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Parcours d’élèves. Sont-ils heureux dans l’enseignement secondaire ?
Nombreux sont les enfants qui ne sont pas heureux à l’école, mais qui pourraient très bien l’être, qui perdent leur temps dans des classes ou des options qui ne leur conviennent pas. Ce gâchis qui laissera des traces sur leur scolarité et leur vie même pourrait être évité si la législation était moins contraignante, et si le législateur faisait plus confiance aux équipes d’enseignants, aux membres des équipes PMS (centre psycho-médico-social) et aux directions d’écoles, pour accompagner chaque élève dans le parcours qui lui convient.
Pour tenter de répondre à cette question, voici cinq exemples, parmi d’autres, de parcours vécus au premier degré de l’enseignement secondaire1 par de trop nombreux élèves.
Alex et l’obligation de rester trois ans au premier degré
Alex2 est tout heureux d’avoir obtenu le certificat d’études de base (CEB), à l’arraché, avec une moyenne de 51%. Dès le mois de septembre, il déchante : malgré ses efforts, il ne suit pas, ne comprend pas, ne trouve pas le rythme, et se retrouve en échec. Il n’est plus possible de lui proposer un passage en classe d’accueil, où il pourrait combler ses lacunes et retrouver la confiance en lui. Il doit terminer son année, en échec, et rester en première l’année suivante. Comme ses lacunes remontent aux connaissances de l’enseignement primaire, recommencer son année, même avec un programme adapté, ne résoudra pas son problème. Par ailleurs, il sait très bien que, quel que soit son résultat, il se trouvera en deuxième l’année suivante, même si son projet est d’aller en troisième professionnelle pour réaliser son rêve de s’épanouir en apprenant le métier de la restauration. Pour un jeune de treize ans, où trouver dans cette situation la motivation à travailler régulièrement ? Après deux années passées en première, ponctuées toutes deux d’un échec, Alex est donc dans l’obligation d’effectuer une troisième année dans le premier degré, et de se retrouver sur les bancs de la deuxième. Dépité, entré dans l’adolescence, Alex est tenté de montrer qu’il existe par des moyens peu scolaires : brossages, problèmes disciplinaires, retards… s’accumulent. Il termine bien sûr mal sa deuxième, ponctuant trois années de galère, d’échecs, d’image négative de lui-même, de perte de confiance en lui-même et dans l’adulte, de perte d’habitude et d’organisation d’un travail scolaire normal, sans parler de la dégradation de ses relations avec ses enseignants, ses condisciples, ses parents, et des effets négatifs sur les classes dans lesquelles il s’est retrouvé contre son gré.
Assia et l’interdiction de rester plus de trois ans dans le premier degré
Assia a terminé son parcours en primaire en cinquième. Elle a douze ans, et doit passer dans l’enseignement secondaire. Sans CEB, elle se retrouve en 1D (classe d’accueil). Des problèmes familiaux et de santé la handicapent. En fin d’année, malgré tout le travail des enseignants et son investissement, elle n’obtient pas le CEB. Elle se retrouve donc l’année suivante en 2D : ses résultats s’améliorent de période en période, et approchent les 80%. En juin, elle obtient son CEB. Elle a pris gout aux études et souhaite poursuivre un parcours l’autorisant à entamer plus tard des études supérieures. Sur le plan administratif, deux possibilités s’offrent à elle : aller en deuxième commune, ou en troisième professionnelle. Son souhait de se préparer à des études supérieures l’incite à demander son inscription en deuxième commune. Mais, sur le plan pédagogique, c’est une aberration : en lui accordant le CEB, le conseil de classe atteste qu’elle a le niveau d’une fin de sixième primaire, et donc d’un début de première secondaire. Mais les contraintes administratives l’obligent à « sauter une année » et à passer de l’équivalent d’une sixième primaire à une deuxième secondaire ! Autant exiger d’un sportif amateur qu’il gagne une médaille aux jeux olympiques, ou à un élève d’académie de musique de devenir lauréat du concours Reine Élisabeth ! Assia doit donc se résoudre à aller en troisième professionnelle, avec un sentiment de frustration et d’échec, le CEB qu’elle a obtenu ne lui ouvrant pas une autre porte que celle de la troisième professionnelle où elle retrouvera les condisciples sortant de 2D et n’ayant pas obtenu le CEB.
Kevin et le complexe de l’intello
Kevin a terminé sa sixième primaire dans une école de son quartier. Ses parents ont fait ce choix de la proximité. Malheureusement pour eux et pour Kevin, ils habitent un quartier où il n’y a pas beaucoup de possibilités quant aux écoles secondaires proches. Inquiets, ils se sont informés sur le calcul des indices, et ont tenté d’effectuer une série de simulations ; ils sont arrivés à la conclusion que leur fils n’a aucune chance d’être repris dans la ou les écoles qui lui conviennent. Ils ont donc rentré le fameux formulaire avec un choix « décrétalement correct », qui fera dire aux responsables de la Communauté française que Kevin a eu son premier choix. En septembre, Kevin se retrouve dans sa nouvelle école, ne connaissant personne car arrivé seul de son école primaire. Mais il fait contre mauvaise fortune bon cœur : il effectue ses travaux, participe activement en classe, fait la joie des enseignants, et obtient de bons résultats. Pourtant, il s’éteint progressivement, et devient même désagréable. Les enseignants s’inquiètent, en parlent avec lui et ses parents, et Kevin finit par comprendre lui-même et révéler le processus dont il a été victime : lassé d’être taxé d’«intello », il a fini par « se ranger », se disant que c’était le meilleur moyen de rester intégré, d’éviter moqueries, voire pire…
Nathalie est trop âgée
Nathalie est en 1S : elle recommence donc sa première année dans le secondaire. À cause de problèmes de santé notamment, elle a accumulé plusieurs années de retard. Mais le programme spécifique de cette 1S, les encouragements de ses parents et des enseignants, ses progrès dans le travail et la maturité, parmi d’autres facteurs, l’amènent à obtenir de bons résultats. La spirale de l’échec s’inverse : la réussite renforce la confiance, et son bulletin brille de « bravo », « excellent », avec des notes toutes supérieures à 75%. Nathalie rêve de poursuivre ce parcours en deuxième, pour s’ouvrir les portes d’un deuxième degré correspondant à son choix et à ses aspirations. Mais ce rêve se brise contre la rigidité administrative : Nathalie aura bientôt seize ans, et doit donc impérativement rejoindre une classe de troisième. Ses acquis, certes solides, ne lui autorisent raisonnablement que l’accès en troisième professionnelle. Nathalie se sent reléguée, et les enseignants de troisième professionnelle sont révoltés de voir le système faire aboutir dans leur classe une élève qui n’y a pas sa place.
David a terminé sa sixième primaire dans une école adossée à une école secondaire réputée. Ses parents connaissent une autre école secondaire, qui, à leurs yeux, correspond mieux au profil de leur fils. Il y a des amis, et souhaite intégrer cet établissement. Mais il n’y est pas prioritaire ! Ses parents jouent la sécurité, et sollicitent l’inscription dans l’école qui leur paraît « décrétalement » correcte, soit l’école adossée. On leur dit bien lors de l’entretien très bref de demande d’inscription que ce sera difficile pour David, et que des écoles mentionnées dans la liste des choix suivants seraient peut-être plus judicieuses. Mais les parents maintiennent leur choix, et David entame en septembre son parcours au premier degré de l’enseignement secondaire. Assez rapidement, il est confronté à des difficultés de compréhension. Il pose des questions, sollicite des remédiations, mais on lui répond qu’il faut avancer dans la matière, qu’on ne peut pas pénaliser les bons élèves qui comprennent tout de suite, que des cours particuliers existent… David se sent de plus en plus seul face à ses difficultés, et commence à être la risée de ses condisciples. Il voit ses copains de sixième primaire qui sont dans l’école qu’il aurait souhaitée : ils y sont heureux et réussissent. Il finit par demander à ses parents s’il ne peut vraiment pas changer. Ses parents s’informent. La réponse est cinglante : pas de changement possible durant les deux ou trois années du premier degré. Le calvaire de David va se poursuivre…
Meltem est malade, c’est bien dommage…
Meltem entre en deuxième secondaire. C’est sa troisième année dans le premier degré. Durant les vacances, sa santé donne de sérieux signes d’inquiétude : fatigues, amaigrissement, maux de ventre… Le médecin traitant l’envoie en observation, et la nouvelle terrible tombe : une tumeur est détectée. La rentrée scolaire s’accompagne de traitements lourds, d’alternance de séjours en hôpital et à domicile. Malgré l’aide des enseignants de l’école et de l’«école à l’hôpital », Meltem, bien soutenue par sa famille, n’obtient pas la réussite. Elle n’a pratiquement pas fréquenté les cours, mais les nouvelles médicales sont plutôt bonnes : il y a bon espoir que Meltem puisse reprendre une vie quasi normale en septembre. Plein d’espoirs, les parents pensent que Meltem pourra enfin suivre les cours régulièrement en deuxième et obtenir son diplôme de fin de premier degré. La direction de l’établissement scolaire contacte le service compétent de la Communauté française, persuadée qu’une solution est possible. La réponse tombe comme un couperet : rien n’est prévu pour ce cas de figure dans la législation, et aucune dérogation n’est donc possible. Meltem doit poursuivre son parcours en troisième professionnelle.
Pour conclure
Doit-on s’étonner que tous les Alex, Assia, Kevin, Nathalie, David, et Meltem, sans parler d’autres situations, répondent aux enquêtes de satisfaction qu’ils ne sont pas heureux dans l’enseignement secondaire ?
- L’enseignement secondaire est organisé en trois degrés. Le premier degré comprend les deux premières années et est appelé premier degré commun, car tous les élèves y suivent les mêmes grilles horaires.
- Les prénoms sont des prénoms d’emprunt. Les cas évoqués ne sont pas isolés : on peut les trouver malheureusement dans de nombreuses écoles ; leurs histoires sont bien sûr chaque fois différentes, mais révèlent les mêmes dysfonctionnements.