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Lutter pour les droits reproductifs en Pologne

Numéro 2 - 2018 - Droit des femmes féminisme IVG Luttes Pologne par Gals4Gals

avril 2018

En Pologne, le débat sur l’interruption volon­taire de gros­sesse fait rage. D’un côté, le par­ti Droit et Jus­tice, PiS, extrê­me­ment conser­va­teur, sou­te­nu par des lob­bys et l’Église catho­lique et, de l’autre, des col­lec­tifs de femmes qui ont lan­cé une mobi­li­sa­tion d’une ampleur inédite, concré­ti­sée par le Black Mon­day du 3 octobre 2016. Mais où en est-on aujourd’hui ? Com­ment évo­luent les forces en pré­sence ? Com­ment les fémi­nistes pour­suivent-elles leur lutte ?

Dossier

En 1993, après la chute du régime com­mu­niste, la Pologne a voté l’une des légis­la­tions sur l’interruption volon­taire de gros­sesse (IVG) par­mi les plus res­tric­tives d’Europe. Ces dis­po­si­tions sont géné­ra­le­ment connues comme « le com­pro­mis sur l’avortement » entre l’épiscopat polo­nais de l’Église catho­lique et le gou­ver­ne­ment, puisque depuis jan­vier 1993, les poli­tiques par­ti­ci­pant du pou­voir légis­la­tif ont taci­te­ment accep­té la loi limi­tant stric­te­ment l’IVG en Pologne. Depuis ce jour-là, l’avortement n’est plus pos­sible que dans trois cas : lorsque la vie ou la san­té de la femme enceinte est en dan­ger, lorsque la gros­sesse résulte d’un acte cri­mi­nel (viol, inceste) ou lorsque le fœtus est gra­ve­ment malformé.

Mais même dans ces trois cas, la loi n’est fré­quem­ment pas appli­quée, en rai­son du recours géné­ra­li­sé à une « clause de conscience », uti­li­sée par les méde­cins à la fois au niveau natio­nal et régio­nal. Dans cer­taines voï­vo­dies1, comme les Basses Car­pates, Pod­kar­pa­ckie, aucun avor­te­ment légal n’est pra­ti­qué en rai­son de l’adhésion directe de tous les hôpi­taux à cette clause. Ain­si, l’accès à l’avortement est empê­ché pour des mil­liers de femmes polo­naises, même lorsqu’elles se trouvent dans les cir­cons­tances théo­ri­que­ment pré­vues par la loi. La légis­la­tion actuelle en Pologne s’avère dès lors inef­fi­cace pour pro­té­ger les droits repro­duc­tifs des femmes, cette situa­tion étant ren­for­cée par le fait que l’éducation sexuelle, l’accès aux soins gyné­co­lo­giques gra­tuits et la dis­po­ni­bi­li­té de moyens de contra­cep­tion à des prix abor­dables sont encore insuf­fi­sants dans de nom­breuses régions du pays.

Pen­dant de nom­breuses années, aucun gou­ver­ne­ment polo­nais n’a eu le cou­rage d’introduire des chan­ge­ments dans la légis­la­tion exis­tante et encore moins d’assouplir la loi, par crainte de cri­tiques venant de la par­tie la plus conser­va­trice de la socié­té et de l’épiscopat polo­nais de l’Église catho­lique dont le rôle dans la per­pé­tua­tion de ce « com­pro­mis » est indé­niable. Le « com­pro­mis » a donc été main­te­nu intact. Or récem­ment, le cli­mat poli­tique de notre par­tie de l’Europe est deve­nu plus pro­pice à ceux qui sou­haitent res­treindre davan­tage la léga­li­té de l’avortement.

Black Monday

Les deux der­nières années en Pologne ont été dures pour les femmes en termes de dis­lo­ca­tion de leurs droits et, plus géné­ra­le­ment, des droits humains. En avril 2016, l’Institut pour la culture juri­dique Ordo Iuris (Ins­ty­tut na Rzecz Kul­tu­ry Praw­nej Ordo Iuris), lié au culte mon­dial d’origine bré­si­lienne « Tra­di­tion, Famille, Pro­prié­té », a pré­pa­ré un pro­jet légis­la­tif appe­lé « Stop à l’avortement » qu’il a ensuite fait pas­ser pour une ini­tia­tive légis­la­tive citoyenne. Son objec­tif est de rendre toute inter­rup­tion de gros­sesse tota­le­ment illé­gale, quelles que soient les cir­cons­tances, à l’exception de pro­cé­dures médi­cales lorsque la vie de la mère est direc­te­ment mena­cée. Cette loi pré­voit que les fausses couches fassent sys­té­ma­ti­que­ment l’objet d’une enquête en tant qu’homicide pré­su­mé et que les femmes recon­nues cou­pables d’avoir inter­rom­pu une gros­sesse puissent être condam­nées jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

Les poli­ti­ciens du par­ti au pou­voir, PiS (Droit et Jus­tice), le Pre­mier ministre Bea­ta Szydło et le ministre des Affaires étran­gères, Witold Waszc­zy­kows­ki, ont ouver­te­ment appor­té leur sou­tien au pro­jet d’Ordo Iuris. Cela a pro­vo­qué des mani­fes­ta­tions de masse et l’auto-organisation de femmes poli­ti­que­ment inac­tives aupa­ra­vant, prin­ci­pa­le­ment via Inter­net, en par­ti­cu­lier dans des groupes Face­book comme « Les meufs pour les meufs » (Dzie­wu­chy Dzie­wu­chom) en avril 2016 et par la suite sous la forme d’autres groupes, tels que « Grève des femmes polo­naises » (Polish Women Strike) en octobre de la même année. Évi­dem­ment, bien en amont de ces évè­ne­ments récents et dès 1990, les mou­ve­ments fémi­nistes polo­nais ont fait pres­sion pour obte­nir une libé­ra­li­sa­tion de la loi sur l’avortement dans le cadre de la lutte pour les droits des femmes. Tou­te­fois, ils étaient sur­tout concen­trés sur le monde aca­dé­mique, ce qui a mené à la dif­fu­sion d’une image de mou­ve­ment trop « intel­lec­tuel » et d’extrême gauche, même si leurs pos­tu­lats n’étaient pas très dif­fé­rents de ce qui consti­tue la norme dans la plu­part des pays d’Europe occidentale.

Durant l’été 2016, le comi­té « Sau­vons les femmes » (Ratu­j­my Kobie­ty), diri­gé par Bar­ba­ra Nowa­cka, a pro­po­sé un texte visant à libé­ra­li­ser la loi sur l’avortement. Le pro­jet pré­voyait éga­le­ment d’introduire des cours d’éducation sexuelle dans toutes les écoles et le rem­bour­se­ment de la contra­cep­tion. En sep­tembre 2016, la pro­po­si­tion anti-choix « Stop à l’avortement » de Ordo Iuris et la pro­po­si­tion pro-choix « Sau­vons les femmes » ont toutes les deux été pré­sen­tées en séance plé­nière du Par­le­ment polo­nais. Le pro­jet anti-choix « Stop à l’avortement » a été auto­ri­sé à pour­suivre le pro­ces­sus légis­la­tif, tan­dis que le pro­jet pro-choix « Sau­vons les femmes » a été rejeté.

Le rejet du pro­jet « Sau­vons les femmes » a pro­vo­qué le déclen­che­ment d’une nou­velle vague de pro­tes­ta­tion de masse au niveau natio­nal et euro­péen, lar­ge­ment connue comme la « pro­tes­ta­tion noire » (Czar­ny Pro­test, Black pro­test) ou encore comme le « lun­di noir » (Black Mon­day). Ce mou­ve­ment de pro­tes­ta­tions a atteint une échelle jamais vue auparavant.

Gocha Adamc­zyk du par­ti de gauche « Ensemble » (Razem) a lan­cé au tra­vers d’un évè­ne­ment Face­book l’idée de s’habiller en noir et de par­ta­ger un sel­fie sur les réseaux sociaux accom­pa­gné du hash­tag #Black­protest. Cette forme de pro­tes­ta­tion facile et acces­sible à toutes et tous a connu un large suc­cès : le hash­tag a été uti­li­sé 44 mil­lions de fois.

Krys­ty­na Jan­da, actrice et met­teuse en scène très connue de la scène théâ­trale polo­naise, a lan­cé un appel quant à la néces­si­té d’une grève géné­rale des femmes dont l’impact puisse être natio­nal. Elle s’inspirait de la grève des femmes islan­daises du 24 octobre 1975, à l’occasion de laquelle 90% des femmes islan­daises avaient inter­rom­pu brus­que­ment tous leurs tra­vaux domes­tiques pour défi­ler dans les rues de Reyk­ja­vik afin de rendre visible et de mon­trer l’importance du tra­vail fémi­nin, ain­si que de défendre l’égalité de trai­te­ment et d’accès au tra­vail. Dans un pre­mier temps, Mme Jan­da ne croyait pas vrai­ment dans la pos­si­bi­li­té d’une soli­da­ri­té d’une telle ampleur entre les femmes polo­naises. Mais les groupes de femmes actives depuis avril 2016 étaient prêts à se mobi­li­ser à nou­veau. De plus, le rejet du pro­jet visant à libé­ra­li­ser la loi sur l’avortement a acti­vé d’autres mou­ve­ments de base, comme « Grève des femmes polo­naises » (« Polish Women Strike ») lan­cé par la mili­tante fémi­niste Mar­ta Lem­part et de nom­breuses autres ini­tia­tives féministes.

Por­té par la mémoire des évè­ne­ments islan­dais de 1975, un « lun­di noir » a donc bien eu lieu le 3 octobre 2016 en Pologne. Ce jour-là, des acti­vistes de dif­fé­rents mou­ve­ments fémi­nistes ont orga­ni­sé la pro­tes­ta­tion dans quelque cent-cin­quante villes et vil­lages polo­nais. Plus de 100.000 per­sonnes y ont par­ti­ci­pé, 90% des mani­fes­ta­tions ont eu lieu dans les villes de moins de 50.000 habi­tants. Bref, le suc­cès a été mas­sif. Les femmes polo­naises ont éga­le­ment été sou­te­nues par la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale. De nom­breuses mani­fes­ta­tions ont été orga­ni­sées le même jour en Europe (notam­ment à Londres, Paris, Bruxelles, Ber­lin) et des pho­tos de sou­tien avec le hash­tag #black­pro­test sont venues des États-Unis, d’Australie, d’Asie ou d’Afrique.

Plu­sieurs dépu­tées et dépu­tés du Par­le­ment euro­péen ont éga­le­ment mani­fes­té leur inté­rêt à cette occa­sion. Et, à la suite de ce mou­ve­ment, un groupe de poli­ti­ciennes polo­naises et d’activistes liées au comi­té « Sau­vons les femmes » a été invi­té à Stras­bourg à l’initiative de l’eurodéputée éco­lo­giste alle­mande Ter­ry Reintke, pour une audi­tion et un débat en plé­nière sur la situa­tion des femmes en Pologne. La pres­sion des mani­fes­ta­tions en Pologne et la dis­cus­sion au niveau de l’Union euro­péenne ont for­cé le par­ti au pou­voir PiS (Droit et Jus­tice) à faire un pas en arrière et à reje­ter le pro­jet « Stop à l’avortement ».

Contrefeux

On pour­rait pen­ser ces évè­ne­ments comme un énorme suc­cès, mais le PiS n’a pas com­plè­te­ment fait marche arrière. Le par­ti conser­va­teur a juste chan­gé de tac­tique et a com­men­cé à enle­ver les droits repro­duc­tifs des femmes à un rythme plus lent. Les res­pon­sables du par­ti ont donc annon­cé qu’ils sou­hai­taient tou­jours limi­ter l’accès à l’avortement en cas de mal­for­ma­tion grave du fœtus. Le pré­sident du PiS, Jaros­law Kac­zyns­ki, a ain­si décla­ré : « Nous nous effor­ce­rons de faire en sorte que même les cas de gros­sesse très dif­fi­ciles, lorsque l’enfant est condam­né à mort, avec de fortes mal­for­ma­tions, s’achèvent par une nais­sance pour que cet enfant puisse être bap­ti­sé, inhu­mé et pos­sé­der un pré­nom » en pré­ci­sant qu’«il s’agit uni­que­ment de ces cas de gros­sesses dif­fi­ciles où la vie ou la san­té de la mère ne sont pas menacées ».

En même temps, le PiS a pro­mis de mettre en place un pro­gramme d’aide finan­cière aux femmes après l’accouchement, en cas de gros­sesse « dif­fi­cile » (résul­tant d’un viol ou en cas de mala­die ou de mal­for­ma­tion grave du fœtus). Un peu plus tard, un pro­jet de loi « Pour la vie » a été adop­té, attri­buant une aide ponc­tuelle de 4000 zlo­tys (envi­ron 950 euros), mise à dis­po­si­tion en une fois au moment de l’accouchement. Outre cette dota­tion, la loi envi­sage une série d’avantages mineurs tels que l’accès prio­ri­taire aux soins dans le sec­teur public de san­té pen­dant et après la gros­sesse et le recours à un « assis­tant fami­lial » ain­si que la créa­tion de centres de réha­bi­li­ta­tion pour les enfants han­di­ca­pés. Aus­si pro­blé­ma­tique que le pro­jet puisse paraitre, cer­tains chan­ge­ments vont dans le bon sens. Par exemple, un pro­gramme en faveur de la famille, « 500+ », attri­bue désor­mais une allo­ca­tion finan­cière (envi­ron 120 euros) pour le deuxième enfant de chaque famille, ain­si que pour le pre­mier lorsque les reve­nus du ménage sont par­ti­cu­liè­re­ment bas. La hausse des aides octroyées pour les enfants, en ce com­pris pour les enfants han­di­ca­pés, est en réa­li­té un moyen pour per­sua­der la socié­té de ren­for­cer la loi contre l’avortement, ce que M. Kac­zyńs­ki lui-même a admis.

Ces sem­blants d’«acquis » ne doivent par ailleurs pas mas­quer le fait que, depuis fin 2015, le PiS a intro­duit une série d’autres chan­ge­ments pro­blé­ma­tiques. Après avoir mena­cé de reti­rer la Pologne de la Conven­tion d’Istanbul (Conven­tion du Conseil de l’Europe sur la pré­ven­tion et la lutte contre la vio­lence à l’égard des femmes et la vio­lence domes­tique), il a stop­pé le finan­ce­ment d’organisations non gou­ver­ne­men­tales enga­gées dans l’aide aux femmes vic­times de vio­lence (comme le Centre pour les droits des femmes) ain­si que de la « ligne bleue », numé­ro de télé­phone d’urgence pour les femmes et les enfants en dan­ger. Le gou­ver­ne­ment a éga­le­ment réduit les normes de soins péri­na­tals et mis un terme aux pro­grammes de fécon­da­tion in vitro. Notons que l’interruption du finan­ce­ment de ces dif­fé­rents pro­grammes est inter­ve­nue à la mi-2016 en dépit du fait que leurs moyens bud­gé­taires avaient été assu­rés jusqu’en 2020. Par ailleurs, cela montre que même si le par­ti clame haut et fort sa volon­té de « pro­tec­tion de la vie », « d’aide aux familles » et insiste sur le « besoin d’augmenter le taux de nata­li­té », ses actions sont pure­ment idéologiques.

Contournements

Peu avant les élec­tions, le gou­ver­ne­ment d’Ewa Kopacz a annon­cé en 2015 un nou­veau pro­gramme natio­nal éta­blis­sant un réseau de cli­niques spé­cia­li­sées qui four­nissent des diag­nos­tics appro­fon­dis, d’éducation et de pro­phy­laxie en matière de san­té sexuelle. Il faut noter que ce pro­gramme de fécon­da­tion in vitro ambi­tion­nait d’influer signi­fi­ca­ti­ve­ment sur le taux de nata­li­té polo­nais. L’infertilité affec­te­rait actuel­le­ment un mil­lion et demi de Polo­nais. Ce pro­gramme natio­nal aurait per­mis la nais­sance de sept-mille enfants. La pre­mière cli­nique a été ouverte à Lodz en 2016. Cepen­dant, à cause de « dif­fi­cul­tés pro­cé­du­rales », le gou­ver­ne­ment ne lui a pas accor­dé de fonds. À la suite de l’arrêt du pro­gramme natio­nal, Częs­to­cho­wa et Łodź, rejoints par de nom­breuses villes (dont Gdańsk et Var­so­vie) ont lan­cé leurs propres pro­grammes sou­te­nant finan­ciè­re­ment la fécon­da­tion in vitro. Ces pro­grammes locaux n’ont pas encore été éva­lués. Ce qui est d’ores et déjà cer­tain, c’est que l’abandon du pro­gramme natio­nal a blo­qué l’accès à la fécon­da­tion in vitro aux per­sonnes issues de milieux moins favorisés.

Plus encore, en mai 2016, le dépu­té Jan Kla­wi­ter a pro­po­sé un pro­jet de loi limi­tant la quan­ti­té d’ovules fécon­dés à un par cycle et le temps de sto­ckage des embryons à 72 heures. En pra­tique, cela revien­drait à inter­dire le gel des embryons, mena­çant dès lors l’ensemble des pro­grammes de fécon­da­tion in vitro. Peu après le lun­di noir, la pro­po­si­tion Kla­wi­ter a été reti­rée. À l’heure actuelle, la loi sur la fécon­da­tion in vitro reste donc intacte. Cepen­dant, le gou­ver­ne­ment n’en reste pas là, il tente désor­mais de prendre le contrôle des pro­grammes locaux. Concrè­te­ment, il a pré­sen­té un pro­jet de loi qui impose à ces pro­grammes l’obligation d’être agréés par l’AOTMiT (Agence d’évaluation de la tech­no­lo­gie médi­cale et de la tari­fi­ca­tion) subor­don­née au minis­tère de la San­té. Si ce pro­jet de loi est adop­té, il don­ne­ra donc le contrôle direc­te­ment au ministère.

Si de manière géné­rale, l’opinion publique est assez divi­sée, elle s’est avé­rée plu­tôt posi­tive dans l’optique de la défense des droits repro­duc­tifs des femmes. Ain­si, selon une enquête CBOS de 2015, 76% de la popu­la­tion sou­te­nait le droit à la fécon­da­tion in vitro pour les couples mariés, 62% pour les couples non mariés et 75% étaient d’accord pour que le trai­te­ment fasse au moins par­tiel­le­ment l’objet d’une sub­ven­tion publique. Une enquête Ipsos d’octobre 2016 pour OKO.press abon­dait en ce sens en confir­mant que 70% des son­dés pen­saient que le gou­ver­ne­ment ne devait pas ces­ser de finan­cer la fécon­da­tion in vitro. L’annonce de l’expiration du pro­gramme a fait cou­ler beau­coup d’encre dans des quo­ti­diens comme Poli­ty­ka, News­week, Gaze­ta Wyborc­za. La plus grande orga­ni­sa­tion du sec­teur, Nasz Bocian, « Notre Cigogne », qui œuvre depuis 2002 pour le trai­te­ment de l’infertilité et le sou­tien à l’adoption, a pris part au débat. Les repré­sen­tants de l’épiscopat polo­nais de l’Église catho­lique et le par­ti au pou­voir ont bien enten­du contes­té leurs vues. Crai­gnant d’exposer leur vie pri­vée, peu de per­sonnes ont déci­dé de s’opposer publi­que­ment à la réforme gou­ver­ne­men­tale, à l’exception notable de Mag­da­le­na Kołod­ziej, la pre­mière des bébés nés in vitro en Pologne, et Agniesz­ka Ziół­kows­ka, la pre­mière polo­naise née in vitro à l’étranger, en l’occurrence en Ita­lie. Elles ont défen­du le point de vue que le pro­gramme était cru­cial pour beau­coup de familles. En mai, plu­sieurs experts sont sor­tis de leur réserve et sont inter­ve­nus média­ti­que­ment pour assu­rer que limi­ter le nombre d’œufs fécon­dés à un seul ren­drait toute la pro­cé­dure tota­le­ment inef­fi­cace, le taux de suc­cès étant esti­mé à seule­ment 4 à 8%. Ain­si, selon Juha Tapa­nai­nen, qui pré­si­dait à l’époque l’ESHRE (Euro­pean Socie­ty of Human Repro­duc­tion and Embryo­lo­gy), la déci­sion du gou­ver­ne­ment consti­tuait une déplo­rable marche arrière. Logi­que­ment, en octobre 2016, plu­sieurs mani­fes­ta­tions ont éga­le­ment été l’occasion d’avancer des reven­di­ca­tions en matière de fécon­da­tion in vitro.

La stra­té­gie de contour­ne­ment est éga­le­ment à l’œuvre en ce qui concerne les normes des soins péri­na­tals où les chan­ge­ments ont été réa­li­sés en sous-main et sans consul­ta­tion, par l’introduction d’amendements dans la loi sur les acti­vi­tés médi­cales. Cette loi dis­po­sait en son article 22, §5 : « Le ministre com­pé­tent en matière de San­té peut déter­mi­ner, par voie règle­men­taire, des normes de trai­te­ment médi­cal dans des domaines médi­caux […] déter­mi­nés par la néces­si­té de garan­tir la qua­li­té des ser­vices de san­té. » Dans la nou­velle mou­ture de la même loi, l’expression « normes de trai­te­ment médi­cal » a été trans­for­mée en « normes orga­ni­sa­tion­nelles des soins de san­té », ce qui semble un chan­ge­ment mineur dans la for­mu­la­tion. En réa­li­té, l’impact de ce chan­ge­ment est majeur en termes de droits des femmes durant l’accouchement. Le fait de prendre une posi­tion confor­table, la pos­si­bi­li­té d’utiliser le bain ou la douche, la mise à dis­po­si­tion d’une salle intime pour l’accouchement, la pos­si­bi­li­té de contact direct entre la mère et son nou­veau-né, etc., tout cela dépend désor­mais de la déci­sion d’un méde­cin par­ti­cu­lier dans un hôpi­tal particulier.

Le mois de juillet 2017 a ame­né une autre illus­tra­tion de l’utilisation de moyens détour­nés pour contrô­ler les femmes et leur repro­duc­tion. Au nom de la « san­té des femmes » et d’un « prin­cipe de pré­cau­tion », le Par­le­ment a en effet voté une loi limi­tant l’accès à « la pilule du len­de­main » qui n’est plus acces­sible que sur pres­crip­tion médi­cale. La Pologne est deve­nue le seul pays de l’Union euro­péenne avec une règle­men­ta­tion aus­si stricte de la pilule du len­de­main. Para­doxa­le­ment, la Pologne est éga­le­ment le seul pays de l’Union dans lequel le Sil­de­na­fil (Via­gra) est dis­po­nible en vente libre.

Nouvelles offensives et politique de peur

L’été et l’automne 2017 ont été l’occasion de deux nou­velles ten­ta­tives de ren­for­ce­ment de la loi contre l’avortement. Tout d’abord, plus de cent membres du Par­le­ment polo­nais, prin­ci­pa­le­ment du par­ti au pou­voir PiS, mais aus­si du par­ti popu­liste Kukiz’15, ont dépo­sé une requête auprès du Tri­bu­nal consti­tu­tion­nel (dont le PiS a pris le contrôle en décembre 2016) pour lui deman­der de se pro­non­cer sur la loi auto­ri­sant l’avortement en rai­son d’une patho­lo­gie grave et irré­ver­sible de l’embryon.

Ensuite, le pro­jet de loi « Arrê­ter l’avortement » est appa­ru. Pré­pa­ré par Kaja Godek, la mère d’un enfant atteint du syn­drome de Down et copré­si­dente de la fon­da­tion « La vie et la famille », le pro­jet est moins res­tric­tif que la pro­po­si­tion de loi Ordo Iuris de 2016. Il s’agit en effet d’interdire l’avortement en cas de la mal­for­ma­tion du fœtus. Cepen­dant, en pra­tique, cette loi ren­drait lar­ge­ment l’avortement illé­gal en Pologne, puisque la patho­lo­gie irré­ver­sible du fœtus est à l’origine de 94% de toutes les IVG pra­ti­quées léga­le­ment dans le pays (1.042 sur 1.098 cas en 2016). Avec la col­lecte de signa­tures pour ce pro­jet de loi, une cam­pagne mas­sive d’affichage a été lan­cée, ins­pi­rée par les mou­ve­ments anti-choix amé­ri­cains. La cam­pagne était très gra­phique et mani­pu­la­trice. Une affiche repré­sen­tait des par­ties du corps du fœtus cou­vertes de sang et le slo­gan « L’Avortement Tue », une autre le por­trait d’Hitler avec ce même slo­gan ou des pho­tos d’enfants atteints du syn­drome de Down sou­riants et le slo­gan « Sau­vez-moi ». Cette der­nière affiche reprend les élé­ments du dis­cours que Kaja Godek uti­lise quand elle parle de son expé­rience per­son­nelle de la gros­sesse. Quand on lui a annon­cé que son enfant aurait le syn­drome de Down, on lui a pro­po­sé l’option de l’avortement légal. C’est cet évè­ne­ment qu’elle com­mente dans les médias en des termes comme « Mon fils a été condam­né à mort », « Les méde­cins vou­laient tuer mon fils », « Les enfants dans ce pays sont jetés dans l’évier », etc.

En réac­tion à la pro­po­si­tion de Kaja Godek, le comi­té « Sau­vons les femmes » a été réac­ti­vé en 2017 et a mis à jour le pro­jet de loi pour libé­ra­li­ser l’IVG, intro­duire l’éducation sexuelle obli­ga­toire dans les écoles, auto­ri­ser l’accès libre à la pilule du len­de­main EllaOne, inter­dire les cam­pagnes d’affichage « choc » près des écoles et des hôpi­taux et la pro­pa­ga­tion de fausses infor­ma­tions sur l’avortement (comme les cam­pagnes de « pré­ven­tion » s’appuyant sur un pré­ten­du « syn­drome pos­ta­vor­te­ment » dont l’existence n’est pas confir­mée par l’Organisation mon­diale de la san­té). La col­lecte de signa­tures pour le pro­jet « Sau­vons les femmes 2 » s’est ter­mi­née le 3 octobre 2017, pre­mier anni­ver­saire du Black Mon­day et des mani­fes­ta­tions dans tout le pays. Le len­de­main, la police est entrée dans les bureaux du Centre des droits des femmes à Lodz, à Gdansk et à Var­so­vie et de l’Association BABA à Zie­lo­na Gora afin de sai­sir les archives de ces orga­ni­sa­tions, leurs ordi­na­teurs et leurs disques durs. L’action a été com­man­di­tée par le minis­tère de la Jus­tice. Comme l’a décla­ré Ani­ta Kuchars­ka-Dzied­zic, pré­si­dente de l’association BABA, le bureau du pro­cu­reur est en pos­ses­sion de tous les exem­plaires de leurs docu­ments et, sans ordi­na­teurs por­tables et docu­ments ori­gi­naux, le tra­vail d’aide aux femmes est beau­coup plus difficile.

Cette poli­tique de peur com­prend éga­le­ment des actions de l’Ordo Iuris qui a envoyé à tous les bureaux des pro­cu­reurs en Pologne un guide com­por­tant des recom­man­da­tions sur la manière de pour­suivre et de punir les per­sonnes qui aident une femme à avor­ter à l’étranger (par exemple, un ami prê­tant de l’argent ou l’accompagnant à la cli­nique, un chauf­feur, les orga­ni­sa­tions qui four­nissent des infor­ma­tions sur une telle pos­si­bi­li­té, etc.). En outre, on a obser­vé le blo­cage sou­dain des colis inter­na­tio­naux conte­nant de la mifé­pris­tone et du miso­pros­tol (uti­li­sés pour l’avortement pharmacologique).

Comme en 2016, les débats par­le­men­taires et la pre­mière lec­ture des deux pro­jets concur­rents se sont tenus le même jour, le 10 jan­vier 2018. Bar­ba­ra Nowa­cka, l’une des meneuses de « Sau­vons les femmes » en 2017, s’est d’abord expri­mée dans une enceinte par­le­men­taire pra­ti­que­ment vide, ce qui sus­ci­ta beau­coup de décep­tion par­mi le public pré­sent, en par­ti­cu­lier parce que l’opposition au par­ti Droit et Jus­tice (PiS) qui était cen­sée sou­te­nir « Sau­vons les femmes 2 » a failli à concré­ti­ser l’espoir pla­cé en elle. À l’extérieur, les mani­fes­tants « pour » et « anti » se toi­saient en face du Par­le­ment. Les « anti » étaient munis d’affiches pré­sen­tant des gra­phiques évo­ca­teurs et dif­fu­sant une série d’informations erro­nées au sujet de l’avortement. Mal­heu­reu­se­ment, les par­le­men­taires du PiS ne sont pas les seuls à avoir voté contre le pro­jet « Sau­vons les femmes 2 ». En consul­tant le registre des votes, on a pu consta­ter que l’opposition les a sui­vis dans cette voie. Pire encore, cer­tains membres du PiS (Jarosław Kac­zyńs­ki et Anto­nii Macie­re­wicz) ont voté tac­ti­que­ment en faveur du pro­jet, de manière à pro­lon­ger le pro­ces­sus légis­la­tif et per­mettre le débat. Les dépu­tés de l’opposition ont dès lors par­ti­cu­liè­re­ment brillé par leur absence, et seuls… neuf votes en faveur du pro­jet furent recueillis dans les rangs de l’opposition (de la Plat­for­ma Oby­wa­tels­ka et de .Nowoc­zes­na, qui comptent res­pec­ti­ve­ment cent-trente-huit et vingt-huit dépu­tés), ren­voyant ain­si le pro­jet au néant. L’amer bilan de cet épi­sode est que la Pologne souffre d’un manque d’opposition sociale-démo­crate et pro-choix au Par­le­ment, capable d’apporter la contra­dic­tion au par­ti majo­ri­taire radi­cal et d’extrême droite.

Que faire ?

Le mou­ve­ment des droits des femmes est désor­mais en train de repen­ser son mode d’organisation et d’action. Si les ini­tia­tives fémi­nistes en res­tent le fon­de­ment, il s’oriente de plus en plus vers la consti­tu­tion d’une pla­te­forme de femmes poli­ti­que­ment non enga­gées dont l’objectif est jus­te­ment d’amener les femmes à prendre gra­duel­le­ment pied dans l’arène poli­tique locale et natio­nale dans le but d’un « chan­ge­ment de l’intérieur » des struc­tures poli­tiques. Beau­coup d’organisations comme le Congrès des femmes (Kongres Kobiet) four­nissent aux acti­vistes les for­ma­tions néces­saires pour pré­pa­rer les élec­tions locales de novembre pro­chain et les élec­tions légis­la­tives sui­vantes. Les sujets por­tés par la pla­te­forme concernent non seule­ment les droits repro­duc­tifs des femmes, mais aus­si la défense et la pro­mo­tion de l’intérêt géné­ral. Cette dyna­mique de pla­te­forme s’appuie sur des sym­boles forts puisque les femmes polo­naises ont acquis leurs droits civiques il y a exac­te­ment un siècle, en 1918.

Sur un plan local, Gals4Gals Lodz, groupe régio­nal éma­nant du plus impor­tant mou­ve­ment pro-choix, mène des actions pour conscien­ti­ser sur la situa­tion des femmes en Pologne, mais aus­si en Europe. Par­mi ces actions, on compte sept « Hyde parks fémi­nistes » où les femmes peuvent expri­mer leurs opi­nions et rendre compte de leur vaste expé­rience quant aux obs­tacles ren­con­trés en Pologne. Elles ont éga­le­ment lan­cé une péti­tion pour dénon­cer la sous-repré­sen­ta­tion des femmes dans les médias et remé­dier à cette situation.

Grâce à l’activisme des femmes et à leurs sou­tiens, l’opinion publique com­mence à évo­luer sur la ques­tion de l’avortement. Selon un son­dage de Gazeta.pl et OKO.press, jusqu’à 45% des répon­dants sou­hai­te­raient que la loi sur l’avortement prenne des accents plus libé­raux. Le pour­cen­tage est en pro­gres­sion depuis le pre­mier débat au Par­le­ment. De ce déve­lop­pe­ment, les ensei­gne­ments sui­vants peuvent être tirés : d’une part, nom­mer et for­ma­li­ser le pro­blème peut mener à une édu­ca­tion sociale plus inclu­sive sur les droits humains (dont les droits repro­duc­tifs) et, d’autre part, si la bataille est actuel­le­ment per­due au par­le­ment, la guerre semble avoir tout juste débuté.

La vague #metoo (#jateż en polo­nais) a éga­le­ment eu une influence sur les mou­ve­ments fémi­nistes en Pologne. Bien que les réac­tions n’aient pas pris la même pro­por­tion dans les médias et le show-busi­ness qu’à Hol­ly­wood, le mou­ve­ment #metoo a bel et bien eu un impact sur la sphère publique polo­naise. Le débat qui s’est enga­gé dans les médias sociaux par­tout dans le monde sur les limites entre la séduc­tion et le har­cè­le­ment sexuel dont la décli­nai­son fran­çaise a oppo­sé des asso­cia­tions fémi­nistes à une cen­taine de per­son­na­li­tés (notam­ment Cathe­rine Deneuve et Abnousse Shal­ma­ni), a aus­si pris en Pologne par­mi les acti­vistes fémi­nistes et les célé­bri­tés. Cepen­dant, les médias clas­siques polo­nais n’ont pas réel­le­ment sui­vi ces débats qui, contrai­re­ment à ce que l’on a pu voir aux États-Unis ou en France, se sont can­ton­nés à la blo­go­sphère et à quelques cas par­ti­cu­liers de per­son­na­li­tés. Par­mi ces cas spé­ci­fiques, qui repré­sentent un bien maigre panel vu l’ampleur du har­cè­le­ment que subissent les femmes polo­naises notam­ment dans le cadre de leur tra­vail, des scan­dales ont écla­bous­sé des per­son­na­li­tés de pre­mier plan de la presse écrite, comme M. Wybie­rals­ki de la Gaze­ta Wybor­cra ou M. Dymek de la Kry­ty­ka Poli­tycz­na. Ces jour­na­listes étaient jusque-là consi­dé­rés comme des par­ti­sans des droits des femmes, mais ils ont dû répondre d’accusations de har­cè­le­ment éma­nant de leurs col­lègues journalistes.

Il n’est néan­moins pas exclu que le mou­ve­ment #metoo vienne ren­for­cer les luttes fémi­nistes en Pologne concer­nant l’absence de voie légale et sécu­ri­sée à l’avortement. Le hash­tag #metoo et les témoi­gnages publics de femmes ont encou­ra­gé d’autres femmes à sur­mon­ter leurs peurs et à non seule­ment rap­por­ter le har­cè­le­ment sexuel dont elles ont été les vic­times, mais aus­si à adop­ter un lan­gage plus reven­di­ca­tif et asser­tif. Un moment clé a été la publi­ca­tion dans le maga­zine fémi­nin Talons hauts (Wyso­kie Obca­sy) d’une pho­to pré­sen­tant trois jeunes mili­tantes de « l’Abortion Dream Team », une ini­tia­tive infor­melle visant à démy­thi­fier l’avortement en Pologne. Toutes les trois arbo­raient un t‑shirt men­tion­nant « L’avortement est ok » (Aborc­ja jest ok). Cela a cho­qué l’opinion dès la sor­tie du maga­zine le 17 février 2018. De manière signi­fi­ca­tive, la contro­verse entre « ok » ou « pas ok » s’est sur­tout déployée sur le ter­rain émo­tion­nel, à l’instar de celle autour du mou­ve­ment #metoo et elle a divi­sé les publi­ci­taires et les célé­bri­tés plu­tôt libé­rales, de même que les fémi­nistes qui ont pris part à ce débat très vif.

D’un côté, le débat public s’est foca­li­sé sur l’idée que l’avortement ne pou­vait nul­le­ment être « ok », parce que cela écorne l’image du fémi­nisme et com­plique le dia­logue avec le public qui puise ses valeurs morales dans le conser­va­tisme et pour qui l’avortement n’est rien d’autre qu’un meurtre, terme uti­li­sé essen­tiel­le­ment par l’épiscopat polo­nais de l’Église catho­lique. De l’autre côté, les auteures de l’action #Aborc­ja­jes­tOK défendent au contraire que le voca­bu­laire habi­tuel­le­ment employé pour décrire un acte d’interruption de gros­sesse posé volon­tai­re­ment par les femmes prend une conno­ta­tion exa­gé­ré­ment néga­tive. Gals4Gals Lodz par­tage cette appré­cia­tion et est éga­le­ment convain­cu qu’il faut neu­tra­li­ser le voca­bu­laire pour dépas­sion­ner le sujet. De nos jours, la rhé­to­rique uti­li­sée par les « fai­seurs d’opinion » des prin­ci­paux médias et par l’épiscopat polo­nais de l’Église catho­lique (lequel est presque omni­pré­sent dans le sys­tème édu­ca­tif) exerce une influence impor­tante sur la popu­la­tion en véhi­cu­lant une image de femmes cou­pables, dépri­mées à la suite de leur avor­te­ment. Les auteures de la publi­ca­tion dans Wyso­kie Obca­sy contex­tua­lisent la décla­ra­tion « L’avortement est ok » au moyen de sta­tis­tiques en indi­quant qu’une femme sur trois a tra­ver­sé l’épreuve d’un avor­te­ment. Aux anti­podes de la com­mu­ni­ca­tion des « antis », elles pré­sentent les femmes comme des adultes capables de sur­mon­ter cette étape et de reprendre le cours de leur vie.

En tant que Gals4Gals Lodz, nous sommes convain­cues que les dis­cus­sions autour de #metoo et #abor­tio­ni­so­kay consti­tuent des pivots cri­tiques pour que l’opinion publique puisse déve­lop­per une conscience saine des enjeux sur ces sujets consi­dé­rés comme des tabous, en par­ti­cu­lier en Pologne. Ces sujets sont pour­tant bien pré­sents dans la sphère pri­vée car ils nous concernent tous, pas uni­que­ment les femmes. Ils ont été lar­ge­ment tus parce que la majo­ri­té des médias de masse ne les consi­dèrent ni impor­tants ni per­ti­nents, pas seule­ment en Pologne, mais dans le monde entier. Il se pour­rait bien, tou­te­fois, que la Pologne ne soit pas encore prête à débattre des mêmes ques­tions que dans d’autre pays. En France, le mou­ve­ment #metoo s’est concen­tré sur les dif­fi­ciles nuances entre le pro­fes­sion­na­lisme, des gestes tra­dui­sant une com­pli­ci­té sur le lieu de tra­vail, et l’attraction sexuelle, contre ce qui est qua­li­fié de « har­cè­le­ment » ou « d’agression sexuelle ». En Pologne, nos com­bats portent sur­tout sur un accès égal à la contra­cep­tion, à une édu­ca­tion sexuelle impar­tiale et de qua­li­té dans les écoles et l’accès à un avor­te­ment en toute sécurité.

Mais nous conti­nue­rons notre lutte, jusqu’à ce que les femmes polo­naises aient les mêmes droits que celles d’autres pays d’Europe occi­den­tale, tant dans la sphère pro­fes­sion­nelle qu’en matière d’avortement et de repro­duc­tion. Fina­le­ment, ces mou­ve­ments récents consti­tuent pour nous une étape dans l’évolution du débat (public et pri­vé), et nous espé­rons que cette évo­lu­tion puisse se main­te­nir jusqu’à ce que les femmes et les hommes se sentent égaux et en sécu­ri­té dans leur vie publique, pro­fes­sion­nelle et privée.

  1. Région admi­nis­tra­tive polo­naise. La Pologne compte seize voïvodies.

Gals4Gals


Auteur

groupe qui a commencé en ligne et est devenu un mouvement international de femmes luttant pour tous les droits des femmes polonaises