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Autonomie des enseignants et pilotage du système éducatif en tension

Numéro 05/6 Mai-Juin 2010 par Carette

mai 2010

Depuis 2007, le rôle des ins­pec­teurs et des conseillers péda­go­giques a été redé­fi­ni. Sché­ma­ti­que­ment, les ins­pec­teurs contrôlent et les conseillers aident les équipes péda­go­giques à rejoindre les objec­tifs des mis­sions de l’é­cole. Si cette césure entre contrôle et conseil trouve une cer­taine logique dans la volon­té des res­pon­sables de la Com­mu­nau­té fran­çaise de Bel­gique de pilo­ter le sys­tème, la mise en œuvre de ce décret inter­roge direc­te­ment les ten­sions entre cette volon­té de régu­ler un sys­tème et celle d’in­ci­ter les ensei­gnants à faire preuve d’au­to­no­mie pédagogique.

Dans le décret du 8 mars 2007, les mis­sions du ser­vice d’inspection de la Com­mu­nau­té fran­çaise de Bel­gique ont été pré­ci­sées et sont clai­re­ment dif­fé­ren­ciées des mis­sions des conseillers péda­go­giques opé­rant dans les réseaux.

Déchar­gés d’une série de tâches admi­nis­tra­tives, les ins­pec­teurs peuvent se consa­crer davan­tage à leurs mis­sions prin­ci­pales : éva­lua­tion du niveau des études, détec­tion des méca­nismes de ségré­ga­tion, par­ti­ci­pa­tion à diverses com­mis­sions, groupe de tra­vail et conseils… Les conseillers péda­go­giques bénéfi­cient d’un sta­tut propre et d’une for­ma­tion spé­cifique. Leurs mis­sions consistent à sou­te­nir et à accom­pa­gner les équipes péda­go­giques et les direc­tions d’écoles dans leurs efforts pour amé­lio­rer les résul­tats de leur action édu­ca­tive. Il s’agit par exemple de les accom­pa­gner dans la concré­ti­sa­tion de méthodes péda­go­giques telles que la péda­go­gie dif­fé­ren­ciée, l’évaluation for­ma­tive, la remé­dia­tion. Par ailleurs, ils sont ame­nés à conseiller les ensei­gnants, les équipes péda­go­giques et les écoles pour les­quels les ins­pec­teurs ont rele­vé des fai­blesses ou des man­que­ments, éven­tuel­le­ment sur la base des notes d’information qu’ils auront rédi­gées et trans­mises au ser­vice ou aux cel­lules de conseil et de sou­tien pédagogiques.

Renforcement du rôle de contrôle des inspecteurs 

Une ana­lyse suc­cincte de ce décret met en évi­dence le ren­for­ce­ment du rôle de contrôle des ins­pec­teurs qui s’inscrit, selon nous, dans la récente volon­té des res­pon­sables de la Com­mu­nau­té fran­çaise de Bel­gique d’une mise en place d’un meilleur pilo­tage du sys­tème. Elle se tra­duit dans les années 1990 sous la forme de réformes dont l’objectif pre­mier est de lut­ter contre le taux de redou­ble­ment mas­sif des élèves fré­quen­tant les éta­blis­se­ments de la Com­mu­nau­té fran­çaise. La mise en place des cycles, la publi­ca­tion de réfé­ren­tiels com­muns repre­nant ce que les élèves doivent mai­tri­ser à cer­tains moments de leur cur­sus, la mul­ti­pli­ca­tion d’épreuves d’évaluation externes non cer­tifi­ca­tives, l’imposition d’un exa­men cer­tifi­ca­tif com­mun à la fin du pri­maire sont autant d’éléments qui indiquent une lente émer­gence d’une poli­tique sco­laire moins décentralisée.

En effet, jusqu’à ces réformes, chaque école ados­sée pour la plu­part à un réseau bénéfi­ciait d’une auto­no­mie consi­dé­rable. Les pro­grammes et les pra­tiques d’évaluation étaient lais­sés à l’initiative des pou­voirs orga­ni­sa­teurs. Le rôle des ins­pec­teurs qui contrô­laient les écoles orga­ni­sées par la Com­mu­nau­té fran­çaise consis­tait à vérifier le res­pect du pro­gramme et du niveau des études. Quant à ceux de l’enseignement sub­ven­tion­né, ils devaient vérifier le res­pect des condi­tions de sub­ven­tion dans les­quelles figu­rait le niveau des études. Tou­te­fois, si au nom de la sacro­sainte liber­té péda­go­gique, les ins­pec­teurs de l’enseignement sub­ven­tion­né n’avaient pas à se pro­non­cer sur les orien­ta­tions métho­do­lo­giques des ensei­gnants, très sou­vent, ils ne man­quaient pas d’énoncer leur avis sur leurs pres­ta­tions péda­go­giques et didac­tiques. Lorsque l’on inter­roge les « anciens » ins­pec­teurs, nom­breux estiment que leur rôle avant le décret était autant péda­go­gique que de contrôle.

La réforme de l’inspection a conduit à une restruc­tu­ra­tion impor­tante qui se carac­té­rise par la fin de la césure entre les ins­pec­teurs ins­pec­tant les écoles orga­ni­sées par la Com­mu­nau­té fran­çaise et ceux ins­pec­tant les écoles sub­ven­tion­nées. Leur rôle est clai­re­ment dévo­lu au contrôle. Le rôle de l’animation péda­go­gique est confié à des conseillers péda­go­giques qui exis­taient déjà avant le décret, mais qui ne bénéfi­ciaient que d’un sta­tut précaire.

De nouveaux outils

Le rôle des ins­pec­teurs est main­te­nant de contrô­ler si les éta­blis­se­ments res­pectent les orien­ta­tions pré­sen­tées dans le décret Mis­sions de 1997. Une pre­mière rup­ture impor­tante dans leur rôle est que le niveau de contrôle est pro­gres­si­ve­ment pas­sé de l’enseignant à l’établissement. En d’autres termes, alors que tra­di­tion­nel­le­ment, l’inspecteur ins­pec­tait des ensei­gnants, son rôle est main­te­nant d’inspecter des établissements.

Pour réa­li­ser leur tra­vail d’évaluation des acqui­si­tions des acquis des élèves, les ins­pec­teurs ont à leur dis­po­si­tion des outils d’évaluation. Cela repré­sente une nou­velle rup­ture, car jusqu’au début des années nonante, aucun outil « stan­dar­di­sé » des­ti­né à l’évaluation de tous les élèves en Com­mu­nau­té fran­çaise n’existait.

Ain­si, dès 1994, appa­raissent les pre­mières épreuves externes non cer­tifi­ca­tives. Pro­gres­si­ve­ment, ces épreuves, orga­ni­sées au départ en fran­çais et en mathé­ma­tiques dans des classes de l’enseignement pri­maire, vont s’étendre aux sciences et à l’enseignement secon­daire. Depuis le décret 2006 rela­tif à l’organisation des épreuves externes, tous les élèves de deuxième et de cin­quième années de l’enseignement pri­maire ain­si que les élèves de deuxième et de qua­trième années de l’enseignement secon­daire par­ti­cipent à ce type d’évaluation por­tant suc­ces­si­ve­ment sur la lec­ture et la pro­duc­tion d’écrit, les mathé­ma­tiques, les sciences et l’éveil. À la suite de celles-ci, outre les résul­tats qui per­mettent aux ensei­gnants de situer les acquis de leurs élèves par rap­port à d’autres, des pistes didac­tiques construites à par­tir de l’analyse des résul­tats sont dif­fu­sées dans tous les établissements.

Vers 2003 appa­raissent des épreuves construites par les com­mis­sions des outils d’évaluation mises en place pour pro­po­ser des épreuves construites au regard des exi­gences des nou­veaux réfé­ren­tiels de com­pé­tences. Ces épreuves, avec des bon­heurs divers selon les dis­ci­plines, sont aujourd’hui des matrices de réfé­rence, des modèles tant du niveau de mai­trise atten­du que des moda­li­tés d’évaluation de celui-ci. L’inspection semble de plus en plus s’en ser­vir comme éta­lon pour mesu­rer la per­ti­nence des épreuves d’évaluation cer­tifi­ca­tives pro­po­sées aux élèves.

En 2007, un exa­men pour l’obtention du diplôme de fin de l’école pri­maire (cer­tifi­cat d’étude de base, le CEB) est pro­po­sé et est, depuis juin 2009, impo­sé à l’ensemble des élèves de la Com­mu­nau­té fran­çaise. Consi­dé­ré comme his­to­rique, cet exa­men per­met pour la pre­mière fois d’évaluer et de cer­tifier des élèves sur la base des mêmes exi­gences. Dès juin 2010, des épreuves cer­tifi­ca­tives par­tielles seront aus­si pro­po­sées, à titre expé­ri­men­tal, pour la deuxième secon­daire et les années ter­mi­nales (sixième ou sep­tième professionnelle).

Des logiques d’évaluation différentes 

Si ces outils ont le mérite théo­rique de pro­po­ser des épreuves d’évaluation qui per­mettent de mieux se pro­non­cer sur les acquis des élèves fré­quen­tant les éta­blis­se­ments de la Com­mu­nau­té fran­çaise, ils sou­lèvent tou­te­fois de réels problèmes.

En effet, comme le montrent cer­tains auteurs (Carette, 2006, 2008 ; Carette et Dupriez, à paraitre), ces dif­fé­rents outils aux­quels les ins­pec­teurs doivent se réfé­rer ne sont pas construits sui­vant les mêmes logiques et prin­cipes. De fait, sché­ma­ti­que­ment, les éva­lua­tions externes non cer­tifi­ca­tives et cer­tifi­ca­tives res­tent ancrées dans les prin­cipes d’une péda­go­gie par objec­tifs tan­dis que les éva­lua­tions pro­po­sées par les com­mis­sions des outils d’évaluation se réfèrent à une approche par com­pé­tences qui demande de confron­ter les élèves à des tâches com­plexes et nou­velles. Sachant que le décret de juillet 1997 indique que ce sont les épreuves construites par la Com­mis­sion des outils d’évaluation qui sont la réfé­rence pour juger le niveau des études, il appa­rait que nous bai­gnons dans des contra­dic­tions. Ain­si, en fran­çais, les outils d’évaluation pro­posent, dans la logique des com­pé­tences, que les tâches de lec­ture ou d’écriture don­nant lieu à éva­lua­tion cer­tifi­ca­tive soient contex­tua­li­sées : les élèves sont ame­nés à pro­duire des objets de lan­gage cor­res­pon­dant à des pra­tiques réelles : compte ren­du cri­tique de lec­ture, rédac­tion d’article de syn­thèse… alors que les épreuves non cer­tifi­ca­tives collent le plus sou­vent à des modèles de ques­tion­naires, rele­vant exclu­si­ve­ment de tâches sco­laires décontextualisées.

Ces contra­dic­tions ont des réper­cus­sions néga­tives sur la régu­la­tion du sys­tème vou­lu par la Com­mu­nau­té française.

La notion de com­pé­tence, dont l’introduction a été déci­dée en 1997, défi nie comme la capa­ci­té qu’a un indi­vi­du de pou­voir mobi­li­ser ses acquis dans de nou­velles cir­cons­tances, pré­sente deux para­doxes. Le pre­mier est d’augmenter les exi­gences du sys­tème édu­ca­tif en insis­tant sur l’obligation d’évaluer la capa­ci­té de mobi­li­sa­tion des élèves alors qu’une des rai­sons prin­ci­pales de la pro­mul­ga­tion du décret Mis­sions était la lutte contre l’échec sco­laire. Le second est de deman­der aux ensei­gnants de for­mer des élèves com­pé­tents alors qu’il est impor­tant de mettre en évi­dence notre mécon­nais­sance des pro­ces­sus cog­ni­tifs liés à l’acte de mobi­li­sa­tion. Face à ces para­doxes, la notion de com­pé­tence intro­duit une cer­taine forme d’incertitude qui se conjugue diffi­ci­le­ment avec les concepts de contrôle des acquis des élèves.

En effet, ce qui appa­rait impor­tant lorsque l’on ana­lyse la notion de com­pé­tence, c’est, vu notre mécon­nais­sance théo­rique des méca­nismes de mobi­li­sa­tion, de lais­ser une réelle auto­no­mie péda­go­gique et métho­do­lo­gique aux ensei­gnants pour qu’ils puissent dans leur classe mettre en place des stra­té­gies sus­cep­tibles d’amener leurs élèves à mieux se mobi­li­ser. Cette auto­no­mie qu’implique la notion de com­pé­tence ne devrait pas se confron­ter à des pres­crip­tions dif­fé­rentes véhi­cu­lées entre autres choses par des épreuves d’évaluation éloi­gnées des condi­tions d’une éva­lua­tion de compétences.

Des enseignants et des inspecteurs mis en difficultés 

Dans ce contexte, d’un côté, les ins­pec­teurs sont mis en diffi­cul­té, car, d’une cer­taine manière, la tra­duc­tion de ce que le sys­tème attend des élèves est floue et repré­sente un frein à la régu­la­tion. De l’autre côté, les ensei­gnants sont mis en diffi­cul­té entre les exi­gences des com­pé­tences, qui impliquent une auto­no­mie péda­go­gique et didac­tique, et les contra­dic­tions au tra­vers des épreuves d’évaluation de ce que l’on attend effec­ti­ve­ment d’eux.

D’une cer­taine manière, les ensei­gnants, les ins­pec­teurs et les conseillers péda­go­giques sont confron­tés à des « couches de normes qui se super­posent » et qui s’entrecroisent. La consé­quence de cette réa­li­té est d’engendrer chez cer­tains ensei­gnants de l’insécurité qui nuit à leur auto­no­mie créa­tive et chez d’autres à s’arrimer, pour reprendre les termes de Phi­lippe Per­re­noud (1994), à une « auto­no­mie de contre­bande », c’est-à-dire à jus­tifier leurs pra­tiques en pre­nant, au milieu de ces contra­dic­tions, les élé­ments qui les arrangent.

Le cas des ensei­gnants de fran­çais du pre­mier degré du secon­daire est illus­tra­tif de ce phé­no­mène. Dans une recherche récente, menée dans deux écoles de la Fesec (Fédé­ra­tion de l’enseignement secon­daire catho­lique), l’un d’entre nous a pu mon­trer com­ment ces ensei­gnants sont ame­nés à négo­cier la signifi­ca­tion des chan­ge­ments nom­breux qui s’imposent aujourd’hui à eux (Dari­mont, 2010).

Les trois changements importants imposés aux enseignants

L’émergence d’un contrôle externe a eu un impact impor­tant sur les ensei­gnants. Depuis très long­temps, les ensei­gnants du réseau libre étaient très peu sou­mis à des contrôles. À l’intérieur du réseau, rares étaient les mis­sions de contrôle exer­cées par les conseillers péda­go­giques. Elles se limi­taient la plu­part du temps à une vali­da­tion des jeunes ensei­gnants avant nomi­na­tion. Les ins­pec­teurs de l’État, quant à eux, n’étaient pré­sents que lors de pro­ces­sus de recon­nais­sance de sec­tion, ce qui ne concer­nait géné­ra­le­ment pas les ensei­gnants actifs dans les filières de tran­si­tion et encore moins au pre­mier degré. L’émergence d’un ser­vice d’inspection, actif et pré­sent, a donc sus­ci­té un émoi impor­tant. Et le fait que les rap­ports d’inspection éva­luant le niveau des études soient col­lec­tifs intro­duit une dimen­sion nou­velle, diffi­cile à gérer pour les ensei­gnants jusque-là habi­tués à être indi­vi­duel­le­ment res­pon­sables de leur tra­vail. Se pose le pro­blème de la ges­tion col­lec­tive de défaillances indi­vi­duelles et de la ges­tion des conflits au sein des équipes disciplinaires.

Par ailleurs, la mon­tée en puis­sance des éva­lua­tions externes est un second fac­teur de chan­ge­ment et par­tant, d’insécurité. Comme nous l’avons déve­lop­pé ailleurs, les ensei­gnants du pre­mier degré sont confron­tés à plu­sieurs modèles d’évaluation qui sont phi­lo­so­phi­que­ment et didac­ti­que­ment assez éloi­gnés. Et le pro­blème se pose pour les ensei­gnants de s’y retrou­ver dans ces réfé­rences brouillées.

Un troi­sième chan­ge­ment impor­tant, et encore peu inté­gré par les ensei­gnants du pre­mier degré du secon­daire, c’est la modifi­ca­tion impor­tante des objec­tifs assi­gnés au degré. Aujourd’hui, même si struc­tu­rel­le­ment, à l’exception peut-être de cer­tains degrés d’observation auto­nomes, les pre­miers degrés sont tou­jours par­tie inté­grante des éta­blis­se­ments d’enseignement secon­daire, la fina­li­té de la pre­mière et de la deuxième années com­munes est de déli­vrer le cer­tifi­cat du pre­mier degré, cor­res­pon­dant aux socles de com­pé­tences, consi­dé­ré comme la fin de l’enseignement du fon­de­ment. Ce qui signifie que la mis­sion des ensei­gnants du pre­mier degré n’est plus tant de pré­pa­rer (et de trier?) les élèves à l’entrée du secon­daire que de ter­mi­ner la for­ma­tion de base, à prio­ri à des­ti­na­tion de toute la tranche d’âge.

En repre­nant la typo­lo­gie pro­po­sée par Lise Demailly (2003), on peut lire les réac­tions des ensei­gnants selon trois axes : d’une part, l’évaluation externe, qu’elle soit celle des résul­tats ou celle du regard de l’inspection, amène les ensei­gnants à des conduites stra­té­giques de pré­ser­va­tion tant de leur auto­no­mie que de leur estime de soi, d’autre part, la mise en avant d’exigences de résul­tats ques­tionne leurs concep­tions nor­ma­tives et le sens qu’ils donnent à leur action. Doivent-ils viser à tout prix les per­for­mances cog­ni­tives mises en avant par les épreuves ou pré­ser­ver des objec­tifs de socia­li­sa­tion. Enfin, les concepts, sta­tis­tiques, ins­ti­tu­tion­nels, voire didac­tiques, véhi­cu­lés par les épreuves exigent des ensei­gnants un lourd tra­vail d’appropriation, dont la per­ti­nence leur parait par moments peu évidente.

Relations complexes entre les enseignants et les acteurs intermédiaires

Dans ce contexte où les normes exté­rieures s’imposent de plus en plus aux ensei­gnants, les rela­tions de ceux-ci avec les acteurs inter­mé­diaires se construisent de façon com­plexe. Ain­si, si le décret, qui met en place le ser­vice d’inspection et les cel­lules (et le ser­vice) de conseil et de sou­tien péda­go­gique, tend à dis­tin­guer plus clai­re­ment qu’auparavant les rôles de contrôle (l’inspection) et de mobi­li­sa­tion (les conseillers), la réa­li­té du ter­rain est plus ambigüe. La mul­ti­pli­ca­tion et l’intensification des normes accen­tuent la pres­sion à la confor­mi­té res­sen­tie, à tort ou à rai­son, par les ensei­gnants. De là naissent aus­si une cris­pa­tion sur le conte­nu de l’accompagnement et des mal­en­ten­dus en cas­cade. Les ensei­gnants attendent des conseillers péda­go­giques des outils, des moyens d’efficacité directs, alors que ces der­niers ont le plus sou­vent une pos­ture qui sup­pose des profs une part active dans la construc­tion des objets de l’accompagnement. On trouve alors une double per­cep­tion paral­lèle : l’enseignant per­çoit le conseiller comme un « vam­pire », qui prend plus qu’il ne donne ; le conseiller per­çoit quant à lui les ensei­gnants comme pas­sifs, inté­res­sés seule­ment par la trans­mis­sion de « recettes » clef sur porte.

Cette situa­tion nou­velle est source de ques­tion­ne­ment et néces­site cer­tai­ne­ment un tra­vail impor­tant de redéfi­ni­tion de la mis­sion de ces acteurs inter­mé­diaires, entre contrôle et inté­res­se­ment, entre four­ni­ture d’outils stan­dards et accom­pa­gne­ment créatif.

Carette


Auteur

Vincent Carette est professeur en sciences de l'éducation à l'[Université libre de Bruxelles->http://www.ulb.ac.be].