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Les neurosciences existent. Le cerveau, c’est moins certain

Numéro 3 Mars 2010 par Georges Bauherz

mars 2010

Les véri­tés scien­ti­fiques concer­nant le cer­veau sont-elles apo­li­tiques ? En tout cas, en inven­tant le cer­veau comme gou­ver­ne­ment cen­tral du corps et le cer­veau iso­lé comme vocable à la fois ana­to­mique et concep­tuel, les neu­ros­ciences sont bien dans le siècle.

Dossier

L’ambition des neu­ros­ciences, secrète ou avouée, est d’expliquer le mou­ve­ment et la pen­sée à par­tir de la bio­lo­gie. C’est le maté­riau vivant qui, in fine, pro­duit les pen­sées, que celles-ci y soient sécré­tées ou qu’elles en émergent. Et pour ce faire, la bio­lo­gie a iso­lé un organe, l’a nom­mé, décrit, dis­sé­qué, écla­té puis recons­ti­tué, sta­tu­fié : le cer­veau. Celui-ci est à la fois le com­man­de­ment cen­tral de l’organisme et la repré­sen­ta­tion de l’individu tout entier.

Je n’insisterai pas sur l’enthousiasme res­sen­ti à entendre le récit neuro-
scien­ti­fique ; trop d’autres admi­ra­teurs l’expriment pour que je rajoute ici ma voix au chœur des zélateurs.

Je sacri­fie­rai à un autre plai­sir, celui d’exprimer des réserves par rap­port à la neu­ro­lo­gie tout en gar­dant ma signa­ture de neu­ro­logue. On pour­ra pen­ser que cette démarche, du point de vue de la cor­po­ra­tion, consiste à cra­cher dans la soupe. Soit, mais on a le choix avec la soupe : il faut la ser­vir ou cra­cher dedans. Celle dans laquelle on a cra­ché n’en est pas moins appé­tis­sante, elle est uni­que­ment plus per­son­nelle. Et la joie per­verse n’en est pas moins joyeuse.

Le cerveau ou le système nerveux ?

Le cer­veau est ce qui se donne à voir de la façon la plus évi­dente, comme un organe fini, à la forme stable et aux limites nettes. L’existence du cer­veau semble irré­fu­table, du moins à celui qui a déjà pris une scie pour ouvrir un crâne ou, plus fré­quem­ment, à ceux qui ont foi en leurs sem­blables qui l’ont fait, décrit, peint ou fil­mé avant eux et pour eux.

Est-ce un organe ? Et est-ce le siège des émo­tions, de la pen­sée, des per­cep­tions, du mou­ve­ment ? La réponse est moins simple que ce qu’il n’y paraît.

Le sys­tème ner­veux, quant à lui, est une orga­ni­sa­tion fonc­tion­nelle qui habite le cer­veau, la moelle épi­nière, les nerfs, la rétine, les ter­mi­nai­sons sen­si­tives et les jonc­tions neu­ro­mus­cu­laires. Les muscles eux-mêmes ne font pas par­tie du champ d’étude des neu­ros­ciences, mais, un peu bizar­re­ment, les mala­dies mus­cu­laires font par­tie de la neu­ro­lo­gie. Pour­quoi cette dif­fé­rence ? Et com­ment expli­quer cette appro­pria­tion des muscles par la neu­ro­lo­gie ? Est-ce une exten­sion de la neu­ro­lo­gie vers d’autres domaines dans un but cor­po­ra­tiste ? Et même si c’était le cas, le consta­ter serait insuf­fi­sant pour en dire le méca­nisme. La prise de pou­voir d’une dis­ci­pline sur des champs conti­gus n’est jamais un effet unique de la volon­té, de la roue­rie ou du cha­risme de ses repré­sen­tants. Il s’agit quelque part d’un pri­vi­lège accor­dé par le consen­sus social et scien­ti­fique qui auto­rise cette prise de pou­voir pour aug­men­ter la cohé­rence de l’organisation sociale elle-même.

Le cer­veau comme organe est donc tri­bu­taire d’outils qui le construisent en l’isolant : la scie pour ouvrir le crâne, le cou­teau pour cou­per la jonc­tion avec les nerfs crâ­niens et avec la moelle épi­nière ou, plus récem­ment, l’imagerie céré­brale qui com­pose un tableau du cer­veau plus ou moins sépa­ré du reste du corps.

On peut rai­son­na­ble­ment pos­tu­ler que si l’objet d’étude des neu­ros­ciences est le sys­tème ner­veux, son ambi­tion pro­mé­théenne se concentre sur sa par­tie noble, hié­rar­chi­que­ment consi­dé­rée comme supé­rieure, le cer­veau. Une par­tie du tra­vail des neu­ros­ciences consiste donc à décrire le fonc­tion­ne­ment du sys­tème ner­veux cen­tral (les zones de com­pé­tences, les cir­cuits asso­cia­tifs, les modèles fonc­tion­nels) en se concen­trant sur la matière céré­brale et en omet­tant acti­ve­ment le reste : les autres par­ties du sys­tème ner­veux cen­tral et péri­phé­rique et le reste du corps.

Où pensons-nous ?

La loca­li­sa­tion de la pen­sée dans le cer­veau est donc un pro­ces­sus savant. Mais il s’agit aus­si d’un phé­no­mène récent. Il n’est pas inutile de rap­pe­ler que l’âme a suc­ces­si­ve­ment été loca­li­sée dans diverses par­ties du corps et que cet endroit a tou­jours été iden­ti­fié à la fois comme le lieu de la pen­sée et le lieu de la vie. Ce fut le pou­mon d’abord, chez Aris­tote par exemple. Le modèle est aérien. C’est l’air qui véhi­cule la rai­son et les pas­sions, et le der­nier souffle est à la fois la mort et l’extinction de l’esprit.

Ce fut le cœur ensuite, chez Galien par exemple. Ce sont les humeurs qui sont vec­trices du mal pour les méde­cins antiques, et la fin du mou­ve­ment des fluides est consi­dé­rée comme la fin de la vie et de la cir­cu­la­tion de l’énergie psychique.

C’est le cer­veau aujourd’hui, avec la mort céré­brale (l’électroencé­phalogramme plat) comme défi­ni­tion juri­dique de la mort, au moins en Occi­dent. C’est la dis­tri­bu­tion de la force élec­trique (ou élec­tro-cor­pus­cu­laire ou élec­tro­ma­gné­tique) qui est le modèle domi­nant d’explication de la per­cep­tion, de la pen­sée et du mouvement.

La crise du centralisme

Le cer­veau a été, jusqu’il y a peu, consi­dé­ré comme le lieu du pou­voir cen­tral de l’individu, son siège gou­ver­ne­men­tal, son par­le­ment et son palais de jus­tice réunis1. Bref, c’est le lieu de com­man­de­ment de l’Ancien Régime, de « l’État c’est moi ». L’analogie la plus déve­lop­pée est celle faite par Berg­son, com­pa­rant le cer­veau à un cen­tral télé­pho­nique. Ce modèle a pré­va­lu en tout cas durant les Trente Glo­rieuses. Au cours des années quatre-vingt, l’analogie s’est dépla­cée vers l’information et l’ordinateur, mais à tout prendre la cyber­né­tique n’est que du machi­nisme éla­bo­ré et l’«intelligence arti­fi­cielle forte » a fait pro­gres­si­ve­ment place à une concep­tion plus atten­drie, l’IA faible. Il est dif­fi­cile de ne pas être frap­pé de la simul­ta­néi­té de l’invention du cer­veau comme centre déci­sion­nel de la per­sonne et de l’invention de l’État moderne comme ins­tance qui se pré­sente comme auto­nome, supé­rieure et garante du futur du corps social. Ce modèle est remis en ques­tion, et appa­rait aujourd’hui comme linéaire, d’une sim­pli­ci­té un peu ridi­cule pour les scien­ti­fiques en quête d’un modèle plus com­plexe. Mais le ridi­cule est une manière de consi­dé­rer l’«autre » cultu­rel, de pré­fé­rence celui d’une culture déva­lo­ri­sée, pas­sée ou infé­rieure, mais à la pré­ten­tion sem­blable à celui de la culture à laquelle il se confronte. Aujourd’hui, c’est la com­plexi­té qui a le vent en poupe, en neuro­sciences comme dans l’organisation de la société.

Petit détour lin­guis­tique. « Cogi­to ergo sum », bien que for­mu­lé d’abord en fran­çais, a été pen­sé ini­tia­le­ment en latin. En quit­tant le latin, il s’est laï­ci­sé et sub­stan­ti­fié dura­ble­ment. Le sujet s’est sépa­ré du verbe. « Au début était le verbe », est-il écrit dans le texte, et on peut entendre verbe dans tous les sens modernes de son accep­tion ; puis le pro­nom s’est iso­lé du pré­di­cat. Il ne s’agit plus de « pen­ser » à la pre­mière per­sonne du sin­gu­lier, mais de « je » qui pense, un « je » insis­tant. Plus sur­pre­nant encore, le sujet (celui qui était sou­mis, le sujet du sou­ve­rain, jeté en des­sous, sou­mis à l’action) est deve­nu le maitre, l’auteur de son propre des­tin. Le sujet du verbe s’est trans­for­mé en maitre de la phrase.

De même la neu­ro­lo­gie moderne dis­qua­li­fie par néces­si­té le cogi­to. La pro­po­si­tion est deve­nue inte­nable, et la ques­tion de l’intentionnalité est posée de fait dans les dis­cus­sions (rares, mais en expan­sion chez les neu­ros­cien­ti­fiques) sur la défi­ni­tion de la conscience et dans celles sur la per­ti­nence du concept de conscience lui-même.

La neu­ro­lo­gie a donc refor­mu­lé la maxime car­té­sienne en « cer­veau pense ».
« Cer­veau ergo sum » est l’actualisation de la for­mule, le point de fuite moderne du doute cartésien.

Or le cen­tra­lisme est en crise, le mode de gou­ver­nance devient réti­cu­laire, faite de réseaux et de ter­ri­toires délo­ca­li­sés géo­gra­phi­que­ment. La crise du pou­voir se réper­cute dans la crise du modèle céré­bral comme expres­sion du pou­voir cen­tral de la per­sonne. Cette crise de la cen­tra­li­té, trans­po­sée dans les neu­ros­ciences, est double : interne d’une part, avec l’explosion du concept de plas­ti­ci­té céré­brale d’une part, externe de l’autre, en remet­tant en ques­tion la hié­rar­chie entre l’organe déci­sion­nel du corps et ses autres parties.

Plasticité

Le sys­tème ner­veux est décrit comme un sys­tème câblé, fait de neu­rones et de leurs pro­lon­ge­ments, axones et den­drites, fini, mor­pho­lo­gi­que­ment orga­ni­sé, plas­tique et dis­con­ti­nu, les neu­rones com­mu­ni­quant entre eux à tra­vers des espaces vides (les synapses et les fentes, les inter­stices synap­tiques). Acces­soi­re­ment, il faut sou­li­gner la dif­fi­cul­té d’unifier le concept de cer­veau et celui de neu­rone, car le réseau neu­ro­nal exclut ce qui n’est pas neu­ro­nal dans le cer­veau, et en par­ti­cu­lier les cel­lules gliales, consi­dé­rées jusqu’ici comme du simple tis­su de sou­tien, mais dont la fonc­tion est beau­coup plus déter­mi­nante que ce qu’on ima­gi­nait dans le déve­lop­pe­ment et dans le fonc­tion­ne­ment du cerveau.

Le cer­veau com­plet est ana­to­mique, le réseau neu­ro­nal une construc­tion impos­sible à décrire dans sa tota­li­té, un ensemble pré­con­cep­tuel. L’information qui y cir­cule est une éner­gie qui pos­sède une double nature, cor­pus­cu­laire chi­mique et ondu­la­toire phy­sique, comme la lumière pour la phy­sique quan­tique. Cette des­crip­tion du cer­veau intime est adé­quate pour rendre compte de la plas­ti­ci­té céré­brale. Ce concept de plas­ti­ci­té céré­brale per­met de for­mu­ler la per­sonne neu­ro­nale comme par­tie pre­nante d’un monde instable, chan­geant, dési­rant. Le cer­veau est consi­dé­ré comme le résul­tat d’une double néces­si­té : une contrainte de forme, impo­sée par la géné­tique, et la plas­ti­ci­té (neu­ro­nale et synap­tique) grâce à laquelle le cer­veau peut, dans cer­taines limites, à la fois don­ner la forme, la rece­voir et la faire explo­ser. La plas­ti­ci­té est un concept uni­fi­ca­teur des neu­ros­ciences qui per­met de récu­pé­rer la notion du temps et d’inscrire ain­si le cer­veau dans l’histoire.

Cerveau pense

Une consé­quence de « cer­veau pense » est de pous­ser le doute car­té­sien jusqu’à l’abime, de le rap­pro­cher du scep­ti­cisme de Hume, voire de Nietzsche. Car si « cer­veau pense », les pen­sées peuvent se résu­mer à des états des neu­rones. Rien n’ordonne le flux neu­ro­nal à prio­ri. Les neu­ros­ciences se contentent de décrire cet ordon­nance, d’en faire la phé­no­mé­no­lo­gie, de dire le com­ment (et non le pour­quoi, dont se charge la phi­lo­so­phie, ce qui n’est que justice).

Mais si les pen­sées se résument à des états neu­ro­naux, quelle dif­fé­rence y a‑t-il alors entre la véri­té et le men­songe, le réel et l’imaginaire, les idées vraies et les idées fausses ? Les deux ne sont plus que des états neu­ro­naux dis­tincts, sans aucune valeur pour les dif­fé­ren­cier. Si cer­veau pense, je pour­rais bien n’être qu’un état neu­ro­nal, l’organisation intime d’un ordi­na­teur per­fec­tion­né ou d’un cer­veau iso­lé. Qu’est-ce qui me prouve alors que le monde est et que je ne suis pas un cer­veau iso­lé dans un bocal, et que le cos­mos est autre chose que l’histoire recons­truite des per­cep­tions de ce cerveau.

Si « cer­veau pense », com­ment inté­grer la neu­ro­chi­rur­gie à cette for­mule ? On peut aujourd’hui enle­ver des par­ties de cer­veau, dans une inten­tion com­por­te­men­tale pré­cise (la psy­cho­chi­rur­gie), en sti­mu­ler cer­taines zones ou en gref­fer des par­ties : des cel­lules souches aujourd’hui, des frag­ments de cer­veau plus matures et com­plexes peut-être demain. Quelle quan­ti­té de matière céré­brale faut-il gref­fer pour que cer­veau soit quan­ti­ta­ti­ve­ment modifié ?

Le cerveau normal

La neu­ro­lo­gie donne aux neu­ros­ciences l’opportunité de conce­voir le cer­veau « nor­mal ». C’est celui dont on consi­dère la plas­ti­ci­té contrô­lée, nor­ma­tive, régulée.

La neu­ro­lo­gie a déve­lop­pé deux modèles de mala­dies céré­brales, modèles arith­mé­tiques. Le pre­mier est addi­tif ; c’est sur­tout celui de l’épilepsie par­tielle. L’excitation de neu­rones pré­cis pro­voque des mou­ve­ments, des sen­sa­tions ou des pen­sées. Ceux-ci sont liés à la zone exci­tée et sont, en quelque sorte, en sur­im­pres­sion du cer­veau normal.

Le deuxième est sous­trac­tif, et est lié à l’accident céré­bral (vas­cu­laire ou autre). La per­sonne est celle d’avant à laquelle a été ôtée une fonc­tion, celle pro­duite aupa­ra­vant par la zone lésée. Ce modèle, qui isole le cer­veau du reste du corps et qui a fait les beaux jours de l’enseignement en neu­ro­lo­gie, est puis­sant et efficace.

Le cer­veau « nor­mal » est le cer­veau « en géné­ral », celui auquel rien n’a été enle­vé ni ajou­té et habi­té par la per­sonne nor­male. Si l’on admet que la nor­ma­li­té est un emprunt au social et au poli­tique, on peut assez faci­le­ment dire que le cer­veau nor­mal est éga­le­ment une construc­tion poli­tique, comme le sera sa construc­tion future. Mon cer­veau, ou le vôtre, est ana­to­mique. Mais le cer­veau « en géné­ral », le cer­veau nor­mal est un concept qu’il fau­dra dif­fé­ren­cier à chaque étape de la recherche du cer­veau anatomique.

Le cerveau isolé

Les neu­ros­ciences pos­tulent donc une fic­tion, le cer­veau iso­lé. C’est ce cer­veau dans un bocal qu’on rêve comme le lieu para­dig­ma­tique de la per­sonne morale. Le corps n’en est que ses attri­buts affé­rents (per­cep­tifs) ou effé­rents (moteurs), et le monde réel n’est que la construc­tion qu’il en fait. Ce cer­veau n’existe pas. Ou si un jour il devait exis­ter, il sera d’un inté­rêt anecdotique.

Alors pour­quoi tant s’acharner à éla­bo­rer ce concept ? Pro­ba­ble­ment parce qu’il per­met de délé­guer à une pro­fes­sion, les spé­cia­listes du cer­veau iso­lé, de gérer les ins­tincts, les dési­rs, les com­por­te­ments et la trans­for­ma­tion du monde envi­ron­nant. Le cer­veau est consi­dé­ré ain­si comme l’organe « puri­fié » de la pen­sée. Cette puri­fi­ca­tion est néces­saire pour que les experts (du cer­veau) puissent déployer toute la puis­sance de leur expertise.

For­mu­ler le concept de cer­veau iso­lé per­met aus­si de déve­lop­per le scé­na­rio de science-fic­tion de la greffe céré­brale. Qui est la per­sonne morale si on greffe le cer­veau d’un indi­vi­du dans le corps d’un autre, de l’auteur de ce texte par exemple dans le corps de son lec­teur ? Ou l’inverse ? C’est le cer­veau qui sera l’identité, diront les neu­ros­cien­ti­fiques. Mais ni le chien qui vien­dra lécher le corps de son maitre ni le voi­sin qui ren­dra visite au nou­vel hybride, à la chi­mère incon­nue ne par­ta­ge­ront cet avis. Jusqu’à ce que celui-ci frappe le chien ou repousse le voisin.

Dans le rêve de d’Alembert, Dide­rot posait la ques­tion dans le dia­logue entre l’ingénue Mlle de l’Espinasse et les réponses du doc­teur Bor­deu, neuro­scientifique à venir :

«— Pour­quoi ne pen­sai-je pas partout ?

— C’est que la conscience n’est qu’en un endroit, au centre, la où est la mémoire…

— Et si mon doigt pou­vait avoir de la mémoire?…

— Votre doigt penserait…»

Or le doigt a une cer­taine mémoire, une mémoire indi­cible, du même ordre que la mémoire de la course du pou­let dont on a cou­pé la tête et qui conti­nue à courir.

Et le cer­veau dans un bocal, per­sonne ne peut dire s’il a de la mémoire, ni com­bien, ni laquelle. Le cer­veau est un objet maté­riel d’une part, un objet scien­ti­fique de l’autre. Et les deux objets sont irré­duc­tibles l’un à l’autre. Le cer­veau est donc une illu­sion tant qu’il est conçu comme un aprio­ri. Il devient inté­res­sant comme objet de sa propre construc­tion. Mais cette construc­tion sort du champ res­treint de la science pour en inté­grer d’autres, plus vastes, dont la poli­tique, consi­dé­rée comme pra­tique (à la fois théo­rique et concrète) de créa­tion du futur.

  1. Pour le concept de pou­voir cen­tral, Cathe­rine Mala­bou, Que faire de notre cer­veau ?, Bayard, 2004.

Georges Bauherz


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