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Les baptêmes… (ça faisait longtemps)
Quand je suis entré à l’université, en 1990, les baptêmes estudiantins étaient un marronnier. Un de ces sujets bateau pour journalistes cherchant à remplir les pages de leur organe de presse. Vers la fin septembre, apparaissaient les révélations fracassantes sur le terrible univers de la guindaille, sur les abus, les dangers, les affres des victimes, les pratiques […]
Quand je suis entré à l’université, en 1990, les baptêmes estudiantins étaient un marronnier. Un de ces sujets bateau pour journalistes cherchant à remplir les pages de leur organe de presse. Vers la fin septembre, apparaissaient les révélations fracassantes sur le terrible univers de la guindaille, sur les abus, les dangers, les affres des victimes, les pratiques horribles… C’était généralement une collecte de on-dit, colportés par des non-baptisés (des fossiles) s’étant entretenus avec l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours.
Je me souviens de la sensation étrange de voir s’étaler les turpitudes d’un monde que je fréquentais à l’époque et dans lequel, malgré de nombreuses observations participantes, je n’avais pu assister au quart de la moitié du cinquième de ce qui était dénoncé.
Et puis, ça s’est calmé. Voilà qu’à l’occasion d’un incident, le sujet ressurgit. N’était la distance temporelle, je jurerais un copier-coller des articles de 1992… soit.
Je n’épiloguerai bien entendu pas sur ce qui s’est passé à Liège, chez les « vétés ». Je n’y étais pas, je ne sais pas ce qui s’est passé, une instruction est en cours, restons-en là. Je ne ferai pas non plus part de mes conceptions sur le baptême estudiantin, sur ceux qui jugent ce qu’ils ne connaissent pas, sur le danger d’apparaitre indéfendable, sur la difficulté qu’a notre société si tolérante à admettre certains débordements lorsqu’ils ne sont pas suffisamment photogéniques (et si c’était là une partie du plaisir ?), sur l’utilité de ces festivités soigneusement encadrées (malgré les apparences, ce milieu est très contrôlé) à l’heure du binge drinking, sur le caractère minoritaire de ces pratiques prétendument obligatoires, etc. D’autres viennent de le faire bien mieux que je ne pourrais le faire1. Et c’est justement leur intervention dans le discours public sur la question qui me paraît frappante.
La comparaison entre le marronnier d’autrefois et celui d’aujourd’hui frappe par le bouleversement de l’univers médiatique. Il n’est pas question ici de la presse, qui semble continuer de souffrir (plus gravement sans doute) des défauts qu’elle avait déjà dans les années 1990. Elle continue d’osciller entre rumeurs, amalgames et cartes blanches. Le degré maximal d’analyse semble être la publication d’un avis « pour » et d’un avis « contre ». Le tour de la question est fait et Dieu reconnaitra les siens. Certes, les « rédactions web », mues par la nécessité de « faire le buzz » et de « susciter des clics » (synonymes de recettes publicitaires) ont aggravé la situation2, mais le ver n’était-il pas dans le fruit il y a vingt ans ?
Les analyses sont à chercher ailleurs, notamment dans les blogs évoqués ci-dessus. Car en 1992, les acteurs, les anciens baptisés, les personnes qui vivaient ou avaient vécu les baptêmes de l’intérieur devaient se contenter de se voir confronter une vision biaisée de ce qu’ils connaissaient. Tout au plus pouvaient-ils espérer passer le filtre du courrier des lecteurs pour obtenir quelques malheureuses lignes en fin de parution… Si le filtre médiatique ne conservait que les témoignages apocalyptiques et les rumeurs tragiques, tant pis pour eux3.
Voilà donc que le débat se répand sur internet, soutenu, bien entendu, par les articles en question, mais également par des échanges informels sur les réseaux sociaux, où chacun peut faire part de son expérience personnelle (ou pas). Le discours public sur la question se teinte dès lors de nombreuses nuances, bien au-delà de ce qui correspond aux impératifs des rédactions. Globalement, au travers de prises de position qui s’assument en tant que telles, peut se développer une réflexion plus générale, qui permet au débat de progresser. La presse, à elle seule, le permettrait-elle ? Il est permis d’en douter.
Il est bien entendu malaisé de mesurer le nombre de personnes touchées par ces considérations, mais il est permis de penser que nous ne sommes qu’au début des modifications et que la situation évolue chaque jour. Il n’est pas interdit d’être optimiste et de convenir que l’information n’est plus exclusivement, voire, plus principalement, à trouver dans la presse. Ou, plutôt, que si la relation des faits par la presse reste importante, le recul, les analyses, les décryptages ont de plus en plus souvent lieu loin d’elle. Fort loin. Qui a dit, en fin de compte, que le déclin de la presse était un coup terrible pour la démocratie ? Et si ce n’était qu’une des nombreuses étapes dans l’histoire de l’information ? L’ouverture d’une ère nouvelle où nous serons peut-être mieux abreuvés qu’autrefois ?
Et La Revue nouvelle ? Elle se porte bien, merci pour elle. L’artisanat est un mode de production qui s’accommode fort bien des décentralisations et de la polyphonie.
- Vous trouverez ici quelques billets de blogs qui tentent de remettre les pendules à l’heure à propos du baptême estudiantin : http://delicious.com/xtophemincke/baptême
- Particulièrement emblématique est la relation par la DH — sur internet — d’un suicide à l’École royale militaire, qui se termine par : « Le suicide est retenu, et pas dans l’hypothèse d’un baptême d’étudiants qui aurait mal tourné par exemple. » On ne pourrait rêver plus opportuniste…
www.dhnet.be/actu/faits/l‑etudiant-de-l-ecole-royale-militaire-s-est-suicide-52429ecf3570bed7db9dd223 - On notera que, à l’inverse, la question étant sortie de l’écran des radars de la presse pendant quelques années, les innombrables victimes de ces pratiques d’un autre âge auraient pu trouver par ce biais un autre accès au discours public.