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Où il est question de marrons
Revenus partiellement à la vie sauvage, ils investissent nos pavés comme des marrons, esclaves en fuite, animaux domestiques échappés. Tous issus d’une population affaitée, ils sont commensaux de l’homme civilisé, vivent des miettes qui tombent de sa table, des restes qu’il leur consent. Des échanges se font d’ailleurs au sein des deux populations : certains individus peuvent […]
Revenus partiellement à la vie sauvage, ils investissent nos pavés comme des marrons, esclaves en fuite, animaux domestiques échappés. Tous issus d’une population affaitée, ils sont commensaux de l’homme civilisé, vivent des miettes qui tombent de sa table, des restes qu’il leur consent. Des échanges se font d’ailleurs au sein des deux populations : certains individus peuvent devenir sauvages, et l’inverse se vérifie également. En dépit de leur apprivoisement, certains plus que d’autres ont conservé leur aptitude à la vie libre. Pourtant, ils se sont plus ou moins bien adaptés au stress des grandes villes, se sont habitués au vacarme des transports en commun. Ils sont peu farouches, certains sont familiers, effrontés même : ils se faufilent entre les passants, quémandent, parfois de manière insistante, en bordure des terrasses des bistrots, leur pitance. On les a vus grappiller un reste de sandwich dans une poubelle. Certains les considèrent comme des éboueurs urbains qui nettoient la ville de ses déchets, mais, à l’inverse, d’autres déplorent la pollution qu’ils provoquent.
Wikipedia parle ainsi de « nuisances écologiques : les populations issues du marronnage qui colonisent un milieu peuvent avoir un impact important sur l’écosystème, par prédation ou par concurrence avec les espèces indigènes. Elles constituent une part importante des espèces invasives, et rejoignent donc cette problématique ». Dans le climat de peur suscité par la grippe aviaire, les préoccupations hygiénistes sont davantage présentes et on leur reproche de propager des maladies et d’attirer rats et vermine. Leurs déjections dégradent la ville et détériorent la qualité de la vie, surtout lorsqu’ils s’introduisent dans les entrées des immeubles et y piaulent. Le bruit — harmonieux ou non, mais les gouts et les couleurs n’est-ce pas… — qu’ils produisent, à l’instar d’annonces réitérées sans cesse dans les transports en commun, est considéré comme dérangeant.
Naturellement, cette pollution a un cout en termes d’entretien et de nettoyage, mais surtout elle contribue à la « baisse du moral des employés et à la détérioration des relations avec la clientèle », affirme un site de professionnels. Heureusement, des solutions existent qui combinent écologie et éthique : divers dispositifs, tels ceux qui les empêchent de se poser n’importe où, permettent de les « éloigner sans les blesser ». Un autre système, préconisé par la Société des transports intercommunaux bruxellois (Stib), comme nombre d’autorités publiques, consiste à cesser de les nourrir, pour les contraindre à voler ailleurs. Comme toujours, il se trouvera des grincheux pour se plaindre que ce problème, en particulier la présence des petits, ne soit pas pris en charge sans délai et de manière forte par les pouvoirs publics. Cependant, cette invitation qui responsabilise Monsieur et Madame Toulemonde présente l’avantage de respecter la liberté : ceux qui pestent contre le désagrément s’en trouveront confortés tandis que ceux qui sont sensibles au surcroit d’humanité qu’apporte leur présence dans les rues pourront poursuivre leurs oboles qui, réunies, devraient permettre à cette mauvaise graine de la casser.
La Stib a fait sien le proverbe : « Il ne faut pas laisser de semer par crainte des pigeons », la crainte d’un mal éventuel ne doit pas empêcher de faire ce qui est utile. Pour autant, la Stib n’entend pas « décourager la charité », qui doit donc se dispenser ailleurs que dans le métro. Que ces ensauvagés restent donc chez eux ou dans ce qui leur en tient lieu.
Il faut cesser de donner à manger aux pigeons, il y va de la salubrité de l’espace public ; on évitera ainsi qu’ils se reproduisent à tort et à travers. Les pigeons ? Qui parle de pigeons galeux ? Ce sont les mendiants qu’il faut éviter de nourrir, « Nous vous rappelons que la mendicité est interdite dans l’enceinte du métro. Merci de ne pas l’encourager », annonce la Stib toutes les demi-heures. Cette première étape doit être suivie d’une deuxième qui consiste à prier les mendiants de quitter les couloirs du métro. Et la troisième ? Tir aux pigeons ? Une fois encore, les humains contraints à mendier seront marrons.