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Pour un emballage neutre du personnel politique
La question de la neutralité est plus que jamais au cœur du débat politique riche et passionnant qui est le nôtre. Encore récemment, à l’annonce de la possible désignation d’une femme voilée comme échevine Vooruit à Molenbeek, le MR est monté au créneau pour défendre notre démocratie. Son président a ainsi courageusement déclaré : « Être échevine et porter un signe convictionnel sont des éléments incompatibles. Nous souhaitons la neutralité de l’administration ». Sautant dans le train en marche, le président de Défi entonna aussi une ode à la neutralité.
La question de la neutralité est plus que jamais au cœur du débat politique riche et passionnant qui est le nôtre. Encore récemment, à l’annonce de la possible désignation d’une femme voilée comme échevine Vooruit à Molenbeek, le MR est monté au créneau pour défendre notre démocratie. Son président a ainsi courageusement déclaré : « Être échevine et porter un signe convictionnel sont des éléments incompatibles. Nous souhaitons la neutralité de l’administration ». Sautant dans le train en marche, le président de Défi entonna aussi une ode à la neutralité.
Certes, des esprits chagrins ont fait observer que la fonction d’échevine est une charge politique et que c’est à l’administration que s’impose l’obligation de neutralité. Une fois de plus, les gauchistes, idiots utiles des Frères musulmans, ont raté le coche. Nos deux héros ne confondent pas, ils sont de puissants visionnaires. Oui, imposer aux échevins (et plus particulièrement aux échevines, musulmanes, issues de l’immigration et voilées) une neutralité d’apparence est avant-gardiste !
Il est en effet grand temps d’en finir avec les élus (et les élues, surtout) prétendant avoir des idées, des principes ou des valeurs. Qu’ils s’en prévalent à l’occasion, pourquoi pas, mais affirmer qu’ils n’en démordront pas, qu’ils les considèrent comme participant de la définition profonde de leur être, non !
Faute de pouvoir s’assurer du manque total de convictions des élus (et des élues, surtout), nos deux défenseurs ont raison, a minima, d’exiger qu’ils (et elles, surtout) s’abstiennent de toute manifestation pouvant donner à penser qu’ils (et elles, surtout) en ont.
Au fond, les fonctions politiques ne diffèrent en rien des fonctions de gestion et d’administration ! Le personnel politique n’est pas choisi par les citoyens pour changer quoi que ce soit à un monde qui nous donne entière satisfaction, mais pour gérer les affaires publiques en bons pères de famille (et, à la rigueur, en bonnes mères de famille, même si…). Rien de plus. Dans ce cas, les échevins (et échevines, même si…) ne sont que des prolongements de l’administration et, pour qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle technocratique, il importe qu’ils soient les plus incolores, inodores et insipides possible. Et qu’ils portent un costume (ou un tailleur, même si…).
Le port du voile est à cet égard parfaitement inadmissible car, outre qu’il est porté par une femme, il signale la croyance en un absolu, à mille lieues de la saine foi en l’importance de la bonne tenue des comptes publics, de l’organisation rigoureuse de l’administration et de la rédaction sourcilleuse des PV de réunions.
Cependant, intervenir lorsqu’une femme voilée prétend devenir échevine est par trop tardif ! Il faut prendre le mal à la racine ! Permettre aux citoyens de soutenir des hommes et femmes politiques sur la base de leurs convictions serait extrêmement dangereux ! Non seulement, cela encourage les candidats à avoir des idées, mais en outre, ça nuit à leur interchangeabilité au sein de l’organigramme démocratique. Les sains principes du management démocratique imposent en effet que les individus soient librement interchangeables et que la production du système ne soit affectée ni en qualité ni en quantité par le remplacement d’un pion par un autre. Imagine-t-on que les actions d’une commune puissent varier en fonction des personnes qui composeraient son collège échevinal ?
On le voit, les précités cadors n’ont pas poussé leur logique jusqu’à ses ultimes conséquences. L’avenir, c’est l’adoption d’un paquet neutre pour les produits politiques. Il faut en effet prendre exemple sur l’interdiction de la publicité pour le tabac et sur ses corollaires. Afin d’éviter que l’apposition de marques ou de signes sur les paquets de cigarettes ne séduise les consommateurs et ne les incite à fumer, on a imposé un emballage neutre, ne reprenant aucune marque distinctive. En outre, furent proscrites les appellations telles que « light », susceptibles de faire croire à une moindre nocivité. De même, pour éviter que des promesses d’un monde meilleur – ou tout simplement différent – ne fassent rêver les citoyens, ne suscitent chez eux l’espoir, ne les rendent dépendants de l’idée que l’ordre actuel est contestable, il faut empêcher les partis politiques d’afficher des positions, des convictions, bref quoi que ce soit d’attentatoire à la neutralité.
Imaginez que les électeurs viennent à penser que le PS puisse être socialiste et le MRlibéral. Songez qu’ils pourraient croire que Vooruit est partisan du progrès ou que Défi est prêt à en relever, voire que Les Engagés se sont engagés à quoi que ce soit… Il n’en faudrait pas davantage, une fois ces promesses rapportées à leur action, pour miner la confiance dans le personnel politique, dans nos institutions et, en fin de compte, dans la démocratie.
Il est donc grand temps d’imposer un emballage neutre pour le personnel politique et de proscrire l’usage de termes trompeurs tels que « socialistes », « réformateurs » ou « écologistes ». Ainsi, dépouillé de sa rose et de son poing levé, qui pourrait encore penser qu’Elio Di Rupo puisse avoir un quelconque lien avec le socialisme ? Et qui croirait que Sammy Mahdi entretient un rapport quelconque, ne serait-ce que philosophique, avec le christianisme ?
Ce pas essentiel doit être franchi au plus vite. Il sera ensuite temps de songer à apposer sur les affiches électorales des photos standardisées illustrant les ravages des convictions politiques (manifestations, révolutions, contestation des privilèges des puissants, etc.), ainsi que des slogans tels que « penser tue », « les convictions provoquent une hausse de la tension et des risques de tachycardie », « rêver nuit au capitalisme », « manifester occasionne des coups de matraque », et ainsi de suite.