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Nouvelles luttes citoyennes contre le TTIP et le Ceta : bilan et perspectives
La mobilisation contre le TTIP et le Ceta a éclaté au grand jour en 2016. Depuis la première mèche allumée par l’économiste militant Bruno Poncelet en 2011 jusqu’aux actions de désobéissance civile pacifiques menées par la dynamique TTIP Game Over au mois de novembre dernier, ce mouvement de résistance n’a cessé de gonfler et de diversifier […]

La mobilisation contre le TTIP et le Ceta a éclaté au grand jour en 2016. Depuis la première mèche allumée par l’économiste militant Bruno Poncelet en 2011 jusqu’aux actions de désobéissance civile pacifiques menées par la dynamique TTIP Game Over au mois de novembre dernier, ce mouvement de résistance n’a cessé de gonfler et de diversifier ses modes d’action. Aujourd’hui encore, les menaces qui planent sur les fondements même des droits économiques et sociaux des citoyens rendent légitimes ces passages à l’action.
Vu l’extrême pression exercée par les lobbys des compagnies transnationales sur les représentants politiques, l’arrivée récente de Donald Trump à la Maison Blanche ne modifie d’ailleurs pas fondamentalement le caractère prioritaire de cette lutte. Malgré l’acte de bravoure du gouvernement wallon en s’opposant, un temps, au Ceta, des dangers continuent de peser sur de nombreux domaines : la santé, la culture, l’environnement, les droits des femmes, le Code du travail, la qualité de l’alimentation, l’économie locale ou encore l’agriculture familiale de proximité.
Comme l’attestent ces derniers mois, la puissance de ces luttes citoyennes a pu être mesurée par le haut degré de sensibilisation des citoyens par rapport à ces accords et par son impact sur les représentants politiques francophones belges. Ces mouvements peuvent dès lors déjà être fiers de ces quelques victoires. Comment expliquer la force de ce mouvement ? Quelles leçons pouvons-nous tirer pour les luttes futures ?
Nous sommes les 99%
Sur la base de nombreux témoignages de militants que nous avons récoltés pour nourrir la dernière étude de la Commission Justice et Paix, c’est une impression de grande diversité qui apparait. Hormis une tranche relativement réduite de la société, des gens issus de toutes les couches de la population, des classes populaires aux classes moyennes, s’inquiètent de la possible application de tels accords. Cette large représentation de la population évoque d’autres mouvements qui ont émergé il y a quelques années, « Occupy Wall Street » à New-York ou « Les Indignés » en Espagne en 2011. En Belgique, le combat actuel contre les négociations entourant le TTIP et le Ceta n’est pas loin de pouvoir s’approprier le slogan symbolique « nous sommes les 99%» scandé par le mouvement new-yorkais. Force est de reconnaitre que ces nouvelles applications de politiques d’intensification du commerce international n’interpellent pas seulement des ouvriers ou des associations militantes, mais également des patrons de PME, des agriculteurs, des indépendants ou des cadres d’entreprises, toutes des personnes issues d’une strate de la société dont on aurait pu croire qu’elles seraient, à priori, acquises à des politiques de libre-échange. Cette amplitude de la contestation s’est d’ailleurs traduite par l’apparition de grandes plateformes de convergence telles que l’Alliance d19-20 ou Stop TTIP & Ceta qui visent un dépassement des clivages et des luttes sectorielles pour interpeler le monde politique.
Une émulation contagieuse
Par ailleurs, la joie exprimée par des personnes et des associations engagées dans ce combat n’est pas à sous-estimer dans l’ampleur prise par la mobilisation. Beaucoup de personnes ont d’ailleurs laissé transparaitre l’enthousiasme qu’elles avaient eu à mener des actions militantes, quelle que soit leur nature. Le fait de marcher ensemble dans la rue, de débattre ou d’organiser démocratiquement des actions constitue un vecteur de passion puissant, capable de mener loin un mouvement. Cette ivresse du rassemblement et de la réappropriation de la chose publique par les citoyens contraste avec l’isolement dont souffre un grand nombre de personnes séparées par les effets structurels du monde moderne. Cette allégresse commune constitue dès lors elle-même un acte militant dans un monde relativement cloisonné. Se retrouver entre personnes et associations issues de milieux différents, s’organiser, créer des projets pour peser sur le réel comporte un potentiel d’émulation contagieuse dont les effets politiques peuvent être énormes.
L’imagination au pouvoir
Dans ce contexte, la créativité, l’humour et la dimension artistique déployés par certains activistes participent de cette dimension passionnelle. Citons en exemples les actions spectaculaires du collectif EZLN (Ensemble zoologique de libération de la nature) dont le modus operandi est simple : un lieu symbolique qui représente les intérêts de multinationales, un rendez-vous et des personnes déguisées en animal qui mettent l’endroit sens dessus dessous en entonnant en chœur le slogan « We are nature defending itself ». Le piratage d’écrans publicitaires, la création de courts-métrages militants tels que « Diversion » ou les flashes mobs dans les centres commerciaux constituent un aperçu de tout ce qu’offre l’imaginaire en matière de contestation.
La désobéissance civile, juste ? Toutes les actions spectaculaires et novatrices observées en 2016 ne s’inscrivent pas toujours dans le cadre strict de la légalité, mais rappelons que celle-ci ne constitue pas nécessairement un critère éthique ultime pour orienter son action. Rappelons qu’il n’y a pas si longtemps, des lois autorisant l’esclavage ou le travail des enfants étaient légales dans notre pays. Ce qui est légal n’est donc pas nécessairement juste. Dans le cadre de la lutte contre le TTIP et le Ceta, ces actions sont légitimes pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elles respectent toutes un consensus d’actions élaboré par la dynamique TTIP Game Over qui impose, entre autres, à chaque activiste, le respect strict de l’intégrité physique des personnes. À cette condamnation de la violence, s’ajoute le caractère totalement antidémocratique des processus de négociations entourant ces traités commerciaux qui ne laisse pas d’autres choix aux citoyens que cet ultime recours pour faire progresser la lutte de façon substantielle. Enfin, la désobéissance civile apparait comme une voie nécessaire aux regards des dangers que font peser le TTIP et le Ceta sur les droits humains fondamentaux. Voir aussi l’article « TTIP, Game Over : désobéir pour (enfin) gagner », La Revue nouvelle, n° 6/2016 |
De la démocratie !
La haute exigence d’une démocratie interne aux différents mouvements est une autre condition favorable à cette émulation. Le système d’autogestion à l’œuvre dans TTIP Game over et les objectifs démocratiques poursuivis par l’Alliance d19-20 ou Stop TTIP & Ceta ont favorisé la mise en place des conditions d’un sentiment d’émulation partagé et de joie indispensables pour que chaque militant puisse se sentir investi d’une énergie. Comme l’explique Frédéric Lordon, économiste et philosophe, la politique n’est pas uniquement une affaire d’arguments rationnels, encore faut-il créer les conditions d’une complexion affective particulière des corps pour que ces arguments se muent en actes concrets. S’ils ne formulent pas de cette manière, c’est une dimension que beaucoup d’opposants au TTIP et au Ceta semblent avoir intégrée.
Un nouveau cap !
Au début de cette année 2017, formulons une résolution pour les années futures : que la coalition des énergies diverses, la grande créativité des actions menées et la contagion passionnelle observées cette année constituent un terreau sur la base duquel pourra croitre un nouveau projet tourné vers l’avenir. Le mouvement engagé doit pouvoir se nourrir d’espoir et de nouveaux objectifs. Sans se bercer dans l’illusion d’un grand soir, le moment est peut-être venu d’ouvrir des perspectives vers un autre monde possible, en associant à un discours de contestation contre ces traités, un discours résolument positif. Dans ce contexte, emboitons le pas à la Déclaration de Namur et à un projet de traité contraignant en gestation à l’ONU. Après une position défensive, donnons-nous un coup d’avance ! Pourquoi ne pas imaginer une large convergence des luttes en faveur d’un traité international contraignant qui chapeauterait tous les traités bilatéraux en vigueur et qui obligerait les sociétés transnationales à respecter les droits humains et l’environnement ? Il est nécessaire d’allier à la volonté de sauvegarde des acquis, un large mouvement coalisé en faveur de la progression des valeurs démocratiques, écologiques et solidaires. Le feu de la contestation couve. À présent, alimentons la lueur d’un nouvel horizon.