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Les conditions de toute solution

Numéro 05/6 Mai-Juin 1998 - Proche et Moyen-orient par Amnon Raz-Krakotzkin

juillet 2008

Les prin­cipes de la par­ti­tion pro­po­sée en 1947 (recon­nais­sance mutuelle et coopé­ra­tion éga­li­taire entre Juifs et Arabes) enté­ri­naient la réa­li­té du fait bina­tio­nal en Pales­ti­ne/E­retz-Israël. Ain­si, l’É­tat juif pro­po­sé par l’O.N.U. com­pre­nait 51 % de Juifs et 49 % de Pales­ti­niens, l’É­tat arabe n’en­glo­bant quant à lui qu’une mino­ri­té juive de 1 %. Ces prin­cipes doivent être redé­cou­verts et réaf­fir­més dans la recherche d’un com­pro­mis israé­lo-pales­ti­nien équi­table. Or, aujourd’­hui, un large consen­sus israé­lien tourne désor­mais le dos aux prin­cipes de bina­tio­na­li­té et de réci­pro­ci­té pour leur pré­fé­rer celui de la hafra­da, la sépa­ra­tion. Ce prin­cipe ambi­gu est la clef de voute des accords d’Os­lo signés en sep­tembre 1993 entre le gou­ver­ne­ment tra­vailliste israé­lien et l’O.L.P., des accords qui ne contiennent aucune réfé­rence à la réso­lu­tion 181 sur le par­tage de la Palestine.

Dans la culture israé­lienne, il n’y a pas de docu­ment aus­si mal­me­né que le plan de par­tage des Nations unies, un plan qui four­nit pour­tant le fon­de­ment juri­dique à la créa­tion de l’É­tat d’Is­raël. D’emblée, la décla­ra­tion d’in­dé­pen­dance de l’É­tat d’Is­raël du 14 mai 1948 se réfé­rait à la réso­lu­tion 181 (Assem­blée géné­rale des Nations unies du 29 novembre 1947) en la pré­sen­tant comme une réso­lu­tion pré­co­ni­sant seule­ment la créa­tion d’un État juif en Eretz-Israël, contre­di­sant ain­si les prin­cipes mêmes de cette réso­lu­tion. Cette inter­pré­ta­tion a per­mis pen­dant des décen­nies de reje­ter la créa­tion d’un État pales­ti­nien et d’é­va­cuer la mémoire pales­ti­nienne. La néga­tion de la réso­lu­tion 181 va de pair avec le rejet de ses moda­li­tés et le refus d’as­su­mer toute res­pon­sa­bi­li­té dans le sort des cen­taines de mil­liers de réfu­giés pales­ti­niens et des Pales­ti­niens qui sont res­tés dans leurs foyers. Elle entre­tient la per­cep­tion faus­sée selon laquelle, les Juifs ayant accep­té le par­tage et les Pales­ti­niens l’ayant reje­té, le sort de ces der­niers serait justifié.

La séparation n’est pas le partage

À ce jour, ce sché­ma de pen­sée n’a pas sen­si­ble­ment évo­lué et déter­mine éga­le­ment la per­cep­tion des par­ti­sans du par­tage. En Israël, l’ac­cep­ta­tion du par­tage s’ins­crit tou­jours dans la ten­dance à entre­te­nir cette per­cep­tion auto­jus­ti­fi­ca­trice des Juifs à l’é­gard des Pales­ti­niens. La phi­lo­so­phie des accords d’Os­lo ne consiste pas à appli­quer les prin­cipes ori­gi­nels du par­tage, c’est-à-dire les prin­cipes de coopé­ra­tion et d’é­ga­li­té, mais plu­tôt à les désa­vouer. Le prin­cipe d’É­tat pales­ti­nien, tel que défen­du par les Israé­liens, ne repose ni sur la réci­pro­ci­té, ni sur l’é­ga­li­té, ni sur le droit à l’au­to­dé­ter­mi­na­tion, encore moins sur la coopé­ra­tion entre Juifs et Arabes, mais bien sur le prin­cipe de la hafra­da1, c’est-à-dire la relé­ga­tion des Pales­ti­niens loin de zones pla­cées sous la sou­ve­rai­ne­té de l’É­tat juif. En Israël, l’é­vo­ca­tion de la réso­lu­tion du par­tage par les Pales­ti­niens pro­voque imman­qua­ble­ment un tol­lé, sous pré­texte que les Pales­ti­niens ne cher­che­raient pas tant un accord poli­tique que la « des­truc­tion de l’É­tat d’Is­raël ». Bref, l’é­vo­ca­tion d’une réso­lu­tion qui sert de fon­de­ment juri­dique à l’exis­tence de l’É­tat juif est per­çue comme illé­gi­time dès lors qu’elle émane des Palestiniens.

Durant la guerre du Golfe, le minis­tère fran­çais des Affaires étran­gères avait expri­mé son enga­ge­ment envers un pro­ces­sus de paix israé­lo­pa­les­ti­nien fon­dé sur la réso­lu­tion 181 des Nations unies, c’est-à-dire le plan de par­tage. En Israël, le pre­mier à désa­vouer cette pro­po­si­tion ne fut autre que le porte-parole de Sha­lom Akh­shav (« La Paix main­te­nant »), une réac­tion qui fit la une de tous les jour­naux. Cet épi­sode étrange prouve que l’op­po­si­tion au plan de par­tage struc­ture éga­le­ment l’i­den­ti­té poli­tique des Israé­liens par­ti­sans d’une solu­tion négo­ciée, Sha­lom Akh­shav s’é­tant alors déjà pro­non­cé en faveur de négo­cia­tions avec l’O.L.P. et une majo­ri­té de ses mili­tants adhé­rant au prin­cipe d’un État palestinien.

L’é­vo­ca­tion de la réso­lu­tion 181 sus­cite la crainte de l’o­pi­nion israé­lienne à cause, semble-t-il, des fron­tières fixées par le plan de par­tage, des fron­tières qui pour­tant octroyaient à la mino­ri­té juive davan­tage de terres qu’elle n’en pos­sé­dait. Il devrait pour­tant être clair que les fron­tières du par­tage de 1947 ne sont plus per­ti­nentes dans la situa­tion poli­tique actuelle et que l’adhé­sion aux prin­cipes du par­tage ne signi­fie pas l’adhé­sion à des moda­li­tés d’ap­pli­ca­tion spé­ci­fiques à la réa­li­té d’a­lors. L’en­nui, c’est qu’au­jourd’­hui un consen­sus israé­lien s’est for­mé autour du rejet des fron­tières de 1967 comme cadre de négociation.

Cepen­dant, l’es­sen­tiel n’est pas dans le rejet des fron­tières de 1947, mais bien des prin­cipes fon­da­teurs de la réso­lu­tion 181, c’est-à-dire les prin­cipes d’é­ga­li­té et de coopé­ra­tion entre les deux peuples. Ce rejet per­met à Israël, d’une part, de conti­nuer à se réfé­rer à la réso­lu­tion 181 comme à une réso­lu­tion déci­dant la seule créa­tion d’un État juif en Eretz-Israël et, d’autre part, de fon­der la créa­tion d’un État pales­ti­nien sur le seul prin­cipe de la hafra­da. En d’autres termes, il ne s’a­git pas de recon­naitre l’ap­pli­ca­tion de droits garan­tis mais plu­tôt d’é­lu­der des ques­tions aus­si fon­da­men­tales que celles des réfu­giés, de Jéru­sa­lem et des colo­nies de peuplement.

Décolonisation en trompe-l’oeil

Dès le départ, la réso­lu­tion des Nations unies était pro­blé­ma­tique, et, dans une pers­pec­tive his­to­rique, il est dif­fi­cile d’i­ma­gi­ner en quoi elle aurait pu débou­cher sur une sou­ve­rai­ne­té pales­ti­nienne, alors qu’elle se fon­dait sur une capi­tu­la­tion essen­tielle. Par ailleurs, la supé­rio­ri­té orga­ni­sa­tion­nelle et mili­taire des Juifs fai­sait que, d’emblée, les ques­tions furent trai­tées selon le seul point de vue juif, ren­dant pré­vi­sibles les déve­lop­pe­ments futurs.

À la suite du vote de l’O.N.U., si une par­tie des dis­po­si­tifs éla­bo­rés par le yishouv envi­sa­geaient la pos­si­bi­li­té du par­tage, ils n’en reste pas moins qu’il consi­dé­ra la réso­lu­tion 181 comme la créa­tion pure et simple d’un État juif et mit tout en oeuvre pour faire échouer la créa­tion de l’autre État, d’au­tant plus que la réso­lu­tion ne déter­mi­nait pas pré­ci­sé­ment selon quelles moda­li­tés s’o­pé­re­rait la par­ti­tion du pays en deux États. À ce moment, le seul État exis­tant dans le pays était l’É­tat man­da­taire colo­nial. Dans tout autre contexte colo­nial, le pro­ces­sus de déco­lo­ni­sa­tion aurait consis­té dans le trans­fert de l’ap­pa­reil d’É­tat aux autoch­tones2. Dans le cas d’E­retz-Israël/­Pa­les­tine, le pro­ces­sus fut tout autre et consis­ta concrè­te­ment en un trans­fert de l’es­sen­tiel de l’ap­pa­reil d’É­tat à une mino­ri­té juive béné­fi­ciant d’un large sou­tien euro­péen et amé­ri­cain. Sans oublier que, avec l’aide et l’ap­pui de l’É­tat colo­nial bri­tan­nique, les Juifs s’é­taient dotés d’une large assise orga­ni­sa­tion­nelle et éta­tique béné­fi­ciant par ailleurs de l’in­ves­tis­se­ment de capi­taux juifs. Les Juifs visant à héri­ter du seul appa­reil d’É­tat exis­tant, voire de tout le ter­ri­toire, la par­ti­tion de cet État en deux enti­tés ne pou­vait être dès le départ que problématique.

Savoir si les Pales­ti­niens auraient dû, oui ou non, accep­ter la réso­lu­tion 181 est une ques­tion his­to­rique de pre­mière impor­tance et non exempte de polé­mique. Ce qui est cer­tain, c’est qu’il est insen­sé d’af­fir­mer que le refus des Pales­ti­niens de mettre en oeuvre le par­tage est à la base de leur tra­gé­die, comme s’il était sérieu­se­ment pos­sible de sup­po­ser que la concré­ti­sa­tion du plan de par­tage allait de soi. La pers­pec­tive his­to­rique montre que les Pales­ti­niens n’a­vaient aucune rai­son valable de sou­te­nir le plan de par­tage dès lors qu’il ne repo­sait pas sur la recon­nais­sance des droits natio­naux pales­ti­niens par les Juifs. À quelques excep­tions près3, il n’exis­tait aucune force sio­niste consi­dé­rant l’exer­cice des droits natio­naux pales­ti­niens comme allant de soi. La repré­sen­ta­tion fac­tice de la lutte juive comme une lutte « anti­co­lo­niale » ne pou­vait qu’es­tom­per radi­ca­le­ment la réfé­rence au plan de par­tage consi­dé­ré dans sa glo­ba­li­té. Même si Ben­ny Mor­ris se trompe lors­qu’il affirme que des pro­jets de trans­fert exis­taient déjà bien avant la guerre d’in­dé­pen­dance4, il n’en reste pas moins que, dans la vision sio­niste de l’é­poque, aucun prin­cipe pra­tique ne pou­vait empê­cher le trans­fert ou la mise à pro­fit de toute occa­sion pour le réa­li­ser, témoin le sou­la­ge­ment sus­ci­té par le sort des autoch­tones trans­for­més en réfu­giés. Lors­qu’il était ques­tion d’un « État juif », il n’é­tait fait aucune réfé­rence aux res­sor­tis­sants pales­ti­niens d’un tel État. Ce d’au­tant plus que, après la guerre, aucun cou­rant sio­niste n’a jamais accep­té le retour des réfu­giés dans leurs foyers, tel qu’ins­crit dans les réso­lu­tions de l’O.N.U. La pré­sen­ta­tion du refus du par­tage comme étant « la faute des Pales­ti­niens » n’est en fait rien d’autre qu’une légi­ti­ma­tion a pos­te­rio­ri de leur expulsion. 

À l’é­poque, les seuls à avoir sou­te­nu le par­tage en ver­tu d’un uni­ver­sa­lisme aveugle furent des com­mu­nistes arabes qui se trou­vèrent dès lors en porte-à-faux par rap­port à leur propre peuple. Quant aux com­mu­nistes juifs, leur sou­tien au plan de par­tage ne pou­vait que les récon­ci­lier avec leur peuple, le yishouv et ses repré­sen­ta­tions. Plus tard, ils allaient ava­li­ser éga­le­ment la décla­ra­tion d’in­dé­pen­dance de l’É­tat d’Is­raël, une décla­ra­tion qui ne fai­sait déjà plus men­tion de la créa­tion d’un État pales­ti­nien, autre terme de la réso­lu­tion 181. Il est encore dif­fi­cile de com­prendre com­ment Meïr Vil­ner a pu accep­ter de signer une telle décla­ra­tion, à un moment où les orien­ta­tions de la diplo­ma­tie juive reniaient déjà expli­ci­te­ment les prin­cipes du par­tage. Mais il est vrai que c’est l’U­nion sovié­tique qui a assu­ré la vic­toire des Juifs en leur four­nis­sant des armes qui allaient ser­vir contre une popu­la­tion pales­ti­nienne dému­nie de tout moyen pour se défendre et pro­té­ger ses terres.

Dénis israéliens

Cette dis­cus­sion his­to­rique n’est pas sans signi­fi­ca­tion dans l’ex­pli­ci­ta­tion des termes actuels du débat. La cri­tique his­to­rique n’est pas impor­tante pour juger, mais plu­tôt pour réfor­mer les repré­sen­ta­tions faus­sées qui imprègnent encore l’o­pi­nion israé­lienne. Or les prin­cipes du plan de par­tage gardent une valeur fon­da­men­tale. Mais pour cela, il faut en finir avec le déni actuel, étu­dier les diverses dimen­sions de la réso­lu­tion 181 et abor­der fran­che­ment le point de vue pales­ti­nien, un point de vue lar­ge­ment récu­sé. Tant que ce débat sera repous­sé, il n’y aura aucune pers­pec­tive concrète d’ar­ri­ver à un accord poli­tique fon­dé sur la recon­nais­sance mutuelle et la coopération.

Mal­gré tous ses défauts, sans même évo­quer sa valeur his­to­rique, la réso­lu­tion du par­tage, telle que votée à la recom­man­da­tion de la majo­ri­té du Comi­té spé­cial des Nations unies sur la Pales­tine (U.N.S.C.O.P.), contient des dis­po­si­tions cen­trales qui, dans la pers­pec­tive de la recherche d’un com­pro­mis équi­table, ont gar­dé toute leur valeur. On le sait, l’U.N.S.C.O.P. avait éla­bo­ré deux pro­po­si­tions. La pro­po­si­tion de la mino­ri­té repo­sait sur l’i­dée d’une fédé­ra­tion, idée caté­go­ri­que­ment reje­tée par la direc­tion sio­niste, tan­dis que la majo­ri­té pro­po­sait le par­tage de la Pales­tine en deux États et l’in­ter­na­tio­na­li­sa­tion (au moins pro­vi­soire) de la région de Jéru­sa­lem. Radi­ca­le­ment dif­fé­rentes dans leurs moda­li­tés, ces deux solu­tions n’en étaient pas moins fon­dées sur le concept d’un pays bina­tio­nal, la recon­nais­sance mutuelle et la coopé­ra­tion. Le plan de par­tage était lui-même fon­dé sur la recon­nais­sance du droit à l’au­to­dé­ter­mi­na­tion des deux peuples et sur une défi­ni­tion bina­tio­nale du pays, pré­voyant en outre un cadre de coopé­ra­tion éco­no­mique ain­si qu’une union moné­taire. Enfin, il sous­trayait Jéru­sa­lem au par­tage et écar­tait sa trans­for­ma­tion en capi­tale d’Israël.

Il est évident que le plan fédé­ra­tif était bien meilleur, que son appli­ca­tion aurait été plus aisée et que son accep­ta­tion aurait pu évi­ter la tra­gé­die de 1948. Il n’en reste pas moins que les deux plans repo­saient sur des prin­cipes sem­blables. Ain­si, par rap­port à la ques­tion des res­ca­pés juifs d’Eu­rope, les deux plans consi­dé­raient que seule une par­tie d’entre eux rejoin­drait la Pales­ti­ne/E­retz-Israël et que la Pales­tine ne pou­vait pas sup­por­ter seule ce far­deau. Bien que la pro­po­si­tion du par­tage ne tenait pas compte du fait que les Pales­ti­niens for­maient la majo­ri­té abso­lue de la popu­la­tion, les deux plans défi­nis­saient expli­ci­te­ment les droits natio­naux des Pales­ti­niens. Quoi qu’il en soit, aucune de ces deux solu­tions ne fut en défi­ni­tive réalisée.

Revisiter les principes de novembre 1947

Dans la situa­tion actuelle et vu le rap­port de forces exis­tant, ces pro­po­si­tions revêtent une haute impor­tance et per­mettent d’es­quis­ser des moda­li­tés qui sont autant de condi­tions pour arri­ver à une solu­tion. Contrai­re­ment à l’ap­proche de la sépa­ra­tion, qui était et qui est tou­jours au coeur de la poli­tique sio­niste, l’o­rien­ta­tion de ces réso­lu­tions esquisse une autre issue. Si, à l’é­poque, l’ac­cep­ta­tion de la réso­lu­tion signi­fiait la recon­nais­sance des droits de la mino­ri­té juive à un sta­tut net­te­ment plus favo­rable que pou­vait le lais­ser pré­sa­ger sa posi­tion réelle, aujourd’­hui, l’ac­cep­ta­tion de ces prin­cipes est la condi­tion fon­da­men­tale à toute dis­cus­sion. Cela ne veut pas dire accep­ter le plan de par­tage tel quel, mais se fon­der sur ses prin­cipes dans toute ini­tia­tive poli­tique actuelle.

Les prin­cipes les plus essen­tiels du par­tage sont pré­ci­sé­ment ceux qui sont récu­sés par Israël. Le 29 novembre étant une des dates les plus fon­da­men­tales de notre his­toire col­lec­tive, il faut pro­fi­ter de cette com­mé­mo­ra­tion pour en rap­pe­ler les prin­cipes. En les res­ti­tuant dans le contexte actuel, les prin­cipes qui sous-tendent le par­tage demeurent les condi­tions de toute solu­tion : recon­nais­sance mutuelle et coopé­ra­tion équi­table entre Juifs et Arabes. Ils prennent acte de l’i­den­ti­té bina­tio­nale de la Pales­ti­ne/E­retz-Israël et pro­posent une solu­tion fon­dée sur la mobi­li­sa­tion de ce carac­tère binational.

Aus­si long­temps que les repré­sen­ta­tions israé­liennes s’ap­puie­ront sur la néga­tion de la réso­lu­tion du plan de par­tage et de ses consé­quences pra­tiques, la poli­tique israé­lienne sera menée comme elle l’est aujourd’­hui. Dans cette situa­tion, le 29 novembre peut ser­vir de signal pour défi­nir les prin­cipes sur les­quels devrait être fon­dé tout accord diplo­ma­tique futur, que cet accord se concré­tise dans le cadre d’un État unique ou dans le cadre de deux États indé­pen­dants. Quel que soit le type d’ac­cord, il fau­dra prendre en compte autant le prin­cipe du droit à l’au­to­dé­ter­mi­na­tion que celui de l’é­ga­li­té et des consé­quences qui en découlent. La solu­tion qui repose sur deux États ne peut être éla­bo­rée que dans la mesure où elle s’ar­ti­cule sur le prin­cipe de la bina­tio­na­li­té du pays, un prin­cipe reje­té dans les faits par les accords d’Os­lo de sep­tembre 1993.

Mal­gré quelques évo­lu­tions, les pos­si­bi­li­tés qui s’offrent à nous ne sont tou­jours qu’au nombre de deux : un État unique com­mun ou deux États dis­po­sant de droits égaux et fon­dés sur la recon­nais­sance mutuelle. Dans cette pers­pec­tive, l’ap­pel à un retour aux prin­cipes du 29 novembre 1947 signi­fie que, du point de vue juif, nous accep­tons que la recon­nais­sance des droits natio­naux pales­ti­niens est la condi­tion sine qua non de tout pro­ces­sus de paix effec­tif et significatif.

  1. En hébreu, ce terme a la signi­fi­ca­tion ambi­va­lente de « sépa­ra­tion » et de « ségré­ga­tion ». Cette idée guide le « Docu­ment d’en­tente natio­nale » conclu entre le Par­ti tra­vailliste et l’aile prag­ma­tique du Likoud. Elle se fonde sur l’an­nexion à Israël de quelque 50 % de la Cis­jor­da­nie et l’oc­troi d’un cadre éta­tique aux Pales­ti­niens sur les enclaves non annexées. Yediot Aha­ro­not, 14 février 1997.
  2. D’au­tant plus que, selon l’ar­ticle 22 du pacte de la Socié­té des Nations, le man­dat de type A appli­qué à la Pales­tine, à l’ins­tar de celui appli­qué à la Syrie et au Liban, sous-enten­dait que la puis­sance man­da­taire bri­tan­nique devait faire accé­der la Pales­tine à l’in­dé­pen­dance selon les voeux de sa population.
  3. Cer­tains cadres du Mapam (Par­ti ouvrier uni­fié, gauche sio­niste), ain­si que le Maki (Par­ti com­mu­niste de Pales­ti­ne/E­retz-Israël) et la Brit Sha­lom (Alliance pour la Paix) fon­dée par Mar­tin Buber et le rab­bin Judah Magnes.
  4. Ben­ny Mor­ris, The Birth of the Pales­ti­nian Refu­gee Pro­blem, Cam­bridge Uni­ver­si­ty Press, Cam­bridge, 1988. Par contre, pour Ilan Halé­vi, le « trans­fert » est une idée évo­quée avec récur­rence dans les années trente et qua­rante par les diri­geants sio­nistes. Il pro­pose le départ, « négo­cié » ou for­cé, d’une majo­ri­té de Pales­ti­niens vers les États arabes voi­sins. Une abon­dante lit­té­ra­ture hébraïque tend à confir­mer le carac­tère dési­ré, voire pré­mé­di­té, des coups de force démo­gra­phiques opé­rés durant la guerre de 1948 – 1949. Ilan Halé­vi, « Le trans­fert des Pales­ti­niens, une obses­sion cen­te­naire », Revue d’é­tudes pales­ti­niennes, n° 14 (66), hiver 1998.

Amnon Raz-Krakotzkin


Auteur

Amnon Raz-Krakotzkin est historien ([Université Ben Gourion de Beer Sheva->http://bgu.ac.il/Eng/Home/]) et chercheur en histoire juive médiévale, spécialiste de la fonction du « martyre » dans l'historiographie sioniste.