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Poétique politique

Numéro 7 Novembre 2024 par Jénia Berkovitch

novembre 2024

Evgue­nia (« Jénia ») Ber­ko­vitch est dra­ma­turge, met­teuse en scène (lau­réate de plu­sieurs prix pres­ti­gieux), libret­tiste, tra­duc­trice et éga­le­ment poé­tesse russe. Un recueil de ses poèmes, illus­tré par Sve­ta Nagae­va, est paru en 2023 en russe aux édi­tions Kni­ga Sefer en Israël, dans la col­lec­tion « impres­sions libres », spé­cia­le­ment consa­crée aux ouvrages impu­bliables en Rus­sie depuis février 2022. Jénia Berkovitch […]

Italique

Evgue­nia (« Jénia ») Ber­ko­vitch est dra­ma­turge, met­teuse en scène (lau­réate de plu­sieurs prix pres­ti­gieux), libret­tiste, tra­duc­trice et éga­le­ment poé­tesse russe. Un recueil de ses poèmes, illus­tré par Sve­ta Nagae­va, est paru en 2023 en russe aux édi­tions Kni­ga Sefer en Israël, dans la col­lec­tion « impres­sions libres », spé­cia­le­ment consa­crée aux ouvrages impu­bliables en Rus­sie depuis février 2022.

Jénia Ber­ko­vitch est en déten­tion depuis mai 2023, accu­sée d’« apo­lo­gie du ter­ro­risme » pour avoir mon­té le spec­tacle Finist, le clair fau­con1, tout comme Svet­la­na Petriït­chouk, l’autrice de cette pièce. Celle-ci raconte l’histoire de femmes russes recru­tées sur Inter­net par des isla­mistes en Syrie et par­ties les rejoindre pour les épou­ser. Par­mi les chefs d’accusation, celui de fémi­nisme radi­cal côtoie celui d’islamisme radi­cal. Le 8 juillet 2024, le juge a pro­non­cé son ver­dict : six ans de colo­nie péni­ten­tiaire chacune.

Ce pro­cès absurde est de toute évi­dence des­ti­né à effrayer les artistes, à faire taire celles et ceux qui sont resté·es en Rus­sie, mais refusent d’être com­plices du crime mons­trueux per­pé­tré par le régime russe qu’est la guerre contre l’Ukraine. Le juge a ins­tru­men­ta­li­sé les récom­penses pres­ti­gieuses décer­nées à cette pièce – elle avait en effet reçu deux Masques d’or en Rus­sie – pour « démon­trer » que la « rus­so­pho­bie » de Finist est en fait le signe de la « déca­dence géné­rale » du théâtre indé­pen­dant. Dif­fi­cile donc de ne pas consi­dé­rer ce pro­cès comme emblé­ma­tique de la répres­sion qui s’abat sur les acteur·ices de la culture pre­nant posi­tion contre les actions du Krem­lin. Svet­la­na Petriït­chouk et Jénia Ber­ko­vitch n’ont pas caché leurs opi­nions anti-guerre, et Jénia a publié sur Inter­net plu­sieurs poèmes pour dénon­cer le conflit et la poli­tique russe, qu’elle lisait en fin de repré­sen­ta­tion. Pour faire connaître cette « poé­tique poli­tique », Nas­ta­sia Dahu­ron a sélec­tion­né cinq poèmes qu’elle pré­sente, com­mente et tra­duit avec Eva Gra­pho­va (pseu­do­nyme) pour La Revue Nou­velle.

 

Все вагоны, эшелоны.

Были вместе, стали врозь.

Девять месяцев прошло, но

Ничего не родилось.

 

Кроме грязи под ногами,

Кроме пыли по углам.

И дома, как оригами,

Пополам и пополам.

 

Ночь бездонного бездонней,

Небо — алого алей.

Девять месяцев бездомных,

Девять вечных февралей.

 

И несутся дроны-птицы,

И беспечен их полёт,

Поглядеть, как смерть родится

И рождение умрёт.

26 ноября 2022 г.

 

 

Tout est wagons et convois.

Nos voies se sont séparées.

Il s’est écou­lé neuf mois,

Et cepen­dant rien n’est né.

 

Sauf des coins sales et gris,

Sauf de la boue sous les pieds.

Des mai­sons origamis,

Pliées, pliées, repliées.

 

Une nuit gouffre sans fond,

Un ciel rouge ardent brasier.

Neuf mois de gens sans maison,

Neuf éter­nels févriers.

 

Des oisillons à rotors,

Filant avec insouciance

Regar­der naître la mort

Et mou­rir toute naissance.

26 novembre 2022

 

Tra­duit du russe par N. Dahuron.

 


On trouve dans le poème ci-après deux réfé­rences à l’écrivain et poète Boris Pas­ter­nak. « Je ne l’ai pas lu, moi, mais j’ai mon mot » est en russe une expres­sion cou­rante appa­rue après l’attribution à Pas­ter­nak en 1958 du prix Nobel de lit­té­ra­ture pour Le Doc­teur Jiva­go. Le roman étant inter­dit en URSS, ses détrac­teurs affi­chèrent allè­gre­ment leur opi­nion, tout en niant l’avoir lu. Et les deux der­niers vers font écho à l’un de ses poèmes, écrit en 1912.

 

Зимотворенье во дворе,

Метельный заверт.

А ты, как муха в янтаре,

Навеки заперт.

 

И ты молчишь, и он, и я,

И с ним, и с нею,

Чтоб не услышали друзья,

Врагов страшнее.

 

Они расставят по местам,

Собьются в стаю.

Вот я, конечно, не читал,

Но осуждаю.

 

И нас опять пугает чёрт

Своим Малютой.

А время медленно течёт,

Но снова лютый.

 

Метет, метёт по всей земле

Зараза волчья.

Сиди, как муха в феврале,

Темно и молча.

 

И слова чтоб не обронил

На человечьем,

Февраль. Пора достать чернил.

А плакать нечем.

февраль 2023 г.

 

 

Dehors l’hiver en train d’œuvrer,

Neige en tournis.

Tu t’es muré – mouche enfermée

Dans l’ambre – à vie.

 

Et tu te tais ; et elle, et moi ;

Et avec lui ;

Que l’ennemi n’entende pas,

Pire – l’ami.

 

En ordre ils vont mettre tout ça,

Le beau troupeau.

Bien sûr, « je ne l’ai pas lu, moi,

Mais j’ai mon mot ».

 

Et le démon sème l’effroi,

Res­sort ses brutes.

Le temps est long, or revoilà

Février rude.

 

Les loups balaient le monde entier,

Leur peste court.

Reste donc mouche en février :

Aveugle et sourd.

 

Et qu’aucun mot qui te viendrait

Ne sonne humain,

Février. Sor­tons l’encre. Mais

Pour pleu­rer – rien2.

février 2023

 

Tra­duit du russe par N. Dahuron.

 


En mars 2022, lors du siège de la ville ukrai­nienne de Mariou­pol, les forces russes ont bom­bar­dé le Théâtre d’art dra­ma­tique, où s’abritaient des cen­taines de civils, dont de nom­breux enfants. Elles en ont reje­té la res­pon­sa­bi­li­té sur le bataillon ukrai­nien Azov3. Des spé­cia­listes en balis­tique d’Amnesty Inter­na­tio­nal affirment cepen­dant que le théâtre n’a pas pu être détruit de l’intérieur par ce bataillon, et l’OSCE qua­li­fie de crimes de guerre ce type d’attaque4.

La poé­tesse tourne ici en déri­sion à la fois la pro­pa­gande russe, qui invente des expli­ca­tions fumeuses pour mas­quer ses crimes, et les « cour­ti­sans » du Krem­lin qui, se trans­for­mant en comiques trou­piers, s’empressent de se pro­duire dans les ter­ri­toires annexés ou sur le front afin de gagner les faveurs des auto­ri­tés et de rafler quelques décorations.

 


Рыбы

Власти ДНР заявили, что тяжелый запах в Мариупольском драмтеатре и вокруг него связан не с оставшимися там телами погибших при бомбежке здания людей, а с залежами рыбы в подвале. А сам театр никто не бомбил, его взорвали изнутри националисты-бойцы Азова

Что ж.

Любите ли вы театр так, как его любят рыбы ?

В каждом театре их много :

Огромные манты-глыбы,

И окуни, и средних размеров карпы,

И камбалы, плоские, как игральные карты,

И смешливые тропические рыбёшки,

И всякая мелочь, какую не дашь и кошке.

Все они совершенно неповторимы :

Везде есть рыбы-массовка и рыбы-примы,

Есть рыба-помреж, с зубастой, но доброй пастью,

Есть жадная, хитрая рыба — зав. постановочной частью,

И в каждом театре есть Начальник Пожарной Безопасности Пётр.

Осётр.

В костюмерке есть рыба-ремень,

В буфете есть рыба-капля…

Обычно они выплывают после спектакля,

Тянутся косяками откуда-то из подвала,

Когда протрубит им раковина-зазывала,

Когда в коридорах становится менее людно,

Плывут и глядят на двуногих, покидающих это судно,

Глядят, как распахивается сияющая утроба,

И стаи людей вытекают из гардероба.

А если некоторые остались лежать в подвале,

То они не умерли, их рыбы к себе позвали,

И там они все ныряют среди кораллов,

Гораздо живее некоторых генералов,

Рыбы им улыбаются с каждой коралловой ветки,

Вкусные водоросли им подают креветки,

А сверху ходят заслуженные и народные.

Холодные. Немые. Глубоководные.

20 июля 2022 г.

 

Les pois­sons

Les auto­ri­tés de la RPD5 ont décla­ré que l’odeur insou­te­nable dans le Théâtre de Mariou­pol et aux alen­tours ne pro­ve­nait pas des corps des vic­times tuées dans le bom­bar­de­ment du bâti­ment, mais de réserves de pois­sons au sous-sol. Il n’aurait nul­le­ment été bom­bar­dé, mais détruit de l’intérieur par les com­bat­tants natio­na­listes d’Azov.

Si vous le dites.

Aimez-vous le théâtre autant que l’aiment les poissons ?

Car dans tous les théâtres, on en trouve à foison :

De colos­sales raies manta,

Des perches et de banales carpes,

Des plies, plates comme des cartes,

De drôles de pois­sons des tropiques,

Et du menu fre­tin, dont même le chat ne vou­drait pas.

Tous sont abso­lu­ment uniques :

On voit par­tout des pois­sons-figu­rants et des poissons-divas,

Un pois­son-assis­tant et sa bouche pleine de dents mais qui ne mordent pas,

Un pois­son-régis­seur, radin et fort malin,

Et, bien sûr, le chef de la sécu­ri­té incen­die : Léon.

L’esturgeon.

Aux cos­tumes, le poisson-ruban,

À la can­tine, le poisson-goutte…

Ils fendent les flots quand retombe le rideau,

De quelque part au sous-sol, ils arrivent par bancs,

Quand la conque de l’aboyeur reten­tit pour eux,

Et quand les cou­loirs se vident du public nombreux,

Ils nagent et voient les bipèdes quit­ter ce navire,

Ils regardent ses entrailles radieuses s’ouvrir,

Et s’écoulant des ves­tiaires, tous ces bancs d’humains.

Et si, cou­chés au sous-sol, il en est res­té certains,

Ils ne sont pas morts : les pois­sons les ont appelés, 

Ils sont tous là à plon­ger par­mi les coraux,

Bien plus vivants que le sont cer­tains généraux,

Et per­chés sur le corail, leur sou­rient tous ces poissons,

Des cre­vettes leur servent des algues extraordinaires,

La sur­face appar­tient aux émé­rites, aux populaires.

Aux froids. Et aux muets. À ceux qui touchent le fond.

20 juillet 2022

 

Tra­duit du russe par N. Dahu­ron et E. Graphova.

Publié pour la pre­mière fois en fran­çais par Desk Russie.

 


Le poème ci-des­sous, dit « du grand-père », est sans doute l’un des plus connus de Jénia Ber­ko­vitch. Il a été mis en voix et en chan­son par plu­sieurs artistes, et acti­ve­ment par­ta­gé sur les réseaux sociaux. En effet, il cri­tique deux des plus puis­sants ins­tru­ments de la pro­pa­gande guer­rière du Krem­lin : la com­mé­mo­ra­tion et la sym­bo­lique6.  La lettre Z est l’un des sym­boles actuels deve­nus for­tui­te­ment ou à des­sein viraux, repro­duits sous de mul­tiples formes pour expri­mer un sou­tien à « l’opération mili­taire spé­ciale »7.

 

То ли новостей перебрал,

То ли вина в обед,

Только ночью к Сергею пришёл его воевавший дед.

Сел на икеевскую табуретку, спиной заслоняя двор

За окном. У меня, говорит, к тебе,

Серёженька, разговор.

Не мог бы ты, дорогой мой, любимый внук,

Никогда, ничего не писать обо мне в фейсбук ?

Ни в каком контексте, ни с буквой зэт, ни без буквы зэт,

Просто возьми и не делай этого, просит дед.

Никаких побед моим именем,

Вообще никаких побед.

Так же, он продолжает, я был бы рад,

Если бы ты не носил меня на парад,

Я прошу тебя очень – и делает так рукой –

Мне не нужен полк,

Ни бессмертный, ни смертный, Серёженька, никакой.

Отпусти меня на покой, Серёжа,

Я заслужил покой.

Да, я знаю, что ты трудяга, умница, либерал,

Ты всё это не выбирал,

Но ведь я‑то тоже не выбирал !

Мы прожили жизнь,

Тяжёлую, но одну.

Можно мы больше не будем

Иллюстрировать вам войну ?

Мы уже всё, ребята,

Нас забрала земля.

Можно вы как-то сами ?

Как-то уже с нуля ?

Не нужна нам ни ваша гордость,

Ни ваш потаённый стыд.

Я прошу тебя, сделай так,

Чтоб я был наконец забыт.

— Но ведь я забуду, как в русском музее

Мы ловили девятый вал,

Как я проснулся мокрый,

А ты меня одевал,

Как читали Пришвина,

Как искали в атласе полюса,

Как ты мне объяснял, почему на небе

Такая белая полоса

За любым самолетом,

Как подарил мне

Увеличительное стекло…

— Ничего, отвечает дед,

Исчезая.

Тебе ведь и это не помогло.

май 2022

 

Il avait dû for­cer sur les nouvelles

Ou sur le vin au déjeuner,

Mais cette nuit-là, Ser­gueï eut la visite de son grand-père

Qui avait fait la guerre.

Il vint s’asseoir sur un tabou­ret Ikea, cachant la cour derrière

Avec son dos.

Serio­jen­ka, il faut,

Dit-il, que je te dise un mot.

Mon petit-fils ado­ré, mon ché­ri, s’il te plaît,

Veux-tu bien ne jamais rien écrire sur Face­book à mon sujet ?

Dans aucun contexte, ni avec un Z, ni sans cette lettre,

Sim­ple­ment n’écris rien, deman­da l’ancêtre.

Je ne veux pas de vic­toires en mon nom,

Aucune vic­toire, vrai­ment, non.

Et puis, pour­sui­vit-il, je serais comblé

Si tu ne m’emportais pas pour défiler.

Je te le demande de tout cœur ­– il y posa la main –,

Des régi­ments, Seriojenka,

Mor­tels ou immor­tels, je n’en ai nul besoin.

Laisse-moi en paix, Serioja,

J’ai méri­té la paix.

Oui, je sais,

Tu es un bos­seur, une tête, un libre d’esprit,

Tu n’as rien choi­si de tout ceci,

Mais moi non plus, vois-tu, je n’ai rien choisi !

La vie, on l’a vécue,

Elle était dure,

Mais on n’en a qu’une.

Est-ce qu’on pour­rait ne plus

Vous ser­vir à illus­trer la guerre ?

Les gars, nous c’est fini,

La terre nous a repris.

Débrouillez-vous sans nous,

Repar­tez à zéro, plutôt.

Nous n’en vou­lons pas, de votre fierté,

Ni de votre honte cachée.

Fais donc en sorte, je t’en prie,

Qu’enfin, main­te­nant, on m’oublie.

– Mais alors, j’oublierai nos esca­pades au musée russe

Pour attra­per la neu­vième vague8,

Ou mon réveil en nage,

Toi qui viens me changer,

Comme on lisait Pri­ch­vine9,

Comme on cher­chait les pôles sur l’atlas,

Tes expli­ca­tions sur les avions

Qui laissent dans le ciel une trace,

Et quand tu m’as offert

Une loupe à mon anniversaire…

– Pas grave, répon­dit le grand-père,

Dis­pa­rais­sant.

Puisque cela ne t’a ser­vi à rien.

mai 2022

 

Tra­duit du russe par N. Dahuron.

Publié pour la pre­mière fois en fran­çais par Desk Russie.

 


Ce der­nier poème en forme de décla­ma­tion contient cer­taines réfé­rences cultu­relles (hard rock, lit­té­ra­ture), par­ta­gées par nombre de lecteur·rices rus­so­phones de la géné­ra­tion de l’autrice, et des réfé­rences sym­bo­liques très évo­ca­trices. Il y est aus­si ques­tion de l’opposant assas­si­né Alexeï Naval­ny. La fin du poème rend hom­mage à deux per­son­nages impor­tants de l’histoire de la deuxième guerre mon­diale : Karl Jas­pers, le phi­lo­sophe de la « culpa­bi­li­té alle­mande », qui prô­nait la néces­si­té d’une prise de conscience de l’horreur des crimes per­pé­trés, et Janusz Korc­zak, célèbre pour son enga­ge­ment auprès des enfants orphe­lins dépor­tés par les nazis.

 

Там на жёлтой кухне было всё не спорьте

я пытаюсь вспомнить сколько свечек в торте

сколько было ровно сколько было явно

сколько там условно на тарелке яблок

где блокада ада где темно и слепо

где овца без стада где Арцах без света

где желтуха кухонь где провалы спален

горизонт распухнет гарнизон завален

крест черезоконный кот укрылся в ванной

по врагам законом по друзьям кувaлдой

по своим дневальным по чужим котельным

по ШИЗО навaльным по груди нательным

по талонам в руки каждый день отмерен

маленьким по штуке стареньким по вере

над горами ястреб

горы горы горче.

гори-гори, Ясперс.

горе-горе, Корчак.

20 января 2023 г.

 

Dans la cui­sine jaune oui tout y était

j’essaie de revoir fouillant mon esprit

sur chaque gâteau com­bien de bougies

com­bien tom­bant juste com­bien à peu près

com­bien de disons pommes dans l’assiette

où l’obscur aveugle où l’enfer encercle

Kara­bakh bla­ckout bre­bis égarée

jau­nisse des cui­sines chambres écroulées

hori­zon qui penche gar­ni­son qui flanche

du scotch aux car­reaux le chat dans sa cache

enne­mis jugés amis assommés

un œil sur les siens les autres cernés

Naval­ny défiant et la foi déviant

cha­cun ses tickets jour­nées rationnées

une par une cadets ayez foi aînés

plane le rapace

des tristes hauteurs.

brille, brille, Jaspers.

Korc­zak, pleure, pleure.

20 jan­vier 2023

 

Tra­duit du russe par N. Dahu­ron et E. Graphova.

  1. La pièce est parue en fran­çais en 2024 aux édi­tions L’Espace d’un ins­tant, dans une tra­duc­tion d’Antoine Nicolle et Alexis Vadrot. Le spec­tacle sous-titré en fran­çais et un débat ani­mé par Galia Acker­man, direc­trice de rédac­tion de la revue Desk Rus­sie, sont dis­po­nibles sur https://desk-russie.eu/2023/10/22/finist-le-clair-faucon-soiree-debat.html.
  2. Réfé­rence à un vers de Boris Pas­ter­nak (1912), tra­duit du russe par Hen­ri Abril : « Февраль. Достать чернил и плакать ! » « Février. De l’encre et des larmes ! »
  3. Pour plus d’informations sur ce bataillon contro­ver­sé, voyez l’article d’Adrien Non­jon, « Le régi­ment Azov, l’épouvantail ukrai­nien au cœur de la rhé­to­rique de “déna­zi­fi­ca­tion” russe », The Conver­sa­tion, 17/10/2023.
  4. Cf. le rap­port sur les vio­la­tions du droit huma­ni­taire de l’OSCE du 5/04/22 (https://www.osce.org/files/f/documents/f/a/515868.pdf) et l’enquête d’Amnesty Inter­na­tio­nal du 30/06/22 (https://www.amnesty.org/en/documents/eur50/5713/2022/en/).
  5. Répu­blique popu­laire de Donetsk
  6. Outil de glo­ri­fi­ca­tion des sol­dats sovié­tiques et vété­rans de la Grande Guerre patrio­tique (1941 – 1945), le régi­ment immor­tel, dont il est ques­tion ici, est une marche où l’on exhibe les pho­to­gra­phies des membres de sa famille ayant com­bat­tu pen­dant cette guerre.
  7. Appel­la­tion offi­cielle en Rus­sie de la guerre lan­cée contre l’Ukraine.
  8. Allu­sion au célèbre tableau du peintre mari­niste Ivan Aïva­zovs­ki, que l’on peut voir au Musée Russe à Saint-Pétersbourg.
  9. Écri­vain russe et sovié­tique (1873 – 1954), connu sur­tout pour ses nou­velles sur la nature pour la jeunesse.

Jénia Berkovitch


Auteur

est dramaturge, metteuse en scène (lauréate de plusieurs prix prestigieux), librettiste, traductrice et également poétesse russe. Elle est en détention depuis mai 2023, accusée d’« apologie du terrorisme ».