Skip to main content
logo
Lancer la vidéo

Les homos ne sont plus ce qu’ils étaient

Numéro 3 Mars 2013 - famille homoparentalité homosexualité mariage par

mars 2013

Nos voi­sins fran­çais n’en finissent pas de mani­fes­ter, de s’invectiver et de débattre sur le mariage entre homo­sexuels. Les médias en font leurs choux gras. Ain­si, même aux dis­traits et aux ermites, il fut dif­fi­cile d’ignorer les repor­tages sur la « mani­fes­ta­tion pour tous » du 13 jan­vier, orga­ni­sée par ceux qui s’opposent au « mariage pour tous ». […]

Nos voi­sins fran­çais n’en finissent pas de mani­fes­ter, de s’invectiver et de débattre sur le mariage entre homo­sexuels. Les médias en font leurs choux gras. Ain­si, même aux dis­traits et aux ermites, il fut dif­fi­cile d’ignorer les repor­tages sur la « mani­fes­ta­tion pour tous » du 13 jan­vier, orga­ni­sée par ceux qui s’opposent au « mariage pour tous1 ». Le bat­tage média­tique autour du suc­cès de cet évè­ne­ment (1 mil­lion d’euros de bud­get) fut considérable.

Chaque télé­vi­sion vou­lait sa famille catho­lique tra­di­tio­na­liste à elle, conforme aux sté­réo­types, c’est-à-dire nom­breuse, habillée de vête­ments de qua­li­té, en pro­ve­nance de la France pro­fonde, pin­çant sa langue de Vol­taire comme il se doit. Il fal­lait aus­si fil­mer les rares cau­tions homo­sexuelles de l’opposition au mariage entre per­sonnes de même sexe, de même qu’il ne fal­lait pas man­quer les vedettes (de l’UMP, du FN, du petit écran), ni les porte-paroles auto­pro­cla­més façon Fri­gide Bar­jot. L’on fit éga­le­ment assaut de comp­tages pour mesu­rer les forces enga­gées (de l’opposition ou des machines orga­ni­sa­tion­nelles, nul ne sait). Un véri­table déferlement.

Il se fait que, le 27 jan­vier, c’était au tour des par­ti­sans du « mariage pour tous » de se comp­ter. Et là, force est de consta­ter que l’écho média­tique fut éton­nam­ment faible.

Si le suc­cès d’un évè­ne­ment se mesu­rait à l’ampleur de son relai dans les médias, il fau­drait conclure à l’échec. Cer­taines télé­vi­sions étaient car­ré­ment absentes, à l’image de iTé­lé et de BFM TV qui bou­dèrent la mani­fes­ta­tion au pro­fit de l’arrivée du Ven­dée Globe…

Bien enten­du, nom­breux furent ceux qui s’offusquèrent de cette situa­tion, qui firent aux médias des reproches d’indifférence pour la cause, voire, qui les accu­sèrent de par­tia­li­té et de col­lu­sion avec les conservateurs.

Ces cri­tiques pour­raient être fon­dées si l’on consi­dé­rait que la tâche des médias était encore d’informer le public et, ce fai­sant, d’accompagner le débat public. Si l’on se place du point de vue, peut-être plus réa­liste, d’une presse aux mains des mar­chands d’espace publi­ci­taire et visant avant tout à atti­rer le cha­land, si l’on veut bien se rap­pe­ler qu’on n’attire pas les mouches avec du vinaigre, alors il faut prendre cette situa­tion pour une bonne nouvelle.

Dans une optique d’info­tain­ment et donc de mélange des genres entre l’information et le diver­tis­se­ment, il faut admettre qu’une infor­ma­tion n’est per­ti­nente que si elle per­met un mini­mum de mise en scène et de sto­ry­tel­ling. Il faut racon­ter l’histoire ridi­cule, effrayante ou amu­sante d’une famille comme on n’en fait plus qui monte de sa pro­vince, toute de naph­ta­line vêtue, pour prendre la défense d’une famille tra­di­tion­nelle mena­cée par des hordes d’invertis-contre-lesquels-on‑n’a‑rien-car-il-ne-faut-pas-oublier-le-commandement-christique-de‑l’amour-du-prochain-mais-quand-même-ils-pourraient-rester-discrets…

En un mot comme en cent, on ne raconte pas l’histoire de tout le monde, mais celle d’individus d’exception. Il est donc ici ques­tion de normalité.

Dans ce contexte, force est d’admettre que les conser­va­teurs, reli­gieux fon­da­men­ta­listes, fas­cistes de diverses obé­diences et tra­di­tio­na­listes de tous bords qui défi­lèrent dans Paris consti­tuent la base rêvée d’une solide mise en scène de la France qui perd, celle dont les valeurs tra­di­tio­na­listes reculent sans dis­con­ti­nuer depuis cin­quante ans, mal­gré quelques sou­bre­sauts. Car, aujourd’hui, si même les fachos sont homos (à l’exemple de Geert Wil­ders ou de Jörg Hai­der), c’est bien le signe que les valeurs de la famille tra­di­tion­nelle sont en perte de vitesse. Rares sont ceux qui regrettent les familles d’antan, c’est un fait. Et ceux qui le font nous sont peu fami­liers. Nous n’en connais­sons pour ain­si dire pas. Ou bien ce sont des conser­va­teurs hon­teux et ils se cachent.

À l’inverse, nous avons tous des amis homo­sexuels, au nombre des­quels, peu se baladent sur des talons hauts, outra­geu­se­ment maquillés ou se déguisent en camion­neur ou camion­neuse. Bien enten­du, ce sont des gens ordi­naires, banals, qui nous res­semblent en tout point, si ce n’est celui du choix de leurs par­te­naires sexuels. Bien peu de chose, en fin de compte. Ne voi­là-t-il d’ailleurs pas qu’ils frappent à la porte de l’institution bour­geoise par excel­lence qu’est le mariage ?

Et la voi­là, la bonne nou­velle : les homo­sexuels n’intéressent plus beau­coup les médias parce qu’ils sont trop nor­maux, parce que leur his­toire est connue et que nous nous sommes ren­du compte qu’elle était fort banale. Il faut qu’ils soient per­sé­cu­tés pour que se des­sine une his­toire digne de gâcher du papier.

Les oppo­sants, à l’inverse, sont des extra­ter­restres, des dino­saures en voie de dis­pa­ri­tion. Oui, ceux-là même qui se pré­tendent l’incarnation de deux-mille ans d’histoire occi­den­tale sont vus par les Occi­den­taux comme d’étranges personnes.

Ou plu­tôt comme les per­son­nages idéaux d’une his­toire cap­ti­vante… entre deux pages de publicité.

  1. On l’aura com­pris, quelle que soit la reven­di­ca­tion, il convient de se pré­va­loir de tous. On ne sau­rait mieux dire que la socié­té fran­çaise se divise sur la ques­tion, non que celle-ci soit natu­rel­le­ment vouée à sus­ci­ter les pas­sions, mais plu­tôt que la pas­sion de l’affrontement semble, outre-Quié­vrain, trou­ver à se ravi­ver à toute occa­sion. Il est vrai que la pré­si­den­tielle est déjà loin et que l’ennui guette.