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Le stade Antigone
Parmi les héroïnes qui ont traversé les siècles et ont étrillé les imaginations, certaines figures se démarquent et se rappellent à nous, de manière insistante, ou plutôt devrais-je dire, se rappellent à moi. Si Freud s’est servi du mythe associé au père de la jeune femme – faut-il encore nommer ce fameux complexe ? –, il a tourné le dos à la fille. Or, avec le développement et la reconnaissance progressive de cette phase entre l’âge enfant – non, nous ne sommes pas directement nés matures, et oui, même les nourrissons sont capables de ressentir la douleur – et ce sacrosaint âge adulte, est apparue cette latence parfois décriée, parfois enjolivée qu’est l’adolescence. Cet âge des affiliations, des rébellions, des certitudes, des conquêtes, auquel on a (peut-être) injustement trop associé Antigone.
Parmi les héroïnes qui ont traversé les siècles et ont étrillé les imaginations, certaines figures se démarquent et se rappellent à nous, de manière insistante, ou plutôt devrais-je dire, se rappellent à moi. Si Freud s’est servi du mythe associé au père de la jeune femme – faut-il encore nommer ce fameux complexe ? –, il a tourné le dos à la fille. Or, avec le développement et la reconnaissance progressive de cette phase entre l’âge enfant – non, nous ne sommes pas directement nés matures, et oui, même les nourrissons sont capables de ressentir la douleur – et ce sacrosaint âge adulte, est apparue cette latence parfois décriée, parfois enjolivée qu’est l’adolescence. Cet âge des affiliations, des rébellions, des certitudes, des conquêtes, auquel on a (peut-être) injustement trop associé Antigone.
Dans une certaine lecture du mythe, des textes, de l’histoire telle qu’elle nous est contée dans les diverses versions qui émaillent nos – ma – bibliothèques, Antigone se dresse face à l’injustice, sans usage de la force. Elle vient avec sa parole et sa morale, qu’elle offre en pâture à l’avidité du pouvoir et au cynisme de la gouvernance. Elle oppose le droit à une sépulture digne pour tout homme à la logique de l’exemple punitif, par nature disproportionné et injuste. Elle refuse d’accepter moins que ce que le droit consacre, le droit à une vie et une mort digne. Elle refuse d’accepter moins que ce qu’elle offrirait elle-même.
Et nous, et moi, qu’ai-je accepté ? Qu’avons-nous abdiqué ?
Comment accepter tout un battage médiatique autour d’un président de parti flamand de l’extrême droite – soi-disant à « ostraciser » à l’aide d’un « cordon médiatique » – qui n’a pour seul résultat que de maintenir ledit politicien en tête des sondages de popularité au Nord du pays ?1
Comment accepter que, dans le même temps, la secrétaire d’État à l’asile et à la migration – faut-il encore mettre des majuscules quand ces mots ont été vidés de leur substance par les gestionnaires mêmes de cette administration ? –, qui renie le droit international, et qui bafoue au passage, a minima, les droits humains, reste tranquillement en poste, sans être inquiétée ni remise en question ? Les plus cyniques diront qu’on peut rire, quand le dossier en arrive à des absurdités extrêmes : des huissiers de justice qui confisquent aux collaborateurs de cette secrétaire délétère… leurs machines à café2pour rembourser en monnaie de singe cette dette déshonorante. Combien de machine à café faudra-t-il rendre pour pallier l’inhumanité de nos politiques d’in-accueil ?
Comment tolérer qu’un président du conseil européen puisse, visiblement en toute in-conscience de la dignité de son poste et de l’importance de la continuité du pouvoir, décider dans les premières mesures de la ronde électorale de faire un pas de côté, de se retirer pour mieux revenir, comme un boomerang, car il aurait tiré la liste aux élections européennes de son propre parti3 ? Il est vrai que, dans ce monde où les flexi-jobs et les emplois précaires pullulent, il faut penser à sa carrière, et se prémunir de toute chute sociale. Il en va de l’image que ce politicien aura à tenir devant le juge implacable qu’est son père. Cependant, dans le concours de danse auquel il était inscrit, d’autres juges ont finalement pointé le bout de leur nez, et si notre homme veut garder des partenaires de tango pour l’avenir, finalement, il devra bien rester dans la danse4 – à moins qu’il ne trouve une autre pirouette in-acceptable dans l’intervalle jusqu’aux élections de juin prochain.
Comment ne pas grincer des dents – voire vouloir mordre – quand la question de la consolidation du droit à l’avortement n’est mise à l’agenda politique qu’en période électorale pour affirmer un blocage de la pensée5, une fermeture totale aux discours des médecins et acteurs de terrain ? Il est vrai que, de tout temps, les femmes ont dû conquérir de dure lutte les droits qui concernent leur corps, leur autonomie, leur vie. Faut-il pour autant que leurs utérus soient systématiquement le champ dévasté d’un marchandage politique ? Quand ce droit aura été remisé au placard, quelles oppressions nous reviendront en backlash ?
Comment comprendre qu’un (président de parti) social-démocrate, forcé de démissionner de son poste au parlement pour propos racistes6, soit toujours envisagé comme « le joueur vedette qu’on ne laisse pas sur le banc de touche » pour les élections ayant lieu six mois plus tard ? Nous, population guidée par ces aveugles, sommes-nous donc si oublieux des ornières du passé et des affronts récents ? Avons-nous donc si peu de mémoire, ou bien manquons-nous juste, collectivement, de guignols à mettre à la tête d’un pays de toute manière dirigé par l’économie internationale néolibérale ?
Comment, même à un niveau local, soi-disant de « proximité », les élus communaux osent-ils retarder leurs réponses à des questions/interpellations citoyennes légitimes, pour ne rendre leur avis que deux mois après réception des demandes, opportunément le jour de la Saint-Nicolas ? Dans ce cas-là, qui est-on supposé remercier ? Le grand saint, pour nous avoir offert en cadeau quelques mots pour essuyer le refus désolant qu’ils consignent, ou le politicien, pour avoir eu le courage de justifier l’inaction de ses politiques d’aménagements du territoire ?
Comment comprendre le courage politique dont font montre les représentants de notre classe politique – les uns en racolant les électeurs avec de fausses déclarations et en se défaussant ensuite, lorsque le pot aux roses est révélé, sur l’in-expérience7 de leur service d’étude ; les autres en taisant un trafic de cocaïne8 au sein même de leur cabinet ? Je ne pense plus qu’il faille s’étonner de la déconnexion de nos dirigeants : leur attitude démontre trop bien leur désintérêt pour la chose publique et l’intérêt commun.
Alors, oui, maman, je suis en colère, j’éructe, je gesticule – en vain –, et surtout, j’ai peur. Parce que je n’ai pas le cynisme de fermer les yeux, parce que je ne veux pas accepter ce monde d’inégalités, de discriminations, d’injustices. Parce que je me demande si une immolation – ou une inhumation in vivo – devant les institutions belges pourrait enfin provoquer une réaction intelligente du monde politique ou un « printemps des peuples » de mes concitoyens.
- Cf. RTBF info, 12 octobre 2023, https://www.rtbf.be/article/sondage-le-choix-des-belges-vlaams-belang-et-n-va-en-tete-rendent-la-flandre-difficilement-gouvernable-rousseau-le-plus-populaire-11270422
- Cf. La Libre, 11 janvier 2024, https://www.lalibre.be/belgique/judiciaire/2024/01/11/congelateur-et-machine-a-cafe-du-cabinet-moor-saisis-par-huissier-LLT3HVAXABEEZEWXMBOPXKLTBI/
- Cf. France24, 8 janvier 2024, http://tinyurl.com/26vzp9jt
- Cf. Le Soir, 26 janvier 2024, https://www.lesoir.be/564161/article/2024 – 01-26/charles-michel-se-retire-de-lelection-europeenne
- Cf. Le Soir, 28 janvier 2024, https://www.lesoir.be/564379/article/2024 – 01-28/ivg-sammy-mahdi-cdv-ne-croit-pas-une-majorite-de-rechange
- Cf. La RTBF, 7 décembre 2023, https://www.rtbf.be/article/conner-rousseau-vooruit-ex-president-de-parti-desormais-ex-depute-11297425
- Cf. L’Echo, 19 janvier 2024, https://www.lecho.be/economie-politique/belgique/economie/raoul-hedebouw-nous-avons-fait-une-erreur-de-raisonnement-sur-colruyt/10520448.html
- Cf. Le Soir, 26 janvier 2024, https://www.lesoir.be/564049/article/2024 – 01-26/de-la-cocaine-au-cabinet-de-caroline-desir-huit-suspects-mis-la-disposition-du