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On vote. Et après ?
Les citoyens se sont exprimés. Mais quel est le message de l’électeur ? On s’attend à l’entendre clairement dès le lendemain, à défaut de l’avoir perçu déjà lors de la soirée électorale qui a commenté les résultats. Les scrutins communaux multiplient cette épreuve de la lisibilité par autant de situations particulières tantôt teintées d’enjeux locaux tantôt marquées par l’affrontement […]
Les citoyens se sont exprimés. Mais quel est le message de l’électeur ? On s’attend à l’entendre clairement dès le lendemain, à défaut de l’avoir perçu déjà lors de la soirée électorale qui a commenté les résultats. Les scrutins communaux multiplient cette épreuve de la lisibilité par autant de situations particulières tantôt teintées d’enjeux locaux tantôt marquées par l’affrontement de poids lourds aux ambitions régionales ou fédérales.
La volonté collective peine souvent à se dégager des urnes. Le vote se résout en un paquet de chiffres qui permet de désigner les élus dont on calcule des élus qui doivent ensuite former des majorités exécutives. Or chaque étape de cette réduction qui se veut traduction laisse un doute. Dans le cas du 8 octobre dernier, une fois les sièges attribués, la constitution de majorités communales a rebondi en de nombreux endroits. Sous l’œil des médias, le jeu des représentants et des partis semble tout-puissant. Car le citoyen est devenu spectateur. Et sur la scène, on jongle si habilement avec son vote qu’on en vient parfois à faire oublier les balises arithmétiques que l’élection impose quand même.
Les résultats ouvrent une marge de manœuvre, dont chacun tire autorité pour justifier des options parfois opposées. Au soir des élections, tous les compétiteurs se disent uniment vainqueurs, dussent-ils pour cela prendre prétexte d’une défaite moins cruelle que prévue. Et ce sont les acteurs engagés dans la négociation, nécessité des lendemains d’une élection proportionnelle, qui sont les premiers à en dénoncer le caractère trouble, même si c’est en se défaussant sur des adversaires intéressés ou de mauvaise foi. La lecture du spectateur citoyen n’est pas forcément celle du mauvais perdant : il voit surtout que l’exigence morale et politique qui n’est pas honorée n’est sans doute pas tenable par un personnel politique médiocre qui met en cause sans vergogne le système électoral juste après en avoir bénéficié pour se faire élire.
Accords secrets, pactes de majorité remis en cause dans l’heure de leur signature, animosités locales et pressions d’appareil : la précarité de quelques situations signale la contrepartie d’un mode de scrutin proportionnel qui donne la priorité à la diversité de la représentation plutôt qu’à la mise en œuvre d’orientations programmatiques. À la différence d’un système majoritaire à deux tours, le « second tour » de l’élection se négocie entre élus et dans une obscurité qui nourrit le soupçon de calculs retors. De la majorité, il faut en être à tout prix pour se partager les postes exécutifs. Pour quoi faire ? On verra.
La démocratie gagnerait-elle à une révision des règles d’expression de la volonté populaire pour lui assurer une traduction moins équivoque et sujette à caution ? Sans doute, car faute d’être rendus prévisibles par des clivages politiques a priori (entre « gauche » et « droite », par exemple), les compromis et les alliances pourraient être à tout le moins encadrés par des procédures qui limitent leur arbitraire et leur précipitation. Sinon, ne devra-t-on pas abandonner radicalement le principe de proportionnalité de la représentation au profit d’un scrutin majoritaire aux conclusions indiscutables ? Un tel système le laisse espérer, en effet, mais cet avantage décisif occulte les autres conséquences de ce qui serait une révolution.
On préfèrera donc s’en tenir ici à évoquer quelques améliorations modestes du système actuel. En Wallonie, la désignation « automatique » des bourgmestres (le plus gros score en voix de préférence sur la liste la plus importante de la majorité) a été inaugurée lors de cette élection. Cette nouveauté est généralement reçue comme un progrès dans le sens de la transparence, encore que ce système privilégie le vedettariat. On pourrait également songer à imposer une procédure stricte pour l’élaboration de la majorité. Ainsi, on consacrerait une préséance de la liste majoritaire qui ne pourrait être abolie, après un délai fixé, que par le refus explicite des partenaires possibles de constituer une majorité avec elle. Et ainsi de suite. Nous aurons probablement à revenir sur cette question.
Mais tout le mal n’est sans doute pas dans le système électoral. À l’échelon communal, comme à l’échelon provincial, le rôle ingrat de l’opposition n’est pas reconnu : ses missions, dans le dénuement où elles sont laissées, exigent pour être remplies un dévouement héroïque. Ce qui justifie apparemment l’impératif absolu de faire partie de la majorité pour exister en tant qu’élu. Tant sur le plan culturel qu’institutionnel et pécuniaire, le statut de l’opposition mérite mieux. Ce ne serait pas un luxe pour la démocratie : seul un déficit de contrôle (fonction dévolue parmi d’autres à l’opposition) explique la permanence de dérives aussi profondes que celles qu’ont révélées les récentes affaires de Charleroi.