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Pitié pour les Français

Numéro 12 Décembre 2012 par Anathème

décembre 2014

Les Fran­çais me font par­fois pitié. Je sais, ce genre de pro­pos n’est pas très poli­ti­que­ment cor­rect, mais je vous dois la véri­té. Et j’ai pitié. Leur naï­ve­té, leur mal­adresse, leurs colères homé­riques (ou qui se vou­draient telles), leurs prises de posi­tion radi­cales, leurs pieds dans le tapis, leurs roches tar­péiennes, leurs Vol­taire, Rous­seau, De […]

Les Fran­çais me font par­fois pitié. Je sais, ce genre de pro­pos n’est pas très poli­ti­que­ment cor­rect, mais je vous dois la véri­té. Et j’ai pitié. Leur naï­ve­té, leur mal­adresse, leurs colères homé­riques (ou qui se vou­draient telles), leurs prises de posi­tion radi­cales, leurs pieds dans le tapis, leurs roches tar­péiennes, leurs Vol­taire, Rous­seau, De Gaulle…

Je sais, chaque peuple se gou­verne selon son désir et sa culture. Je connais aus­si la modes­tie légen­daire du peuple belge qui cache sa gran­deur et son génie propre sous des abords de sim­plets. Tout de même, pou­vons-nous, alors que nous pos­sé­dons un remède, le refu­ser au malade, alors que nous connais­sons la solu­tion, lais­ser s’égarer plus encore le four­voyé, alors que nous avons le savoir-faire, lais­ser sévir le tâche­ron ? Ne devons-nous pas faire offense à notre réserve et oser le dire fran­che­ment : « À notre avis, nous devrions être un exemple pour le peuple français. »

Nous aurions pu choi­sir le mariage entre homo­sexuels ou l’homoparentalité, les trente-cin­q­heures ou la ques­tion du des­tin inter­na­tio­nal de la France, pre­nons sim­ple­ment l’exemple des élec­tions pré­si­den­tielles à l’UMP. Ce jeune par­ti cherche à se doter d’un lea­deur cha­ris­ma­tique sus­cep­tible de l’emporter aux pro­chaines pré­si­den­tielles (fran­çaises, celles-là). Deux can­di­dats se lèvent, lèvent des troupes, s’affrontent, font assaut de haine fra­ter­nelle, flirtent avec les fachos, s’encanaillent avec les ultra­li­bé­raux, donnent des gages aux fon­da­men­ta­listes cathos, se fendent de décla­ra­tions fra­cas­santes, s’abreuvent d’anathèmes, se tweet­clashent par « teams » inter­po­sées… Puis vient le jour déci­sif. Qui ne décide de rien.

On se déclare vain­queur avant les résul­tats, on a bour­ré les urnes ici, on a oublié les DOM-TOM là-bas, on recompte, on ne recompte pas, on passe en com­mis­sion de recours, on menace de sai­sir la jus­tice civile, on appelle le grand frère pour dépar­ta­ger les pugi­listes, on lui trouve une sale tête, on s’invective à nou­veau, on se sar­casme réci­pro­que­ment, on accouche péni­ble­ment d’un maigre pro­jet de réfé­ren­dum interne sur la néces­si­té de pro­cé­der à de nou­velles élec­tions. Un plé­bis­cite à la De Gaulle, le képi et la gran­deur en moins.

Pitoyable fias­co.

Mais quelle pau­vre­té que celle de l’univers poli­tique fran­çais ! Et encore, « poli­tique », le grand mot que voi­là pour de tels enfan­tillages ! Nous qui savons ce que faire de la poli­tique veut dire, réser­vons ce type de pro­cé­dés à l’élection du pré­sident de notre club de nata­tion ou d’un délé­gué de classe.

Je sais com­bien cette idée peut être contro­ver­sée, mais face à tant de salive ver­sée en vain, il me semble que notre grande Nation se doit d’intervenir, de mon­trer la voie de la civi­li­sa­tion à cette peu­plade recu­lée. Au titre de l’intervention huma­ni­taire, il est temps que sonne, en France, l’heure de la démo­cra­tie. Fût-ce à l’initiative de la Belgique.

Car les solu­tions existent, nous les éprou­vons depuis de longues décen­nies : infor­ma­teurs, for­ma­teurs, démi­neurs, négo­cia­teurs, paci­fi­ca­teurs, affa­bu­la­teurs, pro­vo­ca­teurs, sher­pas, com­mis­sions diverses, conseil des sages, ministres au ren­cart, son­nettes d’alarme, pro­cé­dures en conflit d’intérêt, com­pro­mis et com­pro­mis­sions, der­nières chances avant la toute der­nière chance, der­nières lignes droites, conclaves, kerns, accords pré­élec­to­raux, renie­ments, coa­li­tions en tous genres, cor­dons sani­taires, nuits déci­sives, accords sur tout ou sur rien, accords sur la méthode de tra­vail, col­lèges d’experts, copré­si­dents, pactes cultu­rels, accords de la Saint-Poly­carpe… Grâce à ces mer­veilles issues du génie belge, nous fai­sons coha­bi­ter dans notre doux pays chré­tiens conser­va­teurs et laï­cards rabiques, natio­na­listes-à-bras­sard et social-traitres cumu­lards, citoyens-frau­deurs et État ten­ta­cu­laire, fans de for­mule 1 et éco­lo­gistes bêlants, sicaires du droit des per­sonnes et séides du droit du sol, néer­lan­do­phones dia­lec­taux et fran­co­phones patoi­sants, évêques étri­qués et familles homo­pa­ren­tales, bekende vla­min­gen et famille régnante ami­don­née, assis­tés et popu­listes… Bref, l’eau et le feu. Sans morts, ou presque. Sans guerre. Sans débat. Sans ambi­tion. En paix.

Grâce à B‑FAST, nos ser­vices pour­raient être sur le ter­rain en quelques heures. Il suf­fit d’en don­ner l’ordre et de régler quelques détails pra­tiques. À ce pro­pos, une com­mis­sion devra être créée, pour dési­gner un panel d’experts dont le rap­port ser­vi­ra de base à une recom­man­da­tion d’un comi­té des sages envoyée à un organe de concer­ta­tion inter-régio­nal et à une struc­ture fédé­rale de coor­di­na­tion dont l’objectif sera de déter­mi­ner les lignes direc­trices d’un avant-pro­jet d’arrêté royal por­tant sur l’extension des ser­vices de B‑FAST aux affaires poli­ti­co-lin­guis­ti­co-par­ti­cra­tiques. Alors, nous pour­rons avi­ser. Nous atten­dons à ce sujet le résul­tat d’une négo­cia­tion entre les pré­si­dents des par­tis démocratiques.

Anathème


Auteur

Autrefois roi des rats, puis citoyen ordinaire du Bosquet Joyeux, Anathème s'est vite lassé de la campagne. Revenu à la ville, il pose aujourd'hui le regard lucide d'un monarque sans royaume sur un Royaume sans… enfin, sur le monde des hommes. Son expérience du pouvoir l'incite à la sympathie pour les dirigeants et les puissants, lesquels ont bien de la peine à maintenir un semblant d'ordre dans ce monde qui va à vau-l'eau.