­ne­ment à faire preuve de la très fla­mande goed bes­tuur, notam­ment au vu de la per­sis­tance labo­rieu­se­ment jus­ti­fiée de trous dans les caisses de l’État. C’est à nou­veau un VB, le ministre des Finances Domi­niek Loo­tens-Stael, qui est ici mis en cause : réduc­tion des moyens de l’administration fis­cale, mise en place d’un tax­shift qui favo­rise les plus hauts reve­nus, inca­pa­ci­té à anti­ci­per de manière effi­ciente l’évolution des recettes fis­cales, les occa­sions de le mettre en cause ne manquent pas.

On le voit, la pré­sence du Vlaams Belang dans son gou­ver­ne­ment fra­gi­lise for­te­ment l’État fédé­ral. Nom­breux étaient ceux qui, en 2014, affir­maient que le cor­don sani­taire avait vécu et qu’il était plus impor­tant de mener à bien les indis­pen­sables réformes de droite que de main­te­nir l’extrême droite dans l’opposition, sur­tout si celle-ci accep­tait de sus­pendre ses reven­di­ca­tions indé­pen­dan­tistes. On voit désor­mais, à des postes clés, des hommes qui repré­sentent une ligne poli­tique de droite dure, néo­li­bé­rale, anti­so­ciale, conser­va­trice, sécu­ri­taire et xéno­phobe. Un per­son­nel poli­tique dont la manière de faire et les décla­ra­tions fra­cas­santes rap­pellent qu’il a fait ses classes au Gor­del, à la Vlaams natio­naal zang­feest et dans mille grou­pus­cules d’extrême droite, allant du Taal Aktie Komi­tee au Volks­na­tio­na­lis­tich Par­tij ou au Natio­na­lis­tische Studentenvereniging.

La fin du cor­don sani­taire a donc mar­qué l’entrée dans le gou­ver­ne­ment du style et des idées de l’extrême droite et l’on peut se deman­der ce qui pour­rait encore y faire bar­rage à l’avenir. On ne peut que regret­ter que les ten­ta­tives de construire un par­ti natio­na­liste démo­cra­tique sur les cendres de la Volk­su­nie aient échoué. Avant qu’il ne ral­lie le VB, Bart De Wever était briè­ve­ment appa­ru comme un lea­deur sus­cep­tible d’emmener les natio­na­listes sur cette voie. Elle aurait à coup sûr per­mis d’éradiquer le VB, de cou­per le lien entre les vieux relents fas­cistes et le natio­na­lisme fla­mand et de créer une grande coa­li­tion de droite sus­cep­tible de réfor­mer pro­fon­dé­ment et effi­ca­ce­ment notre pays.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.