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Orientation bibliographie

Numéro 10 Octobre 2007 par Nicolas Marquis

octobre 2007

Bol­tans­ki, L., Chia­pel­lo, E., Le nou­vel esprit du capi­ta­lisme, Paris, Gal­li­mard, 1999. Cet ouvrage impo­sant pro­pose une ana­lyse très fouillée de l’a­vè­ne­ment d’un nou­veau type annon­cé de mana­ge­ment en entre­prise, et dans de nom­breux domaines connexes. On y voit com­ment l’é­vo­lu­tion du dis­cours mana­gé­rial en faveur du réseau, de l’au­to-res­pon­sa­bi­li­sa­tion, etc., témoigne d’une réap­pro­pria­tion par le capitalisme […]

Bol­tans­ki, L., Chia­pel­lo, E., Le nou­vel esprit du capi­ta­lisme, Paris, Gal­li­mard, 1999.

Cet ouvrage impo­sant pro­pose une ana­lyse très fouillée de l’a­vè­ne­ment d’un nou­veau type annon­cé de mana­ge­ment en entre­prise, et dans de nom­breux domaines connexes. On y voit com­ment l’é­vo­lu­tion du dis­cours mana­gé­rial en faveur du réseau, de l’au­to-res­pon­sa­bi­li­sa­tion, etc., témoigne d’une réap­pro­pria­tion par le capi­ta­lisme de la cri­tique artiste, en termes de hié­rar­chie assu­jet­tis­sante et de manque de liber­té. Ana­lyse brillante, mais on peut tou­te­fois se deman­der si elle se retrouve dans les pra­tiques réelles, d’une part, et si elle s’a­dresse à tous les tra­vailleurs de la même manière, d’autre part.

Cohen, M. et Deric­qe­bour G R. (dir.), « Reli­gion et san­té. De la “gué­ri­son spi­ri­tuelle” aux “thé­ra­pies psy­chos­pi­ri­tuelles” », Recherches socio­lo­giques n° 2, 1998.

Un inté­res­sant numé­ro de la revue lou­va­niste sur les rela­tions entre reli­gion et san­té, dans le contexte du déve­lop­pe­ment des nou­velles thé­ra­pies psy­cho­lo­giques. Comme écrit dans la pré­sen­ta­tion, nombre de nou­veaux mou­ve­ments reli­gieux « mettent en cause la sépa­ra­tion moderne du thé­ra­peu­tique et du reli­gieux ». Illus­tra­tion de ces rela­tions à tra­vers le Renou­veau cha­ris­ma­tique, la scien­to­lo­gie, le Rebirth, le Reiyu­kai (boud­dhisme japo­nais) et deux mou­ve­ments plus anciens : la Science chré­tienne et l’antoinisme.

Erhen­berg, A., La fatigue d’être soi, Paris, Odile Jacob, 1998 ; L’in­di­vi­du incer­tain, Paris, Cal­mann-Lévy, 1995 ; Le culte de la per­for­mance, Paris, Cal­mann-Lévy, 1991.

L’au­teur pro­pose un trip­tyque des évo­lu­tions de l’in­di­vi­du et de la manière dont on le conçoit en France. Dans le pre­mier ouvrage, il ana­lyse à tra­vers l’é­tude de trois domaines (la com­pé­ti­tion spor­tive et ses sup­por­teurs, l’a­vè­ne­ment du Club Med, les trans­for­ma­tions de l’en­tre­pre­neu­riat), la mon­tée en puis­sance de la thé­ma­tique du dépas­se­ment de soi, l’at­ten­tion accrue por­tée à l’in­di­vi­du et à ses per­for­mances. Dans L’in­di­vi­du incer­tain, c’est l’é­tude de l’in­di­vi­du au sein du col­lec­tif que l’au­teur pro­pose, via deux exemples sou­vent consi­dé­rés comme témoins d’une perte de la bonne dis­tance à soi : la toxi­co­ma­nie et l’en­va­his­se­ment des médias par la vie pri­vée des indi­vi­dus. Enfin, dans La fatigue d’être soi, Ehren­berg nous livre l’his­toire des trai­te­ments (chi­miques) des mala­dies psy­chiques au xxe siècle, avec l’a­vè­ne­ment de cet objet psy­chique non iden­ti­fié : la dépres­sion. À tra­vers ces trois ouvrages, Ehren­berg ana­lyse fine­ment les injonc­tions qui pèsent sur les indi­vi­dus, notam­ment en termes d’au­to­con­trôle, de tra­vail sur soi, etc. aux­quels nombre des phé­no­mènes ana­ly­sés seraient liés.

Fla­hault, F., « Be Your­self » : Au-delà de la concep­tion occi­den­tale de l’in­di­vi­du, Paris, Mille et une nuits, 2006.

Dans cet ouvrage acces­sible et inté­res­sant, l’au­teur tente de com­prendre la racine de notre « Sois toi-même » moderne, ses sources se par­ta­geant entre écrits de phi­lo­sophes de la moder­ni­té et contes popu­laires. Indi­quant les apo­ries d’un indi­vi­du com­pris comme tota­li­té autar­cique, il nous invite à déve­lop­per une anthro­po­lo­gie rela­tion­nelle qu’il consi­dère comme plus adé­quate à la réa­li­té de la for­ma­tion de l’individu.

Gau­chet, M., « Essai de psy­cho­lo­gie contem­po­raine I », dans La démo­cra­tie contre elle-même, Paris, Gal­li­mard, 2002.

Avec son « Essai de psy­cho­lo­gie contem­po­raine », Gau­chet signe un article qui a fait date. Il y pro­pose de manière syn­thé­tique une lec­ture de l’é­vo­lu­tion de l’in­di­vi­du dans un contexte de perte de l’al­té­ri­té, dés­ins­ti­tu­tion­na­li­sa­tion de la famille, etc., bref mise à mal des tiers. Fort d’une fine concep­tion de l’in­di­vi­du qui veut (et doit) ne rien devoir aux autres, il tente de com­prendre la genèse des patho­lo­gies de cet indi­vi­du contemporain.

Gid­dens, A.,

Moder­ni­ty and Self-Iden­ti­ty. Self and Socie­ty in the Late Modern Ages, Cam­bridge Poli­ty Press, 1991 ;

The trans­for­ma­tions of Inti­ma­cy, Cam­bridge Poli­ty Press, 1992 ;

« Living in a Post-Tra­di­tion­nal Socie­ty », dans Gid­dens, Anto­ny, Beck, Ulrich & Lash Scott, Reflexive Moder­ni­sa­tion, Cam­bridge Poli­ty Press, 1994.

Trois ouvrages du socio­logue bri­tan­nique, pen­seur de la « moder­ni­té réflexive », cen­trés sur les consé­quences de celle-ci dans le champ de l’i­den­ti­té indi­vi­duelle. Le point cen­tral de son ana­lyse est que le self n’est plus un don­né mais le pro­duit d’une action réflexive du sujet sur lui-même. La réflexi­vi­té ins­ti­tu­tion­nelle de la moder­ni­té pénètre jus­qu’au coeur du self et celui-ci devient un pro­jet réflexif. Cette « construc­tion réflexive de soi » — sou­vent assis­tée par des « véri­tables thé­ra­pies », des « stages de déve­lop­pe­ment per­son­nel » ou sim­ple­ment la lec­ture d’ou­vrages de « Self-The­ra­py » — ne doit pas, selon Gid­dens, être uni­que­ment inter­pré­tée en termes néga­tifs (comme l’ef­fet débi­li­tant, des­truc­teur de la moder­ni­té). Les thé­ra­pies ne sont pas seule­ment une manière de faire face aux nou­velles anxié­tés, elles sont aus­si l’ex­pres­sion du pro­jet réflexif. La moder­ni­té est autant source d’op­por­tu­ni­tés nou­velles que de catas­trophes poten­tielles, et cela éga­le­ment dans le champ de l’intimité.

Hon­neth, A., La réi­fi­ca­tion. Petit trai­té de Théo­rie cri­tique, Paris, Gal­li­mard, 2007.

Dans cet opus­cule socio­lo­gique et phi­lo­so­phique à la fois, le théo­ri­cien alle­mand tente de déga­ger la sub­stan­ti­fique moelle d’un concept bien­tôt vieux d’un siècle : la réi­fi­ca­tion, déve­lop­pé par G. Lukacs. Outre la dis­cus­sion concep­tuelle, Hon­neth pro­pose une ana­lyse des consé­quences poten­tielles des injonc­tions à l’au­to­res­pon­sa­bi­li­sa­tion et au tra­vail sur soi qui obligent l’in­di­vi­du à se com­prendre et à agir d’une cer­taine manière.

Illouz, E., Les sen­ti­ments du capi­ta­lisme, Paris, Seuil, 2006.

Eva Illouz est une socio­logue israé­lienne qui s’est inté­res­sée à l’a­vè­ne­ment des talk-shows sur nos écrans. Elle oppose sa thèse d’une publi­ci­sa­tion de la chose pri­vée à ceux qui se lamentent du repli de l’in­di­vi­du sur cette sphère pri­vée. Dans ce petit ouvrage, elle retrace l’his­toire de la mon­tée en puis­sance de la culture psy­cho­lo­gique et de l’ap­pa­ri­tion de ce qu’elle nomme l’ho­mo sentimentalis.

Fried­mann, D., Lam­bert, E. (dir.), « Thé­ra­pies de l’âme. L’in­fla­tion du psy­cho­lo­gisme », Autre­ment, n° 43, octobre 1982.

Ce numé­ro de la revue Autre­ment fut consa­cré à l’a­na­lyse de plu­sieurs « nou­velles thé­ra­pies » (EST, cri pri­mal de Janov, bio­éner­gie néo-rei­chienne, etc.). C’est la mul­ti­pli­ci­té des points de vue (psy­cho­logue, socio­logue, écri­vain, par­ti­ci­pants) et sa docu­men­ta­tion qui font la richesse de ce dossier.

Sen­nett, R., Les tyran­nies de l’in­ti­mi­té, Paris, Gal­li­mard, 1977.
Lasch, C., La culture du nar­cis­sisme, Paris, PUF, 1980.

Deux ouvrages clas­siques de socio­logues amé­ri­cains, qui font décou­ler du nou­veau sou­ci de soi qu’ils observent chez leurs conci­toyens la figure « nar­cis­sique » de l’in­di­vi­du moderne. Même si peu d’a­na­lystes y sous­crivent encore tota­le­ment, ces thèses res­tent indis­pen­sables dans l’a­na­lyse des carac­té­ris­tiques de l’in­di­vi­dua­li­té contemporaine.

Vran­cken, D., Mac­quet, Cl., Le tra­vail sur Soi : Vers une psy­cho­lo­gi­sa­tion de la socié­té ?, Paris, Belin, 2006.

Les auteurs tentent de don­ner chair à ce qu’ils entendent par « la socié­té du tra­vail sur soi », insis­tant sur les mul­tiples impli­ca­tions crois­santes de l’in­di­vi­du dans son par­cours et dans ce qui pré­side à sa des­ti­née. À l’aide d’une pers­pec­tive his­to­rique et avec un regard cen­tré sur les nou­velles poli­tiques ins­ti­tu­tion­nelles (en insis­tant d’ailleurs intel­li­gem­ment sur la conti­nui­té entre la poli­tique de l’É­tat pro­vi­dence et celle de l’É­tat social actif, le pre­mier ayant pré­pa­ré la voie au second) qui découlent de ce réar­ran­ge­ment sym­bo­lique de la manière de pen­ser l’in­di­vi­du, les auteurs tentent de des­si­ner quelles pour­raient être les consé­quences du fait de rendre l’in­di­vi­du « acteur de sa propre existence ».

Nicolas Marquis


Auteur

sociologue, chargé de cours en sociologie, méthodologie et méthodes quantitatives à l’université Saint-Louis Bruxelles, codirecteur du Casper, nicolas.marquis@usaintlouis.be