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Open VLD : V de Verhofstadt, un peu, encore et toujours

Numéro 05/6 Mai-Juin 2009 par Liesbeth Van Impe

mai 2009

Des son­dages qui oscil­lent autour du résul­tat de 2004 en Flandre, des indi­ca­tions pru­dentes selon les­quelles la posi­tion diri­geante sur le mar­ché poli­tique est même de l’ordre du pos­sible, une per­son­na­li­té poli­tique euro­péenne impor­tante qui est en mesure de faire le bilan posi­tif de l’opération de sau­ve­tage Verhof­stadt III : guère de ten­sions poli­tiques sus­cep­tibles de capter […]

Des son­dages qui oscil­lent autour du résul­tat de 2004 en Flandre, des indi­ca­tions pru­dentes selon les­quelles la posi­tion diri­geante sur le mar­ché poli­tique est même de l’ordre du pos­sible, une per­son­na­li­té poli­tique euro­péenne impor­tante qui est en mesure de faire le bilan posi­tif de l’opération de sau­ve­tage Verhof­stadt III : guère de ten­sions poli­tiques sus­cep­tibles de cap­ter la une des jour­naux… L’Open VLD ne semble pas devoir se faire trop de sou­cis au sujet du vote imminent.

Et pour­tant, l’image de sta­bi­li­té du par­ti est trom­peuse. Si soi­gneu­se­ment culti­vée que soit la bulle de séré­ni­té et de confiance en soi, les libé­raux fla­mands sont sous pres­sion. Externe, en rai­son des suites de deux ans d’impasse poli­tique, d’une crise mon­diale qui a mis l’idéologie (néo-)libérale en ques­tion — pour la pre­mière fois depuis long­temps —, de l’émiettement du pay­sage poli­tique en Flandre et de la posi­tion incer­taine du par­ti frère fran­co­phone, le MR. Interne, en rai­son de la recherche per­ma­nente d’un nou­vel équi­libre des forces main­te­nant que Guy Verhof­stadt n’est plus à l’avant-plan, mais encore très pré­sent dans les coulisses.

Pour l’Open VLD aus­si, il importe que la période qui va des élec­tions fédé­rales de 2007 aux élec­tions fla­mandes de 2009 soit oubliée le plus vite pos­sible. Du reste, le ver­dict de l’électeur au sujet de trois années de cha­maille­ries poli­tiques n’est pas encore tom­bé. Le par­ti peut encore s’affaisser. La réus­site est tout sauf garan­tie. Regard sur l’inquiétude bleue.

L’enfer de Val Duchesse

À pre­mière vue, ce n’est pas l’Open VLD, mais le CD&V qui pâtit le plus du déchi­re­ment de sa for­ma­tion et des coa­li­tions bâtardes. Le car­tel est rom­pu, les pro­messes élec­to­rales ne sont pas tenues, le chef de file a été sacri­fié. Pen­dant toute cette période, l’Open VLD a pu réagir en se tenant à l’ombre du CD&V et en fai­sant pas­ser le mes­sage selon lequel ce n’était pas lui qui avait pro­vo­qué les décombres.

Pour­tant, les libé­raux ne sont pas sor­tis indemnes du com­bat. Comme par­ti de gou­ver­ne­ment, ils sont natu­rel­le­ment impli­qués dans le juge­ment néga­tif que bien des citoyens-élec­teurs portent sur la période qui s’achève. Mais le dom­mage est plus pro­fond, il porte sur la sub­stance du fonds de com­merce poli­tique d’un par­ti, à savoir sa cré­di­bi­li­té. Quand cela allait bien, l’Open VLD emboî­tait le pas à la logique fla­mande ouver­te­ment et sans trop rechi­gner, même si la coopé­ra­tion avec le car­tel était sou­vent réduite au mini­mum minimorum.

Quand faute il y avait, alors le par­ti dis­pa­rais­sait aus­si vite que pos­sible der­rière le large dos du CD&V. Leterme et com­pa­gnie étaient sub­ti­le­ment mon­trés d’un doigt accu­sa­teur, mais à aucun moment les libé­raux ne pré­sen­taient une réelle alter­na­tive. Ils res­taient en marge, spec­ta­teurs de la façon dont Leterme se fra­cas­sait chaque fois contre le mur, sans faire preuve du cou­rage poli­tique pour pro­mou­voir une autre solu­tion. La crainte d’être pris pour de mau­vais Fla­mands était grande. Vu la popu­la­ri­té per­sis­tante de Leterme, toute charge à l’encontre de ce bien-aimé des Fla­mands parais­sait aus­si poli­ti­que­ment suicidaire.

De cette façon, l’Open VLD pécha outra­geu­se­ment par déloyau­té orga­ni­sée sans en tirer les consé­quences poli­tiques. Dans leur effort pour être des Fla­mands cré­dibles, les gros bon­nets libé­raux appa­rais­saient avant tout comme des hommes poli­tiques peu cré­dibles. Ain­si naquit l’image d’un par­ti qui se rend cou­pable de petits jeux poli­tiques. Non sans raison.

Le VLD s’obstine cepen­dant dans cette stra­té­gie. Aujourd’hui encore, les chefs de file libé­raux donnent l’apparence d’une loyau­té chan­ce­lante envers l’équipe dont ils font par­tie. Si le bud­get déraille, alors ils ne manquent pas de mettre cette situa­tion en exergue. En l’endossant mine de rien par la suite bien qu’ils par­ti­cipent au gou­ver­ne­ment. Le 28 avril, jour de l’approbation de la vente de For­tis à BNP Pari­bas, Karel De Gucht est venu dans le pro­gramme « Pha­ra » de Can­vas répé­ter encore une fois qu’il avait tou­jours été oppo­sé à cette vente, que celle-ci prouve que ce gou­ver­ne­ment n’a aucun plan indus­triel pour le pays… Un gou­ver­ne­ment dans lequel il siège et auquel il conti­nue à par­ti­ci­per sans pro­blème. Com­ment les élec­teurs peuvent-ils s’y retrou­ver dans une telle dualité ?

La Flandre émiettée

La carte poli­tique de la Flandre après le 7 juin, tel est le pro­blème qui tra­casse chaque par­ti fla­mand. Si la liste Dede­cker (LDD) réa­lise le score pré­vu par les son­dages d’opinion, (pour l’instant supé­rieur à 15%), la Flandre risque de res­ter avec une poi­gnée de par­tis moyen­ne­ment grands ten­dant aux 20% des voix, et quelques petites formations.

Ain­si, trois par­tis moyen­ne­ment grands devront à nou­veau for­mer un gou­ver­ne­ment. Alors qu’une tri­par­tite clas­sique a long­temps sem­blé consti­tuer l’unique solu­tion réa­li­sable, un éven­tuel score dra­ma­tique du SP.A le 7 juin pour­rait entraî­ner un chan­ge­ment. L’Open VLD pour­rait ain­si devoir prendre le large avec la N‑VA, la liste Dede­cker ou les deux. On est dans la plus grande incer­ti­tude quant à savoir com­ment cela devrait fonc­tion­ner avec un gou­ver­ne­ment fédé­ral tout à fait fragmenté.

Le dan­ger que la LDD fait cou­rir à l’Open VLD, ce n’est donc pas tel­le­ment de saper ses bases popu­laires. Les élec­teurs libé­raux qui vou­laient emboî­ter le pas à Jean-Marie Dede­cker l’ont déjà fait en grande par­tie en 2007. Désor­mais, la LDD pêche en grande par­tie dans le vivier du VB, du CD&V et du SP.A. Le dan­ger, après les élec­tions, réside avant tout dans la for­ma­tion excep­tion­nel­le­ment dif­fi­cile du gou­ver­ne­ment régio­nal et dans la menace d’être confron­té à des ins­ti­tu­tions impraticables.

Cepen­dant, les libé­raux devraient aus­si mieux scru­ter la situa­tion en Wal­lo­nie. Didier Reyn­ders y joue de nou­veau son va-tout et l’issue de ce grand jeu poli­tique est impré­vi­sible. Si le MR est dans le creux de la vague, alors l’équilibre chan­ce­lant à l’intérieur du gou­ver­ne­ment fédé­ral risque d’être com­pro­mis. L’Open VLD peut donc tout aus­si bien être incon­tour­nable en Flandre que le MR ne plus l’être en Wallonie.

Un der­nier fac­teur d’incertitude, c’est l’enjeu de ces élec­tions : l’impact de la crise éco­no­mique et la façon dont celle-ci va influen­cer les élec­teurs. Pour la pre­mière fois depuis long­temps, les libé­raux sont dans le mau­vais coin, même si Verhof­stadt et De Gucht ont récem­ment fait de timides efforts pour for­mu­ler une réponse. Le libé­ra­lisme, qui consti­tue à bien des points de vue l’idéologie impli­cite en Flandre, est en dis­cus­sion. D’un point de vue poli­tique et public, le débat est sans doute mené de façon moins idéo­lo­gique qu’en Bel­gique fran­co­phone. Mais cela signi­fie aus­si que nul ne sait com­ment l’électeur per­çoit la carence de logiques néo­li­bé­rales déter­mi­nées et en impute la cores­pon­sa­bi­li­té aux libé­raux fla­mands. On ne le sau­ra que le jour des élections.

Qui est le chef ?

La ques­tion qui a occu­pé les libé­raux depuis les élec­tions de 2007 est de savoir qui est en fait le chef. Verhof­stadt, écar­té lors du vote du 10 juin, se met qua­si immé­dia­te­ment en retrait du centre du pou­voir poli­tique et amorce alors une longue période de silence. Cepen­dant, il n’est jamais tota­le­ment par­ti. Son inten­tion sem­blait être de recu­ler pour mieux sauter.

Mais une fois Verhof­stadt en Tos­cane, les diri­geants libé­raux qui accé­daient à la pre­mière place devaient appor­ter la preuve qu’ils étaient aus­si capables de faire sans lui. Pen­dant les périodes dif­fi­ciles au sein du par­ti, ils firent pla­ner ouver­te­ment la menace d’un retour de Verhof­stadt comme consé­quence d’un éven­tuel échec. Ils mani­fes­taient par là qu’ils n’étaient pas le moins du monde favo­rables à un scé­na­rio de ce genre.

Quand Verhof­stadt III devint tout dou­ce­ment inévi­table, ce fut donc en grande par­tie mal­gré les libé­raux. Fixer une date limite au gou­ver­ne­ment inté­ri­maire, ce n’était pas seule­ment impor­tant pour le CD&V ; pour l’Open VLD aus­si, c’était tout sauf un détail. Après le 20 mars, Karel De Gucht, Patrick Dewael et Bart Somers purent ris­quer un nou­vel essai.

L’ont-ils fait avec suc­cès ? Plus ou moins. Le trio s‘est trou­vé rela­ti­ve­ment rapi­de­ment dans une alliance stra­té­gique, avec pour pre­mier objec­tif de main­te­nir Verhof­stadt à l’écart. Somers pou­vait se pro­fi­ler beau­coup plus libre­ment sans Verhof­stadt à la barre et sans un chef de file à suivre tota­le­ment. Sa sur­face a gran­di comme pré­sident du par­ti, même s’il n’est pas cer­tain qu’il le reste après les élec­tions, notam­ment en rai­son de l’échec de sa ten­ta­tive de débau­chage d’un dépu­té LDD.

Dewael a fait un par­cours plus fan­tasque : comme ministre, il est de nou­veau entré rapi­de­ment dans les pro­blèmes, comme vice-Pre­mier il s’est clai­re­ment mis en avant dès lors qu’il n’y avait plus Verhof­stadt pour tra­cer la ligne. Il semble par ailleurs par­ti­cu­liè­re­ment satis­fait de sa nou­velle fonc­tion de pré­sident de la Chambre, même si, pour l’occuper, il a par­tiel­le­ment aban­don­né une posi­tion de pou­voir cen­trale dans le parti.

Karel De Gucht a cédé sans mur­mu­rer le poste de vice-Pre­mier ministre à Dewael, mais l’a bien exi­gé quand ce der­nier s’est effa­cé pour la Chambre. La prise de De Gucht sur le par­ti s’est ain­si consi­dé­ra­ble­ment accrue. Il est de fac­to la figure de proue et ne manque pas de faire valoir ce pou­voir, notam­ment à tra­vers la pro­mo­tion rapide comme l’éclair de son fils qui tire­ra le 7 juin la liste du par­ti en Flandre orien­tale et est déjà pres­sen­ti pour un minis­tère. Par ailleurs, il est de moins en moins pro­bable que De Gucht parte à la fin de cette année pour la Com­mis­sion euro­péenne ; il semble ne pas vou­loir renon­cer si rapi­de­ment à sa nou­velle position.

La prin­ci­pale réa­li­sa­tion du trio pour mettre Verhof­stadt à l’écart, c’est cepen­dant le fait que les élec­tions du 7 juin ne sont que régio­nales et euro­péennes, et non fédé­rales. Offi­ciel­le­ment, le VLD a plai­dé à plu­sieurs reprises pour des élec­tions conjointes, mais puisque les autres par­tis ne sui­vaient pas et que les libé­raux ne vou­laient pas eux-mêmes faire tom­ber le gou­ver­ne­ment, il devint clair que cela n’aboutirait pas. Ce qui exclut un retour rapide de Verhof­stadt à l’avant-plan.

Verhof­stadt lui-même a constam­ment lais­sé entendre de façon claire que regrou­per les élec­tions serait logique. Là aus­si, il y avait un cal­cul per­son­nel : une vic­toire éblouis­sante aux élec­tions fédé­rales aurait à nou­veau ouvert une voie royale vers la poli­tique belge. Davan­tage encore que Verhof­stadt III, quelle revanche sur Leterme ! Or, désor­mais, les pos­si­bi­li­tés sont limi­tées pour l’ex-Premier ministre. Il peut réa­li­ser un bon score aux élec­tions euro­péennes, mais l’avantage est réduit au niveau natio­nal. Les élec­tions fla­mandes ne sont rien pour lui : il a peu à y gagner, et rien pour l’avenir.

Verhof­stadt s’oriente donc expli­ci­te­ment vers l’Europe, même si ses chances de car­rière y sont pour l’instant très réduites. Il conti­nue ain­si de se tenir en marge de la poli­tique belge. Mais on se trom­pe­rait en pen­sant qu’il est par­ti. L’avenir de la Bel­gique reste très incer­tain et per­sonne ne peut affir­mer que le gou­ver­ne­ment fédé­ral va sur­vivre aux élec­tions du 7 juin, aux rema­nie­ments sub­sé­quents et à l’année qui sui­vra avec les pro­blèmes bud­gé­taires. Si cela ne réus­sit pas, on peut s’attendre à ce que le nom de Verhof­stadt revienne bien vite en cir­cu­la­tion. Somers, De Gucht et Dewael pour­ront-ils alors empê­cher un second retour ? Cela dépen­dra en grande par­tie du score du 7 juin et de leur propre situation.

Pen­dant les deux der­nières années, l’Open VLD a connu, lui aus­si, un vide de pou­voir dans lequel un nou­vel équi­libre se cherche avec pru­dence. Les élec­tions qui viennent peuvent faire tota­le­ment bas­cu­ler cet équ­libre fra­gile. Reste en tout cas à attendre le juge­ment de l’électeur pour savoir si le par­ti peut de nou­veau s’affaisser.

Tra­duc­tion : Paul Géradin

Liesbeth Van Impe


Auteur

Liesbeth Van Impe est journaliste au quotidien flamand [De Morgen->http://www.demorgen.be/].