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Rester soi-même pour collaborer

Numéro 05/6 Mai-Juin 2010 par Danielle Mouraux

mai 2010

Devant les cri­tiques des ensei­gnants concer­nant la démis­sion des parents et les plaintes des parents à pro­pos des échecs sco­laires se pose la ques­tion de la res­pon­sa­bi­li­té et du pou­voir de l’é­cole et de la famille. Qui sont-elles ? Que peuvent-elles faire ? Com­ment ? L’in­ter­dé­pen­dance intel­li­gente de ces deux enti­tés édu­ca­tives si dif­fé­rentes n’est pos­sible qu’à une condi­tion : res­ter elles-mêmes, sans devoir se déna­tu­rer pour rem­plir des mis­sions qui ne sont pas les leurs.

Dès qu’un enfant fran­chit la porte de pre­mière mater­nelle, sa famille lâche une des rênes édu­ca­tives et la confie à l’école, man­da­tée pour nour­rir cet enfant et le conduire hors de sa famille, dans le monde. Ce pas­sage de pou­voir de la com­mu­nau­té fami­liale vers l’institution sco­laire va déclen­cher une série de régu­la­tions et de dépen­dances assor­ties de pertes d’autonomie et d’identité : la famille va se trans­for­mer pour répondre à l’attente de l’école de la voir s’impliquer dans la sco­la­ri­té de ses enfants et l’école va se trans­for­mer afin, croit-elle, de mieux accueillir les familles en répon­dant à leurs attentes supposées.

Famille et école : deux logiques de pensée, deux registres d’action

La famille est une com­mu­nau­té1 où priment l’affectif (je sens, je res­sens), l’individuel (je suis), le par­ti­cu­lier (moi, l’unique) et l’appréciatif (j’aime, je déteste, je crois, je suis convaincu).

L’école est une ins­ti­tu­tion où priment le cog­ni­tif (je cherche à com­prendre, je sais), le col­lec­tif (j’apprends par, pour et avec les autres), l’universel (j’apprends ce qui nous ras­semble, la culture de l’écrit et de l’abstrait) et l’évaluatif (je mesure ma progression).

Le pro­duit de cette logique ronde par la logique car­rée crée la logique hexa­go­nale en œuvre dans la socié­té, où priment l’actif (j’agis), le socié­tal (avec tous, dans tous les domaines), le hié­rar­chique (selon mes com­pé­tences) et le payant (il faut que ça marche). Dans cette « mul­ti­pli­ca­tion », le coef­fi­cient car­ré est indis­pen­sable pour com­prendre le sys­tème et le chan­ger si néces­saire, c’est-à-dire mener à une auto­no­mie radicale.

Les familles sont diverses

Les familles déve­loppent des capi­taux sociaux et des habi­tus cultu­rels dif­fé­rents, qui pro­duisent divers rap­ports au savoir et à l’école. Cette diver­si­té est caté­go­ri­sée en trois types de familles selon ce qu’elles posi­tionnent en leur centre et qui leur sert de moteur : les très rondes, les car­rées et les hexa­go­nales.

Les familles très rondes se centrent essen­tiel­le­ment sur le com­mu­nau­taire. Elles usent de l’oral pra­tique et mécon­naissent l’écrit et l’abstrait. Elles voient l’école comme dans un brouillard, avec leurs lunettes rondes, leur ethos domes­tique, sans tou­jours la com­prendre mais en étant per­sua­dées qu’elle est impor­tante (Del­vaux, Joseph et Man­gez, 2002). Elles lui font confiance et, se sen­tant incom­pé­tentes ou impuis­santes, res­tent à dis­tance avec l’espoir que les ensei­gnants seront bons et aim/aideront leurs enfants. Mal­gré cette fai­blesse appa­rente, elles régulent l’école via des plaintes, des appels à l’aide, des absences crain­tives, une sou­mis­sion latente et quel­que­fois aus­si, en réac­tion à l’échec fré­quent de leurs enfants, des refus caté­go­riques, des fuites, des colères explosives.

Les familles car­rées donnent prio­ri­té aux valeurs de l’école telles la ponc­tua­li­té, l’effort, le mérite, le res­pect. Elles ont l’ambition de deve­nir pro­fes­sion­nelles de l’éducation. Elles pos­sèdent tech­ni­que­ment l’écrit et l’abstrait sans tou­jours en mai­tri­ser la culture. Elles voient l’école de l’intérieur et en connaissent les forces et la puis­sance mais aus­si les limites et les fai­blesses. Elles savent com­ment aider leurs enfants et « péda­go­gisent » la moindre de leurs acti­vi­tés. Elles n’hésitent pas à régu­ler l’école en la bom­bar­dant poli­ment de leurs remarques, pro­po­si­tions et recours ou/et en l’envahissant plus ins­ti­tu­tion­nel­le­ment via la par­ti­ci­pa­tion et la col­la­bo­ra­tion dont l’excès mène à une ingé­rence opé­rante et pro­fonde car ciblée sur le péda­go­gique aus­si. Ce sont leurs enfants qui, sta­tis­ti­que­ment, réus­sissent le mieux leur sco­la­ri­té obligatoire.

Les familles hexa­go­nales ont « mul­ti­plié » le rond et le car­ré et les ont ren­dus opé­ra­tion­nels notam­ment par la mai­trise de la culture de l’écrit et de l’abstrait qui leur assure une posi­tion sociale haute à laquelle elles donnent prio­ri­té en consa­crant temps et éner­gie à leur pro­fes­sion, car­rière, réseaux, savoirs, pou­voirs. Elles rela­ti­visent l’importance de l’école et, parce qu’elles la voient comme un ins­tru­ment de mobi­li­té sociale et un lieu d’épanouissement, réclament qu’elle se mette à leur ser­vice et qu’elle cer­ti­fie la valeur de leurs enfants. Elles régulent l’école par la reven­di­ca­tion de leurs droits indi­vi­duels (libre choix, recours) en pas­sant si néces­saire par la col­lec­ti­vi­sa­tion ponc­tuelle de la lutte, par des inter­ven­tions fortes auprès de la hié­rar­chie, par le lob­bying, les pres­sions, les menaces. Elles savent com­ment (faire) aider leurs enfants, si néces­saire en recou­rant au pré­cep­to­rat. Por­tés par leur pro­jet fami­lial d’ascension sociale, leurs enfants res­tent majo­ri­tai­re­ment ceux qui réus­sissent la sco­la­ri­té la plus poussée.

Afin de mieux tirer par­ti du sys­tème sco­laire, ces trois types de familles cherchent à faire l’école à leur image : les pre­mières espèrent plus de ron­deur accueillante, les secondes davan­tage de savoir car­ré, les troi­sièmes une effi­ca­ci­té plus hexa­go­nale. Mais quelle que soit leur posi­tion par­ti­cu­lière, toutes les familles res­tent avant tout rondes, prêtes à défendre becs et ongles leurs petits, à se lais­ser empor­ter par leurs sen­ti­ments, à affir­mer leurs opi­nions et dire leur désac­cord. Cette atti­tude typi­que­ment affec­tive, indi­vi­duelle et appré­cia­tive a le don d’exaspérer les ensei­gnants qui, selon les cas, se sentent aga­cés et tristes, agres­sés et inquiets, ou mépri­sés et en colère. Nous ver­rons plus loin com­ment l’école réagit à ces stra­té­gies sco­laires des familles ; mais voyons d’abord com­ment l’école porte son influence régu­la­trice au cœur même des familles.

L’école régule les familles

Dès que l’école entre en jeu, elle bou­le­verse la vie des familles car elle attend qu’elles s’impliquent dans la sco­la­ri­té, s’investissent dans l’école, col­la­borent à l’éducation. L’école pénètre ain­si dans les familles et y fait sa place, plus ou moins grande et cen­trale. Cette pré­sence sco­laire est per­tur­bante car elle pousse la famille à s’adapter dans tous les domaines de sa vie : la ges­tion du temps et du bud­get, l’aménagement de l’espace, les tâches de cha­cun, les prin­cipes et méthodes d’éducation des parents, leur mai­trise de l’avenir, l’évolution de l’enfant lui-même, l’image de soi don­née et reçue, la vie pri­vée, l’insertion sociale de la famille (Per­re­noud, 1987).

Selon les types de familles, ces pres­sions régu­la­trices de l’école sont per­çues comme des contraintes ou des liber­tés ; elles sus­citent un déni, une résis­tance, une oppo­si­tion ou au contraire sont accep­tées, inté­grées voire ren­for­cées. Cette régu­la­tion des familles par l’école découle objec­ti­ve­ment de la dépen­dance des familles qui recourent au « four­nis­seur » sco­laire pour satis­faire leur besoin d’instruction et de socia­li­sa­tion. Une fois ins­crites, elles sont tenues de four­nir chaque jour un enfant propre, frais et dis­pos, res­pec­tueux, moti­vé à apprendre, curieux, bref un enfant-élève clé sur porte. Mais on sait que toutes les familles n’ont pas le même mode de « pro­duc­tion » : les rondes sont les moins per­for­mantes et sont ain­si défavorisées.

Elles sont aus­si déva­lo­ri­sées car, à cette régu­la­tion objec­tive s’ajoute une pres­sion mora­li­sa­trice issue de l’image que les ensei­gnants se font de l’échec sco­laire : habi­tués aux familles car­rées (leur propre famille l’est) qu’ils croient uni­ver­selles et « nor­males », les ensei­gnants n’admettent guère que les autres familles ne posi­tionnent pas l’école en leur centre. Ils estiment qu’elles manquent de dis­cer­ne­ment, de volon­té, de cou­rage, de res­pect, bref qu’elles démis­sionnent. Ils sont per­sua­dés que, puisque l’inégalité sco­laire prend sa source dans les familles, celles-ci sont aus­si mai­tresses de la solu­tion, appa­rem­ment si simple : deve­nir plus car­rées ! Et c’est ain­si que, depuis long­temps, on assiste à une vaste opé­ra­tion de sco­la­ri­sa­tion des familles, si forte et si lourde que cer­tains cher­cheurs parlent d’impérialisme sco­laire (Vatz-Laa­rous­si, 1996).

Par­mi les mul­tiples méca­nismes sco­la­ri­sa­teurs, le tra­vail sco­laire à domi­cile est remar­quable car sa pré­sence quo­ti­dienne et mas­sive dans les familles ain­si que sa pré­gnance dans la réus­site en font un élé­ment intou­chable de l’ordre sco­laire. Pour preuve, les pas­sions qui se déchainent tant chez les ensei­gnants que chez les parents à l’idée de ques­tion­ner ce sys­tème qui, à la réflexion, pro­duit des effets contraires à ceux atten­dus aux trois niveaux de la péda­go­gie, de la famille et de la socié­té2. Il est tabou, ce tra­vail sco­laire à domi­cile, tant dans le fon­da­men­tal qui refuse la régu­la­tion intro­duite par le décret en 2001 que dans le secon­daire où il devient la condi­tion de la réus­site3. En dépit des impos­si­bi­li­tés consta­tées dans bien des familles d’en assu­rer le sui­vi, il par­vient à se main­te­nir grâce à la créa­tion d’un filet de repê­chage tant public et ins­ti­tu­tion­nel (les écoles de devoirs) que pri­vé (le juteux sou­tien sco­laire). C’est le sum­mum de l’externalisation : l’école confie à des non-ensei­gnants le soin de faire étu­dier les élèves. Para­doxa­le­ment, en régu­lant les familles, elle accroit sa dépen­dance envers elles puisqu’elle leur redonne le pou­voir d’instruction et de sélec­tion qui lui était confié ; elle passe la main non seule­ment pour satis­faire ses besoins, mais pour rem­plir ses missions.

Plus grave : en main­te­nant l’élève et sa famille dans la forme et la péda­go­gie sco­laires, en n’osant pas lâcher prise, l’école gêne voire empêche l’expérimentation d’autres formes d’apprentissage, fami­liales et sociales, et com­pro­met le trans­fert vers les com­pé­tences, vers la capa­ci­té à orches­trer tous ses savoirs pour mener une action sociale complexe.

Vu que cette sco­la­ri­sa­tion des familles, atten­due comme la solu­tion miracle, ne se réa­lise pas par­tout, l’école, sûre de la per­ti­nence de son mes­sage, se foca­lise sur la com­mu­ni­ca­tion (qui serait mau­vaise) et s’échine à trou­ver la bonne manière de dire aux familles com­ment elles doivent s’y prendre pour deve­nir car­rées… Le pro­blème, c’est que l’école n’a pas le pou­voir de chan­ger la forme de la famille. Elle s’épuise donc en vain, mais cette insis­tance n’est pas sans effet car si l’école per­siste à exi­ger de toutes les familles ce que seules les familles car­rées peuvent faire sans trop de pro­blème (ce qui ne signi­fie pas sans mal!), si elle uni­for­mise les rela­tions école-familles sur un seul modèle, elle ren­force sa propre dépen­dance face aux familles tout en muse­lant leur auto­no­mie édu­ca­tive et elle aug­mente inévi­ta­ble­ment les inéga­li­tés entre les familles.

Les familles régulent l’école

Les familles, on l’a vu, adressent à l’école des demandes glo­ba­le­ment rondes aux­quelles l’école répond en se com­mu­nau­ta­ri­sant : elle déforce les élé­ments car­rés puisqu’elle ren­force les ronds.

L’affectif : pour répondre aux besoins affec­tifs crois­sants, l’école centre son action sur la recherche du bon­heur à l’école, de l’épanouissement et du bien-être de tous. Cela amène les ensei­gnants à jouer les rôles de parents, confi­dents, amis, psy­cho­logues, assis­tants sociaux. Cela trans­forme les « règles pour apprendre ensemble » en « règles pour se sen­tir bien ».

L’individuel : pour satis­faire aux attentes de réus­site de chaque enfant, l’enseignement et la remé­dia­tion s’individualisent et s’externalisent, renon­çant à tirer tout le par­ti de la richesse du col­lec­tif scolaire.

Le par­ti­cu­lier : pour répondre aux envies de res­ter entre soi, avec ses sem­blables, les écoles et les classes s’homogénéisent en ras­sem­blant les mêmes types d’élèves dans des ghet­tos éli­tistes ou popu­laires. Cela les amène à adap­ter leur ensei­gne­ment, leur mode de socia­li­sa­tion et leur niveau d’exigence. Cela les empêche de faire socié­té et de conduire à l’universel.

L’appréciatif : pour plaire et être plus cha­leu­reuse, l’école se trans­forme en une com­mu­nau­té que les élèves trans­forment illi­co en un club de copains qu’ils fré­quentent plus pour se lier que pour apprendre. L’évaluation perd ain­si sa place cen­trale au pro­fit de l’appréciation, du juge­ment, du goût, des croyances… avec leur insé­pa­rable revers : oppo­si­tion, injus­tice, dégout, violence.

En même temps qu’elle s’arrondit, l’école répond aus­si plus volon­tiers aux attentes par­ti­cu­lières des familles car­rées et ren­force la logique sco­la­ro-sco­laire auto­cen­trée et auto­jus­ti­fiée, qui conduit bien des élèves à ne plus don­ner qu’un sens ins­ti­tu­tion­nel à leur sco­la­ri­té : ils s’en tiennent au rôle d’élève sans entrer dans le sta­tut d’apprenant, ils tra­vaillent plus pour les points que pour apprendre, ils cal­culent le moindre effort.

Garantir le droit à l’autonomie radicale

Cette inter­dé­pen­dance entre familles et école, que l’on pour­rait qua­li­fier de sau­vage car peu réflé­chie, risque de mener à une confu­sion para­ly­sante. Si l’école se dés­ins­ti­tu­tion­na­lise et si la famille se décom­mu­nau­ta­rise, elles aban­donnent une large part de leur auto­no­mie radi­cale, c’est-à-dire le droit d’être ce qu’elles sont, de défi­nir libre­ment leurs fins et d’agir avec leurs moyens propres (voir article de B. Del­vaux dans ce dossier).

Ce droit dépend de la capa­ci­té à prendre dis­tance pour com­prendre qui l’on est et ce que l’on fait. Et celui qui, assu­ré­ment, a le plus besoin de com­prendre ce qu’on lui demande ici et là, c’est celui qui, matin et soir, passe de la ron­deur de l’enfant au car­ré de l’élève. Pour aider tous les enfants à réus­sir ce pas­sage, il importe de leur ensei­gner4 qu’accrocher à l’école, c’est réus­sir les quatre pas­sages sociocognitifs.

Pas­sage 1. Mettre leur affec­tif en sour­dine et entrer dans le cog­ni­tif : apprendre pour com­prendre, pas seule­ment pour faire plai­sir ou par peur d’être puni ; pas­ser du lan­gage affec­tif, où l’on parle pour exis­ter, au lan­gage cog­ni­tif où l’on observe, ana­lyse, classe, trans­fère, sché­ma­tise, théo­rise ; dépas­ser la tâche et l’exercice pour atteindre le savoir puis dépas­ser le sco­laire pour atteindre le culturel.

Pas­sage 2. Entrer dans le groupe classe et l’école, et sur­mon­ter la crainte de perdre une part de soi-même en se sou­met­tant aux règles col­lec­tives. Admettre que cha­cun est concer­né par des règles imper­son­nelles, qui visent d’abord à tra­vailler et apprendre ensemble, acces­soi­re­ment à vivre heu­reux avec des amis.

Pas­sage 3. Par­tir de son expé­rience par­ti­cu­lière : s’appuyer des­sus et s’en éloi­gner, s’en ser­vir comme d’un trem­plin vers l’universel, le glo­bal, ce qui est réfé­ren­cé, recon­nu, vali­dé par les sciences.

Pas­sage 4. Moins miser sur une appré­cia­tion et accep­ter le regard éva­lua­tif qui mesure ce qui est fait et ce qui reste à faire. Quit­ter l’insouciance de la gra­tui­té, où il suf­fit d’être ce que l’on est, pour la res­pon­sa­bi­li­té de l’action, où il s’agit de faire ce qui est attendu.

On sait aujourd’hui que, par la mécon­nais­sance de ces quatre pas­sages, les pra­tiques ensei­gnantes habi­tuelles construisent à leur insu de mul­tiples mal­en­ten­dus socio­cog­ni­tifs qui empêchent tant les élèves que les ensei­gnants de se déga­ger du rond pour entrer de plain-pied dans le car­ré (Bon­né­ry, 2007 ; Bau­tier, 2006).

Si l’on vise une auto­no­mie radi­cale des citoyens, le coef­fi­cient car­ré doit abso­lu­ment être mai­tri­sé par tous les ensei­gnants et ensei­gné à tous les élèves car il est le seul garant d’une connais­sance des règles et d’une capa­ci­té réflexive por­teuse de chan­ge­ment. Pour cela, l’école doit s’affirmer davan­tage comme le lieu d’apprentissage par excel­lence, où priment effec­ti­ve­ment le cog­ni­tif, le col­lec­tif, l’universel et l’évaluatif ; en même temps, elle doit auto­ri­ser la famille à se consa­crer davan­tage (et sans remords) à l’affectif, à l’individuel, au par­ti­cu­lier et à l’appréciatif.

  1. Lors des for­ma­tions que j’adresse aux acteurs sco­laires, je repré­sente de manière ludique et sym­bo­lique la famille par un rond, l’école par un car­ré et la socié­té par un hexagone.
  2. Dit briè­ve­ment, l’autonomie espé­rée est rem­pla­cée par une dépen­dance per­sis­tante de l’élève vis-à-vis de l’école et par un ren­voi à la dépen­dance socio­cul­tu­relle de l’enfant vis-à-vis de sa famille ; la com­mu­ni­ca­tion atten­due avec les parents devient impos­sible car ce sys­tème les infan­ti­lise et les culpa­bi­lise ; le lien paren­tal et filial se déna­ture en deve­nant éva­lua­teur ; la sco­la­ri­sa­tion des familles comme condi­tion de la réus­site vire en repro­duc­tion des inéga­li­tés sociales.
  3. L’énorme majo­ri­té des ensei­gnants donnent du tra­vail sco­laire à domi­cile ; une nor­ma­lienne avait cette for­mule savou­reu­se­ment naïve : « Moi je don­ne­rai des devoirs pour que le sco­laire devienne inné chez tous les enfants. »
  4. Leur dire expli­ci­te­ment et sys­té­ma­ti­que­ment, leur indi­quer les obs­tacles et dif­fi­cul­tés, cher­cher des solu­tions, s’assurer qu’ils ont compris…

Danielle Mouraux


Auteur

Danielle Mouraux est sociologue et organise des formations d'acteurs scolaires sur les relations enfant-école-famille.