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Portugal, un pays qui meurt

Numéro 11 Novembre 2012 par Sofia Amaro

novembre 2012

Si le chô­mage qui touche la jeu­nesse euro­péenne est un fléau, la situa­tion au Por­tu­gal est pire encore. Avec un chô­mage des jeunes de près de 36,6% en aug­men­ta­tion de 8% depuis le mois d’avril de l’année der­nière, la plus forte hausse de l’Union euro­péenne, et 15,2 en géné­ral ; la pré­ca­ri­té, où les seules offres d’emploi […]

Si le chô­mage qui touche la jeu­nesse euro­péenne est un fléau, la situa­tion au Por­tu­gal est pire encore. Avec un chô­mage des jeunes de près de 36,6% en aug­men­ta­tion de 8% depuis le mois d’avril de l’année der­nière, la plus forte hausse de l’Union euro­péenne, et 15,2 en géné­ral ; la pré­ca­ri­té, où les seules offres d’emploi sont tem­po­raires et infé­rieures au salaire mini­mum (400 euros); les coupes finan­cières dans les pres­ta­tions sociales — la moi­tié des chô­meurs por­tu­gais sans aucune allo­ca­tion est à la mer­ci de la cha­ri­té —, le futur se résume à l’indigence et à l’absence d’horizon. Nous n’avons plus d’espoir, et le temps ne joue pas en notre faveur, puisque tous les fac­teurs, en par­ti­cu­lier ceux qui sont impo­sés par les mesures d’austérité, sont de la res­pon­sa­bi­li­té d’un gou­ver­ne­ment de coa­li­tion de droite for­mé par le Par­ti social-démo­cate (PSD) et le Par­ti popu­laire (CDS-PP) et de la troï­ka des bailleurs de fond (UE-FMI-BCE), plon­geant le peuple à la limite du désespoir.

Faillites des petites et moyennes entre­prises, des­truc­tion mas­sive du tis­su éco­no­mique, aug­men­ta­tion expo­nen­tielle d’impôts, coupes dans l’éducation qui sont déjà trois fois supé­rieures aux recom­man­da­tions de la troï­ka, accen­tuent l’asymétrie entre les classes, parce que seuls les riches ont accès à l’éducation et à la san­té. Résul­tat : le décro­chage sco­laire est ana­logue à celui de la deuxième répu­blique (1933 à 1974), avec des réduc­tions des aides pour les repas sco­laires et les trans­ports. Le taux d’abandon place le pays au troi­sième rang de l’Union euro­péenne, après Malte et l’Espagne. De plus, les allo­ca­tions fami­liales sont sup­pri­mées pour les ménages qui ont un reve­nu supé­rieur ou égal à 600 euros par mois, ce que le gou­ver­ne­ment semble consi­dé­rer comme une véri­table richesse.

Le minis­tère de l’Éducation, à son tour, a déci­dé d’augmenter le nombre d’élèves par classe, ce qui a déclen­ché un chô­mage catas­tro­phique chez les ensei­gnants (177,5%). Et jusqu’au mois d’aout, 673.421 ensei­gnants ont été enre­gis­trés dans les centres d’emploi, C’est la caté­go­rie sociale qui, cette année, a connu la plus forte aug­men­ta­tion du taux de chô­mage. Outre le nombre d’étudiants, il y a eu une réduc­tion des dis­ci­plines dans le pro­gramme sco­laire de base. Le por­tu­gais et les mathé­ma­tiques doivent être main­te­nus, selon le ministre de l’Éducation. Pour le reste des matières, c’est de l’histoire ancienne…

La der­nière mesure a été l’approbation par le conseil des ministres d’une pro­po­si­tion de réduc­tion dras­tique des bud­gets de la san­té, en par­ti­cu­lier dans le trai­te­ment du can­cer, du VIH et des mala­dies chro­niques, ce qui va aug­men­ter le taux de mor­bi­di­té et de souf­france comme il y a trente ans d’ici. Des gens meurent du can­cer, vic­times de trai­te­ments moins cou­teux et moins effi­caces, des thé­ra­pies tota­le­ment obso­lètes sont uti­li­sées dans le trai­te­ment du VIH, ce qui, au-delà de la mor­ta­li­té, va trans­for­mer une pan­dé­mie en fata­li­té. Ceci dans un pays avec un des taux de nata­li­té le plus bas au monde. Nous sommes lit­té­ra­le­ment en train de mourir.

Le Por­tu­gal est un pays rava­gé par les lob­bies éco­no­miques et les groupes poli­tiques, qui répandent le chaos et la peur pour pou­voir pro­fi­ter de ses res­sources. N’ayant plus de réelle sou­ve­rai­ne­té et sou­mis à des groupes d’intérêt affran­chis de tout sens de l’éthique, le pays est obli­gé de payer une dette qui n’a pas été contrac­tée par le peuple por­tu­gais — mais pour fice­ler des affaires oné­reuses (par­te­na­riats public-pri­vés, finan­ce­ment de la banque BPN, achat frau­du­leux de sous-marins à l’Allemagne) — et, main­te­nant, des inté­rêts exor­bi­tants impo­sés par le FMI et les autres inves­tis­seurs. Et au milieu de ce chaos, dont les causes exo­gènes s’additionnent aux fai­blesses endé­miques du sys­tème, le conseil du chef de l’État est de quit­ter le confort et d’émigrer. Cepen­dant, le sort s’est retour­né contre le sor­cier et la seule chose que les Por­tu­gais demandent, c’est que ce gou­ver­ne­ment émigre lui-même. Maintenant !

Sofia Amaro


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