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Pas de parachute doré pour le piquenique

Numéro 4 Avril 2013 par Caroline Van Wynsberghe

avril 2013

C’est à un revi­re­ment de situa­tion inédit que les obser­va­teurs poli­tiques belges viennent d’assister. En effet, la déci­sion est sans pré­cé­dent et a sur­pris plus d’un ana­lyste, sans comp­ter les res­pon­sables poli­tiques. Alors qu’elle était sur le point d’aboutir en séance plé­nière du Par­le­ment bruxel­lois, la majo­ri­té pro­gres­siste vient en effet de reti­rer sa pro­po­si­tion d’ordonnance visant […]

C’est à un revi­re­ment de situa­tion inédit que les obser­va­teurs poli­tiques belges viennent d’assister. En effet, la déci­sion est sans pré­cé­dent et a sur­pris plus d’un ana­lyste, sans comp­ter les res­pon­sables poli­tiques. Alors qu’elle était sur le point d’aboutir en séance plé­nière du Par­le­ment bruxel­lois, la majo­ri­té pro­gres­siste vient en effet de reti­rer sa pro­po­si­tion d’ordonnance visant à rem­pla­cer ponc­tuel­le­ment les conseils com­mu­naux par des assem­blées géné­rales de la popu­la­tion. Aus­si appe­lée loi du pique­nique, elle avait été por­tée à bras-le-corps par plu­sieurs groupes poli­tiques, tra­ver­sant de manière assez excep­tion­nelle la tra­di­tion­nelle ligne de frac­ture majo­ri­té-oppo­si­tion, et ce dès les pre­miers « pic nic the streets » devant la Bourse de Bruxelles l’été dernier. 

Rétro­actes. Ins­pi­rés du modèle suisse, les ini­tia­teurs de la pro­po­si­tion ont sur­fé sur le rela­tif suc­cès de l’initiative de la socié­té civile. Il faut évi­dem­ment se repla­cer dans le contexte du pre­mier été après la crise des 541 jours d’affaires cou­rantes dont la sor­tie avait déjà coïn­ci­dé avec l’organisation du G1000, pre­mier som­met citoyen et pre­mière expé­rience de démo­cra­tie déli­bé­ra­tive à l’échelle natio­nale. Sou­hai­tant trans­for­mer l’essai, les par­le­men­taires pro­po­saient non pas de géné­ra­li­ser la pra­tique de « déso­béis­sance civile » (pro­pos enten­dus en marge de l’évènement domi­ni­cal) en tant que telle, mais de lui trou­ver une appli­ca­tion plus construc­tive et typique de la démo­cra­tie directe. On allie­rait ain­si l’ouverture à tous du pique­nique (contrai­re­ment au G1000 qui se basait sur une métho­do­lo­gie stricte, seule à même d’assurer de la repré­sen­ta­ti­vi­té du public), avec la dimen­sion par­ti­ci­pa­tive. Tous les rési­dents belges (l’élargissement aux étran­gers est pré­vu à terme) de la com­mune concer­née pour­raient ain­si prendre part de manière active à la prise de déci­sion. Cer­taines muni­ci­pa­li­tés suisses valident les demandes de natu­ra­li­sa­tion en pro­cé­dant de la sorte. Des études ont mon­tré que, dans ce cas, le plus grand fac­teur de suc­cès était celui de la natio­na­li­té d’origine. Un Alle­mand ou un Ita­lien étant plus faci­le­ment natu­ra­li­sé qu’un You­go­slave ou un Turc, alors que ceux-ci dis­po­saient de plus de chances si leur dos­sier était trai­té par le conseil com­mu­nal, comme dans d’autres com­munes suisses. Trans­po­sé à la Bel­gique, cela revien­drait à approu­ver la demande de natu­ra­li­sa­tion d’une grande for­tune fran­çaise alors que les avis des auto­ri­tés sont négatifs. 

Des citoyens acteurs 

De spec­ta­teur, le citoyen devient acteur. Selon cette vision, par­ti­cu­liè­re­ment sédui­sante, le citoyen n’est plus seule­ment gou­ver­né, mais éga­le­ment gou­ver­nant. Cette nou­velle posi­tion doit accroitre son inté­rêt pour la poli­tique en l’impliquant régu­liè­re­ment et en sus­ci­tant ain­si une curio­si­té démul­ti­pliée sur des sujets variés. En fili­grane trans­pa­rait l’espoir d’une plus grande légi­ti­mi­té de la décision. 

Ce point pré­ci­sé­ment était contes­té par les oppo­sants qui rap­pe­laient com­bien cette légi­ti­mi­té peut être aléa­toire en cas de scru­tin facul­ta­tif et de faible par­ti­ci­pa­tion, alors même que le vote obli­ga­toire ins­tau­ré à la fin du XIXe siècle vou­lait pal­lier cette carence en garan­tis­sant la plus grande repré­sen­ta­ti­vi­té de l’assemblée élue. Les pro­mo­teurs de la pro­po­si­tion n’ont pas sou­hai­té entendre cet argu­ment, avan­çant que le vote est un droit, une liber­té, et non un devoir, même si cela peut sem­bler en contra­dic­tion avec la volon­té de res­pon­sa­bi­li­ser le citoyen. 

Aujourd’hui, les détrac­teurs évoquent un retour­ne­ment de veste dans le chef des lea­deurs de cette majo­ri­té alter­na­tive, visi­ble­ment échau­dés par le résul­tat miti­gé de la jour­née de vota­tion hel­vète de ce 3 mars. Pour l’observateur belge, rap­pe­lons que l’initiative Min­der (un man­da­taire UDC, par­ti de droite popu­liste) contre les rému­né­ra­tions abu­sives a été approu­vée, tan­dis qu’un arrê­té fédé­ral sur la poli­tique fami­liale (visant à faci­li­ter l’accueil extra­s­co­laire des enfants) a, lui, été rejeté. 

Ce der­nier point, absent des bul­le­tins d’informations en Bel­gique, était d’abord pas­sé inaper­çu alors même que des pro­mo­teurs de la pro­po­si­tion d’ordonnance se réjouis­saient sur les réseaux sociaux du suc­cès du vote inter­di­sant les para­chutes dorés. Après un exa­men plus appro­fon­di des résul­tats com­plets, un délai de réflexion a été accor­dé à chaque groupe poli­tique. En quelque sorte, ils ont dû appli­quer à eux-mêmes le prin­cipe du réfé­ren­dum : sou­hai­tons-nous que des ini­tia­tives por­tées par des mou­ve­ments popu­listes passent alors même que les poli­tiques gou­ver­ne­men­tales pro­gres­sistes et approu­vées par les acteurs de ter­rain sont reca­lées ? Confron­tés à un vrai dilemme, les signa­taires de la pro­po­si­tion ont fina­le­ment pris la déci­sion cou­ra­geuse de ran­ger leur texte dans les archives de leur ordinateur.

Caroline Van Wynsberghe


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