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On peut plus rien dire
Ce numéro de la Revue Nouvelle reprend la quasi totalité des interventions tenues lors du colloque « On peut plus rien dire. Quand les minorités sexuelles et de genre interrogent le champ psychomédicosocial » organisé par la Ligue Bruxelloise pour la Santé Mentale les 28 et 29 novembre 2022.
À l’initiative de la Coordination Précarités de la LBSM, régulièrement interpellée par les enjeux spécifiques de santé mentale pour les personnes LGBTQIA+, un comité de pilotage composé de Manu Gonçalvès, Myriam Monheim, Isabelle Gosselin, Roxanne Chinikar, Noémie Castro, Yahyâ Hachem Samii et Sophie Tortolano s’est constitué pour construire deux journées de questionnements et de réflexions autour de l’accueil et de l’accompagnement de ces publics dans le large champ des soins psychomédicauxsociaux.
Ce numéro de la Revue Nouvelle reprend la quasi totalité des interventions tenues lors du colloque « On peut plus rien dire. Quand les minorités sexuelles et de genre interrogent le champ psychomédicosocial » organisé par la Ligue Bruxelloise pour la Santé Mentale les 28 et 29 novembre 2022.
À l’initiative de la Coordination Précarités de la LBSM, régulièrement interpellée par les enjeux spécifiques de santé mentale pour les personnes LGBTQIA+, un comité de pilotage composé de Manu Gonçalvès, Myriam Monheim, Isabelle Gosselin, Roxanne Chinikar, Noémie Castro, Yahyâ Hachem Samii et Sophie Tortolano s’est constitué pour construire deux journées de questionnements et de réflexions autour de l’accueil et de l’accompagnement de ces publics dans le large champ des soins psychomédicauxsociaux.
Les besoins et les facteurs de vulnérabilité spécifiques des minorités sexuelles et de genre questionnent les pratiques d’aide et de soin.
Longtemps étudiées sous le prisme de la pathologie par la médecine, la psychiatrie et la psychologie, les minorités soulèvent chez certain·es la crainte d’une perte des repères sexués, sous-tendue par la cis-hétéronormativité qui seule fonderait notre rapport au monde et aux autres.
Dans un tel contexte, chaque article de ce dossier permet d’interroger les savoirs et postures qui sous-tendent les soins en santé mentale, leur caractère situé et historicisé, source potentielle d’inclusion et de non-oppression ou au contraire de stigmatisation et de discrimination.
Ce dossier, dans le prolongement des deux journées de colloque, cherche à visibiliser les parcours et trajectoires de soins spécifiques de groupes qui constituent l’acronyme très diversifié LGBTQIA+ en distinguant les vécus de certain·es d’entre elleux.
En traversant des questions complexes et éminemment sociales que nous ne pouvons plus accepter d’ignorer ou de caricaturer, il s’agit bien de favoriser un meilleur accueil et une écoute plus attentive de personnes, ainsi que de leurs familles et proches, qui ne veulent plus être enfermées ou discriminées mais accompagnées et rencontrées.
Cette capacité à reconnaitre les publics minorisés et à travailler avec eux de façon émancipatrice et soignante œuvre certainement à « faire société » et contribue à enrichir toutes nos pratiques de soin et d’accompagnement, qu’elles soient individuelle, collective, groupale, familiale et/ou institutionnelle.
À cette fin, le dossier débutera par les mots de Marie Darah, slameureuse à la plume incisive, vibrante et percutante, qui nous fait l’honneur de partager l’un de ses textes dont la puissance évocatrice et l’intelligence plongeront les lecteur·ices dans une expérience émotionnelle et réflexive qui condense et transcende, à bien des égards, les savoirs académiques et cliniques qui lui feront suite.
Valérie Piette est professeure à l’Université Libre de Bruxelles et ses recherches portent sur l’histoire des femmes, du genre et de la sexualité. Dans sa contribution, elle développera sans linéarité les momentums de l’histoire des personnes LGBTQIA+, laquelle s’est construite au carrefour des discours médicaux, psychologiques et juridiques. Elle évoquera également ces narrations individuelle et collective qui éclairent les mouvements actuels, notamment ceux d’une affirmation fière malgré la honte, les douleurs et les tabous par lesquels les minorités sexuelles et de genre ont été et sont traversées.
Au regard historique succèdera la lecture anthropologique de Charlotte Pezeril, codirectrice de l’Observatoire du sida et des sexualités (ULB). Rappelant que les études de genre sont loin de représenter un corpus monolithique, elle proposera une articulation féconde entre genre, sexe et sexualité en prenant appui sur la créativité de genre dont différentes sociétés ont fait preuve. Elle insistera également sur l’importance, s’il en est, de politiser, d’historiciser et d’anthropo-socialiser ces trois catégories, au regard notamment du risque d’essentialisation qui les guette, avec le recul critique nécessaire, afin d’en garder la force discursive, émancipatrice et potentiellement subversive pour penser nos rapports sociaux.
Si nous pensions avoir compris quelque chose en la matière, Guilhem Lautrec, travailleur social, anthropologue et directeur d’Alias, bousculera nos croyances. Dans son texte, il démontrera que le concept de sexualité produit par nos sociétés occidentales n’est nullement exempt de dimensions coloniales, racistes et impérialistes. Il invitera, avec force, nos institutions du social et de la santé à en prendre conscience avant toute intervention auprès de personnes non blanches, identifiées comme étant issues de minorités sexuelles, face au danger si elles ne le font pas, de reproduire des systèmes de dominations et de transformer des sujets en objets de soin.
Après ces abords historiques et socio-anthropologiques, les quatre articles suivants s’attarderont sur des dimensions cliniques et pratiques, consubstantielles aux développements précédents.
Les auteur·ices de ces articles sont psychologues clinicien·nes et ont développé une expertise auprès des publics LGBTQIA+.
Myriam Monheim, psychologue au PlanF, abordera les nombreux coming out choisis ou forcés auxquels sont confrontés ces publics et leurs effets sur la santé mentale, ainsi que leurs vulnérabilités et besoins spécifiques.
Noah Gottlob, cofondateur de Transkids ainsi que coordinateur et cofondateur d’Epicentre, poursuivra une réflexion sur l’accompagnement des mineurs transgenres, créatif·ves dans le genre, et de leur famille dans une posture inclusive. Aurore Dufrasne, psychothérapeute, sexologue et formatrice à Genres Pluriels ainsi que coordinatrice du Réseau Psychomédicosocial Trans et Inter belge, opérera la même démarche relativement aux transgenres adultes.
Enfin Isabelle Gosselin, psychothérapeute et chercheuse à l’Observatoire du sida et des sexualités, proposera de queeriser la psychanalyse en s’appuyant sur une psychothérapie dite inclusive. Elle démontera que sa pratique d’écoute des marges a transformé son écoute au bénéfice de l’ensemble de ses patient·es, minorisé·es ou non.
L’article conclusif reviendra, quant à lui, à Sandrine Detandt, professeure à la Faculté de Psychologie (ULB) et codirectrice de l’Observatoire du sida et des sexualités qui, à partir d’une lecture critique des apports de la psychanalyse – qui rappelons-le ne représente pas à elle seule la santé mentale ou la psychologie clinique mais y occupe, historiquement, une place influente – ainsi que des études de genre tentera une médiation réflexive et épistémique afin de soutenir une écoute qui soit à l’avantage du sujet fut-il politique ou de l’inconscient ; sujet dont on peut plus NE rien dire.
Pour accompagner votre lecture que nous souhaitons aussi stimulante que possible, nous voudrions vous partager quelques mots de la poétesse américaine, Audre Lorde1 : « Parler d’une différence tout en éludant les autres, revient à déformer nos points communs comme nos différences […] Le rejet de la différence est d’une nécessité absolue dans une économie de profit qui a besoin d’outsiders comme surplus. Insérées dans une telle économie, nous avons été dressés dans la peur et le dégout de la différence. Et nous avons appris trois sortes de comportements pour y faire face : l’ignorer, et quand cela est impossible, la reproduire si elle est l’apanage des dominant.es, ou la détruire si elle porte les stigmates des dominé.es. Mais nous ne disposons d’aucun modèle pour construire des relations humaines égalitaires. Résultat, on nous a menti au sujet de la différence et on s’en est servi pour nous diviser et semer le désordre. Pour chacun de nous, s’affranchir de nos préjugés qui empoisonnent nos vies, et dans le même temps admettre, mettre en valeur, et distinguer les différences sur lesquelles reposent ces préjugés ; c’est le travail de toute une vie. […] Ce ne sont pas nos différences qui nous divisent. C’est notre incapacité à reconnaitre, accepter et célébrer ces différences. »
- Lorde A., Sister Outsider : Essays and Speeches (1984). Traduction : Sister Outsider. Essais et propos sur la poésie, l’érotisme, le racisme, le sexisme…, Genève, éditions Mamamélis, 2003.