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Le service citoyen : un projet bientôt concrétisé ?
« Les hommes ne naissent pas citoyens, mais le deviennent », a écrit Spinoza. Cette idée est au cœur du projet de la Plateforme pour le service citoyen, qui fédère de nombreux organismes autour de la création d’une loi permettant à chaque jeune de s’engager, six mois durant, dans des projets utiles à la société. Les jeunes le réclament, par […]
« Les hommes ne naissent pas citoyens, mais le deviennent », a écrit Spinoza. Cette idée est au cœur du projet de la Plateforme pour le service citoyen, qui fédère de nombreux organismes autour de la création d’une loi permettant à chaque jeune de s’engager, six mois durant, dans des projets utiles à la société. Les jeunes le réclament, par ailleurs ! Qui sait que sept jeunes sur dix souhaitent participer à un projet citoyen1 ? Souvent, l’image des jeunes ne correspond pas à celle que l’on s’en fait ou que l’on nous communique.
D’un point de vue plus sociologique, le rapport du jeune à la société a changé. Les institutions se voient de plus en plus remises en question par la jeunesse. « La perte de repères dont souffrent beaucoup de jeunes actuellement se ressent dans la défiance et le décalage qui existent entre eux et les institutions, qu’elles soient familiales, politiques, spirituelles, etc. », explique François Ronveaux, le directeur de la Plateforme pour le service citoyen. Le temps de la jeunesse s’allonge et laisse la place à un espace de flottement entre la scolarité et l’entrée dans le monde du travail. Pour éclairer les pas des jeunes dans ce passage d’un monde à l’autre, celui qui mène vers l’autonomie et la vie active, cette plateforme propose l’organisation d’une nouvelle étape de vie au cœur de laquelle les jeunes se mettent au service de la collectivité et prennent le temps de réfléchir à leur avenir.
Le service civil en tant qu’objection de conscience a disparu avec le service militaire en 1993. « À la différence de la France, il n’a pas été remplacé, ni transmuté dans des programmes qui auraient été intéressants pour les jeunes, continue François Ronveaux. La finalité de notre plateforme est la création d’une loi qui instaure un service citoyen pour les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, comme il en existe dans six autres pays européens. »
Il y a trois ans et demi, sensibilisées par une certaine actualité difficile, trois associations — Asmae, Trans-Mission et Solidarcité — se regroupent et obtiennent le soutien financier de la fondation Benoît. Celle-ci apporte un appui aux associations qui œuvrent pour l’émancipation des jeunes adultes. C’est notamment après l’assassinat de Joe Van Holsbeeck, alors que les médias et les politiques prennent position par rapport au service citoyen, que la plateforme est fondée. Celle-ci commence d’abord par faire du lobbying auprès de la société civile et des pouvoirs politiques. En Belgique, les jeunes ne connaissent plus le concept de service civil et beaucoup d’adultes l’ont presque oublié. « Mais lorsqu’on l’explique, les gens voient vite l’intérêt d’un tel engagement. » Il est vrai que beaucoup de jeunes se perdent dans le choix d’une orientation professionnelle. Sur la base de ce constat, la Plateforme pour le service citoyen pense qu’il serait utile d’instaurer un temps intermédiaire entre l’école et la vie professionnelle.
Une nouvelle loi ?
Les politiques aussi sont sensibles à un tel projet, qui aurait pu aboutir si le gouvernement n’était pas tombé en avril dernier. En effet, un sénateur CDH, André du Bus, avait déposé une proposition de loi en ce sens, en mars 2010, et l’association avait été auditionnée au Sénat. La commission de l’Intérieur, présidée par Philippe Moureaux, semblait plutôt convaincue. L’absence de gouvernement a cependant tout bloqué. Mais les promoteurs n’ont pas capitulé. La proposition de loi a été redéposée le 22 mars 2011, toujours par le sénateur du Bus, devant la commission des Affaires sociales cette fois. « La proposition de loi a été bien accueillie par les membres de la commission autant francophone que néerlandophone », se félicite François Ronveaux. Plus surprenant, la N‑VA et l’Open VLD voudraient même voir la loi aboutir cette année.
Une nouvelle tranche de vie
Qu’est-ce qu’un service citoyen et comment serait-il mis en place ? La plateforme le conçoit comme un projet destiné principalement aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. D’une durée assez longue, entre six et neuf mois, cette expérience intense permettrait au jeune qui l’a choisie (il s’agirait, en tout cas pour les premières années, d’une participation volontaire) de s’engager dans différents domaines tels que l’aide aux personnes, la solidarité ou l’environnement. Cet engagement à temps plein prendrait une place importante dans la vie d’un individu. Un des buts majeurs est de favoriser à la fois l’émancipation et la participation du jeune au « vivre ensemble ». Celui-ci garderait cette expérience en tête toute sa vie. La durée est effectivement importante si l’on veut que le service citoyen devienne une tranche de vie formatrice et décisive.
Fédérer les jeunes
Cependant, si le participant y gagne en expérience et en formation, il s’agit d’une opération tout aussi bénéfique pour l’État. Le jeune serait soutenu par le pouvoir fédéral, qui en retour verrait sa jeunesse œuvrer pour les besoins sociaux du pays. Le service citoyen doit donc s’adresser et être accessible à tous. Quelles que soient l’origine, la communauté ou les compétences. Ce serait d’ailleurs un ferment solide pour rapprocher le nord et le sud de la Belgique, car le service citoyen est un programme fédéral qui permettrait aux jeunes des trois Communautés de travailler ensemble, tout en apprenant une langue et en s’immergeant un temps de l’autre côté d’une frontière linguistique ; ce qui contribuerait à enrayer le processus de distanciation communautaire.
« Idéalement, nous dit François Ronveaux, le programme s’étendrait sur neuf mois voire une année, le tout réparti en trois périodes égales qui se dérouleraient dans des endroits différents. » La première partie aurait lieu dans la Communauté d’origine du jeune, la deuxième dans une autre Communauté et la dernière dans un autre pays d’Europe. Plusieurs variantes sont évidemment possibles, et le départ à l’étranger n’est pas une nécessité — en tout cas dans les premiers temps. Pour la plateforme, il s’agit d’avancer progressivement, mais elle n’a pas pour autant attendu de décision politique pour mettre en pratique ses propositions.
Un projet pilote
Grâce à des fonds de la Région wallonne, une première expérience de service citoyen est actuellement vécue par une quarantaine de jeunes en cette année européenne du volontariat. Ce « test », d’une durée de cinq mois, propose diverses missions, telles que l’animation d’enfants dans des centres pour demandeurs d’asile, l’accompagnement de familles dans l’adoption d’éco-gestes ou encore l’organisation d’évènements durables et équitables. 80% du temps est consacré à ces activités au service de la communauté. Une mission principale occupe 70% du temps et une autre mission complémentaire se déroule ailleurs pendant les 10% restant. De cette manière, les participants peuvent découvrir différents secteurs et les comparer.
Le reste du temps (20%) est destiné à la formation des volontaires qui reçoivent des formations générales (citoyenneté, dynamique de groupe, gestion des conflits…) et participent à des temps d’échange et de maturation d’un projet d’avenir. Il s’agit, à travers ces discussions entre les jeunes, de susciter la réflexivité et permettre une prise de distance. Écouter le vécu des autres et mettre des mots sur ses impressions favorisent la compréhension et l’assimilation des acquis expérientiels.
La Plateforme pour le service citoyen fédère une trentaine d’associations qui supportent le projet et accueillent les premiers volontaires en leur sein. Mais comment insérer ce service citoyen dans un véritable parcours de formation à la citoyenneté ? Quel statut et quelle reconnaissance pour le jeune en service citoyen ? De quel ministère le service citoyen devrait-il être la compétence ? Autant de questions qui persistent et auxquelles une étude prospective, financée par la Communauté française, devra répondre.
Il faudra ensuite évaluer les projets pilotes successifs, observer l’engouement des jeunes, leur motivation et leur engagement dans une nouvelle forme d’institutionnalisation de leur parcours de vie. Ne sentiront-ils pas ce projet de citoyenneté comme une nouvelle contrainte, un autre moyen de cadrer et de contrôler leur avenir ? Permettre un temps supplémentaire de réflexion avant de s’engouffrer dans la réalité du monde professionnel est une excellente idée si elle n’est pas considérée comme une obligation supplémentaire, mais bien comme une nouvelle opportunité d’émancipation et d’apprentissage.