Pas tous les hommes ?

En France, une femme droguée par son mari a été violée jusqu’à nonante fois, par une septantaine d’hommes.

Et elles furent bien plus nombreuses que les hommes, celles qui exprimèrent leur indignation.

Parmi nous, peu réagirent, et de ces quelques-uns, nombreux furent ceux qui cherchèrent à se disculper d’un « pas tous les hommes ».

Et, de fait, pas tous les hommes, mais beaucoup d’hommes. Rien qu’en Espagne, un viol est commis toutes les deux heures^[1] et toutes les femmes que vous connaissez ont mille histoires de violences à raconter.

Alors certes, pas tous les hommes, mais tous des hommes. Des hommes comme vous et moi. Les septante violeurs n’étaient pas des monstres, c’étaient des hommes ordinaires. Ils auraient pu être notre père, notre grand-père, notre frère, notre ami, notre voisin.

Cela pourrait être nous. « Qui ? Moi ? Non, jamais ! » C’est ce que diraient ceux qui violent en temps de guerre. C’est ce qu’a dit la Meute^[2]. C’est ce que disent les accusés dans cette affaire.

Y réfléchir fait froid dans le dos, mais il nous faut éprouver cette peur d’être les agresseurs pour commencer à comprendre celle des femmes. La peur qu’elles ont de nous.

C’est ce que les féministes veulent nous faire comprendre lorsqu’elles affirment que tous les hommes sont des violeurs en puissance. Elles expriment la peur que n’importe quel homme puisse passer à l’acte, car cet homme pourrait être celui qui dort à leurs côtés. Nous devons donc prendre conscience que nous faisons partie des agresseurs pour cesser d’en être.

Quand ils s’en prennent à l’une d’entre nous, ils s’en prennent à nous toutes, disent-elles. Quand l’un de nous s’en prend à l’une d’elles, nous nous en prenons tous à elle, devrions-nous nous dire.

Ce n’est qu’en comprenant que ce que les autres leur font, ils le font en notre nom, que nous commencerons à mettre fin à la violence que nous exerçons. Même si nous ne sommes pas le violeur, le violeur, c’est nous, parce que l’agresseur nous montre du doigt, vous et moi.

Elle fait face, la femme violée, parce que ce n’est pas à elle de porter la honte. Cette honte à laquelle ils se sont dérobés. Elles font face pour toutes. Jusques à quand allons-nous perdre la face ? Jusques à quand allons-nous nous dérober ?

Carne cruda est un podcast d’agitation sociale, de contreculture, de critique politique, d’humour et de musique dirigé par Javier Gallego, dit Crudo. Ce podcast de la République indépendante de la radio est aussi le premier programme radio espagnol financé par ses auditrices et auditeurs.

À écouter sans modération :
https://www.youtube.com/@CarneCrudaCC.

Traduction : Cristal Huerdo Moreno

^[1] | En 2021, la police belge a enregistré plus de 4000 plaintes pour viol. Le moniteur de sécurité indique que seuls 25 % des victimes de violences sexuelles dans un contexte familial, et 16 % des victimes hors du contexte familial, portent plainte. On peut donc considérer, de manière très grossière, que le nombre de viols est vraisemblablement 5 fois plus élevé que le nombre de plaintes, soit 20000 par an. Pour approcher le chiffre donné par Javier Gallego, une femme serait violée toutes les 25 minutes en Belgique. Source : https://cpvs.belgium.be/fr/a‑propos-des-centres-de-prise-en-charge-des-violences-sexuelles ? (N.d.T.)

^[2] | « La Meute », ou la Manada en espagnol, est un groupe d’hommes qui s’est rendu coupable d’un viol collectif très médiatisé en Espagne. Un documentaire a été réalisé sur ce dossier, intitulé « No estás sola : ensemble face à la meute ». Il est visible sur Netflix. (N.d.T.)

Javier Gallego

Auteur

est journaliste, musicien, poète et écrivain espagnol. Il est connu pour être à l’origine de l’émission Carne cruda qu’il réalise et présente depuis plus d’une décennie. En septembre dernier, il a publié son premier roman intitulé La caída del imperio aux éditions Random House.

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