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Open VLD : V de Verhofstadt, un peu, encore et toujours
Des sondages qui oscillent autour du résultat de 2004 en Flandre, des indications prudentes selon lesquelles la position dirigeante sur le marché politique est même de l’ordre du possible, une personnalité politique européenne importante qui est en mesure de faire le bilan positif de l’opération de sauvetage Verhofstadt III : guère de tensions politiques susceptibles de capter […]
Des sondages qui oscillent autour du résultat de 2004 en Flandre, des indications prudentes selon lesquelles la position dirigeante sur le marché politique est même de l’ordre du possible, une personnalité politique européenne importante qui est en mesure de faire le bilan positif de l’opération de sauvetage Verhofstadt III : guère de tensions politiques susceptibles de capter la une des journaux… L’Open VLD ne semble pas devoir se faire trop de soucis au sujet du vote imminent.
Et pourtant, l’image de stabilité du parti est trompeuse. Si soigneusement cultivée que soit la bulle de sérénité et de confiance en soi, les libéraux flamands sont sous pression. Externe, en raison des suites de deux ans d’impasse politique, d’une crise mondiale qui a mis l’idéologie (néo-)libérale en question — pour la première fois depuis longtemps —, de l’émiettement du paysage politique en Flandre et de la position incertaine du parti frère francophone, le MR. Interne, en raison de la recherche permanente d’un nouvel équilibre des forces maintenant que Guy Verhofstadt n’est plus à l’avant-plan, mais encore très présent dans les coulisses.
Pour l’Open VLD aussi, il importe que la période qui va des élections fédérales de 2007 aux élections flamandes de 2009 soit oubliée le plus vite possible. Du reste, le verdict de l’électeur au sujet de trois années de chamailleries politiques n’est pas encore tombé. Le parti peut encore s’affaisser. La réussite est tout sauf garantie. Regard sur l’inquiétude bleue.
L’enfer de Val Duchesse
À première vue, ce n’est pas l’Open VLD, mais le CD&V qui pâtit le plus du déchirement de sa formation et des coalitions bâtardes. Le cartel est rompu, les promesses électorales ne sont pas tenues, le chef de file a été sacrifié. Pendant toute cette période, l’Open VLD a pu réagir en se tenant à l’ombre du CD&V et en faisant passer le message selon lequel ce n’était pas lui qui avait provoqué les décombres.
Pourtant, les libéraux ne sont pas sortis indemnes du combat. Comme parti de gouvernement, ils sont naturellement impliqués dans le jugement négatif que bien des citoyens-électeurs portent sur la période qui s’achève. Mais le dommage est plus profond, il porte sur la substance du fonds de commerce politique d’un parti, à savoir sa crédibilité. Quand cela allait bien, l’Open VLD emboîtait le pas à la logique flamande ouvertement et sans trop rechigner, même si la coopération avec le cartel était souvent réduite au minimum minimorum.
Quand faute il y avait, alors le parti disparaissait aussi vite que possible derrière le large dos du CD&V. Leterme et compagnie étaient subtilement montrés d’un doigt accusateur, mais à aucun moment les libéraux ne présentaient une réelle alternative. Ils restaient en marge, spectateurs de la façon dont Leterme se fracassait chaque fois contre le mur, sans faire preuve du courage politique pour promouvoir une autre solution. La crainte d’être pris pour de mauvais Flamands était grande. Vu la popularité persistante de Leterme, toute charge à l’encontre de ce bien-aimé des Flamands paraissait aussi politiquement suicidaire.
De cette façon, l’Open VLD pécha outrageusement par déloyauté organisée sans en tirer les conséquences politiques. Dans leur effort pour être des Flamands crédibles, les gros bonnets libéraux apparaissaient avant tout comme des hommes politiques peu crédibles. Ainsi naquit l’image d’un parti qui se rend coupable de petits jeux politiques. Non sans raison.
Le VLD s’obstine cependant dans cette stratégie. Aujourd’hui encore, les chefs de file libéraux donnent l’apparence d’une loyauté chancelante envers l’équipe dont ils font partie. Si le budget déraille, alors ils ne manquent pas de mettre cette situation en exergue. En l’endossant mine de rien par la suite bien qu’ils participent au gouvernement. Le 28 avril, jour de l’approbation de la vente de Fortis à BNP Paribas, Karel De Gucht est venu dans le programme « Phara » de Canvas répéter encore une fois qu’il avait toujours été opposé à cette vente, que celle-ci prouve que ce gouvernement n’a aucun plan industriel pour le pays… Un gouvernement dans lequel il siège et auquel il continue à participer sans problème. Comment les électeurs peuvent-ils s’y retrouver dans une telle dualité ?
La Flandre émiettée
La carte politique de la Flandre après le 7 juin, tel est le problème qui tracasse chaque parti flamand. Si la liste Dedecker (LDD) réalise le score prévu par les sondages d’opinion, (pour l’instant supérieur à 15%), la Flandre risque de rester avec une poignée de partis moyennement grands tendant aux 20% des voix, et quelques petites formations.
Ainsi, trois partis moyennement grands devront à nouveau former un gouvernement. Alors qu’une tripartite classique a longtemps semblé constituer l’unique solution réalisable, un éventuel score dramatique du SP.A le 7 juin pourrait entraîner un changement. L’Open VLD pourrait ainsi devoir prendre le large avec la N‑VA, la liste Dedecker ou les deux. On est dans la plus grande incertitude quant à savoir comment cela devrait fonctionner avec un gouvernement fédéral tout à fait fragmenté.
Le danger que la LDD fait courir à l’Open VLD, ce n’est donc pas tellement de saper ses bases populaires. Les électeurs libéraux qui voulaient emboîter le pas à Jean-Marie Dedecker l’ont déjà fait en grande partie en 2007. Désormais, la LDD pêche en grande partie dans le vivier du VB, du CD&V et du SP.A. Le danger, après les élections, réside avant tout dans la formation exceptionnellement difficile du gouvernement régional et dans la menace d’être confronté à des institutions impraticables.
Cependant, les libéraux devraient aussi mieux scruter la situation en Wallonie. Didier Reynders y joue de nouveau son va-tout et l’issue de ce grand jeu politique est imprévisible. Si le MR est dans le creux de la vague, alors l’équilibre chancelant à l’intérieur du gouvernement fédéral risque d’être compromis. L’Open VLD peut donc tout aussi bien être incontournable en Flandre que le MR ne plus l’être en Wallonie.
Un dernier facteur d’incertitude, c’est l’enjeu de ces élections : l’impact de la crise économique et la façon dont celle-ci va influencer les électeurs. Pour la première fois depuis longtemps, les libéraux sont dans le mauvais coin, même si Verhofstadt et De Gucht ont récemment fait de timides efforts pour formuler une réponse. Le libéralisme, qui constitue à bien des points de vue l’idéologie implicite en Flandre, est en discussion. D’un point de vue politique et public, le débat est sans doute mené de façon moins idéologique qu’en Belgique francophone. Mais cela signifie aussi que nul ne sait comment l’électeur perçoit la carence de logiques néolibérales déterminées et en impute la coresponsabilité aux libéraux flamands. On ne le saura que le jour des élections.
Qui est le chef ?
La question qui a occupé les libéraux depuis les élections de 2007 est de savoir qui est en fait le chef. Verhofstadt, écarté lors du vote du 10 juin, se met quasi immédiatement en retrait du centre du pouvoir politique et amorce alors une longue période de silence. Cependant, il n’est jamais totalement parti. Son intention semblait être de reculer pour mieux sauter.
Mais une fois Verhofstadt en Toscane, les dirigeants libéraux qui accédaient à la première place devaient apporter la preuve qu’ils étaient aussi capables de faire sans lui. Pendant les périodes difficiles au sein du parti, ils firent planer ouvertement la menace d’un retour de Verhofstadt comme conséquence d’un éventuel échec. Ils manifestaient par là qu’ils n’étaient pas le moins du monde favorables à un scénario de ce genre.
Quand Verhofstadt III devint tout doucement inévitable, ce fut donc en grande partie malgré les libéraux. Fixer une date limite au gouvernement intérimaire, ce n’était pas seulement important pour le CD&V ; pour l’Open VLD aussi, c’était tout sauf un détail. Après le 20 mars, Karel De Gucht, Patrick Dewael et Bart Somers purent risquer un nouvel essai.
L’ont-ils fait avec succès ? Plus ou moins. Le trio s‘est trouvé relativement rapidement dans une alliance stratégique, avec pour premier objectif de maintenir Verhofstadt à l’écart. Somers pouvait se profiler beaucoup plus librement sans Verhofstadt à la barre et sans un chef de file à suivre totalement. Sa surface a grandi comme président du parti, même s’il n’est pas certain qu’il le reste après les élections, notamment en raison de l’échec de sa tentative de débauchage d’un député LDD.
Dewael a fait un parcours plus fantasque : comme ministre, il est de nouveau entré rapidement dans les problèmes, comme vice-Premier il s’est clairement mis en avant dès lors qu’il n’y avait plus Verhofstadt pour tracer la ligne. Il semble par ailleurs particulièrement satisfait de sa nouvelle fonction de président de la Chambre, même si, pour l’occuper, il a partiellement abandonné une position de pouvoir centrale dans le parti.
Karel De Gucht a cédé sans murmurer le poste de vice-Premier ministre à Dewael, mais l’a bien exigé quand ce dernier s’est effacé pour la Chambre. La prise de De Gucht sur le parti s’est ainsi considérablement accrue. Il est de facto la figure de proue et ne manque pas de faire valoir ce pouvoir, notamment à travers la promotion rapide comme l’éclair de son fils qui tirera le 7 juin la liste du parti en Flandre orientale et est déjà pressenti pour un ministère. Par ailleurs, il est de moins en moins probable que De Gucht parte à la fin de cette année pour la Commission européenne ; il semble ne pas vouloir renoncer si rapidement à sa nouvelle position.
La principale réalisation du trio pour mettre Verhofstadt à l’écart, c’est cependant le fait que les élections du 7 juin ne sont que régionales et européennes, et non fédérales. Officiellement, le VLD a plaidé à plusieurs reprises pour des élections conjointes, mais puisque les autres partis ne suivaient pas et que les libéraux ne voulaient pas eux-mêmes faire tomber le gouvernement, il devint clair que cela n’aboutirait pas. Ce qui exclut un retour rapide de Verhofstadt à l’avant-plan.
Verhofstadt lui-même a constamment laissé entendre de façon claire que regrouper les élections serait logique. Là aussi, il y avait un calcul personnel : une victoire éblouissante aux élections fédérales aurait à nouveau ouvert une voie royale vers la politique belge. Davantage encore que Verhofstadt III, quelle revanche sur Leterme ! Or, désormais, les possibilités sont limitées pour l’ex-Premier ministre. Il peut réaliser un bon score aux élections européennes, mais l’avantage est réduit au niveau national. Les élections flamandes ne sont rien pour lui : il a peu à y gagner, et rien pour l’avenir.
Verhofstadt s’oriente donc explicitement vers l’Europe, même si ses chances de carrière y sont pour l’instant très réduites. Il continue ainsi de se tenir en marge de la politique belge. Mais on se tromperait en pensant qu’il est parti. L’avenir de la Belgique reste très incertain et personne ne peut affirmer que le gouvernement fédéral va survivre aux élections du 7 juin, aux remaniements subséquents et à l’année qui suivra avec les problèmes budgétaires. Si cela ne réussit pas, on peut s’attendre à ce que le nom de Verhofstadt revienne bien vite en circulation. Somers, De Gucht et Dewael pourront-ils alors empêcher un second retour ? Cela dépendra en grande partie du score du 7 juin et de leur propre situation.
Pendant les deux dernières années, l’Open VLD a connu, lui aussi, un vide de pouvoir dans lequel un nouvel équilibre se cherche avec prudence. Les élections qui viennent peuvent faire totalement basculer cet équlibre fragile. Reste en tout cas à attendre le jugement de l’électeur pour savoir si le parti peut de nouveau s’affaisser.
Traduction : Paul Géradin