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Parti socialiste. “Positif et prospectif”

Numéro 9 Septembre 2006 par Théo Hachez

septembre 2006

Du pas­sé, fai­sons table rase ! Au len­de­main des com­mu­nales, le par­ti socia­liste espère avoir sur­mon­té sa tour­mente. Quelques chutes spec­ta­cu­laires mais locales, agré­men­tées ici et là d’un bond en avant de l’ex­trême droite, sol­de­raient tous les mau­vais comptes. Avec la sanc­tion des urnes se fer­me­rait la paren­thèse d’un « annus hor­ri­bi­lis » enta­mé sous le signe des […]

Du pas­sé, fai­sons table rase ! Au len­de­main des com­mu­nales, le par­ti socia­liste espère avoir sur­mon­té sa tour­mente. Quelques chutes spec­ta­cu­laires mais locales, agré­men­tées ici et là d’un bond en avant de l’ex­trême droite, sol­de­raient tous les mau­vais comptes. Avec la sanc­tion des urnes se fer­me­rait la paren­thèse d’un « annus hor­ri­bi­lis » enta­mé sous le signe des affaires par les mal­ver­sa­tions de la Caro­lo. Avant de tour­ner la page, n’au­rait-il pas mieux valu la déchif­frer ? C’est qu’on risque de voir s’y pro­fi­ler une catas­trophe que l’on espère évi­ter en la remet­tant tou­jours au len­de­main : telle était aus­si la devise iro­nique du regret­té Ray­mond Devos. Mal­heu­reu­se­ment, les « réno­va­teurs » du par­ti ont fait d’une bou­tade un dogme.

Com­ment aura-t-on élu­dé le débat dont l’ur­gence aurait pour­tant dû s’im­po­ser face à la mul­ti­pli­ca­tion par­ti­cu­liè­re­ment inquié­tante des affaires impli­quant des man­da­taires du Par­ti socia­liste au cours des der­niers mois 1 ? Au prix de deux argu­ments mar­te­lés à l’en­vi : ces agis­se­ments, condam­nés avec autant de retard que de fer­me­té, sont indi­vi­duels et relèvent, aus­si­tôt qu’é­ven­tés, d’un pas­sé archaïque. Du coup, la bana­li­sa­tion est en marche. Le nombre et la diver­si­té des scan­dales cessent aus­si­tôt d’in­ter­ro­ger l’ap­pa­reil et ses res­pon­sables qui affi­che­ront avec le public une conster­na­tion de bon aloi. Toute cri­tique passe alors pour mal­veillante ou ins­pi­rée par une chi­mère de pure­té : n’est-ce pas cruel de s’a­char­ner sur un par­ti déjà frap­pé par le malheur ?

Faits divers

La conclu­sion qui doit faire auto­ri­té, c’est qu’il n’y aurait au PS que quelques bre­bis galeuses. Comme ailleurs, exac­te­ment. Et du moment qu’on ne lui accorde qu’une valeur acci­den­telle, la répé­ti­tion de scé­na­rios sem­blables n’ap­prend rien sur le deuil qui frappe injus­te­ment ce par­ti. Cou­pée de toute autre expli­ca­tion, la mise en cause sta­tis­ti­que­ment plus fré­quente du per­son­nel poli­tique PS est même, à contra­rio, dénon­cée comme sus­pecte par cer­tains : n’est-ce pas curieux que la jus­tice ou les médias s’en prennent tou­jours aux socia­listes ? Chez les inté­res­sés, ce soup­çon se com­bine avec une reven­di­ca­tion d’im­pu­ni­té consi­dé­rée comme un droit acquis de longue date par la pra­tique. Une impu­ni­té que l’on jus­ti­fie en outre par l’au­to­pro­cla­ma­tion d’un bilan favo­rable : ce qui est condam­nable n’est que pec­ca­dille en regard d’un dévoue­ment sans faille à l’in­té­rêt col­lec­tif, qu’il s’a­gisse du club de foot­ball local, de la ville ou de la Région pour laquelle on a tant fait. Le vrai scan­dale au fond, c’est l’in­gra­ti­tude. Et de façon sub­li­mi­nale, dans les débor­de­ments mêmes des man­da­taires, on salue la puis­sance du par­ti et de ses hommes forts, l’im­puis­sance des autres. Trop forts ! C’est ain­si que, chez les têtes pen­santes du par­ti, on avance comme excuse l’exis­tence de majo­ri­tés absolues.

Joue aus­si para­doxa­le­ment en faveur de la bana­li­sa­tion le fait que les pra­tiques mises au jour récem­ment tranchent avec le grand débal­lage des années nonante qu’a­vait entrai­né à sa suite l’as­sas­si­nat, tou­jours peu élu­ci­dé quant à ses mobiles, d’An­dré Cools. La mort d’homme, les connexions avec le milieu, l’im­pli­ca­tion d’un per­son­nel poli­tique d’en­ver­gure natio­nale, la cor­rup­tion avec plu­sieurs zéros, ça avait quand même une autre gueule que ces quelques détour­ne­ments mes­quins et conflits d’in­té­rêt vau­de­vil­lesques. Or, au fond, si elle est moins spec­ta­cu­laire, la mul­ti­pli­ca­tion avé­rée de dérives témoigne, au-delà du spec­ta­cu­laire, de l’im­plan­ta­tion pro­fonde d’un mode de ges­tion local qui tend à inver­ser le rap­port de l’ex­cep­tion à la règle.

Sui­vant la même logique de l’ac­ci­dent, il fau­drait renon­cer à relier entre eux des faits de nature dif­fé­rente et s’ar­rê­ter à une lita­nie incon­sis­tante, sous peine de stig­ma­ti­ser abu­si­ve­ment un par­ti ou de pra­ti­quer l’a­mal­game sour­nois. Entre l’in­digne, le dis­cu­table et l’illé­gal, toute une gamme dans les tons pas­tel. Détour­ne­ments, dépenses somp­tuaires injus­ti­fiées, cumuls plé­tho­riques, abus de pou­voir, népo­tisme : la palette de faits, elle aus­si éten­due, s’offre à des com­bi­nai­sons sub­tiles. Pas tous délic­tueux en effet, mais où l’é­thique ne trouve pas son compte, et encore moins l’é­thique socia­liste. Cer­tains cumuls hal­lu­cinent seule­ment par leur inter­mi­nable énu­mé­ra­tion, tan­dis que d’autres ren­voient à des incom­pa­ti­bi­li­tés mani­festes ou à des conflits d’in­té­rêt tel­le­ment évi­dents qu’on a peine à pen­ser qu’ils aient pu être consciem­ment assu­més sans ver­gogne. S’y ajoute de façon récur­rente la dimen­sion fami­liale ou conju­gale. On ne peut certes empê­cher les enfants d’é­pou­ser la car­rière de leurs parents. Le talent, voire l’é­thos, peuvent évi­dem­ment se trans­mettre et se faire recon­naitre. Mais ces suc­ces­sions filiales, jus­qu’à la consti­tu­tion de dynas­ties ou de clans, s’o­pèrent au sein d’ap­pa­reils dont la démo­cra­tie interne est ouver­te­ment cade­nas­sée : les fiefs sont à la fois le tru­che­ment et l’ob­jet d’un héri­tage. Le par­ti socia­liste ne détient assu­ré­ment pas le mono­pole de toutes ces pra­tiques, mais il est dif­fi­cile de nier que, par ses man­da­taires locaux, il s’en est fait le champion.

Une réserve démoralisante

Les excuses sont légion pour élu­der une dis­cus­sion ouverte dont tire­raient par­ti les « enne­mis de la démo­cra­tie ». Mais la résis­tance qu’on oppose géné­ra­le­ment à un réel débat est elle-même assez faible, tant chez les concur­rents poli­tiques que dans les médias et fina­le­ment dans l’o­pi­nion. Les autres par­tis démo­cra­tiques ont en effet choi­si la modé­ra­tion, pres­sen­tant sans doute qu’une dénon­cia­tion mas­sive de leur adver­saire se retour­ne­rait contre eux-mêmes : per­sonne n’est irré­pro­chable et le soup­çon mas­sif, une fois por­té sur le par­ti domi­nant, ris­que­rait de s’é­tendre au-delà. Domine aus­si la pen­sée que le par­ti socia­liste res­te­ra, mal­gré tout et sans doute pour long­temps encore, le par­te­naire sine qua non de toute par­ti­ci­pa­tion au pou­voir. Un par­te­naire puis­sant qui ven­ge­rait par ses choix futurs une cri­tique qui ne s’a­li­gne­rait pas sur l’op­tion rete­nue par le par­ti : la dénon­cia­tion ponc­tuelle et locale des abus en ques­tion. Enfin, si aucune alliance alter­na­tive ne s’af­firme, c’est sans doute en rai­son aus­si du relai inti­mi­dant que s’est assu­ré le PS dans tout ce qui, hors la repré­sen­ta­tion directe, compte en Wal­lo­nie et à Bruxelles : admi­nis­tra­tions, struc­tures para­pu­bliques et sec­teur privé.

Du côté des médias, le cou­rant domi­nant s’est éga­le­ment tenu à la réserve. L’é­ton­ne­ment et l’in­di­gna­tion dont vivent les rédac­tions ne s’ac­quièrent que sur fond d’une image glo­ba­le­ment favo­rable des acteurs poli­tiques qu’il faut donc recons­ti­tuer qua­si simul­ta­né­ment à mesure qu’on l’en­tame. Comme à la foire, les figures atteintes par les pro­jec­tiles doivent être redres­sées ou rem­pla­cées. Au poids de cette logique se super­pose l’in­fluence effi­cace et plus que pro­por­tion­nelle qu’a pu s’as­su­rer la pre­mière force poli­tique de la Com­mu­nau­té dans les médias d’in­for­ma­tion 2. Si cette influence ne peut conte­nir dans l’ins­tant une défer­lante scan­da­leuse une fois qu’elle est enclen­chée, elle reste de nature à faire ava­li­ser les reca­drages favo­rables. Quant à l’o­pi­nion elle-même, tou­jours dis­po­sée à clai­ron­ner son scep­ti­cisme à l’é­gard du monde poli­tique par des for­mules à l’emporte-pièce, elle est peu encline à y adhé­rer pro­fon­dé­ment. Confor­tée dans ses pré­ju­gés, dans un pre­mier temps, elle est donc pro­fon­dé­ment désta­bi­li­sée lorsque la crise se pro­longe et ne demande rien d’autre alors que de se rac­cro­cher, dans un second temps, aux perches qu’on lui tend, fussent-elles tordues.

Com­prises de la sorte, les « affaires » décou­vertes n’au­ront donc fina­le­ment contri­bué qu’à rabais­ser le seuil du mora­le­ment tolé­rable dans la ges­tion publique. Tel sera le béné­fice de l’i­né­pui­sable indul­gence que s’est acquise sans trop de peine la pre­mière for­ma­tion poli­tique fran­co­phone, y com­pris chez ses adver­saires qu’elle tient en res­pect et qui n’ont vu dans les affaires que quelques oppor­tu­ni­tés locales de raclées électorales.

Dans ce contexte, le rap­pel inces­sant du bilan « glo­ba­le­ment posi­tif » d’un par­ti « fort et effi­cace » et dévoué à l’é­lec­to­rat popu­laire ne laisse à cet élec­to­rat qu’une alter­na­tive : la sou­mis­sion, myope sinon cynique, ou la révolte. Aus­si bien, la lutte contre l’ex­trême droite, jus­ti­fiée en elle-même, prend-elle des allures de caté­chisme inté­res­sé. À sup­po­ser que les qua­si 20 % de chô­meurs wal­lons et bruxel­lois et les béné­fi­ciaires de petites pen­sions se croient satis­faits de la sol­li­ci­tude dont le par­ti socia­liste ferait preuve, plus qu’un autre, à leur égard, il fau­drait donc que ce soit au prix de ces innom­brables cou­leuvres qu’on leur fait ava­ler une à une. C’est, au sens plein et ancien du terme, à une entre­prise de démo­ra­li­sa­tion qu’on a affaire.

La réno­va­tion du silence

Sub­siste l’in­tui­tion que, dans ces révé­la­tions suc­ces­sives, se pré­cisent les contours sous-marins et conti­nus d’un seul et même ice­berg, d’un sys­tème tou­jours bien pré­sent. Ou plu­tôt que, de Liège à Char­le­roi, d’Ath à Dison, des paillettes de la moder­ni­té pré­si­den­tielle au machisme des barons archaïques, plu­sieurs sous-sys­tèmes n’en font tou­jours qu’un seul qui satis­fait tant bien que mal les uns et les autres. Les efforts de bana­li­sa­tion som­maire et la com­plai­sance qu’ils ont ren­con­trée auront certes rame­né ce soup­çon au second plan, mais il n’en conti­nue­ra pas moins, recou­vert seule­ment d’une mince pel­li­cule de poli­ti­que­ment cor­rect, de han­ter les esprits, jusques et y com­pris ceux des « réno­va­teurs » du par­ti socia­liste. Faute d’a­voir mis les points sur les « i », et fina­le­ment de s’être expli­qué la dimen­sion struc­tu­relle de ces affaires, que répondre à ceux qui voient dans le par­ti socia­liste (et plus lar­ge­ment dans le monde poli­tique) une asso­cia­tion de malfaiteurs ?

L’ar­gu­ment qui devrait répondre à cet amal­game, c’est la pro­tes­ta­tion sans cesse répé­tée que tout ce qui est condam­nable n’est que le reli­quat d’un pas­sé qui tient donc lieu de bouc émis­saire. Tant pis pour les géné­ra­tions de mili­tants qui se trouvent ain­si injus­te­ment char­gées de tous les maux, face à une jeu­nesse mon­tante et pure ! Pour que cette dis­con­ti­nui­té entre pas­sé et pré­sent soit cré­dible, il fau­drait encore mar­quer leur fron­tière en dési­gnant clai­re­ment ce qui relève de l’un ou de l’autre. Or, si l’in­ven­taire exact du « pas­sé » se heurte à une sorte d’a­pha­sie (pour ne pas par­ler de loi du silence), les pra­tiques pré­sentes du par­ti réno­vé se chargent de répondre d’une conti­nui­té certaine.

L’ap­pa­reil s’a­vère signi­fi­ca­ti­ve­ment inca­pable de faire lui-même la part du pas­sé et d’as­su­rer la police dans ses rangs. La seule loi du silence conti­nue donc de régner sur des situa­tions dont il est clair à pos­té­rio­ri qu’elles ne pou­vaient être igno­rées : on se limi­te­ra donc à gérer leur publi­ci­té intem­pes­tive. La séré­ni­té rela­tive des lea­deurs se com­prend mieux : rien de neuf, au fond, sauf qu’il faut prendre en compte que désor­mais tout le monde sait. Et sait que tout le monde sait.

La « chasse au par­ve­nu » décla­rée par Elio Di Rupo à l’au­tomne der­nier s’est avé­rée pour le moins dis­crète à l’é­gard de situa­tions qui, décou­vertes publi­que­ment aujourd’­hui, devaient être lar­ge­ment connues de tous. N’est-ce pas assez que cette « pra­tique pré­sente du par­ti » se soit can­ton­née à char­ger de façon tar­dive les per­son­na­li­tés visibles que médias ou jus­tice avaient déjà fait tré­bu­cher, pre­nant la forme d’un lyn­chage final sous l’œil des camé­ras quand les rap­ports de force entre per­son­nel poli­tique local et « natio­nal » le ren­daient oppor­tun ? Aus­si bien, les sanc­tions prises (l’ex­clu­sion de ses rangs) par le par­ti à l’é­gard des barons fau­tifs, voire les révé­la­tions elles-mêmes, appa­raissent-elles loca­le­ment comme des règle­ments de compte dégui­sés. Avec une bonne foi variable, on en donne pour preuve un silence et une impu­ni­té en effet sou­vent acquise de longue date. Et de s’en prendre avec une arro­gance pathé­tique au pré­sident et à sa garde, pour n’a­voir pas pu empê­cher le scan­dale, et même de les accu­ser de l’a­voir fomen­té à des­sein de nuire indi­rec­te­ment à tel ou tel.

Pour­tant, une suite ins­ti­tu­tion­nelle s’est char­gée de don­ner corps à cette rhé­to­rique chasse aux par­ve­nus : un comi­té d’au­dit et un com­mis­saire à la réno­va­tion ont été dési­gnés. L’exis­tence fan­to­ma­tique du pre­mier laisse pen­ser qu’il res­te­ra atta­ché à la légi­ti­ma­tion des règle­ments de compte pré­si­den­tiels. Quant au « jeune et beau » com­mis­saire « qui sent bon… la réno­va­tion » (c’est ain­si que le site inter­net du PS offi­cia­lise sa fonc­tion cos­mé­tique), son « rôle d’a­ni­ma­tion » est clai­re­ment bali­sé : il sera « posi­tif » et « pros­pec­tif ». À vingt-neuf ans, il ne lui sera donc pas per­mis de savoir ce qu’il doit réno­ver, le verbe pre­nant alors une valeur d’absolu.

Dérive durable

Reve­nir sur les affaires, ce n’est pas se lais­ser absor­ber dans le détail du fait divers. Ce n’est pas s’a­char­ner sur tel par­ti que de rap­pe­ler une évi­dence : les chats ne font pas des chiens. Le libé­ral MR a pro­duit en son temps des frau­deurs du fisc qu’on a vou­lu faire pas­ser pour des artistes. Au PS, dans les dérives mêmes de ses man­da­taires, si on a encore la bon­té de les consi­dé­rer comme telles, autant que dans ses excès, se lisent les options d’une poli­tique. L’in­con­sis­tance des mesures sociales impro­vi­sées et pro­ba­ble­ment sans len­de­main, à coup de chèques mazout ou d’al­lo­ca­tions de ren­trée, répond bien à la même logique que le clien­té­lisme sans ver­gogne. Et le pré­sident Di Rupo, en limi­tant ses pré­ten­tions publiques à ren­con­trer les dif­fi­cul­tés les plus immé­diates de ses « conci­toyens », en par­ti­cu­lier les plus faibles d’entre eux, cau­tionne de fait cette orien­ta­tion à défaut évi­dem­ment d’ac­cor­der sa béné­dic­tion offi­cielle au zèle débor­dant qu’elle engendre et aux moyens pas tou­jours légaux par les­quels cer­tains socia­listes se sentent auto­ri­sés à la rencontrer.

Abs­trac­tion faite des limites de la léga­li­té for­melle, la conti­nui­té entre affaires et affai­risme est lim­pide, à moins que le sport à Char­le­roi n’ait rien à voir avec Fran­cor­champs. À moins encore que les cumuls des « réno­va­teurs », pré­sident en tête, se dis­tinguent net­te­ment, en quan­ti­té et en qua­li­té, de ceux dont la tête a rou­lé dans la sciure et que l’on classe sans exa­men par­mi les « pra­tiques du pas­sé ». Si l’on se refuse à voir dans les affaires autre chose que des nau­frages indi­vi­duels, on laisse vierges de tout exa­men une ins­pi­ra­tion, des pra­tiques et fina­le­ment une ambiance poli­tique qui les a nour­ries. La filia­li­sa­tion sys­té­ma­tique et incon­trô­lée de l’ac­tion publique et la bride lais­sée sur le cou des man­da­taires du second degré qu’elle ins­ti­tue en poten­tats, tout cela pro­duit natu­rel­le­ment des dérives, indé­pen­dam­ment des par­tages que l’on fera entre le légal et l’illé­gal, l’hon­nête et le mal­hon­nête, le pas­sé et le présent.

Tant dans l’o­pi­nion que dans les médias qui contri­buent lar­ge­ment à en construire les repré­sen­ta­tions, l’u­sure des révé­la­tions se fait sen­tir, alors même que la série est, semble-t-il, loin d’être épui­sée. L’ac­cu­mu­la­tion n’ap­prend rien du moment qu’on se refuse à en tirer une conclu­sion radi­cale qui inver­se­rait la sou­mis­sion per­verse de la règle aux « excep­tions ». Il est vrai qu’il serait tout aus­si nui­sible d’en­tre­te­nir l’illu­sion d’une pure­té irré­pro­chable de tous les man­da­taires publics que de les dénon­cer comme uni­ver­sel­le­ment pour­ris. La ques­tion de savoir où pla­cer la barre entre ces extrêmes ne doit pas en cacher une autre fon­da­men­tale et qui ne concerne pas seule­ment le PS, mais tous les Wal­lons et les Bruxel­lois : quel sys­tème pro­duit ces scan­dales répé­tés ? Tant que l’on y aura pas répon­du, on ne se libè­re­ra pas du passé.

  1. Il faut bien s’ar­rê­ter quelque part. De proche en proche, on pour­rait remon­ter à 1932 et à la faillite de la Banque du tra­vail qui ne fut pas étran­gère au suc­cès élec­to­ral de Rex.
  2. Voir le numé­ro de sep­tembre 2004, « Libé­rer la liber­té de la presse ».

Théo Hachez


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