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Made to Break : Technology and Obsolescence in America, de Giles Slade

Numéro 07/8 Juillet-Août 2010 par Olivier Derruine

juillet 2010

En 2008 sor­tit sur nos écrans de ciné­ma le film amé­ri­cain qui aura pro­ba­ble­ment été le plus poli­tique et vision­naire de la décen­nie. Contre toute attente, il ne s’agit pas d’une énième dénon­cia­tion du capi­ta­lisme par Michael Moore ou d’une autre pro­duc­tion alter­na­tive à petit bud­get dif­fu­sée dans un nombre res­treint de salles obs­cures. Le film […]

En 2008 sor­tit sur nos écrans de ciné­ma le film amé­ri­cain qui aura pro­ba­ble­ment été le plus poli­tique et vision­naire de la décen­nie. Contre toute attente, il ne s’agit pas d’une énième dénon­cia­tion du capi­ta­lisme par Michael Moore ou d’une autre pro­duc­tion alter­na­tive à petit bud­get dif­fu­sée dans un nombre res­treint de salles obs­cures. Le film dont il est ici ques­tion est Wall‑E, dis­tri­bué par Pixar. Wall‑E est la seule créa­ture vivante (hor­mis son com­pa­gnon d’insecte) demeu­rant sur la Terre. Depuis des siècles, à la manière de César (le Nou­veau Réa­liste, pas l’empereur!) qui s’est ren­du célèbre pour ses com­pres­sions de voi­tures réa­li­sées à l’aide d’une presse hydrau­lique, il com­pacte les déchets amas­sés sur la pla­nète et les empile afin de réduire l’espace occu­pé par ces immon­dices de toute nature. Les humains, eux, se sont réfu­giés dans l’espace où ils sont vis­sés sur leur fau­teuil, lobo­to­mi­sés par un bon­heur arti­fi­ciel créé par l’asservissement des machines et l’absence de sou­ve­nirs. Seul le robot cen­tral garde la mémoire qu’ils ne repren­dront la des­ti­na­tion de la Terre que lorsque l’atmosphère sera à nou­veau viable !

Ce scé­na­rio qui range la pro­duc­tion dans la caté­go­rie science-fic­tion n’est peut-être pas si aber­rant qu’il n’y paraît à pre­mière vue. Dans un excellent ouvrage inti­tu­lé Made to Break : Tech­no­lo­gy and Obso­les­cence in Ame­ri­ca, édi­té par la pres­ti­gieuse Har­vard Uni­ver­si­ty Press (2006), Giles Slade envoie le signal d’alarme que la pla­nète se dirige à grande vitesse vers le monde décrit dans Wall‑E. Rien qu’en Amé­rique du Nord, « en 2004, près de 315 mil­lions de PC tou­jours en état de marche étaient jetés. Seuls 10% d’entre eux feraient l’objet d’une mise à niveau et seraient donc réuti­li­sés, une écra­sante majo­ri­té irait direc­te­ment à la pou­belle. […] En 1998, bien qu’un écran de PC eût une durée de vie “tech­nique” de six à sept années, il ne serait uti­li­sé que durant quatre à cinq années. En 2003, les consom­ma­teurs ne s’attendaient à uti­li­ser leur machine que pour deux années et actuel­le­ment, leur espé­rance de vie est encore moins longue. […] Quant aux télé­phones mobiles, contrai­re­ment aux PC, leur concep­tion com­pacte résiste au “désas­sem­blage”, étape préa­lable au recy­clage : il est sim­ple­ment plus facile de se débar­ras­ser des télé­phones [50.000 tonnes en 2005!] et d’en fabri­quer de nou­veaux. Ain­si, mal­gré le fait qu’ils pèsent beau­coup moins lourd qu’un ordi­na­teur por­table, les GSM [construits pour une durée de cinq années mais] reti­rés de la cir­cu­la­tion [après seule­ment dix-huit mois d’utilisation et déjà moins d’une année au Japon] repré­sentent une bombe à retar­de­ment toxique prête à péné­trer dans les décharges et nappes phréa­tiques de l’Amérique. » Et Slade d’annoncer la cou­leur sans détour : « Nous n’avons ni le temps, ni l’argent ou l’espace aux États-Unis pour créer suf­fi­sam­ment de décharges pour sto­cker et ensuite igno­rer la pile de déchets élec­tro­niques qui s’amoncèlent sur le ter­ri­toire amé­ri­cain [et] dans la mesure où la tech­no­lo­gie rend le monde plus petit et inter­con­nec­té, la ques­tion de l’alphabétisme tech­no­lo­gique devient de plus en plus vitale » (p. 3 et p. 279).

Comment en sommes-nous arrivés-là ?

Serge Latouche, l’un des pen­seurs de la décrois­sance, estime que la socié­té hyper­con­su­mé­riste dans laquelle nous vivons résulte de la com­bi­nai­son de trois fac­teurs : la publi­ci­té omni­pré­sente, le cré­dit qui per­met l’accumulation en décon­nexion (tem­po­raire) avec le reve­nu et l’obsolescence pro­gram­mée. Il défi­nit celle-ci comme l’«arme abso­lue du consu­mé­risme. Au terme de délais tou­jours plus brefs, les appa­reils et équi­pe­ments, des lampes élec­triques aux paires de lunettes, tombent en panne par suite de la défaillance vou­lue d’un élé­ment. Impos­sible de trou­ver une pièce de rechange ou un répa­ra­teur. Réus­si­rait-on à mettre la main sur l’oiseau rare, qu’il cou­te­rait plus cher de répa­rer que de rache­ter du neuf — celui-ci étant aujourd’hui fabri­qué à prix cas­sé dans les bagnes du Sud-Est asia­tique » (Petit trai­té de la décrois­sance sereine, p. 37, 2007, Mille et une Nuits).

Giles Slade étu­die com­ment ce pro­ces­sus a émer­gé et pro­gres­si­ve­ment conta­mi­né tous les sec­teurs éco­no­miques et s’est fina­le­ment impo­sé comme norme dans le monde des affaires tout en évi­tant d’attirer sur lui une cri­tique mili­tante le remet­tant en ques­tion. Il dis­tingue plu­sieurs formes d’obsolescence.

Si le terme même d’obsolescence pro­gram­mée (plan­ned obso­les­cence), ou sa variante plus expli­cite death dating, n’a été for­gé qu’au début des années trente, Giles Slade en décèle des traces bien avant. Mais l’élément déclen­cheur qui va don­ner au pro­ces­sus d’obsolescence une ampleur jamais connue aupa­ra­vant est l’invention du star­ter (sys­tème d’allumage de moteur à explo­sion par bat­te­rie et bobine) bre­ve­té par Charles F. Ket­te­ring qui rem­pla­ça la mani­velle que tous conduc­teurs devaient tour­ner rapi­de­ment afin de démar­rer leur voi­ture. Toutes les voi­tures seront équi­pées de cette inno­va­tion à par­tir de 1913, ren­dant du même coup les géné­ra­tions pré­cé­dentes de voi­tures obso­lètes parce qu’au-delà de l’aspect tech­nique, le star­ter per­met­tait aux femmes de se mettre au volant sans ris­quer de se salir les mains ou d’exécuter des mou­ve­ments peu élé­gants. On parle alors d’obsolescence technologique.

Dix ans plus tard, Gene­ral Motors sous la direc­tion d’Alfred Sloan s’inspire du sec­teur de la mode pour rendre ses véhi­cules plus attrac­tifs : plu­tôt que de miser cette fois sur l’innovation tech­no­lo­gique, GM diver­si­fie ses modèles en jouant sur la coupe et les cou­leurs dis­po­nibles. L’objectif est de concur­ren­cer la Ford T dont la durée de vie — huit ans — sur­passe de deux ans celle de ses concur­rents. Pre­nant conscience que ce suc­cès était un pro­blème dans la mesure où les consom­ma­teurs, satis­faits de la qua­li­té de leur voi­ture, n’avaient pas l’intention d’en chan­ger avant qu’elle ait vécu ses der­nières heures, Hen­ry Ford misa rapi­de­ment sur la pro­duc­tion d’une voi­ture dis­po­nible en une seule ver­sion afin de jouer sur les éco­no­mies d’échelle pour faire bais­ser les couts et les prix de vente de manière à élar­gir sa clien­tèle. Grâce à cette stra­té­gie, il déte­nait en 1921 61 % de parts de marché !

De leur côté, Sloan et son équipe ado­ptèrent une stra­té­gie radi­ca­le­ment dif­fé­rente : ils com­men­ce­ront par refor­ma­ter la vieille Che­vro­let (chan­ge­ment de coupe et de fini­tions). Puis, obser­vant que la mode qui façonne les gouts évo­lue plus rapi­de­ment que les inno­va­tions tech­no­lo­giques, ils intro­dui­ront de nou­velles cou­leurs d’abord chaque année et ensuite tous les trois ans tan­dis qu’ils s’efforceront simul­ta­né­ment de rendre leurs voi­tures plus confor­tables. Pari gagné : les nou­velles voi­tures feront bien plus que rendre la Ford T démo­dée : elles ren­dront aus­si vieillottes les voi­tures du « mil­lé­sime » précédent !

« Cette stra­té­gie de Sloane et l’obstination de Ford [qui se ver­ra contraint d’introduire de la cou­leur en 1925] eurent rai­son du modèle T dont la pro­duc­tion s’arrêta en 1927 et le modèle A qui prit la suite fut un cui­sant et cou­teux échec. En 1933, Ford se réso­lut à adop­ter les mêmes règles que Sloan. C’est ain­si que le der­nier rem­part à l’obsolescence psy­cho­lo­gique s’effondrait dans le sec­teur auto­mo­bile et puisque celui-ci était le porte-dra­peau de l’industrie amé­ri­caine, l’obsolescence psy­cho­lo­gique se pro­pa­gea comme une trai­née de poudre à tous les sec­teurs. […] En 1934, la durée de pos­ses­sion moyenne d’une voi­ture était tom­bée à cinq ans et, en 1955, à deux ans [alors qu’elle rou­le­rait encore par­fai­te­ment bien]. […] Si le modèle T avait été un levier démo­cra­tique, les voi­tures de GM deve­naient des stra­ti­fi­ca­teurs sociaux » (p. 41 et p. 45).

Par un com­por­te­ment mou­ton­nier gui­dé par l’envie de cal­quer un mode de vie jugé plus élé­gant, les classes sociales infé­rieures imi­te­ront les autres aux­quelles il est recon­nu l’apanage du bon gout. En retour, les pri­vi­lé­giés cher­che­ront à se dis­tin­guer par l’acquisition de voi­tures encore plus ruti­lantes et d’appareils plus modernes. Il s’agit du phé­no­mène de « consom­ma­tion osten­ta­toire » que l’économiste Thor­stein Veblen décri­vait déjà en 1899 dans sa Théo­rie de la classe de loi­sir et dont se nour­rit l’obsolescence psychologique.

Quand la nécessité mène à une nouvelle stratégie commerciale

Dans un troi­sième temps, les indus­triels pous­se­ront à son paroxysme l’obsolescence lorsqu’ils par­vien­dront à mani­pu­ler le taux de défaut de leurs pro­duits. Ain­si, il sera de plus en plus cou­rant que, ce que le consom­ma­teur per­çoit comme un fâcheux hasard, une pièce de son lave-linge ou ordi­na­teur tom­be­ra en panne peu de temps après la date d’expiration de la garan­tie et que la répa­ra­tion sera à ce point cou­teuse qu’il revien­dra moins cher d’acquérir un nou­vel appa­reil en rem­pla­ce­ment du défec­tueux. Cette évo­lu­tion trouve ses racines dans la Grande Dépres­sion des années trente lorsque les indus­triels seront contraints de recou­rir à des maté­riaux de qua­li­té infé­rieure dans les pro­duits manu­fac­tu­rés pour en com­pri­mer les couts et les rendre plus attrac­tifs et concur­ren­tiels. Très vite, ils pren­dront conscience que si ce choix a pour consé­quence de réduire la durée de vie de leurs pro­duits, ils amènent les consom­ma­teurs à renou­ve­ler de plus en plus vite leurs appa­reils et autres usten­siles, ce qui sti­mule la demande et donc les pro­fits. Les dépar­te­ments de recherche et déve­lop­pe­ment seront mis à contri­bu­tion pour iden­ti­fier les inputs les plus inté­res­sants de ce point de vue et éva­luer la durée de vie ain­si rabo­tée. La logique der­rière le pro­ces­sus de pro­duc­tion est que les biens manu­fac­tu­rés tels que les télé­vi­sions, les télé­phones, les aspi­ra­teurs, etc., bref, tout ce qui est élec­tro­nique est « made to break » (voué à se casser).

Les femmescomme courroie de transmission

Mais l’obsolescence pro­gram­mée n’aurait pu ren­con­trer un tel suc­cès sans qu’au préa­lable, cette nou­velle dis­po­si­tion à se débar­ras­ser des objets qui autre­fois étaient usés jusqu’à la corde par leur pro­prié­taire ne s’installe dans nos habi­tudes de consom­ma­tion. À cet égard, les femmes ont joué un rôle par­ti­cu­lier. « L’urbanisation et l’industrialisation ont modi­fié les rôles attri­bués aux genres, et tou­jours plus de femmes céli­ba­taires sont entrées dans la vie active » (p. 18). Quant aux femmes mariées, si les hommes rap­por­taient de l’argent dans le foyer fami­lial, c’était leur femme qui le dépen­sait pour le ménage. Ain­si, « les publi­ci­taires furent par­mi les pre­miers à capi­ta­li­ser sur ces chan­ge­ments sociaux et démo­gra­phiques et, au début de la Pre­mière Guerre mon­diale, cer­tains com­men­cèrent à embau­cher des femmes pour gérer les cam­pagnes ciblant les consom­ma­trices » (p. 19). C’est ain­si que le Klee­nex (1924), les spa­ra­draps (1921) et les tam­pons (1934) et, dans la fou­lée, le papier toi­lette (!) ou les gobe­lets en papier contri­buèrent à faire accep­ter auprès des femmes cette culture du « prêt-à-jeter » et ils y arri­vèrent d’autant mieux que l’argument sani­taire (une meilleure hygiène) était invo­qué en renfort.

Un phénomène polymorphe et omniprésent

L’étude de Giles Slade pré­sente une palette extrê­me­ment variée — et sou­vent inat­ten­due — des formes prises par l’obsolescence pro­gram­mée. En atteste la tren­taine de pages de com­men­taires et de sources biblio­gra­phiques ain­si que — tou­jours très utile — un index des termes et noms propres que l’on retrouve ici et là comme le génial Edwin Howard Arm­strong qui a révo­lu­tion­né la radio en inven­tant la FM d’une qua­li­té de récep­tion incom­pa­ra­ble­ment supé­rieure aux stan­dards AM en vigueur, ce qui « éli­mi­na com­plè­te­ment la sta­tique atmo­sphé­rique et repro­dui­sait fidè­le­ment une gamme de sons beau­coup plus vaste que les sys­tèmes de récep­tions AM » (p. 86), sans comp­ter que la FM était moins énergivore !

On appren­dra éga­le­ment que Ber­nard Lon­don, un vision­naire ayant fait for­tune dans l’immobilier, prô­nait très sérieu­se­ment d’éradiquer le chô­mage tech­no­lo­gique par le biais d’une loi qui sti­pu­le­rait que, pas­sé un délai impar­ti, chaque chose serait décla­rée léga­le­ment « morte ». Une agence gou­ver­ne­men­tale char­gée de col­lec­ter les biens deve­nus obso­lètes serait res­pon­sable de son res­pect. En échange des biens rap­por­tés, les ménages obtien­draient un reçu per­met­tant d’acquérir de nou­veaux biens tout juste sor­tis des usines qui ne s’arrêteraient donc jamais de tour­ner et four­ni­raient tou­jours au moins autant d’emplois ! (p. 74 – 75).

Slade relève éga­le­ment que la culture n’a plus échap­pé à l’obsolescence depuis que des récom­penses annuelles ont été attri­buées pour la pre­mière fois en 1929 aux meilleurs films et que, dans le sec­teur musi­cal, on a créé le hit parade en 1932 et qu’en matière lit­té­raire, le New York Times a publié en 1942 un pareil clas­se­ment. Ces clas­se­ments per­mettent d’écouler sans cesse des livres, CD, etc. en jouant sur le fétiche de la nou­veau­té et en ravi­vant le désir de posséder.

On retrou­ve­ra aus­si l’obsolescence pro­gram­mée dans… la chute de l’Empire sovié­tique ! Rien de moins. Giles Slade rend ici hom­mage au tra­vail de l’ombre de Gus Weiss, conseiller d’une impor­tance crois­sance à la Mai­son Blanche qui, dès le début des années sep­tante, ima­gi­na uti­li­ser l’obsolescence pro­gram­mée comme arme contre l’URSS. Weiss réa­li­sa rapi­de­ment que si la course à l’armement enta­mée par le Penta­gone pour dis­tan­cier l’URSS, dans la mesure où celle-ci ne pour­rait sou­te­nir éco­no­mi­que­ment de tels efforts, tar­dait à don­ner des résul­tats, cela s’expliquait par l’imitation sys­té­ma­tique des tech­no­lo­gies de pointe occi­den­tale par les Sovié­tiques (en par­ti­cu­lier, par un groupe d’élite du KGB spé­cia­li­sé en espion­nage indus­triel et bap­ti­sé « Ligne X »).

Grâce à une fuite due à un agent com­mu­niste vou­lant mar­chan­der son pas­sage à l’Ouest et à une étroite col­la­bo­ra­tion entre la France et les États-Unis, les Occi­den­taux mirent la main sur une liste de tech­no­lo­gies clés ciblées par les Sovié­tiques. À par­tir de ce moment, avec la com­pli­ci­té des indus­triels visés, les Amé­ri­cains conçurent des tech­no­lo­gies appa­rem­ment au point, mais vouées à dys­fonc­tion­ner après un cer­tain laps de temps. C’est ain­si que le pro­jet pha­rao­nique trans­si­bé­rien de construc­tion d’un gazo­duc cen­sé appor­ter des devises contri­buant à main­te­nir l’URSS dans la course à l’armement fut sabo­té et que des satel­lites per­met­tant de loca­li­ser les mis­siles amé­ri­cains connurent le même sort. Non seule­ment, cette stra­té­gie mina la confiance des Sovié­tiques, mais accé­lé­ra la raré­fac­tion des indis­pen­sables devises…

Conclusion

« Made to Break » est donc l’une de ces études qui, en décor­ti­quant les déve­lop­pe­ments dans les modes de pro­duc­tion et de consom­ma­tion, inter­roge la socié­té sans recou­rir à un jar­gon scien­ti­fique ou phi­lo­so­phique abs­cons. Il s’agit d’un ouvrage que tout parent doté d’un mini­mum de sens civique et cri­tique sou­hai­te­rait voir ins­crit dans les pro­grammes péda­go­giques des­ti­nés à ses enfants pour les ame­ner à prendre de la dis­tance par rap­port à toutes les ten­ta­tions qui les prennent pour cible afin d’en faire, dès leur plus jeune âge, des consom­ma­teurs fidèles et passifs.

Si, dans le film allé­go­rique Wall‑E, les Ter­riens ont pu se réfu­gier dans l’espace le temps que le sys­tème éco­lo­gique ait digé­ré les dégra­da­tions envi­ron­ne­men­tales qui empêchent toute vie, dans la réa­li­té, cette porte de sor­tie semble illu­soire, non­obs­tant l’état d’avancement des tech­no­lo­gies : quinze mille débris de satel­lites et de fusées d’au moins dix cen­ti­mètres car­rés ain­si que des cen­taines de mil­liers d’objets de la taille de la paume d’une main encerclent la Terre. Ils sont indé­tec­tables par les radars et consti­tuent une menace impor­tante pour les mis­sions opé­ra­tion­nelles dans l’espace si bien qu’ils sont deve­nus une prio­ri­té des grandes puis­sances spa­tiales de ce monde. Autre­ment dit, nous n’avons pas d’autre choix que de lut­ter contre l’obsolescence pro­gram­mée que nous avons inté­grée au fil du temps comme des dis­po­si­tions « naturelles»…

Olivier Derruine


Auteur

économiste, conseiller au Parlement européen