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On vote. Et après ?

Numéro 11 Novembre 2006 par La Revue nouvelle

novembre 2006

Les citoyens se sont expri­més. Mais quel est le mes­sage de l’é­lec­teur ? On s’at­tend à l’en­tendre clai­re­ment dès le len­de­main, à défaut de l’a­voir per­çu déjà lors de la soi­rée élec­to­rale qui a com­men­té les résul­tats. Les scru­tins com­mu­naux mul­ti­plient cette épreuve de la lisi­bi­li­té par autant de situa­tions par­ti­cu­lières tan­tôt tein­tées d’en­jeux locaux tan­tôt mar­quées par l’af­fron­te­ment […]

Les citoyens se sont expri­més. Mais quel est le mes­sage de l’é­lec­teur ? On s’at­tend à l’en­tendre clai­re­ment dès le len­de­main, à défaut de l’a­voir per­çu déjà lors de la soi­rée élec­to­rale qui a com­men­té les résul­tats. Les scru­tins com­mu­naux mul­ti­plient cette épreuve de la lisi­bi­li­té par autant de situa­tions par­ti­cu­lières tan­tôt tein­tées d’en­jeux locaux tan­tôt mar­quées par l’af­fron­te­ment de poids lourds aux ambi­tions régio­nales ou fédérales.
La volon­té col­lec­tive peine sou­vent à se déga­ger des urnes. Le vote se résout en un paquet de chiffres qui per­met de dési­gner les élus dont on cal­cule des élus qui doivent ensuite for­mer des majo­ri­tés exé­cu­tives. Or chaque étape de cette réduc­tion qui se veut tra­duc­tion laisse un doute. Dans le cas du 8 octobre der­nier, une fois les sièges attri­bués, la consti­tu­tion de majo­ri­tés com­mu­nales a rebon­di en de nom­breux endroits. Sous l’œil des médias, le jeu des repré­sen­tants et des par­tis semble tout-puis­sant. Car le citoyen est deve­nu spec­ta­teur. Et sur la scène, on jongle si habi­le­ment avec son vote qu’on en vient par­fois à faire oublier les balises arith­mé­tiques que l’é­lec­tion impose quand même.

Les résul­tats ouvrent une marge de manœuvre, dont cha­cun tire auto­ri­té pour jus­ti­fier des options par­fois oppo­sées. Au soir des élec­tions, tous les com­pé­ti­teurs se disent uni­ment vain­queurs, dussent-ils pour cela prendre pré­texte d’une défaite moins cruelle que pré­vue. Et ce sont les acteurs enga­gés dans la négo­cia­tion, néces­si­té des len­de­mains d’une élec­tion pro­por­tion­nelle, qui sont les pre­miers à en dénon­cer le carac­tère trouble, même si c’est en se défaus­sant sur des adver­saires inté­res­sés ou de mau­vaise foi. La lec­ture du spec­ta­teur citoyen n’est pas for­cé­ment celle du mau­vais per­dant : il voit sur­tout que l’exi­gence morale et poli­tique qui n’est pas hono­rée n’est sans doute pas tenable par un per­son­nel poli­tique médiocre qui met en cause sans ver­gogne le sys­tème élec­to­ral juste après en avoir béné­fi­cié pour se faire élire.

Accords secrets, pactes de majo­ri­té remis en cause dans l’heure de leur signa­ture, ani­mo­si­tés locales et pres­sions d’ap­pa­reil : la pré­ca­ri­té de quelques situa­tions signale la contre­par­tie d’un mode de scru­tin pro­por­tion­nel qui donne la prio­ri­té à la diver­si­té de la repré­sen­ta­tion plu­tôt qu’à la mise en œuvre d’o­rien­ta­tions pro­gram­ma­tiques. À la dif­fé­rence d’un sys­tème majo­ri­taire à deux tours, le « second tour » de l’é­lec­tion se négo­cie entre élus et dans une obs­cu­ri­té qui nour­rit le soup­çon de cal­culs retors. De la majo­ri­té, il faut en être à tout prix pour se par­ta­ger les postes exé­cu­tifs. Pour quoi faire ? On verra.

La démo­cra­tie gagne­rait-elle à une révi­sion des règles d’ex­pres­sion de la volon­té popu­laire pour lui assu­rer une tra­duc­tion moins équi­voque et sujette à cau­tion ? Sans doute, car faute d’être ren­dus pré­vi­sibles par des cli­vages poli­tiques a prio­ri (entre « gauche » et « droite », par exemple), les com­pro­mis et les alliances pour­raient être à tout le moins enca­drés par des pro­cé­dures qui limitent leur arbi­traire et leur pré­ci­pi­ta­tion. Sinon, ne devra-t-on pas aban­don­ner radi­ca­le­ment le prin­cipe de pro­por­tion­na­li­té de la repré­sen­ta­tion au pro­fit d’un scru­tin majo­ri­taire aux conclu­sions indis­cu­tables ? Un tel sys­tème le laisse espé­rer, en effet, mais cet avan­tage déci­sif occulte les autres consé­quences de ce qui serait une révolution.

On pré­fè­re­ra donc s’en tenir ici à évo­quer quelques amé­lio­ra­tions modestes du sys­tème actuel. En Wal­lo­nie, la dési­gna­tion « auto­ma­tique » des bourg­mestres (le plus gros score en voix de pré­fé­rence sur la liste la plus impor­tante de la majo­ri­té) a été inau­gu­rée lors de cette élec­tion. Cette nou­veau­té est géné­ra­le­ment reçue comme un pro­grès dans le sens de la trans­pa­rence, encore que ce sys­tème pri­vi­lé­gie le vedet­ta­riat. On pour­rait éga­le­ment son­ger à impo­ser une pro­cé­dure stricte pour l’é­la­bo­ra­tion de la majo­ri­té. Ain­si, on consa­cre­rait une pré­séance de la liste majo­ri­taire qui ne pour­rait être abo­lie, après un délai fixé, que par le refus expli­cite des par­te­naires pos­sibles de consti­tuer une majo­ri­té avec elle. Et ain­si de suite. Nous aurons pro­ba­ble­ment à reve­nir sur cette question.
Mais tout le mal n’est sans doute pas dans le sys­tème élec­to­ral. À l’é­che­lon com­mu­nal, comme à l’é­che­lon pro­vin­cial, le rôle ingrat de l’op­po­si­tion n’est pas recon­nu : ses mis­sions, dans le dénue­ment où elles sont lais­sées, exigent pour être rem­plies un dévoue­ment héroïque. Ce qui jus­ti­fie appa­rem­ment l’im­pé­ra­tif abso­lu de faire par­tie de la majo­ri­té pour exis­ter en tant qu’é­lu. Tant sur le plan cultu­rel qu’ins­ti­tu­tion­nel et pécu­niaire, le sta­tut de l’op­po­si­tion mérite mieux. Ce ne serait pas un luxe pour la démo­cra­tie : seul un défi­cit de contrôle (fonc­tion dévo­lue par­mi d’autres à l’op­po­si­tion) explique la per­ma­nence de dérives aus­si pro­fondes que celles qu’ont révé­lées les récentes affaires de Charleroi.

La Revue nouvelle


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