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Les jeunes radios privées au Burundi, en RDC et au Rwanda
Moyen d’information le plus populaire dans les zones tant urbaines que rurales, consommé autant par les femmes que par les hommes et également prisé dans les milieux à haut degré d’instruction que par ceux qui ne sont jamais allés à l’école, la radio en Afrique centrale supplante nettement la presse écrite et la télévision, considérées comme des médias élitistes et citadins. Un regard jeté sur une dynamique particulière qui s’est répandue ces dernières années, désignée par le terme de « synergie », permet de présenter les jeunes radios privées de ces trois pays. Ces expériences de partage de ressources et de travail éditorial conjoint entre radios ont vu le jour en période électorale, lors de l’organisation des premières élections libres et démocratiques de l’après conflit. Mises en œuvre par les radios burundaises, congolaises et rwandaises pour surmonter les difficultés auxquelles elles sont confrontées, ces synergies ont instauré une nouvelle dynamique et renforcé la solidarité et le professionnalisme, même si de nombreux obstacles entravent encore le développement du secteur.
Le Burundi, la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ont en commun d’avoir connu, au cours des vingt dernières années, la libéralisation de l’espace politique et du secteur médiatique, après des décennies de monopartisme et de monopole étatique sur les médias. Mais ces trois pays ont aussi fait l’expérience d’un conflit meurtrier dans lequel certains médias se sont trouvés impliqués. La RDC compte aujourd’hui quelque quatre-cents radios privées, le Burundi dix-huit et le Rwanda une dizaine. La radio reste un média indispensable : 88% des ménages burundais se disent équipés d’un transistor (pour seulement 23% qui disposent d’un téléviseur); 97% des ménages kinois et 85% des foyers congolais en milieu rural ont une radio (alors que la télévision n’est accessible qu’à environ 30% d’entre eux, sauf à Kinshasa où les taux sont nettement supérieurs). Quant aux foyers rwandais, plus de la moitié d’entre eux serait équipée d’un transistor.
La synergie éditoriale des radios burundaises
L’expérience pilote de la « synergie des médias » a vu le jour au Burundi lors des élections de 2005. Le paysage radiophonique burundais était alors assez particulier. En effet, à la suite de l’expérience traumatisante d’une presse écrite « de la haine1 » dans les premières années de la guerre civile (1993 – 1994) et au choc suscité par l’expérience, dans le Rwanda voisin, de la Radio télévision libre des Mille Collines (RTLM), le Burundi s’est changé en un « laboratoire radiophonique de la paix ». En 1995, l’ONG américaine Search for Common Ground (SFCG) y a installé un studio de production, appelé « Ijambo » (les « mots sages » en kirundi), dans le but de produire des programmes radiophoniques pouvant aider à la réconciliation des communautés. Peu après, des radios privées ont vu le jour, avec l’appui d’ONG internationales et de bailleurs de fonds, qui relayeront largement ces programmes : CCIB-FM (radio de la Chambre de commerce et d’industrie du Burundi) est créée en 1995, Radio Umwizera (qui deviendra Radio Sans Frontières Bonesha FM) en 1996, Radio Culture en 1998, Radio publique africaine (RPA) en 2001, Radio Isanganiro en 2002, Radio Renaissance en 20042… Ces radios visent explicitement à proposer une information équilibrée, ainsi qu’à promouvoir les initiatives de paix et de rapprochement entre les communautés du Burundi.
Ces nouvelles radios privées bousculent la programmation et le journalisme radiophoniques, tels que mis en œuvre jusque-là par la radio nationale, la RTNB (Radio télévision nationale du Burundi), en situation de monopole depuis sa création en 1960. Rompant avec le « journalisme gouvernemental », elles tendent leur micro aux porte-paroles des mouvements rebelles, recueillent, dans les villages, la parole des citoyens les plus démunis, organisent des débats contradictoires à l’antenne autour des grandes thématiques d’actualité nationale, critiquent les autorités publiques coupables de mauvaise gouvernance et s’attaquent aux sujets tabous dont regorge l’histoire violente du Burundi. Souvent en position de confrontation avec le gouvernement et victimes d’atteintes à la liberté de la presse, les radios privées répondent par la solidarité professionnelle, réagissant collectivement lorsque les droits des journalistes sont bafoués. Leur collaboration est favorisée par leur indépendance vis-à-vis des partis politiques et leur fonctionnement sur la base d’équipes multiethniques. L’appui des partenaires internationaux (coopérations bilatérales française, belge, britannique, suisse et américaine ; fondations américaines, bailleurs caritatifs…) leur permet d’effectuer leur travail avec le minimum de matériel et d’autonomie nécessaires au professionnalisme.
À la veille des élections de 2005, alors que les radios ont conquis le public et distancé de loin une presse écrite à la diffusion limitée et une télévision nationale au cout peu accessible, elles décident de s’organiser en « synergie », c’est-à-dire de mettre en commun leurs ressources humaines pour tisser un réseau de correspondants susceptible de couvrir les élections sur l’ensemble du territoire. La création d’une rédaction conjointe doit aussi permettre aux bailleurs de fonds de disposer d’une structure collégiale unique à laquelle apporter leur soutien3. Lors du référendum constitutionnel, le 28 février 2005, sept médias participent à la synergie : Radio Bonesha, Radio Isanganiro, Radio culture, Radio scolaire (Nderagakura), Renaissance FM, le StudioIjambo et l’Agence burundaise de presse (ABP), média public qui dispose d’un important réseau de correspondants dans les provinces. Soixante-cinq journalistes sont mobilisés, dont une cinquantaine est envoyée sur le terrain, prioritairement dans les communes où les tensions politiques risquent d’être importantes. Les quinze journalistes restants forment une rédaction conjointe à Bujumbura. Les participants produisent seize éditions de journaux parlés (une moitié en français et l’autre en kirundi) diffusées simultanément sur leurs ondes.
Cette expérience remporte un grand succès et est réitérée lors des élections communales du 3 juin et des législatives du 4 juillet 2005 : cent-vingt journalistes provenant de onze médias burundais sont de la partie. Aux sept médias précédents se sont joints la radio nationale (Radio Burundi), CCIB FM+, Radio Ivyzigiro et le Studio de production Tubane. Une vingtaine d’éditions spéciales conjointes de journaux parlés sont produites pour chaque scrutin. Par le biais du site Internet de Radio Isanganiro, ces programmes atteignent également la diaspora burundaise. Comme le souligne Nestor Nkurunziza, journaliste burundais vivant en RDC, grâce à la synergie, « la diaspora a pu avoir accès à l’information en temps réel, alors que ce qui se passe au pays est souvent rapporté par les radios étrangères qui déforment la réalité4 ».
Les apports de la synergie des médias burundais ont été multiples. Ce projet conjoint n’a pas seulement permis aux journalistes d’être présents dans tous les arrondissements électoraux ; il s’est révélé utile à l’administration électorale, facilitant la communication entre la Ceni (Commission électorale nationale indépendante) et ses démembrements locaux le jour du scrutin. Par exemple, lors des élections collinaires, c’est par le biais de la synergie que le président de la Ceni, Paul Ngarambe, a pu faire savoir à ses collègues que la clôture des bureaux était reportée de quelques heures afin de permettre aux paysans de terminer les travaux des champs. À la veille des législatives, la synergie a dénoncé l’existence d’un trafic de procurations et la Ceni a interdit le vote par procuration, passant par la synergie pour communiquer et expliquer cette information aux électeurs et aux agents électoraux en poste dans les différentes localités. Ce sont aussi les dénonciations émises par les correspondants de la synergie qui ont amené l’administration électorale à revoir certains dispositifs le jour même du scrutin. À Ruyigi, où se trouvaient trois-mille ex-combattants, le correspondant de la synergie s’est étonné qu’aucun bureau de vote n’ait été prévu et aussitôt la Ceni en a fait installer un. Les correspondants de la synergie ont rendu publics d’autres dysfonctionnements comme le manque d’encre indélébile dans quelques bureaux, l’absence des bulletins de certains partis politiques ou des listes d’indépendants dans d’autres, le retrait délibéré de listes ailleurs encore.
Pour de nombreux Burundais, la synergie des médias « aura permis de réduire fortement les risques de fraude du fait que le déroulement des scrutins était rapporté en direct et à travers tout le pays » (Ntiyanogeye, 2008). Certains observateurs estiment que son impact a surtout été appréciable au sein de la profession : « Elle a contribué à réconcilier les médias et la politique » et « elle a prouvé la capacité de la plupart des journalistes burundais à sortir des années de plomb médiatiques et à surmonter leurs propres partis pris », estime un observateur du secteur médiatique burundais5. Enfin, la synergie aurait surtout amélioré la qualité de l’information : « Elle a permis de combler les lacunes en ressources humaines de chaque média, mais aussi de recouper mieux le contenu des informations diffusées puisqu’il y avait plusieurs sources d’informations et plusieurs personnes qui contrôlaient6. »
Toutefois, la synergie n’a pas fait l’unanimité et certains médias ont refusé d’y prendre part. « On ne pouvait pas tous parler d’une même voix, il fallait bien qu’il y ait de la diversité », précise Alexis Sinduhije, directeur de la RPA qui n’a pas intégré le réseau. Selon lui, un tel mécanisme appauvrit l’information car le citoyen ne dispose plus d’une pluralité de voix. L’abstention de participation de la RPA était aussi motivée par le fait que l’initiative de la synergie provenait de SFCG et que la RPA refusait que « le mérite de la réussite de la couverture médiatique des élections revienne aux bailleurs de fonds7 ». Le succès de l’opération a néanmoins été tel que les médias burundais ont décidé de poursuivre la synergie après les élections et que la RPA a fini par rejoindre le réseau. Régulièrement, et particulièrement lorsque des questions liées à la défense de la liberté de la presse sont en jeu, les radios burundaises remettent en place la synergie en diffusant simultanément des émissions conçues et préparées ensemble.
République démocratique du Congo : une solidarité mise à rude épreuve
À l’aube des élections de 2006, le paysage radiophonique congolais présentait une tout autre configuration, rendant difficile ce type de collaboration. D’abord, l’immense RDC comptait alors plus de trois-cent-cinquante radios, dont la majorité est constituée de radios locales, communautaires, confessionnelles ou commerciales qui n’émettent que sur un périmètre restreint.
Deux stations seulement prétendaient offrir une couverture d’envergure nationale. D’une part, la radio nationale, la RTNC (Radio télévision nationale du Congo), qui dispose d’une antenne dans chacune des onze provinces, supposées compléter par des productions locales le signal reçu de Kinshasa et rediffusé. D’autre part, Radio Okapi, radio internationale sous l’autorité de la Monuc (mission de l’Organisation des Nations unies au Congo)8 et gérée par la fondation suisse Hirondelle, créée avec la vocation affirmée de renforcer la paix. Étant donné les difficultés de retransmission de la RTNC dans de nombreuses provinces, Radio Okapi était, de fait, la seule station accessible pratiquement sur l’ensemble du territoire, soit grâce à l’une de ses propres antennes, soit par le biais d’un décrochage sur une station locale. Lancée en 2002, à l’époque où le pays était encore morcelé entre les différentes forces belligérantes, Radio Okapi a effectué un travail remarquable de restauration du lien social congolais, permettant aux habitants des différentes régions de s’exprimer et de s’écouter à nouveau après des années de silence. S’exprimant en français et dans les quatre principales langues nationales (lingala, kikongo, tshiluba et kiswahili), la radio s’est constituée au fil du temps une rédaction de plus de cent-vingt journalistes et s’est démarquée par la rigueur et le professionnalisme de ses programmes d’information. Le projet n’est pas exempt de critiques : il lui est reproché de couter trop cher — plus de dix millions de dollars par an — et d’avoir débauché les meilleurs journalistes dans les médias locaux en leur versant un salaire dix fois supérieur à celui qu’offrent les meilleures radios congolaises. En outre, Radio Okapi ne fait pas toujours preuve d’indépendance quand il s’agit de couvrir des informations relatives à la Monuc.
Outre ces deux radios, la ville de Kinshasa compte une trentaine de stations, dont dix-huit sont couplées avec une chaine de télévision. Elles sont essentiellement commerciales ou confessionnelles, aux mains d’Églises dites du Réveil. En province, où le potentiel commercial est plus limité, ce sont les initiatives communautaires ou associatives qui sont largement dominantes. Si la guerre a imposé à plusieurs de ces radios provinciales de proximité des conditions de fonctionnement extrêmement précaires, le conflit a aussi servi à les renforcer aux yeux des communautés locales dont elles portent la voix et répercutent les préoccupations. Peuvent être citées en exemple la Radio Maendeleo à Bukavu, la Radio communautaire du Katanga à Lubumbashi, la Radio communautaire Mwangaza à Kisangani… Émettant en FM dans un périmètre souvent limité (une centaine de kilomètres à la ronde), les radios communautaires jouent un rôle essentiel, dans un contexte où les villes de province ont arrêté d’attendre que Kinshasa apporte des solutions à leurs problèmes. Portées par le milieu associatif, ces radios subissent souvent de fortes pressions de la part des autorités locales qui cherchent à en faire l’instrument de leur pouvoir.
À l’approche de la campagne électorale de 2006, les radios communautaires ont été rejointes, dans les provinces congolaises, par des stations privées commerciales, surtout dans les villes minières (Mbuji Mayi, Lubumbashi…). Plusieurs candidats à la députation ou au gouvernorat se sont empressés de créer un média dans leur localité d’origine, afin d’en user comme d’un instrument de promotion individuelle. Le Réseau Radio Liberté, de Jean-Pierre Bemba, par exemple, a alors développé son implantation dans l’Équateur, province d’origine et fief du parti politique de Bemba. Digital Congo, dont la sœur de Joseph Kabila est actionnaire, a également élargi sa portée, s’installant en FM dans tous les chefs-lieux de province.
Quant aux radios confessionnelles, catholiques et protestantes, elles sont également présentes à l’intérieur du pays, où elles ne se limitent pas à un rôle d’évangélisation, mais s’investissent dans l’éducation citoyenne et la sensibilisation. C’est le cas de Radio Amani, radio de l’archevêché de Kisangani, de Radio Maria (catholique) ou de Radio Sauti ya Rehema (protestante) à Bukavu, de Radio Fraternité Buena Muntu à Mbuji Mayi, de RTDM (Radio Télévision du diocèse de Matadi) à Matadi ou de Radio Tomisa à Kikwit.
Enfin, il faut préciser que plusieurs radios internationales émettent en FM à Kinshasa (BBC, RFI, Africa n°1, RTBF internationale). RFI, installée dans six villes du Congo, est particulièrement bien suivie, loin devant la BBC (qui opère des décrochages sur des radios locales à l’intérieur du pays) ou la RTBF internationale (uniquement présente à Kinshasa, elle n’apparait même pas dans les sondages d’audience). La popularité de la radio française est telle qu’elle est considérée comme un acteur à part entière dans l’espace public local.
Dans un paysage aussi hétéroclite et fortement politisé, il pouvait sembler utopique d’entamer, lors des élections de 2006, une synergie « à la burundaise ». Alors que de véritables « guerres des ondes » se déchainaient entre des radios appartenant aux différents chalengeurs, à Kinshasa, dans l’Équateur, ou au Kasaï, certaines radios communautaires ont tenté de développer des synergies : à Mbuji Mayi, Bukavu, Kisangani, Lubumbashi, les radios communautaires, conscientes de leurs faibles moyens individuels, ont constitué des pools rédactionnels, permettant le partage et la diffusion simultanée de l’information. Au Sud-Kivu, des journalistes issus des différentes radios partenaires ont été envoyés dans diverses localités, communiquant leurs éléments à une rédaction centrale située à Radio Maendeleo. « Pendant quatre jours, explique le directeur de Radio Maendeleo, Kizito Mushizi, les auditeurs ont eu l’occasion de suivre non seulement l’évolution du scrutin, mais aussi l’ambiance qui régnait dans les territoires du Sud-Kivu. » Un auditeur de Bukavu, ravi, a déclaré : « Si les journalistes travaillent de cette façon sur toute l’étendue du pays lors des élections, les politiciens habitués à corrompre les médias risqueront de se trouver ridicules. Ce sera très difficile de corrompre ou de menacer un réseau comme celui-ci9. »
Le succès de ces synergies a été indéniable. Dans les régions où elles ont pu l’organiser, les radios communautaires ont supplanté Radio Okapi en proposant aux auditeurs des informations de proximité, s’appuyant sur des détails locaux. Un préfet d’une école secondaire de Bukavu s’est écrié que « cette fois, on n’a pas attendu RFI pour connaitre l’évolution des élections au Sud-Kivu10 ».
Au Katanga, où les radios communautaires entretenaient des relations conflictuelles entre elles, la mise en place de la synergie a été laborieuse, les directeurs des radios réclamant d’abord des « frais d’antenne » pour diffuser les productions du réseau. En définitive, huit radios se sont regroupées, déléguant chacune deux journalistes à la rédaction conjointe hébergée à la Radio communautaire du Katanga (RCK). La synergie a produit chaque samedi une émission d’une heure en swahili et en français, relayée par toutes les radios membres. Puis, pendant les cinq jours entourant le scrutin, elle a réalisé trente-six éditions communes du journal parlé dont douze en lingala, douze en kiswahili et douze en français. Le directeur commercial d’une des radios membres du projet, Radio Phoenix université, reconnaissait : « La synergie a permis aux journalistes et même à leurs différents directeurs de consolider les relations et d’installer un climat harmonieux. La concorde s’est forgée parce qu’avant c’était la guerre entre les radios, mais actuellement on assiste à des échanges de programmes, de fichiers et d’émissions. La solidarité dans le travail est aujourd’hui une réalité11. »
À nouveau, les synergies électorales congolaises ont à la fois consolidé la crédibilité des radios, augmenté leur popularité auprès du public et renforcé la solidarité professionnelle dans un environnement très concurrentiel et politisé. Le principe de la collaboration éditoriale a été apprécié et des opérations similaires se poursuivent désormais régulièrement autour de thèmes d’intérêt général comme la santé, l’éducation ou la bonne gouvernance.
Au Rwanda : une ouverture progressive
Au Rwanda également, suivant le modèle burundais, une collaboration des radios a été mise en place lors des élections législatives de 2008, avec l’appui de l’instance de régulation, le Haut Conseil des médias. Toutefois, il ne s’agissait pas ici de préparer des éditions conjointes des journaux parlés, mais d’envoyer dans toutes les localités importantes du pays des journalistes émanant des différentes radios privées et publiques. Chaque station disposait d’une liste reprenant les noms et contacts de la vingtaine de journalistes mobilisés à l’intérieur du pays et pouvait appeler ces différents envoyés spéciaux pour obtenir de l’information.
Le Rwanda compte seulement une dizaine de radios privées. En effet, il a fallu dix ans, après le désastre de l’unique expérience de radio privée au Rwanda (la sinistre RTLM créée en 1993), pour que de nouvelles radios soient autorisées à émettre en 2004. Les radios rwandaises se répartissent aujourd’hui en stations privées commerciales (Contact FM, Radio 10, City Radio, Radio Flash et Isango Star à Kigali); stations communautaires (Radio Salus de l’École de journalisme et communication de l’université nationale du Rwanda à Butare, Radio Izuba à Kibungo) et confessionnelles12. S’y ajoutent Radio Rwanda, la radio nationale placée dans le giron de l’Orinfor (Office rwandais de l’information), trois radios publiques locales situées à l’intérieur du pays et quatre radios étrangères (RFI, BBC, VOA et DW) émettant en FM à Kigali, dont deux (la britannique et l’américaine) proposent un programme quotidien d’une heure en kinyarwanda.
Les radios privées rwandaises restent limitées par le manque de compétences disponibles. Par exemple, sur douze journalistes, l’équipe de Contact FM compte trois Kenyans et deux Burundais en charge des bulletins d’information en anglais et en français. La plupart des radios commerciales privilégient la musique, les annonces, le sport, les prêches religieux ou les programmes à antenne ouverte principalement tournés vers la jeunesse. Rares sont celles qui se lancent dans le débat politique ou les programmes économiques : la prudence est de rigueur et, lors des élections législatives de 2008, certaines radios ont choisi d’éviter de couvrir les scrutins.
Contact FM est sans doute la radio la plus entreprenante et ouverte au débat. S’inspirant des expériences de synergie dans les pays voisins, elle a mis en place, en 2007, avec Flash FM et City Radio, une émission-débat sur l’ouverture de l’espace politique au Rwanda appelée « Political Space » ou « Mu Ruhame », diffusée conjointement par les radios et sur le site de Contact FM (
Tour à tour, chaque radio partenaire organisait la réalisation et la diffusion conjointe de débats thématiques mensuels autour de questions cruciales pour l’avenir de la région : la sécurité, le commerce transfrontalier, la justice et l’impunité, la bonne gouvernance et la démocratie, l’intégration régionale… Ce programme visait à mieux faire circuler l’information entre les trois pays et à ouvrir le public de chaque station à la perspective et aux points de vue des citoyens et des journalistes qui se trouvent de l’autre côté de la frontière. Il était ouvert aux interventions téléphoniques des auditeurs souhaitant adresser des questions en direct aux invités présents en studio. L’émission est aujourd’hui interrompue, faute de moyens pour maintenir un dispositif technique complexe et couteux, mais aussi à la suite des dissensions entre les radios congolaise et rwandaise. Contact FM a entamé à présent une collaboration avec la RTGA (Radio Télévision du groupe l’Avenir), basée à Kinshasa, à travers un programme conjoint intitulé « Convergences ».
Si les synergies nationales encouragent la solidarité professionnelle au niveau local, ces expériences régionales ont permis de commencer à déconstruire le mur de méfiance et de préjugés que la guerre a érigé entre des communautés voisines. Lors d’une étude réalisée sur la réception de ces émissions régionales, les auditeurs et personnes ressources interrogés avaient, à l’unanimité, souligné combien ces programmes permettent de renforcer un sentiment d’appartenance à un espace commun, où les aspirations à la paix et à la sécurité sont largement partagées par tous. « La région fonctionne comme un vase communiquant appelant une unité de solutions », s’est exclamé un auditeur, alors qu’un autre estimait que ces émissions constituaient « l’une des voies de sortie à nos conflits »13.
Ces collaborations régionales ont également conduit à la mise sur pied d’une agence de presse sonore en ligne, Échos des Grands lacs, une plateforme à travers laquelle treize radios de la région s’échangent quotidiennement des reportages et des éléments audio.
Enjeux et défis pour les radios d’Afrique Centrale
Ces quelques expériences encourageantes ne doivent cependant pas faire oublier les difficultés que rencontrent les radios de la région pour se consolider et se professionnaliser.
Un premier obstacle réside dans la fragilité économique de ces entreprises. Même les radios qui bénéficient des budgets les plus importants (40.000 dollars par mois pour Contact FM, 33.000 dollars pour Radio Maendeleo, 42.000 dollars pour Radio Isanganiro) ne peuvent compter que sur un personnel restreint (une douzaine de journalistes) et des moyens matériels limités. Certaines radios communautaires congolaises disposent tout au plus de 10.000 dollars par an et survivent grâce à l’implication bénévole de leurs animateurs.
L’impossibilité de dégager des revenus dans un contexte économique local paupérisé par des années de guerre entraine souvent une dépendance structurelle des radios vis-à-vis des bailleurs de fonds. Les subventions étrangères, si elles permettent aux stations d’affirmer leur indépendance vis-à-vis des personnalités et partis politiques, produisent toutefois d’autres formes de frustration : les budgets étant tributaires des stratégies et décisions des bailleurs de fonds, ces derniers peuvent aller jusqu’à intervenir dans la programmation de la radio, par exemple en demandant la diffusion d’émissions répondant à leurs propres préoccupations.
L’appui des partenaires étrangers constitue toutefois un rempart contre les pressions politiques. Sans lui, les radios de proximité sont souvent dépendantes des autorités locales pour leur accès à l’énergie, à l’information, ou pour leur sécurité et la stabilité de leur statut administratif. L’aide internationale peut aussi permettre de limiter la pratique du « coupage » ou du « publi-reportage déguisé », généralisé en RDC et qui a tendance à s’étendre au Rwanda et au Burundi. Cette pratique consiste pour un journaliste à attendre une rémunération de la part de la source d’information qui sollicite auprès de lui une couverture médiatique. Condamné par les codes de déontologie des journalistes des trois pays, ce comportement se change, dans les médias où les journalistes ont un salaire ridiculement bas (entre 30 et 80 dollars par mois dans les radios congolaises), ou inexistant, en un impératif de survie. Seules les radios bénéficiant d’un appui extérieur conséquent peuvent rémunérer leur personnel à des niveaux de salaire suffisants (800 dollars minimum pour le journaliste de Radio Okapi ; 300 dollars pour celui de Radio Isanganiro), afin de les tenir à l’abri de ce genre de tentation.
La récurrence des atteintes à la liberté de la presse constitue un second obstacle au développement de ces radios. Même si, dans les trois pays, la liberté de la presse est garantie par la Constitution et par la loi régissant les médias (adoptée en 1996 au Congo, mise à jour en 2003 au Burundi et en 2009 au Rwanda), l’application des textes continue de poser problème. Au Congo, l’association de défense de la liberté de la presse Journaliste en danger publie chaque année une comptabilité précise reprenant l’ensemble des violences perpétrées contre les journalistes durant l’année écoulée : assassinats (qui n’épargnent même pas les journalistes protégés par la Monuc puisque deux reporters de la rédaction de Radio Okapi à Bukavu ont été assassinés en 2007 et 2008); emprisonnements arbitraires, interpellations sans fondement, agressions, menaces ou harcèlement, pressions administratives, économiques ou judiciaires14.
Au Burundi, plusieurs journalistes ont connu de longs mois de détention préventive pour avoir dénoncé les manipulations du pouvoir qui accusait certains membres de l’opposition d’avoir fomenté un coup d’État. Au Rwanda, l’autocensure est omniprésente : « Les éditeurs et les journalistes marchent sur une corde étroite, veillant à ne pas sombrer dans une quelconque forme de journalisme pouvant soutenir le divisionnisme, ni publier ce qui ne cadre pas avec des lignes éditoriales rigides. Cela affecte la créativité journalistique », reconnait le Haut Conseil des médias15. Si les journalistes rwandais prennent quelquefois des libertés avec la loi ou la déontologie professionnelle, l’interprétation des textes lors des procédures judiciaires qui s’ensuivent est souvent drastique à leur encontre et le poids des sanctions disproportionné par rapport à la faute commise.
Un troisième obstacle réside dans l’insuffisance de la formation professionnelle des journalistes travaillant dans ces radios. Si des écoles et centres de formation existent dans les trois pays, la plupart des journalistes en activité dans les médias ont été formés sur le tas. Sur les quatre-cent-vingt-sept journalistes recensés au Rwanda par l’instance de régulation, 27% seulement sont détenteurs d’un diplôme en journalisme ou en communication. En RDC, où l’association des journalistes (l’UNPC, l’Union nationale de la presse congolaise) a recensé plus de quatre-mille professionnels de l’information, ce pourcentage n’est même pas atteint. Les journalistes qui ont la chance de bénéficier d’une formation de qualité s’empressent de valoriser leurs compétences en trouvant des emplois mieux rémunérés dans les organisations internationales, les projets de développement ou les cabinets politiques. Les radios connaissent donc une forte rotation du personnel, la précarité des conditions ne favorisant pas les perspectives de carrière à long terme.
Enfin, un quatrième problème réside dans la difficile évolution des radios d’État vers des contenus de « service public ». Dans les trois pays, la radio nationale est censée opérer une mutation qui lui permette d’ouvrir ses ondes à l’ensemble des composantes représentatives de la population. Mais elle reste avant tout « gouvernementale » dans ses contenus et peine à donner la parole sur ses antennes à l’opposition politique ou à la société civile. Cette restriction contribue à radicaliser certains médias privés soucieux de faire entendre d’autres sons de cloche.
Au Burundi, la RTNB, qui dispose de deux chaines de radio, a évolué, de 2004 à 2006, vers une plus grande ouverture, soutenue par un appui important de la coopération belge (3 millions d’euros sur trois ans). Ce projet visait à assurer sa mise à niveau technique (essentiellement le passage à la technologie numérique) et à la renforcer dans ses missions de service public. La politique de communication adoptée par le conseil d’administration de la RTNB en décembre 2003 stipulait que : « Les ondes appartiennent à tous, et chaque citoyen a le droit de connaitre les principaux points de vue sur toute question importante intéressant la société burundaise. » Toutefois, à l’issue du processus électoral de 2005, le parti arrivé au pouvoir a rapidement réaffirmé sa mainmise sur la RTNB, à travers les licenciements et les nominations des cadres dirigeants. Les antennes sont devenues moins diversifiées et ouvertes à l’opposition politique qu’elles ne l’étaient quelques années auparavant, même si la radio demeure plus pluraliste que la télévision nationale.
Au Rwanda, la radio nationale demeure toute puissante. Elle a implanté des stations régionales à Rubavu, Huye et Musanze et prétend à présent couvrir 95% du territoire. Les études de monitoring de la couverture médiatique des élections législatives de 2008 ont montré le déséquilibre flagrant du média public en faveur du parti au pouvoir16. Quant à la RTNC de RDC, elle est à la fois monopolisée et complètement délaissée par le gouvernement : si ce dernier, et particulièrement le ministre de la Communication, assure sa mainmise sur l’opérateur public, aucun investissement majeur n’a été consenti pour sortir cet ancien fleuron du mobutisme de son état de délabrement. Au contraire, les moyens disponibles sont désormais orientés vers des médias ou structures de production privés dont l’allégeance au pouvoir en place est acquise, ou vers les services de communication des officiels qui livrent des reportages « prêts à diffuser » aux rédactions de la RTNC.
Conclusion
Toujours en proie à ces diverses difficultés, les radios d’Afrique Centrale affrontent à nouveau, cette année et la prochaine, des échéances électorales, à la fois cruciales pour la stabilité des pays et porteuses d’énormes tensions. Les défis liés à l’absence d’indépendance des médias publics, aux atteintes multiples à la liberté de la presse et à la politisation des médias privés sont plus que jamais d’actualité dans les trois pays.
Ainsi, au Burundi, où un cycle électoral général, étendu sur quatre mois, a débuté en mai 2010, la résurrection de la Synergie ne s’est pas faite sans peine, le paysage radiophonique s’étant modifié depuis deux ans. D’une part, sans doute pour contourner la popularité des radios privées, le parti au pouvoir a entrepris de mettre en place ses propres radios, non seulement à Bujumbura (Réma FM), mais dans en province (Umucu FM à Ngozi et Star FM à Kayogoro). L’apparition de radios « politiques » dans le champ médiatique burundais a fortement ébranlé la confraternité. D’autre part, à l’approche du scrutin, la radio nationale a été particulièrement mise au pas, de sorte que sa participation à la synergie, qui avait été une réussite en 2005, a été compromise à plusieurs reprises. Fin juin, la RTNB a refusé de diffuser certains journaux parlés produits par la Synergie, car ils comprenaient des passages critiques vis-à-vis du gouvernement. Réma FM a contribué pleinement au réseau, aux côtés de 14 autres radios, mais a quand même été épinglée par la mission d’observation de l’Union européenne, pour l’agressivité du ton utilisé dans ses propres programmes. Enfin, en pleine période électorale, le 17 juillet 2010, le journaliste de presse écrite, Jean-Claude Kavumbagu, directeur de l’agence en ligne Net Press, a été placé en détention, accusé de « trahison » pour avoir publié un article dans lequel il s’interrogeait sur les capacités des services de sécurité burundais à faire face à des attentats terroristes du type de ceux qui venaient de frapper l’Ouganda. Il risque la prison à perpétuité…
Au Rwanda voisin, la situation des médias est également préoccupante. En juin 2010, le directeur de publication du journal Umuvugizi, Jean-Léonard Rugambage, était abattu devant la porte de sa maison, en plein jour. Il s’agissait du premier journaliste assassiné dans ce pays depuis plus de douze ans. Quelques semaines auparavant, en avril, son journal ainsi que le bien connu Umuseso, un des plus impertinents vis-à-vis du pouvoir, avaient été suspendus pour six mois par le Haut Conseil des médis. Une semaine avant le scrutin présidentiel du 9 aout, le Haut Conseil des médias publiait une liste de quarante-et-un médias agréés et menaçait de suspension ceux (dont quelques journaux et radios très populaires) qui ne s’étaient pas encore conformés aux nouvelles exigences administratives imposées par la loi sur la presse adoptée en 2009. Le moment semblait mal choisi, alors que le manque de pluralisme réel du processus électoral, qui mettait en compétition le président sortant Paul Kagame avec trois de ses proches, était déjà sévèrement critiqué.
Enfin, en RDC, les violences contre les journalistes et les médias se sont également multipliées ces derniers mois, à tel point que les associations mondiales et locales de défense de la liberté de la presse ont adressé, en septembre 2010, une lettre ouverte au président Kabila, dénonçant « l’espace de plus en plus restreint qu’occupe la libre expression dans le pays. » Alors que le nouveau calendrier électoral vient d’être publié, les faisceaux des stations de télévision et de radio de Jean-Pierre Bemba (CCTV, CKTV et Réseau Liberté) ont encore une fois été interrompus durant trois jours en juillet, ce qui laisse présager des entraves au pluralisme des médias en période préélectorale. De son côté, la RTNC a bénéficié d’un appui substantiel du gouvernement, pour ses rédactions de Kinshasa et des provinces, officiellement dans le but de se préparer aux célébrations du Cinquantenaire. Cependant, la troisième chaine développée à l’occasion de ces festivités, est déjà, à l’évidence, un instrument de campagne électorale, et ses contenus visent essentiellement à promouvoir l’action du président en exercice. En marge de cette vitrine flamboyante, plusieurs journalistes congolais croupissent en prison, d’autres reçoivent des menaces de mort, dans un contexte tendu où l’assassinat d’un des plus célèbres défenseurs des droits de l’homme, Floribert Chebeya, retrouvé mort dans son véhicule début juin, tarde à être élucidé.
Le chemin est encore semé d’embuches pour les radios de la région des Grands Lacs et, plus que jamais, la solidarité professionnelle des journalistes (au niveau national, régional et international) et l’appui des partenaires financiers demeurent des atouts, voire des nécessités, pour que les citoyens de la région puissent continuer à accéder à une information diversifiée et crédible.
- C’est en effet au sujet des journaux burundais que l’organisation de défense de la liberté de la presse Reporters sans Frontières utilise pour la première fois ce terme en 1993.
- Le paysage radiophonique compte en outre quelques radios confessionnelles (Radio Ivyzigiro, pentecôtiste, à Bujumbura et Radio Maria Burundi, catholique, à Gitega) et internationales (RFI, installée en FM depuis 1998, BBC depuis 2000 et VOA depuis 2003 ; les deux dernières émettant en kirundi une heure par jour).
- Le projet a reçu l’appui de l’USAID, de la coopération française, de l’Unesco, de l’asbl belge Kabondo, de la CENI (Commission électorale nationale indépendante) et d’un sponsor commercial, la Brarudi (Brasseries du Burundi).
- Nestor Nkurunziza, interviewé dans le Journal parlé de 13 heures, synergie du 25 septembre 2005.
- Note de synthèse de Jean-François Bastin (asbl Kabondo, projet d’appui à la RTNB).
- Adrien Sindayigaya, directeur du Studio Ijambo, entretien personnel, Bujumbura, septembre 2009.
- Alexis Sinduhije cité par Eva Palmans, Médias et politique en situation de crise : le cas du Burundi, thèse de doctorat, université d’Anvers, 2008, p. 163.
- La mission s’est changée en Monusco en 2010. Toutefois, nous utiliserons ici le précédent acronyme.
- Témoignages recueillis par Pascal Chirhalwirwa, Rapport interne de l’Institut Panos Paris, novembre 2006, p. 2.
- Cité par Journaliste en danger (JED), La liberté de presse en période électorale. Assassinats, agressions, menaces, expulsions, destructions, propagandes, procès bidons et dérapages dans les médias, Kinshasa, novembre 2006., p. 22.
- Dimitri Musampule, secrétaire exécutif du Remack, directeur commercial de Radio Phoenix université, cité par Institut Panos Paris, Rapport final du projet Spot, Kinshasa, 2008, p. 15.
- Radio Mariya, Radio Ijwi Ry’ibyiringiro, Radio Restore et Radio Umucyo. Media High Council, State of the Media Report 2008, Kigali, mai 2008.
- Cités dans Nindorera Willy, Rapport global d’évaluation de l’émission « Regards croisés sur les grands lacs », Institut Panos Paris, Bujumbura, 2009.
- Voir les rapports annuels de Journaliste en danger disponibles sur le site www.jed-afrique.org.
- Media High Council, State of the Media Report 2008, Kigali, mai 2008, p. 34.
- Media High Council, Media Monitoring Report on the allocation of airtime and space in the public media to political parties and independant candidates, Kigali, 3 octobre 2008.